Œuvres complètes de Démosthène et Eschine (Traduction de Joseph Planche)/Volume VI/Harangue contre Midias

HARANGUE


DE DÉMOSTHÈNE


CONTRE MIDIAS.


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Vous savez sans doute , Athéniens, ( et qui de vous pourrait l’ignorer ? ) quel est le caractère violent de Midias , et son insolence envers tout le monde. Ce que chacun eût cru devoir faire s’il eût été insulté , je l’ai fait ; j’ai porté mes plaintes devant le peuple ; j’ai accusé Midias d’avoir violé la sainteté des fêtes de Bacchus, en osant me frapper sur le théâtre, après avoir exercé envers moi mille autres violences durant tout le cours de ma chorégic. Lors donc que le peuple, animé d’une juste colère contre ce méchant homme, et aussi sensible à l’injure qu’il m’avait faite , que peu touché de ses démarches et de celles de tous ses fauteurs , l’eût condamné tout d’une voix, sans égard ni à sa fortune ni à ses promesses ; alors plusieurs ciloycns, dont quelques-uns même siègent actuellement dans ce tribunal, vinrent m’exhorler à le poursuivre sans relâche , à le livrer entre les mains de votre justice. Deux motifs , à ce qu’il me semble , les faisaient agir ; l’outrage que j’avais essuyé, et nulle pitié, nul crédit, nul artifice, que rien, en un mot, ne donne droit à personne de les violer impunément.

Ceux d’entre vous qui étaient au spectacle , ont accueilli Midias par des clameurs, quand il est entré siir le théâtre, lui ont prodigué toutes les marques d’indignation. Vous donc qui , avant qu’on eût convaincu l’auteur de l’offense, étiez animés contre lui, exhortiez l’offensé à le poursuivre, qui applaudissiez quand je le dénonçais au peuple ; maintenant qu’il est convaincu, qu’il a été condamné par le peuple assemblé dans le temple de Bacchus , que ses autres violences sont dévoilées, que vous êtes nommés juges, que tout dépend de vos suffrages ; balancerez-vous à venger mes injures , à satisfaire le peuple , à rendre les autres plus modérés, et à établir pour la suite votre sûreté propre, en faisant de Midias un exemple qui effraye à jamais les hommes outrageux ? Touchés de toutes les raisons que j’ai alléguées , pénétrés de respect pour le dieu dont Midias est convaincu d’avoir violé la fête, infligez lui la peine qu’il mérite , par une sentence telle que la demandent de vous les lois , la justice et la religion.