Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Craie de Briançon

CRAIE DE BRIANÇON

Cette pierre n’est pas plus craie que la craie d’Espagne, c’est également une pierre talqueuse, et presque même un véritable talc ; elle n’en diffère qu’en ce que les lames dont elle est composée sont moins solides que celles du talc, et se divisent plus aisément en parcelles micacées, qui sont un peu plus aigres au toucher que les particules du talc : cette pierre n’est donc qu’un talc imparfait[1], c’est-à-dire un agrégat de particules d’un mica qui n’a pas encore subi tous les degrés de l’atténuation nécessaire pour devenir talc ; mais le fond de sa substance est la même ; sa dureté, sa densité sont aussi à très peu près les mêmes[2], et ses autres propriétés n’en diffèrent que du moins au plus ; car, après le talc, c’est de toutes les stéatites la plus tendre et la plus douce au toucher ; on la trouve plus fréquemment et en plus grandes masses que les talcs ; elle s’offre aussi en différents états dans ses carrières, et on la distingue par la qualité de ses parties constituantes qui sont plus ou moins fines ou grossières. La plus fine est presque aussi transparente que le talc lorsqu’elle est réduite à une petite épaisseur, et ne paraît différer du vrai talc qu’en ce que les lames qui la composent ne sont pas lisses, et qu’elles ont à leur surface des stries et des tubercules ; en sorte que, quand on veut séparer ces lames, elles ne se détachent pas les unes des autres comme dans les talcs, mais qu’elles se brisent en petites écailles, cette craie est donc un talc qui n’a pas acquis toute sa perfection ; celui qu’on appelle talc de Venise ou de Naples est absolument de la même nature, et on se sert également de leur poudre pour faire le fard blanc et la base du rouge dont nos femmes font un usage agréable aux yeux, mais déplaisant au toucher.


Notes de Buffon
  1. « La craie de Briançon, dit très bien M. Pott, est plutôt une espèce de talc qu’une stéatite. » Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747, p. 68. — Divers auteurs témoignent que la Suède fournit la même production, continue M. Pott, et en particulier Broëmel, dont voici les paroles : « Le talc talgstein ou grysteen est une matière semblable à la pierre ollaire qu’on peut fendre, tourner et travailler comme le bois, pour en faire diverses pièces de vaisselle de cuisine qui s’échauffent au moindre feu. On en trouve auprès de Hundohl dans le Jemptland ; elle sert aussi à faire des foyers, des fourneaux et des briques. Il s’en rencontre une autre espèce à Kieremecki, paroisse de Savola, et à Nerkie. J’en ai reçu une espèce beaucoup plus belle, verdâtre et à demi transparente, de Wermeland et des mines de Sahlberg… » Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747, p. 68.
  2. La pesanteur spécifique du talc de Moscovie est de 27 917 ; celle de la craie de Briançon grossière, c’est-à-dire qui se délite en feuilles comme le talc, est de 27 274, et celle de la craie de Briançon fine est de 26 689, à peu près égale à celle du mica jaune.