Il faut que ma triste musette,
Ô noble et divine catin !
Souspire le cruel destin
De vostre pauvre Marmousette ;
Il faut que sous ce vieux cyprez,
Qui fournit la Parque de traits,
Je deplore sa fin estrange.
Et que le dueil en soit si beau,
Que de la Seine jusqu’au Gange
L’on puisse envier son tombeau.
Sus, venez donc en cette place,
Non les chiens vilains et hargneux,
Mais bien les gentils espagneux,
Plaindre l’honneur de vostre race ;
Venez pousser autour de moy
L’esclat d’un si funeste aboy.
Que l’impiteuse canicule,
Avec un long ressentiment,
Pour hurler comme vous, s’accule
Contre l’azur du firmament.
Qu’elle ne soit pas toute seule
À vous respondre en cet ennuy,
Mais qu’à mesme effet aujourd’duy
Cerbere ouvre sa triple gueule.
Las ! ce noir portier des enfers,
Au col chargé d’horribles fers,
A desjà veu là-bas son ombre,
Elle a desjà foulé le bord
Où vont, dans cet empire sombre,
Les chiens heureux après la mort.
Ô trop lamentable advanture !
À peine six fois le croissant
L’avoit esclairée en naissant,
Qu’elle a trouvé sa sepulture :
Ses yeux si gays et si jolys,
Son corps qui faisoit honte aux lys,
Ses longues oreilles tannées,
Et la beauté de son maintien,
Contre les fieres destinées,
À ses jours n’ont servy de rien.
Il est bien vray que, quand on pense
À la main qui fist son trespas,
On y rencontre tant d’appas,
Que son malheur s’en recompense ;
Un coup de mail inopiné
Fatalement luy fut donné
Par sa chere maistresse mesme :
Hé ! pouvoit-elle perir mieux
Que parce ce miracle supreme,
De qui l’œil fait mourir les dieux !
Non, non, ô la reine des charmes !
Sa gloire est sans comparaison,
Et c’est avec juste raison,
Que je veux terminer mes larmes ;
Aussi bien, après la pitié
Qu’en tesmoigne vostre amitié,
La mienne auroit mauvaise grace.
Tay-toy donc, ma musette, icy,
Et dy seulement à voix basse
Que je voudrois finir ainsi.
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