Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 2 (p. 373-380).


NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE


Le Jeu de paume et l’Hymne aux Suisses de Châteauvieux furent publiés du vivant de l’auteur.

La Jeune captive parut dans la Décade philosophique du 20 nivôse an III, avec cette note :

« Il avait beaucoup étudié, beaucoup écrit, et publié fort peu. Fort peu de gens aussi savent quelle perte irréparable ont faite en lui la poésie, la philosophie et l’érudition antique. »

La Jeune Tarentine parut dans le Mercure du 1er  germinal an IX. Quelques fragments :

Accours, jeune Ghromis, je t’aime et je suis belle…
Néère, ne va point te confier aux flots…
Souvent las d’être esclave et de boire la lie…


furent cités par Chateaubriand dans le Génie du christianisme, en 1802 (2e partie, livre III, chapitre vi).

En 1811, à la mort de Marie-Joseph Chénier, les manuscrits d’André passèrent entre les mains de Daunou, avec ceux de Marie-Joseph, dont ce savant était l’ami intime.

Des fragments du Mendiant furent insérés en 1816 dans les « Mélanges littéraires composés de morceaux inédits de Diderot, de Caylus, de Thomas, de Rivarol, d’André Chénier, etc., recueillis par M. Fayolle. Paris, Pouplin, 1816. »

Première édition en 1819, sous ce titre : « Œuvres complètes d’André de Chénier. Paris, Beaudoin frères, Foulon et Cie, libraires, 1819. » H. de Latouche avait été chargé du travail de cette édition.

En 1819, H. de Latouche inséra à la suite des Poésies des Mélanges de prose, composés d’articles publiés du vivant de l’auteur et de quelques morceaux et fragments posthumes.

En 1820, réimpression de l’ouvrage, in-18.

Nouvelle réimpression en 1822.

En 1824 et 1826, les œuvres d’André Chénier furent imprimées à la suite des Œuvres de Marie-Joseph, sous ce titre : « Œuvres posthumes d’André Chénier, revues, corrigées et mises en ordre par D. Ch. Robert. Paris, Guillaume, 1826. » Il y avait deux volumes comprenant des poésies et des œuvres en prose. Le texte de cette édition laisse à désirer.

H. de Latouche publia dans deux articles de la Revue de Paris, en décembre 1829 et en mars 1830, plusieurs fragments inédits d’André Chénier. En 1833, une nouvelle édition des œuvres du poète fut augmentée des fragments publiés dans la Revue de Paris, et d’autres dont la copie fut donnée par la famille. Elle portait le titre : André Chénier, poésies posthumes et inédites. Nouvelle et seule édition complète ; 2 vol. in-8. Paris, Charpentier et Eug. Renduel, 1833. »

H. de Latouche disait dans la notice ;

« André Chénier avait classé ses manuscrits en trois portefeuilles, et les avait numérotés de sa main. Le premier contenait ceux de ses ouvrages qu’il jugeait terminés, du moins selon la portée de son talent, et, dans son respect pour le public, il ne destinait que ceux-là à une prochaine publication. Le portefeuille n° 2 renfermait des ébauches très-avancées, lesquelles pourtant paraissaient à l’auteur manquer des profits d’une méditation plus longue, d’un plus assidu travail, ou de quelque inspiration fortuite d’une de ces matinées qui viennent illuminer votre esprit. Ce que la vie est à l’argile, le poète l’attendait encore de la part d’un ami sans complaisance, ou de cette émulation plus mystérieuse qu’il avait coutume de puiser dans le sourire de Fanny ou de Néère. Enfin le dernier portefeuille n’était qu’un recueil d’esquisses indécises et de vagues projets. C’est celui-là, et celui-là seul, qui a été conservé, et que le public connaît. »

D’après M. Gabriel de Chénier, cette prétendue division n’a jamais existé que dans l’imagination du premier éditeur, et, en effet, l’œuvre de Chénier, telle que nous la possédons aujourd’hui, dément cette légende des trois portefeuilles déjà contestée par Sainte-Beuve. H. de Latouche donnait même une préface que le poète avait esquissée pour le portefeuille n° 1 ; la voici :

« L’auteur de ces poésies les a extraites d’un grand nombre qu’il a composées et travaillées avec soin depuis dix ans. Le désir de quelque succès dans ce genre et les encouragements de ses amis l’ont enfin déterminé à se présenter au lecteur. Mais comme il est possible que des amis l’aient jugé avec plus de faveur que d’équité, et aussi que les idées du public ne se rencontrent pas avec les siennes et les leurs, il a cru meilleur d’en faire l’essai en ne mettant au jour qu’une petite partie de ses ouvrages. Car si le peu qu’il publie est goûté, il en aura plus de plaisir et de courage à montrer ce qui lui reste ; sinon, il vaudra mieux pour les lecteurs d’être fatigués moins longtemps, et pour lui de se rendre ridicule et ennuyeux en moins de pages, »

Cette préface a-t-elle été écrite par André Chénier en vue d’une publication éventuelle, ou n’est-elle qu’un pastiche de l’éditeur ? C’est ce qu’on ne saurait jusqu’à présent dire avec certitude.

André Chénier a pu écrire ces lignes pour quelque projet de publication, mais il ne s’agissait pas d’un portefeuille n° 1, devant prendre le pas sur un portefeuille n° 2 et sur un portefeuille n° 3. Il faut laisser de côté ces inventions peu ingénieuses, destinées à grandir le poète qui n’en a pas besoin.

En février 1839, Sainte-Beuve publia dans la Revue des Deux-Mondes sous le titre de Quelques documents inédits sur André Chénier, une étude où il rétablissait le dessin général du poème d’Hermès et donnait de nouveaux fragments. Ces fragments enrichirent d’abord l’édition de 1833, dont les exemplaires restants reçurent un nouveau titre : « Poésies d’André Chénier, précédées d’une notice par M. Henri de Latouche, suivies de notes et fragments, etc. Nouvelle édition ornée d’un portrait d’André Chénier, Paris, Charpentier, 1839 » ; et quand ces exemplaires restants furent épuisés, les recherches de Sainte-Beuve enrichirent une nouvelle édition qui parut sous le même titre en 1841 et dont le cliché a fourni depuis lors, à des dates diverses, un grand nombre de tirages. — Nous avons reproduit, en tête du premier volume, l’étude de Sainte-Beuve, ainsi qu’un autre article qu’il fit paraître en 1851 sur André Chénier, homme politique.

En 1840, dans la Bibliothèque d’Élite, « Œuvres en prose de André Chénier, augmentées d’un grand nombre de morceaux inédits, et précédées de toutes les pièces inédites relatives à son procès devant le tribunal révolutionnaire, seule édition complète publiée sur les manuscrits autographes de l’auteur, communiqués par la famille. Paris, librairie de Ch. Gosselin, 9, rue Saint-Germain des Prés, 1840. »

Dans l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, du 10 août 1864, M. A. France publia quelques vers inédits attribués à André Chénier. (Voy. tome Ier, la note 2 de la p. 135.)

M. Egger, dans la Revue des Cours littéraires du 7 décembre 1867, donna une étude sur l’Hermès où il apporta quelques fragments inédits.

M. Guillaume Guizot, ayant eu les manuscrits sous les yeux, put, le 3 février 1869, dans son cours du Collège de France, produire quelques détails nouveaux.

M. Becq de Fouquières publia une première édition critique des Poésies d’André Chénier en 1862, chez Charpentier, un vol. in-12 ; « Édition ornée d’un portrait d’André Chénier, avec une étude sur sa vie et ses œuvres, des variantes, notes et commentaires, un lexique et un index ».

Œuvres en prose de André Chénier, nouvelle édition revue sur les textes originaux, précédée d’une Étude sur la vie et les écrits politiques d’André Chénier et sur la conspiration de Saint-Lazare, accompagnée de notes historiques et d’un index par L. Becq de Fouquières. Paris, Charpentier et Cie, libraires éditeurs, 28, quai du Louvre, 1872,

Une deuxième édition critique des Poésies, par le même érudit, chez le même libraire, en 1872, avec une « étude sur la vie et les œuvres d’André Chénier, bibliographie des œuvres posthumes, aperçu sur les œuvres inédites, variantes, notes, commentaires et index. » Ces éditions méritoires furent justement appréciées du public lettré. Sainte-Beuve a consacré à la première un article très-favorable, à la date du 20 octobre 1862[1].

En 1874, M. Gabriel de Chénier, fils de Louis-Sauveur de Chénier, frère d’André et de Marie-Joseph, donna chez Alph. Lemerre, une édition des « Œuvres poétiques de André de Chénier, avec une notice et des notes, par M. Gabriel de Chénier, » en 3 vol. petit in-12 (format elzévirien). Cette édition faite d’après les manuscrits dont M. G. de Chénier est resté le dépositaire, accrut considérablement ce que l’on connaissait de l’œuvre d’André. La notice fournit de même un certain nombre de documents précieux. Il est très-désirable que la publication de M. Gabriel de Chénier se complète par celle des œuvres en prose, qu’il annonce à la fin de cette notice. Il aura ainsi rempli son œuvre en mettant en circulation tout ce qu’a laissé son oncle ; et les Lettres (qu’il n’en doute pas) lui en sauront gré, comme elles lui savent gré, malgré les quelques critiques qui lui ont été adressées, de la partie de travail qu’il a déjà accomplie.

L’aimée suivante, M. Becq de Fouquières fit paraître chez le libraire Charpentier, un volume intitulé : « Documents nouveaux sur André Chénier et examen critique de la nouvelle édition de ses œuvres, accompagnés d’appendices relatifs au marquis de Brazais, aux frères Trudaine, à F. de Pange, à madame de Bonneuil, à la duchesse de Fleury. » Nous avons dit, dans l’Avant-propos de la présente édition, quelles obligations nous avions à cet ouvrage. Quant au ton un peu acerbe avec lequel y sont relevées les erreurs commises par M. G. de Chénier, il faut reconnaître que ce dernier avait, dans sa notice et dans ses notes, attaqué assez vivement l’auteur des éditions critiques de 1862 et de 1872. M. Becq de Fouquières usait donc de représailles, mais c’était le cas, ou jamais, de les exercer avec une extrême modération. Il nous semble que cette hostilité qui s’est déclarée entre les deux plus récents éditeurs d’André Chénier n’est pas une des moindres raisons que puisse avoir le public de désirer et de bien accueillir une édition nouvelle. Cette hostilité, en effet, jette à travers ces purs et riants poèmes, des notes aigres qui impatientent le lecteur. M. Sainte-Beuve paraissait déjà prévoir et craindre ces fâcheuses querelles, lorsqu’il écrivait en 1839 : « André Chénier voulait ressusciter la Grèce ; pourtant il ne faudrait pas autour de lui, comme autour d’un manuscrit grec retrouvé au xvie siècle, venir allumer, entre amis, des guerres de commentaires : ce serait pousser trop loin la Renaissance. » Nous ramenons dans l’œuvre de notre dernier classique, comme on l’a quelquefois appelé, la sérénité et la paix, rendant justice à tous nos prédécesseurs, et réclamant l’indulgence de ceux qui nous succéderont.


Louis Moland.
  1. Voy. Nouveaux lundis, t. III, p. 330.