Œuvres politiques de Charlotte de Corday

Œuvres politiques de Charlotte de Corday
Le Gost (p. Couverture-TdM).

ŒUVRES POLITIQUES

DE

CHARLOTTE DE CORDAY

DÉCAPITÉE À PARIS LE 17 JUILLET 1793

RÉUNIES PAR

UN BIBLIOPHILE NORMAND

AVEC UN

FAC SIMILE INÉDIT.


[Image à insérer -->]


CAEN

E. LE GOST, LIBRAIRE

RUE ÉCUYÈRE,36.


PARIS

FRANCE, LIBRAIRE

QUAI VOLTAIRE, 9


1863
À LA MÉMOIRE

DE

CLAUDE-JOSEPH RENARD

MON AÏEUL

SERGENT AU RÉGIMENT DU ROI EN 1781,

DÉCÉDÉ

GÉNÉRAL DE BRIGADE LE 20 JUILLET 1801.

CH. R.
50%

Si, en publiant ce que nous appelons les œuvres politiques de Charlotte de Corday, nous avions obéi à une pensée de spéculation, nous serions sans doute coupable aux yeux des bibliophiles, nous leur demanderions humblement pardon et de la joie que notre titre aurait pu leur causer, et de la déception qui aurait suivi la lecture du reste.

Mais il n’en est pas ainsi, notre désintéressement à cet égard est complet.

Possesseur d’un assez grand nombre de documents sur la Révolution française ; obligé, pour la mise en ordre de notre collection, de la diviser en époques, dates, faits, noms, et de former des recueils ou cartons dont les titres pussent servir de points de repères chronologiques, nous nous efforçons de combler les lacunes au fur et à mesure que l’histoire nous les signale.

En dehors des publications sur Charlotte de Corday, nous ne possédions rien qu’on pût rattacher directement à sa personnalité. Son nom ne pouvait cependant être oublié dans notre collection et nous avions eu l’idée, pour lui consacrer un carton spécial, d’y faire figurer les différents écrits de notre compatriote, révélés par son procès, ou qui lui étaient attribués authentiquement par les auteurs contemporains. Nous aurions fait imprimer ces écrits sur un seul exemplaire, et nous eussions eu ainsi un nouveau carton et une nouvelle illustration dans notre bibliothèque.

Mais une circonstance nous a convié à élargir notre cadre :

Ayant eu la bonne fortune de découvrir l’original de la dernière lettre de Charlotte de Corday, lettre écrite par elle pour ainsi dire au pied de l’échafaud, nous avons cru qu’il serait intéressant de publier le fac-simile de cette pièce, qui, jusqu’à présent, a toujours été reproduite inexactement.

Mais pour qu’une publication de cette nature pût être faite utilement, il fallait la rattacher à un livre quelconque concernant l’héroïne ; où pouvait-on rattacher cette pièce ? Suivant nous, c’était au recueil de ses lettres.

De là l’idée de cet opuscule, dont les exemplaires sont en majeure partie destinés à nos amis. On appréciera si la réunion sous un même titre des écrits de Charlotte (épars dans cinq ou six ouvrages différents), si cette réunion donnant ou rétablissant les textes vrais et évitant ainsi des recherches ou des erreurs, n’a pas un certain caractère d’utilité.

Enfin, s’il faut l’avouer, l’idée de pouvoir consacrer quelques lignes à cette jeune fille, qui, la veille, obscure et ignorée, devint célèbre le lendemain, moins peut-être par la mort de Marat que par les immortelles pages adressées à Barbaroux. Cette idée, disons-nous, devait séduire un collectionneur, nous avons succombé à la tentation ; ceux d’entre nos confrères en bibliophilie qui auraient résisté, pourront nous jeter la première critique.

Nous avons dit ailleurs [1], que la lettre dont nous donnons le fac-simile était tracée sur un papier grossier, et qu’un cachet en fermait le pli. Douze ans environ s’étaient écoulés depuis que nous n’avions vu l’autographe, et nos souvenirs n’étaient pas restés fidèles ; nous avons pu nous assurer, en le revoyant récemment, que la lettre était écrite sur le premier battant d’une feuille double de papier à lettre in-4o, à filigranes verticaux, avec écu héraldique ou marque de fabrique du temps au milieu. Cette lettre ne fut pas close, et très-vraisemblablement ployée en quatre, comme le fait supposer l’aspect de l’original, elle fut laissée en cet état, sans adresse, sur la table où Charlotte l’écrivit.

Le fac-similé est d’une exactitude irréprochable, soit quant à la forme extérieure, soit quant à la reproduction des caractères et à la couleur de l’encre, le papier seul diffère un peu, l’imitation ne pouvant aller jusque-là.


Nous supposions que la question de savoir si Charlotte de Corday avait eu des complices, était résolue par tous ses historiens et les pièces de son procès ; nous serions dans l’erreur, si nous en croyions une lettre qui nous a été adressée de Paris en janvier dernier par M. D…

Voici quelques passages de cette lettre :

· · · · « Mais voilà qu’aujourd’hui, il s’agit de choses graves et qui mettent en émoi deux camps fort opposés.

« Notre ami V… et l’ami Ch… (Marie de Corday et Marat)[2], vivaient en paix, côte à côte et même en bons rapports, et voilà que, survenant, je jette entr’eux la pomme de discorde. Je souffle le feu, j’attise cette vieille haine des Cordeliers contre les Girondins. Ch… dit à V… : Votre Corday n’est qu’un vulgaire assassin à qui les Girondins ont monté la tête et mis les armes à la main. M. D… le prouve, et V… de répondre : C’est un plaidoyer ; non, c’est un réquisitoire, que fait M. D…, il suppose, mais il ne prouve pas. Ce qu’il dit est spécieux, mais n’est pas vrai !

« Et vous voilà, vous, Monsieur, naturellement désigné par les parties contondantes pour être le grand juge de la question qui sépare ces deux athlètes. — Quant à moi, je reste impavide, et quel que soit le temps que la vérité mette à se faire connaître, j’attends que la lumière se fasse, pénétré, convaincu que je suis de la réalité de mon thème.

« Voici ce dont il s’agit : Saint-Just fit, le 8 juillet, son acte d’accusation contre les trente-deux Girondins, dont les conclusions furent adoptées le 28 du même mois.

« Les Girondins y répondirent de Caen par une brochure in-8o de trente-deux pages, intitulée : Observations sur le rapport des trente-deux Girondins, par une société de Girondins ; on y lit à la fin de la page 30 :

« Courage M. de Saint-Just (dans le cours de la brochure, on l’appelle M. le chevalier, M. de Saint-Just, M. le chevalier de Saint-Just), encore quelques moments, vous, vos amis du salut public, votre Marat surtout. Oui, vils scélérats ! le moment des vengeances approche, la toute-puissance nationale vous environne, la hache est prête !

« Puis, page 31. Et vos têtes coupables ne peuvent plus se dérober à la justice du peuple qui s’avance et qui déjà s’appesantit sur vous.

« De Caen, le 13 juillet 1793, l’an II de la République française une et indivisible (brochure attribuée à Louvet).


« Et le même jour 13 juillet 1793, Marie de Corday assassinait Marat, votre Marat !  ! la justice du peuple s’appesantit sur lui !

Dans les souvenirs de l’insurrection normande, Mancel dit, page 271 : « Datée de Caen le 13 juin 1793, et c’est une erreur, la brochure est bien du 13 juillet an II, je ne crois pas que notre ami Mancel ait voulu déguiser cette date fatale.

« 13 juillet — Arrivée des dix-sept volontaires et des cent treize hommes, en tout cent trente hommes partis de Caen avec Wimpffen pour Brécourt, ils s’enfuirent et se dispersèrent le 14.

« 7 juillet. — Grande revue au Cours-la-Reine, Marie de Corday y est ; elle part de Caen le 9, arrive à Paris le 11, tue Marat le 13, le jour même de l’arrivée à Paris de la nouvelle de la bataille et de la victoire qu’elle attendait de Brécourt.

« Le jour de la publication de la brochure Marat surtout est menacé de la hache populaire.

« Le jour même, le 13 juillet, où Adam Lux publie son premier pamphlet, aussi daté de Paris le 13 juillet de l’an II de la République une et indivisible. C’est à l’avant-dernière page que l’on trouve la date : De Paris, le 13 juillet, l’an II de la République française une et indivisible.

« Tous ces faits s’enchaînent. — La grande revue de la garde nationale au Cours-la-Reine le dimanche 7 juillet, Marie de Corday y est, elle assiste à la sortie des rangs de ces dix-sept volontaires, un par membre de la Convention, réfugiés à Caen. Ce jour-là ils étaient aussi dix-sept ! je ne compte pas de Cussy, il était de Caen.

« Le 8, l’armée insurrectionnelle qui vient affranchir Paris du joug de la Montagne, part sous le commandement de Wimpffen pour Evreux, ils étaient cent trente.

« Le lendemain 9, Marie de Corday part à son tour pour Paris, avec un passeport du 21 avril 1793, pris par elle pour Argentan, ce qui, par parenthèse, prouve qu’on voyageait assez librement à cette époque.

« Dans tous ces faits, ne trouvez-vous pas une preuve géminée d’un complot ? Tout s’enchaîne., tout est prémédité, Marie de Corday connaissait la brochure ; en la lisant attentivement, on y trouve des pensées, des mots qui se reproduisent dans les autographes publiés par V… [3]. Elle fut le bras qui exécuta les menaces des Girondins, elle exécuta, le 13, le meurtre arrêté, combiné, dès le 7, dans les conciliabules girondins où elle assista.

« Elle tue au moment où la brochure est publiée à Caen, où l’armée des amis de la paix, des Girondins doit être victorieuse à Evreux.

« Le 13 juillet 1793.

« Et c’est le même jour que son complice, Adam Lux, publie son premier pamphlet !  ! Voilà l’accusation bien nettement formulée [4] !

« Pourrait-on, Monsieur, aujourd’hui parvenir à connaître les faits qui se passaient à Caen le 9 juillet 1793 ?

« Qui a imprimé la brochure incriminée ? Où est le manuscrit ? Quand a-t-on commencé l’impression ? Serait-ce le 7 ou le 8 juillet, comme je le présume ? Ah ! M. Rd., vous qui savez tant de choses, sachez-nous donc cela, et apportez-nous dans l’un des plateaux de la balance votre avis si éclairé ?

« Vous possédez, Monsieur, dans votre précieuse collection tout ce qui fut imprimé à Caen à cette époque, par exemple, la proclamation de l’Assemblée centrale de résistance à l’oppression, signée par Wimpffen et adressée aux Parisiens ?

« Tout n’est pas dit sur cet épisode si curieux de la Révolution…… »

Nous remercions notre correspondant de la confiance qu’il veut bien nous témoigner, et nous désirons, sans avoir la présomption de le lui imposer, que notre humble avis sur les questions si délicates qu’il nous adresse, puisse être décisif dans la discussion soulevée entre lui et les deux honorables personnes qu’il cite.

Les débats du procès de Mlle de Corday, ses réponses, ce qu’on connaît de son éducation, de ses habitudes de bonne compagnie et de son caractère réservé, excluent l’idée qu’elle ait pu assister à des conciliabules où la mort de Marat aurait été discutée et arrêtée ; qu’elle ait pu à cet égard subir une pression directe que sa nature chevaleresque et pleine d’initiative lui eût fait repousser avec horreur et dédain.

Il est d’ailleurs prouvé qu’elle ne fit que deux visites aux Girondins proscrits, accompagnée du domestique de sa tante, et que ces visites eurent lieu dans les salons de l’Intendance, ouverts à tout venant.

On ne peut donc, suivant nous, affirmer ou hasarder qu’elle eut des complices dans le sens absolu, étroit, juridique du mot.

Mais on peut assurer :

Que si les proscrits du 31 mai n’eussent pas cherché un refuge à Caen ;

Que si, par suite de leur présence, notre ville ne fût pas devenue le centre du mouvement fédéraliste contre la Montagne ;

Que si Mlle de Corday n’eût pas assisté à cette revue du 7 juillet, où, sur une population pouvant fournir un contingent armé considérable, dix-sept hommes seulement se dévouèrent, ce qui plus tard fit dire ironiquement à notre héroïne, qu’il suffisait de la main d’une femme.

On peut assurer, disons-nous, que sans ces diverses circonstances qui conspirèrent avec elle à son insu, en exaltant son patriotisme ou son fanatisme si l’on veut, Charlotte de Corday n’eût jamais songé à terminer la guerre civile par l’assassinat de celui qu’elle en considérait comme le promoteur.

Enfin, même en dépouillant cette jeune fille du prestige et de l’auréole poétique dont la tradition l’a entourée, on ne pourra jamais écrire et persuader surtout qu’elle ne fut qu’un vulgaire assassin.


Le journal du département du Calvados [5], qui se publiait deux fois par semaine à Caen, sous le titre d’Affiches, annonces et avis divers, contient sur Charlotte de Corday quelques détails curieux qui, vu l’obscurité de cette feuille et les rares emprunts que les écrivains normands lui ont faits, nous paraissent avoir tout le mérite de l’inédit.

Ce journal qui était, d’après ce que nous supposons, le seul organe de la publicité dans notre ville, embrassa chaudement le parti des Girondins ; aussi, dans son numéro du 27 juin 1793, en reproduisant les débats de la Convention, il qualifie cette assemblée de soi-disant Convention nationale, de Conventicule montagnard, et continue sur le même ton jusqu’au 25 juillet.

Mais après la défaite de Vernon, la dispersion des forces départementales et l’annonce de l’arrivée des commissaires de la Convention chargés de faire l’enquête sur les troubles et d’épurer le département, le journal du Calvados paraît faire amende honorable, le lecteur pourra apprécier, dans les extraits que nous rapportons, le retour prudent du rédacteur, qui ne se souciant probablement pas d’être épuré, traite Charlotte de criminelle et de fanatique, en restituant à la législature son titre de Convention nationale dans son numéro du 25 juillet.



No du 18 juillet :

« Marat, l’ami des fripons et le père des assassins ; Marat, pour qui une horde de brigands combat sous les murs de Vernon ; Marat n’est plus ; une citoyenne de Caen lui a plongé deux coups de poignard dans le sein, en disant : Scélérat, tu as perdu ma patrie, expie tes crimes. Cette fille qu’on dit s’appeler Charlotte Corday est arrêtée et paraît ne pas craindre les horreurs de la mort ; elle montre dans ses interrogatoires un sang-froid qui étonne… Après l’action, le peuple est accouru en masse ; il a vu la jeune personne qui a donné les coups de poignard, et plusieurs voix se sont écriées : Elle a bien fait ; elle ne mourra pas. »


Soi-disant Convention nationale.


« 14 juillet. — Divers députés des sections viennent annoncer que Marat a été assassiné ; tant pis, dit l’un, tant mieux, dit l’autre ; Chabot, qui excelle en conjectures et en scélératesses, vient dire que Charlotte Corday, fille d’un ci-devant écuyer, dit Armond, native de Caen et âgée de vingt-cinq ans, est celle qui a poignarde l’Ami du peuple ; cette fille est arrivée jeudi à Paris ; vendredi elle demande à Marat une heure de conférence. Marat ne répond pas à la lettre ; le lendemain soir, elle se présente chez lui ; elle est admise ; elle entre et promet de dénoncer un grand complot. Au même instant, Marat qui était dans son bain, se lève, est percé de deux coups de poignard et jette un cri ; on vient, cette fille reste assise sur une chaise et demande à jouir du spectacle de voir expirer le monstre qui a perdu sa patrie… ; elle est arrêtée, conduite, à travers un peuple immense, au Comité de sûreté générale de la Convention ; là, interrogée, elle avoue le fait ; un membre lui représente qu’elle sera guillotinée, elle le regarde avec un œil de pitié ; toujours de sang-froid, elle proclame que son crime, si c’en est un, a été conçu et exécuté par elle, et qu’elle n’a aucuns complices, qu’elle ne craint pas la mort… ; elle est menée dans une prison. — Chabot trouve aussitôt que, parce que cette fille était venue voir Barbaroux, logé à Caen, à qui elle avait demandé une lettre de crédit pour Duperret, son ami, afin de retirer des papiers qui étaient enfouis dans un des bureaux du ministère de l’intérieur, que parce que cette fille avait bien voulu se charger de paquets de papiers imprimés à Caen, et adressés à Barbaroux et à Fauchet ; Chabot trouve aussitôt dans ces deux hommes deux complices de l’assassinat ; logique meurtrière, mais bien digne de Chabot on mande à la barre les deux députés ; Duperret avoue que cette fille est venue chez lui et lui a apporté des papiers et une lettre adressés par Barbaroux, et il demande où est son crime. Fauchet assure qu’il n’a vu cette fille qu’une fois chez lui, et qu’elle lui a apporté des nouvelles de son département, mais que du reste il ne la connaît pas en plus outre ; nonobstant ces explications, Duperret est décrété d’accusation, et Fauchet, mis en état d’arrestation, ainsi que tous les députés du Calvados… et nous sommes dans le siècle de la justice !

« 15 juillet. — Couthon demande la rédaction de l’acte d’accusation contre Brissot, tandis que la guillotine est en fonction permanente. Il en revient à Duperret et recommande aux jurés le soin de le convaincre de la complicité de l’assassinat de Marat…… »


No du dimanche 21 juillet :

« PARIS. — Le procès de la brave Corday, qui a assassiné Marat, s’instruit en poste au Tribunal révolutionnaire. Cette jeune héroïne montre toujours sa grande fermeté et ne cesse de répéter qu’elle a fait une action méritoire ; comme elle présume sans doute que les forces départementales se réuniront sous Paris avant un mois, et que si sa tête n’expire pas sous le fatal couteau, elle conservera ses jours ; ou plutôt comme elle ne veut pas que ses bourreaux immolent à leur vengeance jusqu’au fruit qu’elle porte dans son sein, elle vient de déclarer qu’elle est enceinte de près de quatre mois… Chabot dira-t-il que c’est du fait des Barbaroux, Duperret et Fauchet, qui ne l’ont vue qu’une fois depuis dix jours ? Pourquoi pas ? Chabot est au-dessus de la nature, et il nous dira bonnement, c’est un mystère ; mais il faut le croire, parce que je vous le révèle.

 
 



« Charlotte Corday vient de périr sur l’échafaud ; elle a montré une contenance fière depuis le moment de son crime jusqu’à l’heure de son exécution. Sa beauté a conquis tous les spectateurs. Nous ne nous attendions pas à voir une si prompte exécution. »


No du jeudi 25 juillet :

« Paris, 18 juillet. — Marie-Thérèse Corday, la meurtrière de Marat, a été exécutée hier. Cette criminelle a conservé jusqu’à son dernier moment le sang-froid d’un fanatique.

« Pour mieux faire connaître son crime, nous rapporterons ici un extrait de son interrogatoire.

« À elle demandé, etc., etc. »



Comme criterium de la véracité du fait du sursis en question, nous ne croyons mieux faire que d’indiquer, s’il en était besoin, la dernière page d’une étude historique sur Charlotte de Corday, publiée par M. de Monteyremar en 1862.

« Disons, pour terminer, que la curiosité des partisans de Marat voulut chercher sur le corps inanimé de la jeune suppliciée une preuve de flétrissure. Ce dernier et si triste outrage [6] devait prouver l’innocence des mœurs et la virginité de Charlotte Corday, au lieu de la honte et de l’infamie que ses ennemis croyaient et espéraient bien rencontrer. Cette preuve irrécusable ne devait-elle pas faire cesser tous les soupçons et toutes les injustes suppositions qui avaient voulu donner à la jeune républicaine un mobile purement personnel, et tout autre évidemment que glorieux de se dévouer pour le salut d’un principe, en même temps que pour le salut et le bonheur de ses concitoyens.

« N’était-ce pas aussi pour les poëtes à venir un nouvel éclat donné à la physionomie déjà si belle, déjà si courageuse et maintenant si pure de Charlotte de Corday, de cette femme remarquable et séduisante qui mourut en

héroïne, victime d’une sublime erreur ? »

ŒUVRES
DE
CHARLOTTE DE CORDAY.

Les Œuvres politiques de Charlotte de Corday se composent uniquement à notre connaissance :

D’une lettre à une amie, et des six écrits mis en lumière lors ou par suite de son procès.

Les relations de l’héroïne, avec les personnes de sa famille ou de son intimité, font présumer qu’il existait beaucoup d’autres lettres, écrites depuis sa sortie de l’abbaye aux Dames, et que ces lettres se rattachaient, pour la plupart, aux circonstances politiques du moment, préoccupations incessantes de Charlotte.

Mme Gautier de Villiers, décédée à Verson à un âge avancé, et que nous avons bien connue, nous a dit à plusieurs reprises, qu’elle avait anéanti toutes les lettres qu’elle avait reçues de Mlle de Corday, son amie, dans la crainte de visites domiciliaires après le 13 juillet [7].

Quant aux lettres adressées à Bougon-Longrais, et dont une vingtaine furent vues dans ses mains après la campagne de Brécourt, par M. Mesnil, administrateur du département, que sont-elles devenues ? On l’ignore ; et on l’ignorera longtemps.

Depuis quinze ans, nous nous sommes livré à de nombreuses recherches et investigations, à Caen et dans les environs ; nous avons remué et compulsé soit par nous-même, soit par des gens que nous intéressions, plus de dix mille kilogrammes de papiers, dans les ventes publiques, les débits de tabac, chez les marchands et détaillants, nous avons visité les dépôts publics et les collections particulières, nous n’avons rien découvert ; rien, si ce n’est une centaine de livres et de brochures rares, et une curieuse correspondance manuscrite de Louis de Frotté, avec les autres chefs royalistes de Normandie et du Maine, pièces que nous avons pu sauver de l’oubli et de la destruction, en les achetant au poids.

Nous continuerons ou ferons continuer nos recherches en ne dissimulant pas que nous les considérons d’avance comme superflues.


LETTRE
À UNE AMIE

« 2 mai 1792[8]

« Je reçois toujours avec un nouveau plaisir, ma belle amie, les témoignages de votre amitié, mais ce qui m’afflige, c’est que vous soyés indisposée. Il paraît que c’est la suite de la petite vérole. Il faut vous ménager. Vous me demandés, mon cœur, ce qui est arrivé à Verson[9], toutes les abominations qu’on peut commettre, une cinquantaine de personnes tondues, battues, des femmes outragées : il paraît même qu’on n’en voulait qu’à elles ; trois sont mortes quelques jours après. Les autres sont encore malades, au moins la plupart. Ceux de Verson avaient, le jour de Pâques, insulté un national et même sa cocarde : c’est insulter un âne jusque dans sa bride. Là-dessus, délibérations tumultueuses ; on force les corps administratifs à permettre le départ de Caen, dont les préparatifs durèrent jusqu’à deux heures et demie. Ceux de Verson, avertis le matin, crurent qu’on se moquait d’eux. Enfin, le curé eut le temps de se sauver, en laissant dans le chemin une personne morte dont on faisait l’enterrement. Vous savés que ceux qui étaient là et qui ont été pris sont : l’abbé Adam et de La Pallue, chanoines du Sépulcre ; un curé étranger et un jeune abbé de la paroisse ; les femmes sont la nièce de l’abbé Adam, la sœur du curé ; et puis le maire de la paroisse : ils n’ont été que quatre jours en prison. Un paysan, interrogé par les municipaux : Êtes-vous patriote ? — Hélas ! oui, messieurs, je le suis, tout le monde sait que j’ai mis le premier à l’enchère sur les biens du clergé, et vous savés bien que les honnêtes gens n’en voulaient pas. Je ne sais si un homme d’esprit eût mieux répondu que cette pauvre bête ; mais les juges mêmes, malgré leur gravité, eurent envie de sourire. Que vous dirés-je, enfin, pour terminer ce triste chapitre ? La paroisse a changé dans l’instant et a joué au club ; on a fêté les nouveaux convertis, qui eussent livré leur curé, s’il avait reparu chez eux :

Vous connaissés le peuple, on le change en un jour.
Il prodigue aisément sa haine et son amour.

Ne parlons plus d’eux. Toutes les personnes dont vous me parlés sont à Paris. Aujourd’hui, le reste de nos honnêtes gens part pour Rouen, et nous restons presque seules. Que voulés-vous ? à l’impossible nul n’est tenu. J’aurés été charmée à tous égards que nous eussions pris domicile dans votre pays, d’autant plus qu’on nous menace d’une très-prochaine insurrection. On ne meurt qu’une fois, et ce qui me rassure contre les horreurs de notre situation, c’est que personne ne perdra en me perdant, à moins que vous ne comptiés à quelque chose ma tendre amitié. Vous serés peut-être surprise, mon cœur, de voir nos craintes ; vous les partageriés, j’en suis sûre, si vous étiés ici. On pourra vous dire en quel état est notre ville et comme les esprits fermentent.

« Adieu, ma belle, je vous quitte. » Nous avons compulsé les brochures et écrits du temps, et nous n’avons rien trouvé sur les événements de Verson auxquels la lettre ci-dessus fait allusion ; nous avons appris, toutefois, de vieillards de cette commune que, dans les premiers jours du mois d’avril 1792, une émeute fut occasionnée dans le village par le refus du serment du desservant de la paroisse ; la majeure partie des habitants prit parti pour le curé, les autres se déclarèrent ses adversaires et appelèrent à leur aide les patriotes et la garde nationale de Caen, qui se transportèrent à Verson, avec deux pièces de canon ; le tumulte, loin de s’apaiser, s’accrut par ce renfort, et les scènes regrettables dont parle Mlle de Corday eurent lieu.

Ce fut sans doute par suite de l’immixtion de la garde nationale de Caen, dans cette querelle, que le directoire du département prit l’arrêté suivant, dont l’exemplaire imprimé que nous possédons, porte dans un angle d’une écriture ancienne : Troubles de Verson.



«Arrêté du Directoire du département du Calvados relativement aux troubles intérieurs.

« Extrait du registre des séances du Directoire du département du Calvados.

« Du 17 avril 1792, l’an IV de la Liberté.

« Le Directoire du département du Calvados, profondément affecté des désordres qui ont eu lieu dans plusieurs communes du département, et qui s’y propagent d’une manière à la fois puérile et barbare ;

« Justement affligé de ce que les droits les plus sacrés, garantis par la Constitution, n’aient pu trouver une protection suffisante dans la force publique, créée pour défendre les personnes et les propriétés, pour faire respecter la loi et maintenir l’ordre dans cette force publique, dont les administrateurs n’autorisent jamais l’emploi que dans le dessein d’apaiser les troubles qui leur sont dénoncés et qu’ils retiendraient toujours avec soin s’ils pouvaient soupçonner que des citoyens français abusassent jamais de sa présence, pour compromettre la dignité d’un peuple libre et généreux ;

« Considérant qu’il serait à désirer que le véritable esprit philosophique et les vrais principes de la Constitution eussent fait assez de progrès pour que la tolérance la plus absolue couvrît d’un voile tutélaire et pacificateur les diverses opinions religieuses, ainsi que les différents cultes qui en sont la manifestation ; que l’expérience des siècles n’a que trop prouvé que la persécution, si contraire d’ailleurs à la nouvelle législation des Français, ne fait qu’accroître le fanatisme et multiplier les prosélytes, parce que la résistance excite, lorsque l’indifférence décourage, et que, d’ailleurs, la volonté d’une portion de citoyens n’a pas plus de droit sur les opinions de l’autre que sur ses biens et sa liberté ; le citoyen paisible dans l’asile sacré de sa maison, ne devant pas plus de compte du culte privé qu’il se plaît à y exercer, que de toutes ses autres actions domestiques ;

« Qu’il n’est que trop vrai cependant que de mauvais citoyens empruntent le manteau de la religion et forment de pieuses coalitions pour prêcher sourdement contre la Constitution et éloigner d’elle par de fanatiques insinuations le cœur et l’esprit des citoyens qui y trouveraient la paix et le bonheur que ces manœuvres sont véritablement de nature à exciter l’indignation des vrais patriotes ; mais qu’ils ne doivent jamais perdre de vue, que si une saine philosophie ne les a pas encore amenés à livrer au mépris, et par là même à déconcerter ces impuissantes machinations, ce n’est qu’avec le glaive de la loi qu’ils doivent attaquer ces obscurs ennemis et non avec le poignard de l’aveugle fureur, qui va toujours au-delà de la peine méritée, qui confond trop souvent l’innocent avec le coupable, l’imprudent avec le criminel, et qui expose le patriotisme le plus pur à servir d’instrument aux vengeances personnelles et aux ressentiments particuliers ; que sous le règne de la loi, l’insurrection qui créa la liberté tend infailliblement à l’anéantir ; que les ennemis de la Patrie triomphent des égarements des bons citoyens, persuadés, comme il n’est que trop vrai, que les divisions intestines doublent leurs forces hostiles, et qu’une seule violation faite à la charte constitutionnelle, est mille fois plus redoutable pour la liberté que des armées entassées sur nos frontières ;

« Qu’il est doux de penser, et que cette idée est fondée sur la connaissance acquise du caractère des administrés de ce département, que les coupables qui se sont portés aux excès qui affligent l’administration, ne sont pas les vrais citoyens, mais des hommes égarés ; et que les généreux soldats de la patrie, dont l’honneur et la liberté se partagent tous les sentiments, que tous les amis et les défenseurs de la Constitution gémissent de ces écarts ;

« Mais que l’administration ne pourrait, sans s’en rendre complice, sans violer ses serments et manquer au devoir sacré de maintenir les droits de l’homme et du citoyen, sans fouler en un mot sous ses pieds cette constitution, dont les caractères ineffaçables sont gravés dans son cœur, garder le silence sur les coupables incursions qui portent l’alarme et le désordre dans un grand nombre de communes soumises à la surveillance fraternelle : qu’en même temps qu’elle exhorte tous les citoyens à surveiller avec soin le fanatisme et ses sourdes manœuvres, à le dénoncer aux tribunaux et à appeler sur sa tête la vengeance des lois, elle leur déclare qu’elle sévira avec toute la rigueur des pouvoirs qui lui sont confiés contre les auteurs ou les complices de ces scènes honteuses de barbarie et de pillage, si indignes du caractère français, connu, même avant d’être libre, par sa noblesse, sa douceur et sa générosité ; de ces exploits si dégradants, où des armes, destinées à la défense de l’État, sont tournées contre des femmes, des enfants, des vieillards sans défense ;

« Que cet accomplissement du plus saint de ses devoirs, l’immoler elle-même à son dévouement pour le maintien de la loi et la défense des citoyens, elle craindra peu ce sacrifice, pourvu qu’elle ait servi la chose publique ; mais que c’est en ce moment plus que jamais que les vrais patriotes doivent se rallier autour de cette loi tutélaire, afin que le calme intérieur, qui garantira les personnes et les propriétés, en impose aux ennemis du dehors, comme la sérénité de l’homme de bien en impose au méchant qui l’outrage ; que c’est donc en ce moment plus que jamais que l’administration doit mettre les personnes et les propriétés sous la sauvegarde des amis de la patrie et des citoyens soldats qui sont armés pour elle, en même temps qu’elle recommande à leur surveillance et livre à leur mépris et à leur philosophie les fanatiques qui voudraient s’agiter ;


« Pourquoi arrête, ouï le procureur-général-syndic :

« 1o Que très-expresses défenses sont faites, au nom de la loi, de la patrie et de l’humanité, à tous citoyens, de se porter à aucunes insultes, maltraitements, pillages ou autres excès envers aucunes personnes, soit pour raison de diversité d’opinions politiques ou religieuses, soit sous tout autre prétexte, sous peine d’être poursuivi comme coupable de violation des droits de l’homme et du citoyen, et de perturbation de l’ordre public ;

« 2o Que défenses aussi très-expresses sont faites à tous particuliers de faire, pour la manifestation de leurs opinions religieuses, aucuns rassemblements qui troublent l’ordre public, de même que de se permettre aucunes prédications publiques ou privées qui tendraient à éloigner les citoyens des ministres du culte salarié, à corrompre l’opinion relativement à la Constitution, à détourner du payement de l’impôt, et à égarer d’une manière quelconque la conscience des citoyens, sous peine d’être poursuivis comme coupables de sédition et de rébellion ;

« 3o Que très-expresses recommandations sont faites aux gardes nationales, au nom de leur patriotisme et de leur zèle courageux pour la défense de la liberté, d’empêcher de tout leur pouvoir les excès, maltraitements, incursions et pillages, dans toutes les circonstances où ils le pourront, et particulièrement dans celles où les autorités constituées auront jugé nécessaire l’emploi de la force publique ;

« 4o Que les commandants des gardes nationales qui auront été chargés par les autorités constituées de porter la force publique dans quelqu’endroit, rendront compte, sans perdre de temps, à l’autorité qui les aura requis, des résultats de leur mission, dont procès-verbal sera dressé pour être statué ce que la vindicte publique ou particulière exigera ;

« 5o Que toutes les municipalités sont expressément chargées d’user, dans de telles circonstances, de tous les moyens répressifs que la loi a mis en leur pouvoir, de donner avis et rendre compte, sans délai, au directoire de leur district, des mesures qu’elles auront prises pour empêcher le désordre, en tenant note de ceux des coupables qu’elles pourraient connaître, de même que de prévenir le directoire de district des dispositions à une insurrection prochaine dont elles seraient informées, le tout sous peine d’être extraordinairement poursuivies comme complices desdits désordres ;

« 6o Que défenses sont faites auxdites municipalités de se réunir en aucunes circonstances aux municipalités voisines, sur la réquisition les unes des autres, ou sur celle de particuliers ou de chefs, sans en avoir reçu le pouvoir des autorités auxquelles appartient le droit de faire agir la force publique des municipalités ou districts au-delà de leurs territoires respectifs, sous peine d’être, lesdites municipalités, poursuivies comme coupables d’abus de pouvoir et de coalition illégale ;

« 7o Que les procureurs-syndics de district sont chargés d’informer, sans le moindre délai, le directoire du département, des avis des municipalités ou des comptes par elles rendus, ainsi que des mouvements, soit projetés, soit effectués, dont eux-mêmes pourraient d’ailleurs avoir connaissance, par suite de la surveillance très-exacte qui leur est expressément recommandée dans les circonstances actuelles ;

« 8o Arrête que le présent sera imprimé pour être envoyé à toutes les municipalités du département par la voie des directoires du district et y être publié et affiché et lu à la sortie des messes paroissiales par les greffiers desdites municipalités ; les procureurs-syndics, expressément chargés de tenir la main à son exécution, et d’en certifier le procureur-général-syndic, qui en référera au directoire de département.

« Présents : MM. Jouenne, vice-président ; Lacroix, Renouard, Lange, Dumont, Brière, Le Couturier, et Bayeux, procureur-général-syndic.

« Certifié conforme :

«Ch.-Y. BOUGON,


«Secrétaire-général. »

LETTRES
À MARAT.

I


AU CITOYEN MARAT,


Faubourg Saint-Germain, rue des Cordeliers,


À PARIS.




Paris, 12 juillet, l’an II de la République.

« CITOYEN,

« J’arrive de Caen. Votre amour pour la patrie me fait présumer que vous connaîtrés avec plaisir les malheureux événements de cette partie de la République. Je me présenterai chez vous vers une heure. Ayés la bonté de me recevoir et de m’accorder un moment d’entretien. Je vous mettrai à même de rendre un grand service à la France.

« Je suis, etc.

« Charlotte CORDAY. »

Cette lettre reproduite ainsi par L. Dubois et divers historiens de Mlle de Corday, n’existe pas aux archives, elle ne fut pas représentée lors du procès, peut-être ne fut-elle pas conservée par Marat ; mais, dans tous les cas : nous pensons que les termes en sont supposés ou approximatifs [10] ; car voici comment Chabot la mentionne dans son rapport à la Convention :

« Je viens de Caen. Votre amour pour la patrie doit vous faire désirer de connaître les complots qu’on y médite. J’attends votre réponse. »


II

« Je vous ai écrit ce matin, Marat, avés-vous reçu ma lettre, puis-je espérer un moment d’audience, si vous l’avés reçue, j’espère que vous ne me refuserés pas, voyant combien la chose est intéressante, suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre protection. »




Cette lettre dont l’original fut saisi sur Charlotte de Corday après l’assassinat de Marat, ne porte pas de signature et est déposée aux archives.

Au dos, se trouve la même adresse que sur la première ; au bas est écrit :

« La présente n’a point été remise à son adresse devenue inutile par l’admission de l’assassin, à sa deuxième présentation, vers les sept heures et demie de relevée, à laquelle elle a commencé son forfait.

« Signé : GUELLARD [11]. »

ADRESSE AUX FRANÇAIS
AMIS DES LOIX ET DE LA PAIX.

ADRESSE AUX FRANÇAIS
AMIS DES LOIX ET DE LA PAIX.

« Jusqu’à quand, ô malheureux Français, vous plairés-vous dans le trouble et les divisions, assés et trop longtemps des factieux et des scélérats ont mis l’intérest de leur ambition à la place de l’intérest générale, pourquoi, ô infortunés victime de leur fureur, pourquoi vous égorger, vous anéantir vous-même pour établir l’édifice de leur tyrannie sur les ruines de la France désolée.

« Les factions éclatent de toutes parts ; la Montagne triomphe par le crime et par l’oppression ; quelques monstres, abreuvés de votre sang conduisent ses détestables complots et nous mènent au précipice par mille chemins divers.

« Nous travaillons à notre propre perte avec plus d’énergie que l’on n’en mit jamais à conquérir la Liberté ! Ô Français, encore un peu de temps, et il ne restera de vous que le souvenir de votre existence !

« Déjà les départements indignés marchent sur Paris ; déjà le feu de la Discorde et de la guerre civile embrâse la moitié de ce vaste Empire, il est encore un moyen de l’éteindre, mais ce moyen doit être prompt. Déjà le plus vil des scélérats, Marat, dont le nom seul présente l’image de tous les crimes, en tombant sous le fer vengeur, ébranle la Montagne et fait pâlir Danton et Robespierre, les autres brigands assis sur ce trône sanglant, environnés de la foudre, que les Dieux vengeurs de l’humanité ne suspendent sans doute que pour rendre leur chûte plus éclatante, et pour effrayer tous ceux qui seraient tentés d’établir leur fortune sur les ruines des peuples abusés !

« Français ! Vous connaissés vos ennemis, levés-vous ! marchés ! Que la Montagne anéantie ne laisse plus que des frères et des amis ! J’ignore si le ciel nous réserve un Gouvernement républicain, mais il ne peut nous donner un Montagnard pour maître que dans l’excès de ses vengeances……

« Ô France, ton repos dépend de l’exécution de la loi, je n’y porte point atteinte en tuant Marat, condamné par l’univers, il est hors la loi… Quel tribunal me jugera ? Si je suis coupable, Alcide l’était donc lorsqu’il détruisait les monstres ; mais en rencontra-t-il de si odieux ? Ô amis de l’humanité, vous ne regretterés point une bête féroce engraissée de votre sang, et vous tristes Aristocrates que la Révolution n’a pas assés ménagés, vous ne le regretterés pas non plus, vous n’avez rien de commun avec lui.

« Ô ma Patrie ! tes infortunes déchirent mon cœur, je ne puis t’offrir que ma vie, et je rends grâce au Ciel de la liberté que j’ai d’en disposer ; personne ne perdra par ma mort, je n’imiterai point Pâris en me tuant, je veux que mon dernier soupir soit utile à mes concitoyens, que ma tête, portée dans Paris, soit un signe de ralliement pour tous les amis des loix, et que la Montagne chancelante voye sa perte écrite avec mon sang, que je sois leur dernière victime, et que l’univers vengé déclare que j’ai bien mérité de l’humanité, au reste, si l’on voyait ma conduite d’un autre œil, je m’en inquiétte peu.

 « Qu’à l’univers surpris, cette grande action
« Soit un objet d’horreur ou d’admiration,
« Mon esprit, peu jaloux de vivre en la mémoire,
« Ne considère point le reproche ou la gloire :
« Toujours indépendant et toujours citoyen,
« Mon devoir me suffit, tout le reste n’est rien.
« Allés, ne songés plus qu’à sortir d’esclavage !.. [12].

« Mes parents et amis ne doivent point être inquiettés, personne ne savait mes projets. Je joins mon extrait de baptême à cette Adresse pour montrer ce que peut la plus foible main conduite par un entier dévouement. Si je ne réussis pas dans mon entreprise, Français, je vous ai montré le chemin, vous connaissés vos ennemis, levés-vous, marchés et frappés. »


Cette adresse, dont M. Vatel a donné et rétabli le texte complet dans ses dossiers du procès de Charlotte de Corday, aurait été publiée In-8o en 1793 si on en croit les archives d’Histoire littéraire de Quérard. Cette brochure doit être très-rare, nous ne l’avons jamais rencontrée dans les masses de pièces qui nous sont passées sous les yeux depuis trente ans. L’autographe original, non signé, a été vendu près de 800 fr., dans une vente publique à Paris en 1855. Il est aujourd’hui dans une collection particulière,

celle de M. le comte de Hunolstein.
LETTRE
AUX MEMBRES DU COMITÉ DE SURETÉ GÉNÉRALE.
Du 15 juillet 1793, 2e de la République[13].


Citoyens composant le Comité de sûreté générale


« Puisque j’ai encore quelques instants a vivre pourais-je espérer citoyens que vous me permettrés de me faire peindre, je voudrais laisser cette marque de mon souvenir à mes amis, d’ailleurs comme on cherit limage des bons citoyens, la curiosité fait quelquefois rechercher ceux des grands criminels, ce qui sert à perpetuer l’horreur de leurs crimes si vous daignés faire attention a ma demande, je vous prie de menvoyer demain matin un peintre en migniature, je vous renouvelle celle de me laisser dormir seule, croyés, je vous prie, à toute ma reconaissance

«Marie CORDAY


« Jentends sans cesse crier dans la ruë larestation de Fauchet mon complice, je ne lai jamais vu que par la fenetre et il y a plus de deux ans, je ne laime ny ne lestime, je lui ai toujours cru une imagination Exaltée et nulle fermeté de caractere, cest lhomme du monde a qui jaurais le moins volontiers confié un projet, si cette declaration peut lui servir, jen certifie la verité

« CORDAY. »

LETTRE
À M. DE CORDAY D’ARMONT.

À M. DE CORDAY D’ARMONT,
Rue du Bègle, à ARGENTAN [14].




« Pardonnés-moi mon Cher papa d’avoir disposé de mon Existance sans votre permission, Jai vengé bien d’innocentes victimes, jai prevenu bien d’autres désastres, le peuple un jour desabusé se rejouira dêtre delivré d’un tyrran, Si jai cherché a vous persuadé que je passais en angleterre, cesque jesperais garder lincognito mais jen ai reconu limpossibilité , Jespere que vous ne serés point tourmente en tous cas je crois que vous auriés des défenseurs a Caën, jai pris pour défenseur Gustave Doulcet un tel attentat ne permet nulle defense cest pour la forme, adieu mon Cher papa je vous prie de moublier, ou plutôt de vous rejouir de mon sort la cause en est belle, J’embrasse ma sœur que jaime de tout mon cœur ainsi que tous mes parens, n’oubliés pas ce vers de Corneille

Le crime fait la honte et non pas l’échafaud.

« Cest demain a huit heures que l’on me juge, ce 16 juillet.


«CORDAY.»

On verra dans sa première lettre à Barbaroux, que Charlotte, au moment de son départ pour Paris, avait écrit à son père qu’elle se rendait en Angleterre pour fuir les horreurs de la guerre civile ; elle croyait alors pouvoir exécuter son projet incognito.

Cette première lettre à M. de Corday a été publiée par madame Eugénie Foa, dans le Journal des Enfants, numéro du 10 juin 1841 ; mais comme nous n’avons pu découvrir où se trouvait l’original et qu’il n’a été cité par aucun autre auteur, nous reproduisons cette pièce sans en certifier l’authenticité :

« Mon père, cette lettre vous sera remise par une personne sûre. Tenez-vous caché quelque temps et espérez…… Dieu châtie ses enfants, mais il ne les abandonne pas tout-à-fait… Au milieu des troubles qui nous environnent, pardonnez, mon cher père, si j’agis sans vous consulter…… Je pars…… je vais en Angleterre demander une retraite que la France déchirée ne peut plus m’offrir ; gardez-moi le secret de ce voyage. Oh ! quand nous reverrons-nous ? Je fuis, mon père, cette pensée, qui me poursuit continuellement, use mes forces et brise mon cœur. Envoyez-moi de cœur votre bénédiction et priez pour moi, mon père. »


Il résulte de l’interrogatoire que subit M. de Corday à Argentan, le 20 juillet 1793, qu’il avait reçu de sa fille une lettre datée de Caen, du 9 du même mois, par laquelle elle lui annonçait :

1o Qu’à son départ de Caen, elle mettait cette lettre à la poste ;

2o Que lorsqu’il la recevrait, elle ne serait plus en France ;

3o Qu’elle ne croyait pas qu’on pût y vivre tranquille de longtemps ;

4o Et qu’elle le priait de ne faire aucune recherche, parce que personne ne pouvait encore savoir où elle allait.

L’analyse qui est faite dans l’interrogatoire de la lettre en question, fait supposer que celle du Journal des Enfants est apocryphe et sans valeur, ou que Charlotte en adressa une autre à son père, ce qui est inadmissible.

Notre opinion, sur ce point, n’est pas même ébranlée, par la mention du prétendu voyage en Angleterre, contenue dans la première lettre à Barbaroux ; en effet :

Ou Charlotte pouvait ne pas se rappeler les termes précis de l’annonce de son départ à son père ;

Ou M. de Corday avait quelques motifs pour faire les réponses consignées dans son interrogatoire.

Si la lettre lui avait été remise secrètement et par une personne sûre, il n’avait pas à avouer sa réception, qu’on ne pouvait ni lui prouver, ni lui opposer.

Si, au contraire, la missive lui était parvenue par la poste, il a dû en rappeler la substance exacte, dans la crainte que des raisons judiciaires n’eussent fait prendre une communication préalable de la lettre, ou une note spéciale de sa remise.

L’interrogatoire constate, d’ailleurs, que la lettre ne fut ni saisie, ni représentée.

M. de Corday dut l’anéantir avec toutes celles qu’il possédait, dès qu’il eut connaissance de l’événement du 13 juillet, et des circonstances qui l’avaient accompagné.

[Ornement à insérer]

LETTRES
À BARBAROUX.

I


Aux prisons de labayë, dans la ci devant chambre de Brissot
le second jour de la preparation a la pa-ix.

«Vous avés desiré citoyen le detail de mon voyage, Je ne vous ferai point grâce de la moindre anedote, Jetais avec de bons montagnard que je laissé parlé tout leur content et leurs propos aussi sots que leur personnes Etaient desagreable, ne servirent pas peu a mendormir, je ne me reveillé pour ainsi dire qu’a Paris, Un de nos voyageurs qui aime sans doute les femmes dormante, me prit pour la fille d’un de ses anciens amis, me supposa une fortune que je nai pas, me donna un nom que je navais jamais entendu, et enfin m’ofrit sa fortune et sa main, Quand je fus ennuyée de ses propos : Nous jouons parfaitement la comedie lui dis-je il est malheureux avec autant de talent de n’avoir point de spectateur je vais chercher nos compagnons de voyage pour qu’ils prenne leur part du divertissement, je le laissé de bien mauvaise humeur La nuit il chanta des chansons plaintive, propre a exciter le sommeil, Je le quittai enfin a paris refusant de lui donner mon adresse ny celle de mon pere a qui il voulait me demander, il me quitta de bien mauvaise humeur. Jygnorais que ses Messieurs eussent interogé les voyageurs, et je soutins ne les conaître aucuns pour ne point leur donner le desagrement de sexpliquer. Je suivais en cela mon oracle Rainal qui dit qu’on ne doit pas la vérité à ses tyrrans Cest par la voyageuse qui était avec moi quils on su que je vous connaissais et que javais parlé à Duperret, Vous connaissés lâme ferme de Duperret il leur a repondu lexacte vérité, Jai confirmé sa déposition par la mienne, il ny a rien contre lui, mais sa fermeté est un crime, Je craignais je lavouë, quon ne découvrît que je lui avais parlé je men repentit trop tard, je voulu le reparer en lengageant a vous aller retrouver, il est trop decidé pour se laisser engager, sure de son innocence et de celle de tout le monde je me decidé à lexecution de mon projet. Le croiriés-vous Fauchet est en prison comme mon complice lui qui ignorait mon existance, mais on nest guere content de navoir qu’une femme sans conséquence à offrir aux mânes de ce grand homme, — Pardon ô humains ce mot deshonore votre espèce, cetait une bête feroce qui allait devorer le reste de la France par le feu de la guerre civile, maintenant vive la paix, grâce au ciel il netait pas né Français, Quatre membre se trouvèrent a mon premier interogatoire, Chabot avait lair d’un fou, Le Gendre voulait mavoir vue le matin chés lui, moi qui nai jamais songé a cet homme, je ne lui crois pas dassés grands moyens pour être le tyrran de son pays, et je ne prétendais pas punir tant de monde, Tous ceux qui me voyaient pour la première fois prétendaient me conaître de longtems. Je crois que l’on a imprimé les dernières paroles de Marat je doute quil en ait proféré, mais voila les dernières quil ma ditte, après avoir Ecrit vos noms a tous et ceux des administrateurs du Calvados qui sont a Evreux il me dit pour me consoler que dans peu de jours il vous ferait tous guillotiné a paris, Ces derniers mots deciderent de son sort, Si le departement met sa figure vis a vis celle de St-Fargeau il poura faire graver ses paroles en lettres d’or, Je ne vous ferai aucun detail sur ce grand Evénement les journeaux vous en parleront, javouë que ce qui ma decidée tout à fait cest le courage avec lequel nos volontaires se sont enrollés dimanche 7 juillet vous vous souvenés comme jen étaient charmée, et je me promettaient bien de faire repentir petion des soupçons quil manifesta sur mes sentiments Est-ce que vous seriés fâchés sils ne partaient pas, me dit-il. Enfin donc jai consideré que tant de braves gens venant pour avoir la tête d’un seul homme quils auraient manqué, ou qui aurait entraîné dans sa perte beaucoup de bons citoyens, il ne meritait pas tant d’honneur, sufisait de la main d’une femme, Javouë que jai employé un artifice perfide pour lattirer a me recevoir, tous les moyens sont bons dans une telle circonstance, Je comptais en partant de Caën le sacrifier sur la cime de sa Montagne, mais il nallait plus a la Convention, Je voudrais avoir conservé votre lettre on aurait mieux connu que je n’avais pas de complice, enfin cela seclaircira, Nous sommes si bons républicains a paris que Ion ne conçoit pas comment une femme inutile dont la plus longue vie serait bonne rien peut se sacrifier de sangfroy pour sauver tout son pays, Je mattendais bien a mourir dans linstant, des hommes courageux et vrayement au dessus de tout Eloge m’ont preservée de la fureur bien excusable des malheureux que javais faits Comme jetais vrayement de sangfroy je soufris des cris de quelques femmes, mais qui sauve la patrie ne saperçoit point de ce quil en coûte, puisse la paix setablir aussitôt que je la désire, voila un grand préliminaire, sans cela nous ne laurions jamais eus, Je jouis délicieusement de la paix depuis deux jours, le bonheur de mon pays fait le mien, il nest point de dévouement dont on ne retire plus de jouissance qu’il nen coûte a sy décider, Je ne doute pas que l’on ne tourmente un peu mon pere qui a déjà bien assés de ma perte pour lafliger, Si l’on y trouve mes lettres, la plupart sont vos portraits, Sil si trouvait quelques plaisanteries sur votre compte je vous prie de me la passer je suivais la legereté de mon caractere, Dans ma dernière lettre je lui faisais croire que redoutant les horreurs de la guerre civile je me retirais en Angleterre, alors mon projet Etait de garder lincognito de tuer Marat publiquement et mourant aussitôt laisser les parisiens chercher inutilement mon nom, Je vous prie Citoyen vous et vos collegues de prendre la defense de mes parens et amis si on les inquiètent je ne dis rien a mes chers amis Aristocrates, je conserve leur souvenir dans mon cœur, Je nai jamais hai qu’un seul être et jai fait voir avec qu’elle violence, mais il en est mille que jaime encore plus que je ne le haissais, Une imagination vive un cœur sensible promettent une vie bien orageuse je prie ceux qui me regretterais de le considérer et ils se rejouiront de me voir jouir du repos dans les Champs-Élisées avec Brutus et quelques anciens, pour les modernes, il est peu de vrays patriotes qui sache mourir pour leur pays presque tout est égoïsme, quel triste peuple pour fonder une Republique, il faut du moins fonder la paix et le gouvernement viendra comme il poura, du moins ce ne sera pas la Montagne qui regnera si l’on men croit. Je suis on ne peut mieux dans ma prison, les concierges sont les meilleurs gens possible, on ma donné des gens d’armes pour me preserver de l’ennui, jai trouvé cela fort bien pour le jour et fort mal pour la nuit, je me suis plainte de cette indécence le Comité na pas jugé a propos dy faire attention je crois que cest de linvention de Chabot, il nya qu’un capucin qui puisse avoir ses idées, Je passe mon tems a ecrire des chansons je donne le dernier couplet de celle de Valady a tous ceux qui le veulent je promets a tous les parisiens que nous ne prenons les armes que contre lanarchie, ce qui est exactement vray, »


II

« ici l’on ma transferée a la Conciergerie, et ses Messieurs du grand jury mont promis de vous envoyer ma lettre, je continue donc. Jai preté un long interogatoire, je vous prie de vous le procurer sil est rendu publique Javais une adresse sur moi lors de mon arestation aux amis de la paix je ne puis vous lenvoyer jen demanderai la publication je crois bien en vain, Javais eu une idée hier au soir, de faire homage de mon portrait au departement du Calvados, mais le comité de salut publique a qui je lavais demandé ne ma point repondu, et maintenant il est trop tard Je vous prie citoyen de faire part de ma lettre au citoyen Bougon procureur Gle sindic du dept je ne la lui adresse pas pour plusieurs raisons dabord je ne suis pas sure que dans ce moment il soit a Evreux, je crains de plus quétant naturellement sensible il ne soit afligé de ma mort, Je le crois cepandant assés bon citoyen pour se consoler par lespoir de la paix je sais combien il la désire et jespère qu’en la facilitant jai rempli ses vœux, Si quelques amis demandaient communication de cette lettre je vous prie de ne la refuser a personne, il faut un defenseur cest la réglé, jai pris le mien sur la Montagne cest Gustave Doulcet, jymagine quil refusera cet honneur cela ne lui donnait cependant guere douvrage, Jai pensé demander Robespierre ou Chabot. — je demanderai a disposé du reste de mon argent et alors je loffre aux femmes et enfans des braves habitants de Caën partis pour délivrer paris, il est bien Etonnant que le peuple mait laissés conduire de labayë a la Conciergerie. Cest une preuve nouvelle de sa moderation Ditte-le a nos bons habitants de Caën ils se permettent quelquesfois de petites insurrections que Ion ne contient pas si facilement Cest demain a huit heure que Ion me juge, probablement a midi jauré vécu, pour parler le langage romain, On doit croire a la valeur des habitants du Calvados puisque les femmes même de ce pays sont capable de fermeté, au reste jygnore comme se passeront les derniers moments et cest la fin qui couronne l’œuvre, Je nai point besoin dafecter dinsensibilité sur mon sort car jusqu’à cet instant je nai pas la moindre crainte de la mort, je nestimai jamais la vie que par lutilité dont elle devait être, Jespere que demain Duperret et Fauchet seront mis en liberté on pretend que ce dernier ma conduitte a la Convention dans une tribune, De quoi se mele til dy conduire des femmes, Comme depute il ne devait point être aux tribune et comme Evêque il ne devait point être avec des femmes, ainsi cest une petite correction, mais Duperret na aucun reproche a se faire — Marat nira point au Penthéon, il le méritait pourtant bien, je vous charge de recueillir les pièces propres a faire son oraison funebre, Jespere que vous nabandonnerés point lafaire de Mme Forbin, Voici son adresse sil est besoin de lui Ecrire. Alexandrine Forbin, à Mendresie par Zurich en Suisse. Je vous prie de lui dire que je l’aime de tout mon cœur, Je vais Ecrire un mot à papa je ne dis rien à mes autres amis, je ne leurs demande qu’un prompt oubli, leur afliction desonorerait ma mémoire, Ditte au général Vimpfen que je crois lui avoir aidé a gagner plus d’une bataille, en lui facilitant la paix, adieu citoyen je me recommande au souvenir des vrays amis de la paix.

Les prisonniers de la Conciergerie loin de minjurier comme ceux des rues, avaient lair de me plaindre, le malheur rend toujours compatissant ; cest ma dernière réflexion.

« Mardy 16, a huit heures du soir.

« Au citoyen Barbaroux deputé a la Convention nationale, réfugié à Caën rue des Carmes hotel de lintendance.


« CORDAY. »


Le texte de ces deux admirables lettres a été publié en fac-similé par M. Vatel, de Versailles, sur les originaux déposés aux archives de l'empire.

[Ornement à insérer]

LETTRE
À DOULCET DE PONTÉCOULANT.

« Le Citoyen doulcet de pontecoulant Est un lache

davoir Refusé de me defendre, lorsque la chôse Etait si facile, Celui qui la fait [15] s’en est acquité avec toute la dignité possible je lui en Conserve ma reconaissance jusqu’au dernier moment.

«Marie DE CORDAY. »[16]

L’histoire a justifié Doulcet du reproche que lui adressait en mourant Charlotte de Corday ; il est acquis par les lettres de Fouquier-Tinville et de Montané à Doulcet et par les réclamations insérées aux journaux du temps, qu’il ne connut le choix dont il avait été honoré que quatre jours après

l’exécution.

TABLE.

Pages.
1o 
Fac-simile de la dernière lettre de Charlotte de Corday 
2o 
Note préliminaire 
 IX
3o 
Lettre à une amie 
 7
4o 
Arrêté du Directoire du Calvados 
 9
5o 
Lettres à Marat 
 19
6o 
Adresse aux Français 
 23
7o 
Lettre aux membres du Comité de sûreté générale 
 29
8o 
Lettre à M. de Corday d’Armont 
 33
9o 
Lettres à Barbaroux 
 39
10o 
Lettre à Doulcet de Pontécoulant 
 49



Caen. — Typ. Goussiaume de Laporte, rue au Canu, 5.
  1. Charlotte de Corday et Doulcet de Pontécoulant, in-8o, Caen-Paris, 1860.
  2. MM. V… et Ch… occupent leurs loisirs d’un travail complet, l’un sur Charlotte de Corday, l’autre sur Marat, dont la publication est vivement désirée.
  3. Les lettres à Barbaroux.
  4. Coïncidences singulières, mais fortuites (Ch. Rd.).
  5. Ce journal, fondé en 1786, continué depuis sous le titre de Pilote du Calvados, jusqu’au mois d’août 1857, époque de sa fusion avec le Moniteur du Calvados, se trouve dans la bibliothèque de M. G. Le Camus, avocat à Caen, ancien propriétaire du Pilote, qui a bien voulu nous le communiquer ; c’est le seul exemplaire complet que nous connaissions, il a été très-peu cité par les auteurs contemporains. Quelques extraits sont reproduits dans les Souvenirs du Fédéralisme de M. Frédéric Vaultier, édités par Georges Mancel, en 1858.
  6. Jeanne d’Arc, elle aussi, avait dû subir cette infâme violation du cadavre, par ordre du cardinal d’Angleterre et du comte de Warvick, dans la prison de Rouen, par les docteurs Guillaume de Caux et Guillaume des Jardins (Vergniaud, Jeanne d’Arc, Orléans, 1801 — Venette, tom. Ier, p.54).
  7. Mme Gautier nous a affirmé, en outre, que tous les objets de toilette laissés par son amie, à Verson, avaient été détruits par le motif indiqué ci-dessus ; et cependant, on prétend que Mme C. D… fille de Mme Gautier, aurait encore aujourd’hui en sa possession, un mantelet, des boucles d’oreilles etc., provenant de Mlle de Corday, et laissés par celle-ci chez sa mère ; l’origine et l’authenticité de ces souvenirs, nous paraissent difficiles à établir, en présence des affirmations motivées, persistantes et réitérées de Mme Gautier, faites tant à nous qu’à diverses autres personnes, que rien de ce qui avait appartenu à Charlotte n’avait été conservé par elle ou par sa famille ; que tout enfin avait été brûlé et anéanti.
  8. Cette lettre, sans signature, est reproduite dans un article, sur la jeunesse de Charlotte de Corday, de M. Casimir Périer (Revue des Deux Mondes, numéro du 1" avril 1862).
  9. Village près de Caen, où Mlle de Corday allait fréquemment voir madame Gautier de Villiers, sa parente et son amie.
  10. La signature Charlotte Corday est certainement supposée.
  11. Commissaire de police de la section du Théâtre-Français qui, appelé par la clameur publique, dressa le procès-verbal de flagrant délit.
  12. (1) Vers de Voltaire, dans la Mort de César.
  13. Cette lettre, dont le fac-simile est donné par madame Louise Colet, dans son ouvrage intitulé Charlotte Corday et madame Rolland, in-8o, Paris, 1842, est tirée de la collection d’autographes de M. Chambry, maire du 9e arrondissement de Paris
  14. L’original de cette lettre, qui se trouve aux archives de l’empire, a été reproduit en fac-simile par Louis Dubois, dans son Essai historique sur Charlotte de Corday, in-8o. Paris, 1838.
  15. Chauveau Lagarde nommé d’office par Montané. Son plaidoyer est connu, il est digne de l’avocat et de la célèbre jeune fille.
    « L’accusée avoue avec sang-froid l’horrible attentat qu’elle a commis ; elle en avoue avec sang-froid la longue préméditation elle en avoue les circonstances les plus affreuses ; en un mot, elle avoue tout et ne cherche pas même à se justifier. Voilà, citoyens jurés, sa défense tout entière. Ce calme imperturbable et cette entière abnégation de soi-même qui n’annonce aucun remords, et, pour ainsi dire, en présence de la mort même ; ce calme et cette abnégation, sublimes sous un rapport, ne sont pas dans la nature : ils ne peuvent s’expliquer que par l’exaltatation du fanatisme politique qui lui a mis le poignard à la main. Et c’est à vous, citoyens jurés, à juger de quel poids doit être cette considération morale dans la balance de la justice. Je m’en rapporte à votre prudence. »
  16. Ce précieux autographe est possédé par M. D…, notaire honoraire à Caen, qui a, croyons-nous, l’intention de l’offrir à la bibliothèque de notre ville.