Œuvres de Saint-Amant/Le Poëte crotté

Œuvres complètes de Saint-Amant, Texte établi par Charles-Louis LivetP. JannetTome 1 (p. 209-236).
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LE POËTE CROTTÉ[1]

À Monseigneur le Duc de Rets[2].


Dans cette satyre joyeuse,
Plusieurs se sentiront pincer
D’une façon ingenieuse,
Qui ne pourront s’en offencer.



Clyon, ma petite camuse,
De grace, enfle ta cornemuse,
Pour entonner d’un chant falot,
Non les debauches de Bilot,

Qui, prest de descendre en l’Averne,
Estendu contre une taverne
Dont il adoroit le loquet,
En jettant le dernier hocquet,
Commeil entendit crier : Masse !
Soudain d’une voix graisle et basse
Respondit : Toppe ! et puis mourut
D’une broche qui le ferut ;
Non, dis-je, pour prosner sa gloire
À vaincre Bacchus mesme à boire,
Mais pour chanter et mettre au jour
L’adieu du poète à la cour.
Mon duc, de qui, sans flatterie,
Picque d’une noble furie,
J’esleverois le nom aux cieux,
À la honte de tous les dieux,
Si les regles de la satyre
Aucun bien pouvaient laisser dire,
Dans vostre mal vueillez ouyr
Ces vers faits pour vous resjouyr.
Peut-estre que vos medecines,
Vos bains, vos huylles, vos racines
N’apporteront pas tant du leur
À soulager vostre douleur,
Puis qu’on tient pour chose certaine
Que, pour appaiser toute peine,
Le plaisir est un appareil
Qui n’a nul remede pareil.
Quant est de moy, malgré ma jambe
Où le feu Sainct-Antoine flambe[3],
Malgré mon pauvre bras demis,
Au grand regret de mes amis,

En maint endroit leur rime platte
Me fait espanouyr la ratte.
Mais il est temps de commencer :
Debout, Margot, il faut dancer.
Lors que ce chardon de Parnasse[4]
Ce vain espouvantail de classe,
Ce pot-pourry d’estranges mœurs,
Ce moine bourru des rimeurs,

Ce chaland de vieille tripiere,
Cc taquin orné de rapiere.
Cet esprit chaussé de travers,
Ce petit fagotteur de vers,
Vid sa pauvre muse chifflée
Et son esperance befflée[5],
Après avoir esté vingt ans
Un des plus parfaits sots du temps,
Et s’estre veu, par son merite,
Fol de la reyne Maguerite,
Qui l’estimoit, Dieu sçait combien !
C’est-à-dire autant comme rien.
À la fin, saoul de chiquenaudes,
De taloches, de gringuenaudes,
D’ardantes mousches sur l’orteil,
De camouflets dans le sommeil,
De pets en coque à la moustache,
De papiers qu’au dos on attache ;
D’enfler mesme pour les lacquais,
De bernemens, de sobriquets,
De coups d’espingle dans les fesses,
Et de plusieurs autres caresses
Que dans le Louvre on luy faisoit
Quand son diable l’y conduisait,
ll luy prit, quoy que tard, envie
D’aller ailleurs passer sa vie,
Et, laissant Paris en ce lieu,
Luy dire pour jamais adieu.
Mais, avant qu’il ouvre la bouche,
Je veux luy donner une touche
De mon pinceau pour l’habiller,
Tant qu’on s’en puisse esmerveiller.
Un feustre noir, blanc de vieillesse,

Garny d’un beau cordon de gresse,
Qu’il ne sçauroit avoir perdu,
Non plus qu’engagé ny vendu
Sans se voir aussi-tost nu-teste,
Couvroit la hure de la beste,
Troussé par devant en sainct Roc,
Avec une plume de coc.
Son pourpoint, sous qui maint pou gronde,
Montroit les dents à tout le monde,
Non de fierté, mais de douleur
De perdre et matiere et couleur.
Il fut jadis d’un drap minime ;
Mais qu’est-ce que le temps ne lime[6] ?
Le pauvre diable a fait son cours :
Autant puissent durer mes jours.
La moitié d’une peccadille,
Sur qui sa criniere pandille,
Alfreuse et sentant le sabat,
Luy servait au lieu de rabat.
Des gregues d’un faux satin jaune,
D’un costé trop longues d’une aulne,
Et de l’autre à bouillon troussé,
Reliques d’un ballet dansé,
Qu’un galand coiffé d’une dame
Luy donna pour son anagrame
Avec un demy-quart d’escu,
Enharnachoient son chien de cu.
Un rocquet[7] de bourraccan rouge,

Qui jamais de son dos ne bouge,
L’affubloit, quoy qu’il fust hyver,
Et qu’il fust rongé de maint ver.
Une estroitte jartiere grise,
Faite d’un vieux lambeau de frise,
En zodiaquant le gipon,
Servoit d’escharpe à mon fripon,
Et trainoit, comme à la charrue,
Pour soc un fleuret par la rue,
Dont il labouroit le pavé,
Lequel en estoit tout cavé.
Ses jambes, pour paistrir les crottes,
S’armoient à cru de vieilles bottes,
L’une en pescheur, d’un gros cuir noir,
La plus grande qui se pust voir,
L’autre d’un cuir blanc de Russie,
À genouilliere racourcie ;
L’une à pié-plat, à bout pointu,
Et l’autre à pont-levis tortu.
Un petit esperon d’Engliche,
À la garniture assez chiche,
Ergottoit son gauche talon ;
Quant au droit, le bon violon
N’y portoit rien qu’une ficelle
Pour en soustenir la semelle,
Qui, comme un fruict meur ou pourry,
Laissant l’arbre qui l’a nourry,
Par quelque soudaine tempeste,
À tous coups estoit toute preste
De quitter, en se remuant,
La plante de son pied puant.
En ce ridicule equipage,
Chargé de son petit bagage,
Tirant pays seul et dispos,
Il debagoula ces propos :

Ville où j’ay tant traisné mes guestres,
Que j’en dois mieux sçavoir les astres
Qu’un rat ne fait de son grenier,
Je le chante l’adieu dernier.
Adieu doncques, Paris sur Seine,
Seine, riviere humide et pleine,
À Sanitas nommée ainsi,
Comme dit quelque autheur chansi.
Adieu Paris, cité superbe,
Paris sans pair, rare proverbe !
Qui montre, en cachant mille appas,
Que Vaugirard ne te vaut pas.
Adieu Pont-Neuf, sous qui l’eau passe,
Si ce n’est quand hyver la glace :
Car, adonc ne bougeant d’un point,
Elle est ferme, et ne passe point.
Adieu, roy de bronze ou de cuivre,
Qu’à pié l’on peut aisement suivre,
Quoy que vous soyez à cheval,
Sans aller par mont ny par val ;
Adieu, belle place Dauphine[8],
Où l’eloquence se r’affine
Par ces basteleurs, ces marmots,
De qui j’ay pris tant de beaux mots
Pour fabriquer mes epigrammes,
Bon mots qui, plus pointus que lames,
Font qu’on ne peut, sans se picquer,
En torche-culs les appliquer.
Adieu ! vous que tout au contraire
J’ay souvent fournis de quoy braire :

Chantres, l’honneur des carrefours
Et des ponts, où d’une voix d’ours
Et d’une bouffonne grimace
Vous charmez le sot populace,
Tandis qu’un matois, non en vain,
Essaye à faire un coup de main.
Adieu, blonde Samaritaine[9],
Que, sans peur des tireurs de laine,
Pour n’avoir n’argent ny manteau,
En venant du royal chasteau
J’ay veu cent fois aux heures sombres,
Lors que l’opacité des ombres
Absconce[10] tout ce qui reluit
Dessous la cappe de la nuit.
Adieu, belles rostisseries,
De moy si vainement cheries,

Où j’ay veu fumer d’aloyaux,
Qui plus valoient que les joyaux
Qui decoroient le pont au Change
Devant ce traistre esclandre estrange,
Qui, plus promptement qu’un esclair,
Luy fit faire le saut en l’air[11].
Adieu le roy des testes-folles,
Grand Erty, qui, dans les escolles
Qu’on tient aux Petites-Maisons,
Fais rire jusques aux tisons.
Las ! de quelle perseverance
Paty ay-je, sous esperance
D’obtenir quelque jour du sort
Ta noble place en cas de mort,
Place que j’eusse demandée,
Et qu’on m’eust sans faute accordée,
Nul n’en pouvant, comme je croy,
La charge mieux faire que moy.
Adieu, palais où la justice
Ne mange que du pain d’espice[12],

Et ne fait boire à ses regents,
Que la sueur des sottes gents,
Qui pour un zest, pour une paille,
Bouttant jusqu’à l’ultime maille,
Apprennent à leurs hoirs enfin
Que cil qui plaide est moult peu fin.
Quant à toy, gros Louvre effroyable,
Pour adieu je te donne au diable,
Le roy dehors, cela s’entant,
Et les reynes, qui valent tant.
Ouy, de bien bon cœur je t’y donne,
Je te dis moy-mesme en personne,
Pour les niches, pour les tourmens
Que dans tous tes departemens
On m’a faits depuis tant d’années,

Tourmens que les ames damnées
Trouveroient pires aux enfers,
Ny que leurs feux, ny que leurs fers.
Voyez un peu que c’est du monde,
Et combien est fat qui s’y fonde !
Je me souviens qu’au temps passé
Des plus grands j’estois caressé ;
Ils me tenoient pour habile homme.
Peu s’en faut que je ne les nomme,
Pour montrer qu’ils ne sçavent rien ;
Mais nul ne m’orroit, aussi bien.
S’il se faisoit galanterie,
Course, carrouzel, mommerie,
Combat de barriere, ballet ;
S’il falloit chanson ou poulet,
J’estois leur mon-cœur, leur mon-maistre ;
Leur ame m’ouvroit la fenestre
Pour m’exhiber tous ses secrets,
Tous ses plaisirs, tous ses regrets,
C’est-à-dire mille sottises.
Je leur fournissois de devises,
De beaux couplets, de hauts discours ;
Enfin j’estois tout leur recours.
Ô faux galands ! ô hapelourdes !
Que vous avez les testes lourdes,
Quoy qu’elles soient creuses pourtant,
Et que l’air soit moins inconstant !
Quand on vous montre ou vers ou prose,
Feignans d’y sçavoir quelque chose,
Vous sousriez et faites : hon,
Mais à contre-temps, c’est le bon.
Si l’amour à soy vous attire,
Vous demandez une satyre
À la louange des beaux yeux,
Qui sont vos soleils et vos dieux.

Ou vous priez que l’on vous fasse
Sur tous les attraits d’une face,
Autant de long que de travers,
Quelque beau quatrain de six vers.
Si dessus un nom d’importance,
On vous dit quelque sotte stance,
Vous l’exaltez par des transports,
En grimassant d’ame et de corps ;
Et si d’un nom qu’on chiffle au Louvre,
Quelque ouvrage excellent on couvre
En le prononçant vilement,
Vous ne l’estimez nullement.
Si vous oyez un equivoque,
Vous jettez d’aise vostre toque
Et prenez son sens malautru
Pour un des beaux mots de Bautru[13],
J’ay veu qu’un sonnet accrostiche
Anagrammé par l’emistiche[14],
Aussi bien que par les deux bouts,

Passoit pour miracle chez vous.
J’ay veu que vous preniez des noises
Pour les Marguerites françoises[15],
Et qu’eussiez joué des cousteaux
Pour Nerveze et pour Escuteaux[16] ;

Et depuis peu mesme la Serre[17],
Qui livres sur livres desserre,
Duppoit encore vos esprits
De ses impertinente escrits.
Non, non, je ne suis pas si beste,
Quelque longue que soit ma teste,
Que je ne reconnaisse bien
Que vous l’estes ou n’estes rien.
Adieu, dames et damoiselles,
Autant les laides que les belles,
Si par fard on peut meriter
Ce nom de belle, et le porter.

Allez au Cours[18], aux Tuilleries[19],
Faites-y force drolleries,
Mais il n’en est pas la saison.
Ne bougez donc de la maison,
J’entends ne bougez de la ville,
Et là, d’une humeur bien civile
Entre-visitez-vous souvent ;
Puis, feignant d’aller au convent,
Glissez-vous en robbe discrette
Chez la confidente secrette,
Où vous attend le financier
Avec boutique de mercier
Et collation preparée
Pour passer toute la soirée,
Pendant que l’amoureux de cour
Souspire en vain pour vostre amour.
Encore un coup, ô belle bande !
Pour adieu je vous recommande,
Si vous n’avez pire destin
Aux successeurs de Roquentin[20].

Adieu vous qui me faites rire,
Vous gladiateurs du bien-dire,
Qui sur un pré de papier blanc,
Versans de l’encre au lieu de sang,
Quand la guerre entre-vous s’allume,
Vous entre-bourrez d’une plume,
D’un cœur doctement martial,
Pour le sceptre eloquential.
À propos, messieurs, quand j’y songe,
Que je voy quel soucy vous ronge,
Et le dessein que vous avez,
Parbieu ! cela n’est pas mauvais,
Ou soit en vers, ou soit en prose,
Que vous disputiez d’une chose
Qui sans doutance m’appartient,
À ce que l’Olivete[21] tient.
J’en eusse dit ma ratelée,
En me fourrant dans la meslée ;
Mais je ne suis pas si badin :
L’advanture du paladin
Me fait tressaillir de l’espaule ;
Je redoute en diable la gaule,
Et m’est advis que sur mon dos
Je ne sens desjà que fagots.
Adieu vrais theatres comiques,
Belles maisons academiques,
Les ordinaires rendez-vous
Des esprits forts, des esprits dous,

Des eloquens, des gens d’intrigue,
Des cœurs de l’amoureuse brigue,
Des complaisans applaudisseurs
Et des raffinez polisseurs.
Quel plaisir d’estre en une chaise
Chez vous bien assis à son aise,
Dans une ruelle de lit
Où Madame s’ensevelit
Loin du jour, de peur qu’on ne voye
Que son muffle est une monnoye
Qui n’est plus de mise en ce temps,
Et qu’elle a bien neuf fois sept ans !
Là l’un lit, là l’autre censure,
Donnant à tout double tonsure ;
L’un se refrogne et ne dit mot ;
L’autre nigaude et fait le sot ;
L’un raconte quelque nouvelle
Qui met tout le monde en cervelle ;
L’autre pette en esternuant,
Et l’autre vesse en bouc puant.
Adieu, mon hoste, mon compere,
Où je m’en suis fait en grand’chere
Pour un franc, six liards et demy
En deux quarts d’an. Si, mon amy,
Si je vous dois quelque chosette,
Quelque chose, dis-je, de reste,
Un bout de peigne t’ay laissé
Qui t’en rendra recompensé.
Adieu, bel hostel de Bourgongne[22],

Où d’une joviale trongne
Gaultier[23], Guillaume[24] et Turlupin[25]
Font la figue au plaisant Scapin[26],
Où, dis-je, mes petits confreres
Estalent leurs bourrus mysteres ;
Où maint garnement de filou,

Quoué d’un estoc au vieux lou[27],
Pour n’aller jamais à la guerre.
Se pennade dans un parterre
Dont les horions sont les fleurs,
Les divers habits les couleurs,
Les fueilles les badauts qui tremblent,
Et où tous ses supposts s’assemblent,
Yvres de biere et de petun,
Pour faire un sabat importun.
Adieu, maquerelles et garces ;
Je vous prevoy bien d’autres farces
(Poetes sont vaticinateurs)
Dans peu vous et vos protecteurs
Serez hors de France bannies
Pour aller planter colonies
En quelque Canada loingtain.
Le temps est près, et tout certain :
Ce n’est point un conte pour rire.
Vous aurez beau crier et dire :
J’appartiens à Monsieur un tel ;
Quand vous embrasseriez l’autel,
Quand pour vous en penser distraire
Vous vous soumettriez à la haire,
Si faudra-t-il marcher pourtant.
Ô ! si l’on en faisoit autant
À toutes celles dont la vie
Dessus vostre mestier renvie,
Que Paris se depeupleroit !
Presque sans femmes il seroit.
Adieu, grande et fameuse Greve[28],

Helas ! de te quitter je creve ;
J’esperois qu’un jour à venir,
Puis qu’aussi bien tout doit finir,
Apres avoir fait à l’extresme
Un tour de pays de moy-mesme,
J’aurais l’honneur, sur vostre bort,
De voir force gens à ma mort ;
Au lieu qu’au sentier que j’empoigne
Devant que de r’estre en Gascongne,
Je cours l’hazard d’au coing d’un bois
Jetter seul des ultim’ abbois,
Accravanté de lassitude,
De trop jeusner, de marritude,
Et qui plus est, loing des beaux yeux
Où logent mon pis et mon mieux.
Ha ! beaux yeux ! ha ! docte maistresse !
Pour qui mon pie marche en detresse,
Gente Perrette[29], mon soucy,
À qui, jeunet, d’amour transy,
J’abnndonnois moy-mesme en proye
Mon cœur, mon poulmon et mon foye,
Mon corps de l’un à l’autre bout,
Trippes, boudins, et merde et tout :
Helas ! faut-il que je te quitte !
Ouy, l’ordonnance en est prescrite.
Je voudrois bien que non, mais quoy !
Necessité n’a point de loy.
L’horrible misere, laquelle

Oncques ne va sans sa sequelle,
Dueil, dam, dol, peur, mort, froid, soif, faim,
Honte, chagrin, rancœur, mes-haing,
Paresse, desespoir, envie,
Et de tous les maux de la vie,
Malgré moy me contraignent à
Laisser ton œil, qui m’empesta.
Au moins, ô ma chere Sybile !
N’aye la memoire labile :
Remembre-toy de ton costé
De ton pauvre rimeur crotté,
Et du mien j’auray pour hostesse
Dans le chief ma haute poetesse,
Dont les escrits, comme mes vers,
Sont les torches de l’univers ;
Remembre-toy des serenades
Qu’en mes nocturnes promenades,
Accompagné d’un bielleur
Aveugle, afin que deceleur
De nos amours il ne pust estre,
Discretion (qui reconnestre
Se doibt bien) je t’ay si souvent
Donnée à la pluye et au vent ;
Rememore-toy davantage,
Que quoy qu’en un douziesme estage
Tu te gistes proche du ciel,
Et c’est pourquoy, mon tout, mon miel.
Cy-devant haute t’ay nommée,
Toutesfois, d’une ame charmée
N’ay pas laissé, grimpant en ours,
De te visiter tous les jours.
Item, recorde-toy qu’en somme,
Malgré ce que ce diable d’homme,
Cette bedaine d’Allemand,
Ce fin railleur, ce faux Normand,

Ce vray demon de la satyre,
Né pour nostre commun martyre,
A dit de bouche ou par escrit
De ton corps et de ton esprit,
Tantost accomparant ta mine
À quelque vache qui rumine,
Tantost chantant qu’un siecle entier
À greslé dessus ton quartier ;
Tantost, t’appelant vieille chatte,
Poil de gorret, caboche platte,
Nez roupieux, œil esraillé,
Bec de pivert, teint escaillé,
Menton velu, cou de bellette,
Sein de drappeau, corps de squelette,
Bras d’ozier sec, main de guenon,
Jambe de grue et pié d’asnon ;
Tantost, disant que de Virgile
Tu honnis l’adorable stile,
Que son beau sens perverty as
Avec ton galimathias ;
Que tu apte n’es ny idoine
Qu’à servir de folle à la roine,
Et qu’en un estat bien reglé
Ton cher ponant seroit sanglé[30].
Recorde-toy, dis-je, ô ma rose !
Que, quoy qu’en creusse quelque chose,
Je t’ey obstant moult bien servy,
Et serviray, si plus je vy.
Je te le jure par ta garbe[31],
Parton bon demy-pié de barbe,

Par le grand diable de Vauvert[32],
Par ta teste à chapperon vert,
Par la mienne à porter marotte,
Par les guenilles de ta cotte,
Par ton mary, qui fut pendu[33],
Par ta sœur au groin morfondu,
Par le gousset de ton haleine,
Par le nabotin[34] qui te meine,
Par ta guenuche qui le suit,
Par ton bel attiffet de nuit,
Par le grenier où tu demeures,
Par tes dents de couleur de meures,
Par ton vieux chiffon de collet,
Par ta coiffe d’un bioulet,
Par tes souliers d’une coudée,
Par tes grimaces d’obsedée,
Par tes gands fourrez de blaireau,
Par ta simarre de bureau,
Par les vitres de tes lunettes,
Par le tintin de mes sonnettes,
Par ton masque de camelot,
Par ma taille de Sibilot,
Par ta chaise à jambe demise,
Par la foire de ta chemise,
Et par tout ce qu’avons nous deux
De ridicule et de hideux.
Bref, souviens-toy qu’à ton exemple[35],

Monté sur l’eschelle du temple[36],
J’ay publiquement defendu
Ains pieça, los, jaçoit, ardu,
Soulas, opter, blandice, encombre[37] ;
Et, m’escrimant, ainsi qu’une ombre,
Dans mes discours superlatifs,
Pour les mignards diminutifs,
Ay prouvé par raisons notoires
À tous les porteurs d’escritoires,
Que, comme de mil vient millet,
Ainsi de mail vient ton Maillet,
Nom dont, par une prevoyance
De nos amours, c’est ma croyance,
Le fatum exprès m’a pourveu,
Pour que de toy mieux fusse veu.
Ha ! ma vieillottine Perrette !

Que ne te tiens-je ores seulette
Près de quelque flot argentin,
Or’ que l’archerot enfantin,
De ses vo-volantes flammeches[38].
R’innove[39] en mon sang mille breches,
Et qu’en despit du froid, du temps,
En songeant à toy je m’estends !
Je sçaurois si hermaphrodite
Avec verité tu es ditte,
Obtenant de ta grace ainsy
Ce don d’amoureuse mercy,
Guerdon bien deu aux maux prolixes,
Que tes yeux, mes planettes fixes,
Depuis vingt ans fait souffrir m’ont,
Assez pour escacher un mont.
Helas ! il me souvient encore,
Ô douce lampe que j’adore !
D’une chanson dont vis à-vis
De ton guichet, à mon advis,
Je te gringotay mon martyre ;
La voicy, je la veux redire,
Tant afin de ne l’oublier
Que pour aux champs la publier :

Belle, qui dans un grabat
Sans rabat,
Toute seule et toute nue,
Estens à present ton corps,
Si ne dors,
Las ! oy ma desconvenue.

Oy le triste ver-coquin
D’un mesquin

Sur qui Cupido s’acharne,
Et pour obliger son feu
Tant soit peu,
Mets le chief à la lanterne.

C’est un pauvre adolescent
Innocent,
Feru droit à la poictrine,
Lequel, sous ton bon plaisir,
N’a desir
Que d’embrasser ta doctrine.

Les garrots de tes regards,
Doux-hagars,
Dans son cœur leurs pointes fichent
Plus avant, las ! que dans ton
Pelotton
Tes espingles ne se nichent.

Les cottrets qu’à la Sainct-Jean,
D’an en an,
Dedans la Greve on allume,
Ne bruslent pas mieux que luy,
Qu’aujourd’huy
Ton œil ard, grille et consume.

Et combien qu’il pleuve à flots
Sur son dos,
Qui n’en est pas beaucoup aise,
Cet orage degoutant,
Nonobstant,
Ne peut esteindre sa braise.

Combien, dis-je, que la nuit,
Sans nul bruit,
De noires ombres le cerne,
Ce feu fait que pour ses pas,

Il n’a pas
Ores besoin de lanterne.

Il est pourtant si secret,
Si discret,
Que la clarté l’importune,
Craignant d’estre reconnu
Et tenu
Pour homme à bonne fortune.

Si dessus le lac amer
De la mer
Il estoit dans un navire ;
Les rots qu’il lache pour toy,
Que je croy,
Luy serviroient de zephire.

Aussi les moulins à vent
Bien souvent
En ont mis le grain en poudre,
Et l’eau que pissent ses yeux
En maints lieux,
D’autres moulins a fait moudre.

Moins de poils a ton matou[40],
Qui dort où
Tu te reposes la teste,
Qu’il n’a d’ennuis au cerveau,
Le bon veau,
Tant ta beauté le tempeste.

Las ! helas ! ô dur esmoy !
C’est de moy,
C’est de moy de qui je parle ;

Si tu veux sçavoir mon nom ;
Ma guenon,
Je ne m’appelle point Charle.

Comme il alloit hurlant ces rimes,
Ces beaux adieux farcis de crimes
Contre la langue et le mestier,
Un puissant ribaud de chartier,
Qui retournait au Bourg-la-Reine
Charrette vuide et pance pleine,
Le rencontrant dans son chemin,
En bourdican de Saint-Fremin,
Termina ses sottes merveilles
D’un coup de fouet par les oreilles,
Et luy fist changer de discours
Pour crier : À l’ayde ! au secours !
Si quelqu’un icy veut entendre
Par quel moyen j’ay peu l’apprendre,
Puis que je ne m’y treuvay pas,
Je n’ay qu’à luy dire en ce cas,
Afin de l’oster de cervelle,
En chantant-la chanson nouvelle
Qui maintenant est en credit,
Mon petit doigt me l’a dit[41].

  1. Le poète crotté, c’est celui qui, crotté en archidiacre, parceque autrefois les archidiacres faisoient leurs visites à pied, en toutes saisons, comme

    …… Pelletier crotté jusqu’à l’échine.
    Va mendier son pain de cuisine en cuisine ;

    c’est le méchant poète, porteur de rogatons, qui s’est rendu ridicule ; c’est enfin ce qu’on appeloit un rimeur de balle. (V. Furetière, aux mots crotté, archidiacre, rogaton…) Dans le supplément mss. au Menagiana (Bibl. imp.), on lit : « M. Despréaux a outré les caractères aussi bien que Molière. Il a peint les gens plus ridicules qu’ils n’estoient. Il a dit, par exemple, que Pelletier le poète alloit de cuisine en cuisine, et il n’a presque jamais mangé hors de chez lui. ».

  2. Voy. la note 1, p. 3.
  3. Saint-Amant parle ici d’une plaie à la jambe qu’il avoit rapportée d’Angleterre.
  4. L’auteur désigne ici Maillet, ce poète dont nous avons parlé note 1, p. 139. Nous ajouterons, pour compléter le portrait qu’en fait Saint-Amant, ce qu’ont dit de lui Fr. Colletet (loc. cit.) et Théophile : « Je ne sçay pas comme il se pourroit desmesler d’un compliment amoureux, car, a ce que m’a dit mon père (G. Colletet), sa mine austère, ses yeux hazards (sic), son poil confus et meslé, sa taille haute et courbée, ses habits peu somptueux et souvent en lambeaux, enfin son entretien rustique et sauvage, me persuadent assez que, dans sa pensée et dans sa veue, il n’estoit pas un Adonis, ny un Médor dans l’esprit de son Angélique. Si, dans toutes ses actions, il se fût conduit selon les règles de la prudence humaine, il ne se fût pas rendu, comme il fit depuis, le jouet des grands et du peuple mesme, qui commença à le considérer comme un esprit bourru et melancholique, que l’on voyoit tousjours bizarre et tousjours resveur… Théophile fut un des premiers qui l’entreprit, car c’est de luy dont il parle, dans une de ses premières élegies, en ces termes :

    Mais cet autre poëte est bien plein de ferveur ;
    ll est blesme, transy, solitaire, resveur ;
    La barbe mal peignée, un œil branslant et cave,
    Un front tout refrogné, tout le visage have,
    Ahanne dans son lict et marmotte tout seul.
    Comme un esprit qu’on oit parler dans le linceul.
    Grimasse par la rue, et, stupide, retarde
    Ses yeux sur un objet sans voir ce qu’il regarde.

    Ce tableau assez bien fait excite notre illustre amy Saint-Amant d’encherir encore par dessus. » — Le chevalier de Cailly a fait aussi un quatrain contre Maillet, et Meynard deux sonnets.

  5. Trompée
  6. On se rappelle le sonnet de Scarron :

    Il n’est point de ciment que le temps ne dissoude…
    Dois-je trouver mauvais qu’un méchant pourpoint noir
    Qui m’a duré dix ans soit percé par le coude ?

  7. Roquet, espèce de manteau sans collet qui ne tomboit que jusqu’au coude. Des maîtres il passa aux laquais, et de là aux buffons : — le manteau de Crispin, c’est un roquet.
  8. Cf. les Adieux au Marais de Scarron, et la satire de Boileau sur le même sujet. La place Dauphine et le Pont-Neuf étoient encombrés par les bouquinistes, les bateleurs, les charlatans (Mander, Tabarin, etc.), les chanteurs (le Savoyard, etc.).
  9. « La fontaine de la Samaritaine est un des ornements du Pont-Neuf. Ce bâtiment avoit été construit, sous le règne de Henri III, à la seconde arche du côté du Louvre. Il fut détruit en 1712… et rétabli avec plus d’art et de goût qu’il n’etoit auparavant. » On sait qu’il n’existe plus — Le 6 juin 1654, suivant la gazette de Loret, six hommes attaquèrent le marquis de Resnel près de la Samaritaine, et lui laissèrent… sa chemise. — Voy. encore au 7 avril 1652. — À la date du 16 mars 1656, on lit encore :

    Le propre soir du mesme jour.
    Livet, revenant de la cour.
    Fut assailly par une bande
    Contre laquelle, encor que grande,
    Comme il estoit homme de bien,
    Il le défendit assez bien ;
    Mais il fallut céder au nombre ;
    Ayant esté fort mal mené.
    Il fut enfin assassiné.

  10. Abscondere, absconsum, cacher.
  11. Pour comprendre ce passage, il faut se rappeler que ce pont étoit occupé, d’un côté, par 50 forges d’orfèvres, et, de l’autre, par 54 boutiques de changeurs. Il étoit en bois. Souvent emporté par les eaux, incendié aussi en 1621 (24 octobre) et en 1639, il a été rebâti en pierre du 10 septembre 1639 au 20 octobre 1647.
  12. Autrefois les épices étoient fort rares, et si précieuses qu’on les offroit pour étrennes ; plus tard, sous le même nom, on y substitue des sucreries. Gagnoit-il un procès, le plaideur reconnaissant envoyoit des épices à son juge. « Bientôt, lit-on dans les Mœurs et coutumes des Français, par Legrand d’Aussy, l’abus s’en mela, et saint Louis se crut obligé de fixer à la valeur de dix sous les épices qu’il permettoit aux juges de recevoir. » L’avidité des juges se voila davantage, et l’abus continua. La vénalité des charges fit ensuite convertir en argent ces paquets d’épices : de là cette formule, qu’on trouve en marge des anciens registres du parlement : Non deliberatur donec solvantur species — pas d’épices, pas de jugement. Furetière nous apprend que l’on donnoit le nom d’épices aux salaires que les juges se taxoient en argent au bas des jugements, pour leur peine d’avoir travaillé au rapport et à la révision des procès par écrit. D’abord il n’y avoit que les juges pédanés (juges de village qui rendoient leurs jugements stantes in pedibus) à recevoir des épices, parcequ’ils n’avoient point de gages. À la fin du xviie siècle, on payoit les épices en écus quarts de trois livres quatre sous ; mais, à cette époque, certains magistrats avoient bien compris la honte de cette coutume. Ainsi M. Portail, conseiller au parlement de Paris, jetoit par la fenêtre du grenier, où, comme Dandin son portrait, il avoit huché son cabinet (voy. Tallemant), les présents que lui apportoient les plaideurs. Les poètes attaquèrent le même abus. Furetière voit au milieu d’un marché une statue de la Justice, et il fait cette épigramme :

    — D’où vient qu’on a tant approché
    Cette Justice du marché ?
    — Rien n’est plus facile à comprendre :
    C’est pour montrer qu’elle est à vendre.

    Le poète de Cailly (d’Aceilly), de son côté, a fait plusieurs épigrammes sur le même sujet.

  13. Bautru de Serant, né vers 1588, mort en 1665, a l’âge d’environ 77 ans, fut un des beaux esprits du règne de Louis XIII et de la Régence. Le Menagiana est plein de ses bons mots et de ses farces. Voy. aussi Tallemant, III, 98, édit. in-18. — Bautru étoit de l’Académie françoise. Pellisson ne cite aucun de ses ouvrages ; cependant l’Onosandre ou l’Âne-homme, qui se trouve dans le Cabinet satyrique, est signé de lui. On a dit de lui, grâce a sa femme, qui garda son nom de Nogent pour ne pas entendre prononcer à l’italienne par Marie de Médicis le nom de Bautru : risum fecit, sed ridiculus fuit.
  14. Il seroit trop long de donner la liste de tous les versificateurs d’ordre infime, depuis Fortunat, Théocrite même, jusqu’au poète de Saint-Amant, qui ont cherché de semblables difficultés. M. Peignot a donné une poétique curieuse, sinon complète des genres dont se moque Saint-Amant. Dans la Bibl. du théâtre franç. on cite une puérilité de ce genre qui mérite d’être signalée (III, p. 65-66) : « Hugues Millotet, prieur, chanoine en l’église collégiale de Flavigny : Chariot de Triomphe, etc. À la fin du prologue, on trouve :
    1er acte. 2e acte. 3e acte. 4e acte. 5e acte.
    Sainte Reine priez pour nous.

    Toutes les scènes de la présente tragédie commencent par chaque lettre de ces cinq paroles, et tous les acteurs et actrices qui ont représenté ladite tragédie ont leur acrostiche en leurs discours, par chaque lettre de leur nom et surnom. »

  15. Les Marguerites françoises ou fleurs de bien dire, par François Desrues, Coutancois, Rouen, 1625, in-12. Le titre de ce livre étoit devenu le nom des compliments et des façons de parler recherchées.
  16. Nerveze et Des Escuteaux. Ces deux noms sont depuis long-temps synonymes de méchants auteurs. Les biographes ont généralement dédaigné de s’en occuper. — Nous connoissons du sieur de Nervèze, secrétaire de la chambre du roi, les Amours diverses, imprimées séparément d’abord, puis réunies en 2 vol. (Rouen, Cl. Le Villain, 1621, in-12). et dédiées à Sully et à son fils, le marquis de Rosny. Sa sœur étoit connue sous le nom de Nérésie parmi les précieuses, et elle écrivoit aussi. Le Cercle des femmes savantes de Jean de La Forge la célèbre sous le nom de Némésis. — Des Escuteaux a fait paroître entre autres, en 1605, les Amours de Lydian et de Floriande, Paris, Du Bray, 1605, 1 vol. in-12. Ce volume est dédié à dame Catherine de Mars, comtesse douairière de Caravas. Rien n’est plus ridicule que son pathos : « Madame, si la sagesse n’avoit establi un empire aussi absolu en vostre ame que l’amour un pouvoir imperieux aux rayons de vos beaux yeux, Floriande, qui fut un soleil de beauté, n’auroit paru devant le jour des vostres, etc. »
  17. Puget de La Serre, né vers 1600, mort en 1665, a composé plusieurs tragédies ; il s’y montre précurseur de La Motte en employant la prose : Pandoste, Pyrame, Th. Morus, le Sac de Carthage, le Martyre de sainte Catherine, Climène, Thésée. Il étoit historiographe de France et conseiller d’État. La Serre écrivoit pour dédier ; comme ses écrits ne se vendoient pas, il se rattrapoit sur les dédicaces. On conserve à la Bibl. Mazarine le mss. d’un livre qu’il dédia à la reine, et la reliure est un chef-d’œuvre. Dans les notes de Brossette sur Boileau, on trouve sur La Serre quelques curieuses anecdotes. On a de lui, entre autres ouvrages : le Secrétaire de la cour et à la mode, ou la manière d’écrire toutes sortes de lettres, tant sérieuses, morales, qu’amoureuses, avec leur response ; augmenté des compliments de la langue françoise, par le sieur de La Serre, Rouen, veuve Oursel, S. D., 1 vol. in-12. La Serre dédie ce volume à M. de Malherbe « Voicy une autre statue de mon nom (lisez Memnon) que je vous presente comme à son soleil… Aussy estes-vous en France le Socrate d’Athènes… » On y trouve des modèles
    de lettres sur des sujets comme celui-ci : « Lettre d’une dame qui seroit prisonnière du commandement de son prince amoureux d’elle. »
  18. On donnoit ce nom a de « belles et grandes allées bordées de tillos », dit Richelet. « C’étoit un lieu agréable où étoit le rendez-vous du beau monde pour se promener à certaines heures. » Le Cours-la-Reine, planté par Marie de Médicis, hors des murs, le long de la Seine, avoit trois allées. (Voy. Furetière.) « Cette promenade étoit entourée de fossés et avoit aux deux extrémités deux grands portails. L’allée du milieu avoit six à sept toises de largeur. » À la suite de la Madonte, tragicomédie du sieur Auvray, on trouve, dans les « autres œuvres poétiques », une longue pièce sur la promenade du Cours — (p. 39-51).
  19. Il ne s’agit pas du palais, mais du jardin des Tuileries.
  20. On donna le nom de roquentins a des chansons qui comme le Bossu, comme le Coq du voisinage, le Petit Doigt, le Perroquet, etc., avoient ce mot dans leur refrain. (Voy. le Nouveau entretien des bonnes compagnies, Paris, J. Villery, 1635, in-12.
  21. Nous ne pouvons que renvoyer ici au Dict. des précieuses de Somaize, qui sera publié dans cette collection, et à la notice préliminaire qui doit l’accompagner.
  22. Les confrères de la Passion achetèrent de Jean Rouvet, le 30 août 1548, un terrain de 17 toises de long sur 16 toises de large, faisant partie de l’ancien hôtel de Bourgogne, qui donna son nom au nouveau bâtiment élevé par les confrères. En 1552, Jodelle substitua, disent les frères Parfait, aux spec- tacles de son temps la comédie et la tragédie dans le goût des anciens. Les comédiens de l’hôtel de Bourgogne furent les premiers à obtenir le titre de comédiens du roi, avec une pension de douze mille livres.
  23. Gautier-Garguille débuta sur le théâtre du Marais vers 1598. Son vrai nom étoit Hugues Gueru ; on l’avoit surnommé Fléchelles. Il étoit très maigre, : les jambes droites, menues. Il représentait ordinairement un vieillard dans les farces, quelquefois les rois dans les pièces sérieuses. Il avoit un entretien fort agréable. Voici son costume : des pantoufles au lieu de souliers ; un bâton à la main ; une espèce de bonnet plat et fourré ; point de cravate ni de col de chemise ; une camisole qui descendoit jusqu’à la moitié des cuisses ; une culotte étroite qui venoit se joindre au bas au dessous du genou ; une-ceinture avec une gibecière et un gros poignard ; le corps de l’habit noir, les manches rouges ; boutons et boutonnières rouges sur le noir, noirs sur le rouge. (V. Sauval et les frères Parfait.) — Il avoit épousé la fille de Tabarin (voy. note 1, p.165). Il a composé quelques prologues et des chansons imprimées (in-12) ; le privilége, du 4 mars 1631, est motivé sur la crainte qu’avoit l’auteur de voir son livre contrefait et gâté par des chansons plus dissolues que les siennes.
  24. Voyez note 2, p.164.
  25. Henri Le Grand, surnommé Belleville pour le haut comique et Turlupin pour la farce, entra jeune à l’hôtel de Bourgogne, vers 1583. Jamais comédien n’a composé ni mieux conduit la farce que Turlupin. — On’a fait sur ces trois comédiens inséparables, Gantier-Garguille, Gros-Guillaume et Turlupin, une épitaphe commune. Voy. Sauval, les frères Parfait, etc.
  26. Les rôles de Scapin sont connus. Molière a popularisé ce nom.
  27. Portant par derrière un bâton ferré des deux bouts, propre à chasser le loup.
  28. C’est sur la Grève que se faisaient les exécutions :

    À la fin tous ces jeux que l’athéisme élève
    Conduisent tristement le plaisant à la Grève. (Boileau)

  29. Tallemant prétend que Saint-Amant, dans ce passage, a eu en vue Mlle de Gournay, que son amour pour notre vieux langage faisoit tourner alors en ridicule. — Son livre Des advis a une véritable valeur dans toute la partie purement grammaticale ; ses traductions de Virgile sont tiraillée et pénibles. — (Voy. Tallemant.)
  30. Les huit vers qui précédent ne se trouvent pas dans l’édit. de 1649.
  31. De l’Espagn. garbo, air galant. Ce mot se prenoit pour visage au commencement du 17e siècle.
  32. Voy. Œuvres de Roger de Collerye, p.114, note 3 (Bibliothèque elzevirienne).
  33. Ce vers est mis pour dépayser le lecteur. — Mlle de Gournay ne fut jamais mariée.
  34. C’étoit une fille d’Amadis Jamyn, le poète, page de Ronsard
  35. Les seize vers qui suivent ne figurent pas dans l’édit. de 1649.
  36. Cette échelle, placée au coin de la rue du Temple et de la rue des Vieilles-Audriettes, étoit, comme plusieurs autres qu’on voyoit dans divers endroits de Paris, des marques de haute justice. Elle fut brûlée un jour d’orgie par plusieurs gentilshommes dont une chanson mss. nous a conservé les noms de Rouville, Candele, Brissac, Coulon et le marquis de Ville.
  37. On lit, au sujet de ces mots, dans la Requête des dictionnaires de Ménage :

    Ces nobles mots : moults, ains, jaçoit,
    Ores, adonc, maint, ainsi-soit,
    A-tant, ai-que, piteux, icelle,
    Trop-plus, trop-mieux, blandice, isnelle.
    Pieça, tollir, illec, ainçois…

    sont défendus par

    … de Gournay la pucelle.

    Ajoutons que Fénelon et La Bruyère les regrettent ; que plusieurs des mots protégés par la Fille d’alliance de Montaigne sont parvenus jusqu’à nous avec honneur.

  38. Archaïsme imité de Ronsard et de Du Bartas.
  39. Renouvelle ; de l’it. rinnovare.
  40. C’est ma mie Piaillon, à qui le card. de Richelieu faisoit
    20 livres de pension. — V. Tallemant, III, 121, édit. in-18.
  41. Refrain d’une chanson en vogue :

    Les Ponts-Bretons charmèrent
    Autrefois nos esprits.
    Les Petits-Doigts gagnèrent
    Bientôt après le prix.
    Maintenant on les blâme
    De n’être pas curieux…

    (Le Nouveau entretien des bonnes compagnies. 1 vol. in-12, 1635, p. 64.)