Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire et théorie de la Terre/Supplément à la théorie de la Terre/Premier mémoire/1
PREMIER MÉMOIRE
RECHERCHES SUR LE REFROIDISSEMENT DE LA TERRE ET DES PLANÈTES :
Refroidissement des planètes.
En supposant, comme tous les phénomènes paraissent l’indiquer, que la terre ait autrefois été dans un état de liquéfaction causée par le feu, il est démontré, par nos expériences, que si le globe était entièrement composé de fer ou de matière ferrugineuse[1], il ne se serait consolidé jusqu’au centre qu’en 4 026 ans, refroidi au point de pouvoir le toucher sans se brûler en 46 991 ans ; et qu’il ne se serait refroidi au point de la température actuelle qu’en 100 696 ans ; mais comme la terre, dans tout ce qui nous est connu, nous parait être composée de matières vitrescibles et calcaires qui se refroidissent en moins de temps que les matières ferrugineuses, il faut pour approcher de la vérité autant qu’il est possible, prendre les temps respectifs du refroidissement de ces différentes matières tels que nous les avons trouvés par les expériences du second mémoire, et en établir le rapport avec celui du refroidissement du fer. En n’employant dans cette somme que le verre, le grès, la pierre calcaire dure, les marbres et les matières ferrugineuses, on trouvera que le globe terrestre s’est consolidé jusqu’au centre en 2 905 ans environ, qu’il s’est refroidi au point de pouvoir le toucher en 33 911 ans environ, et à la température actuelle en 74 047 ans environ.
J’ai cru ne devoir pas faire entrer dans cette somme des rapports du refroidissement des matières qui composent le globe, ceux de l’or, de l’argent, du plomb, de l’étain, du zinc, de l’antimoine et du bismuth, parce que ces matières ne font, pour ainsi dire, qu’une partie infiniment petite du globe.
De même je n’ai point fait entrer les rapports du refroidissement des glaises, des ocres, des craies et des gypses, parce que ces matières n’ayant que peu ou point de dureté, et n’étant que des détriments des premières, ne doivent pas être mises au rang de celles dont le globe est principalement composé, qui, prises généralement, sont concrètes, dures et très solides, et que j’ai cru devoir réduire aux matières vitrescibles, calcaires et ferrugineuses, dont le refroidissement, mis en somme d’après la table que j’en ai donnée[2], est à celui du fer : : 50 516 : 70 000 pour pouvoir les toucher, et : : 51 475 : 70 000 pour le point de la température actuelle. Ainsi, en partant de l’état de la liquéfaction, il a dû s’écouler 2 905 ans avant que le globe de la terre fût consolidé jusqu’au centre ; de même il s’est écoulé 33 911 ans avant que sa surface fût assez refroidie pour pouvoir la toucher, et 74 047 ans avant que sa chaleur propre ait diminué au point de la température actuelle ; et comme la diminution du feu ou de la très grande chaleur se fait toujours à très peu près en raison de l’épaisseur des corps ou du diamètre des globes de même densité, il s’ensuit que la lune, dont le diamètre n’est que de 311 de celui de la terre, aurait dû se consolider jusqu’au centre en 792 ans environ, se refroidir au point de pouvoir la toucher en 9 248 ans 511 environ, et perdre assez de sa chaleur propre pour arriver au point de la température actuelle en 20 194 ans environ, en supposant que la lune est composée des mêmes matières que le globe terrestre : néanmoins, comme la densité de la terre est à celle de la lune : : 1 000 : 702, et qu’à l’exception des métaux toutes les autres matières vitrescibles ou calcaires suivent dans leur refroidissement le rapport de la densité assez exactement, nous diminuerons les temps du refroidissement de la lune dans ce même rapport de 1 000 à 702, en sorte qu’au lieu de s’être consolidée jusqu’au centre en 792 ans, on doit dire 556 ans environ pour le temps réel de sa consolidation jusqu’au centre, et 6 492 ans pour son refroidissement, au point de pouvoir la toucher, et enfin 14 176 ans pour son refroidissement à la température actuelle de la terre : en sorte qu’il y a 59 871 ans entre le temps de son refroidissement et celui du refroidissement de la terre, abstraction faite de la compensation qu’a dû produire sur l’une et sur l’autre la chaleur du soleil, et la chaleur réciproque qu’elles se sont envoyée.
De même, le globe de Mercure, dont le diamètre n’est que 13 de celui de notre globe, aurait dû se consolider jusqu’au centre en 968 ans 13 ; se refroidir au point de pouvoir le toucher en 11 301 ans environ, et arriver à celui de la température actuelle de la terre en 24 682 ans environ, s’il était composé d’une matière semblable à celle de la terre ; mais sa densité étant à celle de la terre : : 2 400 : 1 000, il faut prolonger dans la même raison les temps de son refroidissement. Ainsi Mercure s’est consolidé jusqu’au centre en 1 976 ans 310, refroidi au point de pouvoir le toucher en 23 054 ans, et enfin à la température actuelle de la terre en 50 351 ans ; en sorte qu’il y a 23 696 ans entre le temps de son refroidissement et celui du refroidissement de la terre, abstraction faite de même de la compensation qu’a dû faire à la perte de sa chaleur propre la chaleur du soleil, duquel il est plus voisin qu’aucune autre planète.
De même le diamètre du globe de Mars n’étant que 1325 de celui de la terre, il aurait dû se consolider jusqu’au centre en 1 510 ans 35 environ, se refroidir au point de pouvoir le toucher en 17 634 ans environ, et arriver à celui de la température actuelle de la terre en 38 504 ans environ, s’il était composé d’une matière semblable à celle de la terre ; mais sa densité étant à celle du globe terrestre : : 730 : 1 000, il faut diminuer dans la même raison les temps de son refroidissement. Ainsi Mars se sera consolidé jusqu’au centre en 1 102 ans 1825 environ, refroidi au point de pouvoir le toucher en 12 873 ans, et enfin, à la température actuelle de la terre, en 28 108 ans ; en sorte qu’il y a 45 839 ans entre les temps de son refroidissement et celui de la terre, abstraction faite de la différence qu’a dû produire la chaleur du soleil sur ces deux planètes.
De même, le diamètre du globe de Vénus étant 1718 du diamètre de notre globe, il aurait dû se consolider jusqu’au centre en 2 744 ans environ, se refroidir au point de pouvoir le toucher en 32 027 ans environ, et arriver à celui de la température actuelle de la terre en 69 933 ans, s’il était composé d’une matière semblable à celle de la terre ; mais sa densité étant à celle du globe terrestre : : 1 270 : 1 000, il faut augmenter dans la même raison les temps de son refroidissement. Ainsi Vénus ne se sera consolidée jusqu’au centre qu’en 3 484 ans 2225 environ, refroidie au point de pouvoir la toucher en 40 674 ans, et enfin, à la température actuelle de la terre, en 88 815 ans environ, en sorte que ce ne sera que dans 14 768 ans que Vénus sera au même point de température qu’est actuellement la terre, toujours abstraction faite de la différente compensation qu’a dû faire la chaleur du soleil sur l’une et sur l’autre.
Le diamètre du globe de Saturne étant à celui de la terre : : 9 12 : 1, il s’ensuit que malgré son grand éloignement du soleil il est encore bien plus chaud que la terre, car abstraction faite de cette légère différence, causée par la moindre chaleur qu’il reçoit du soleil, il se trouve qu’il aurait dû se consolider jusqu’au centre en 27 597 ans 12, se refroidir au point de pouvoir le toucher en 322 154 ans 12, et arriver à celui de la température actuelle en 703 446 12, s’il était composé d’une matière semblable à celle du globe terrestre ; mais sa densité n’étant à celle de la terre que : : 184 : 1 000, il faut diminuer dans la même raison les temps de son refroidissement. Ainsi Saturne se sera consolidé jusqu’au centre en 5 078 ans environ, refroidi au point de pouvoir le toucher en 59 276 ans environ, et enfin, à la température actuelle, en 129 434 ans ; en sorte que ce ne sera que dans 55 387 ans que Saturne sera refroidi au même point de température qu’est actuellement la terre, abstraction faite non seulement de la chaleur du soleil, mais encore de celle qu’il a dû recevoir de ses satellites et de son anneau.
De même, le diamètre de Jupiter étant onze fois plus grand que celui de la terre, il s’ensuit qu’il est encore bien plus chaud que Saturne, parce que d’une part il est plus gros, et que d’autre part il est moins éloigné du soleil ; mais en ne considérant que sa chaleur propre, on voit qu’il n’aurait dû se consolider jusqu’au centre qu’en 31 955 ans, ne se refroidir au point de pouvoir le toucher qu’en 373 021 ans, et n’arriver à celui de la température de la terre qu’en 814 514 ans, s’il était composé d’une matière semblable à celle du globe terrestre ; mais sa densité n’étant à celle de la terre que : : 492 : 1 000, il faut diminuer dans la même raison les temps de son refroidissement. Ainsi Jupiter se sera consolidé jusqu’au centre en 9 331 ans 12 environ, refroidi au point de pouvoir le toucher en 108 922 ans, et enfin, à la température actuelle, en 237 838 ans ; en sorte que ce ne sera que dans 163 791 ans que Jupiter sera refroidi au même point de température qu’est actuellement la terre, abstraction faite de la compensation, tant par la chaleur du soleil, que par la chaleur de ses satellites.
Ces deux planètes, Jupiter et Saturne, quoique les plus éloignées du soleil, doivent donc être beaucoup plus chaudes que la terre, qui néanmoins, à l’exception de Vénus, est de toutes les autres planètes celle qui est actuellement la moins froide. Mais les satellites de ces deux grosses planètes auront, comme la lune, perdu leur chaleur propre en beaucoup moins de temps, et dans la proportion de leur diamètre et de leur densité : il y a seulement une double compensation à faire sur cette perte de la chaleur intérieure des satellites, d’abord par celle du soleil, et ensuite par la chaleur de la planète principale, qui a dû, surtout dans le commencement et encore aujourd’hui, se porter sur ces satellites, et les réchauffer à l’extérieur beaucoup plus que celle du soleil.
Dans la supposition que toutes les planètes aient été formées de la matière du soleil, et projetées hors de cet astre dans le même temps, on peut prononcer sur l’époque de leur formation par le temps qui s’est écoulé pour leur refroidissement. Ainsi la terre existe, comme les autres planètes, sous une forme solide et consistante à la surface, au moins depuis 74 047 ans, puisque nous avons démontré qu’il faut ce même temps pour refroidir, au point de la température actuelle, un globe en incandescence qui serait de la même grosseur que le globe terrestre[3], et composé des mêmes matières. Et comme la déperdition de la chaleur, de quelque degré qu’elle soit, se fait en même raison que l’écoulement du temps, on ne peut guère douter que cette chaleur de la terre ne fût double, il y a 37 023 ans 12, de ce qu’elle est aujourd’hui, et qu’elle n’ait été triple, quadruple, centuple, etc., dans des temps plus reculés, à mesure qu’on se rapproche de la date de l’état primitif de l’incandescence générale. Sur les 74 047 ans, il s’est, comme nous l’avons dit, écoulé 2 905 ans avant que la masse entière de notre globe fût consolidée jusqu’au centre ; l’état d’incandescence d’abord avec flamme, et ensuite avec lumière rouge à la surface, a duré, tout ce temps, après lequel la chaleur, quoique obscure, ne laissait pas d’être assez forte pour enflammer les matières combustibles, pour rejeter l’eau et la dissiper en vapeurs, pour sublimer les substances volatiles, etc. Cet état de grande chaleur sans incandescence a duré 33 911 ans, car nous avons démontré, par les expériences du premier Mémoire, qu’il faudrait 42 964 ans à un globe de fer gros comme la terre et chauffé jusqu’au rouge, pour se refroidir au point de pouvoir le toucher sans se brûler ; et par les expériences du second Mémoire, on peut conclure que le rapport du refroidissement à ce point des principales matières qui composent le globe terrestre est à celui du refroidissement du fer : : 50 516 : 70 000 ; or, 70 000 : 50 516 : : 42 964 : 33 911 à très peu près. Ainsi le globe terrestre, très opaque aujourd’hui, a d’abord été brillant de sa propre lumière pendant 2 905 ans, et ensuite sa surface n’a cessé d’être assez chaude pour brûler qu’au bout de 33 911 autres années. Déduisant donc ce temps sur 74 047 ans qu’à duré le refroidissement de la terre au point de la température actuelle, il reste 40 136 ans ; c’est de quelques siècles après cette époque que l’on peut, dans cette hypothèse, dater la naissance de la nature organisée sur le globe de la terre, car il est évident qu’aucun être vivant ou organisé n’a pu exister, et encore moins subsister dans un monde où la chaleur était encore si grande, qu’on ne pouvait sans se brûler en toucher la surface, et que par conséquent ce n’a été qu’après la dissipation de cette chaleur trop forte que la terre a pu nourrir des animaux et des plantes.
La lune, qui n’a que 311 du diamètre de notre globe, et que nous supposons composée d’une matière dont la densité n’est à celle de la terre que : : 702 : 1 000, a dû parvenir à ce premier moment de chaleur bénigne et productive bien plus tôt que la terre, c’est-à-dire quelque temps après les 6 492 ans qui se sont écoulés avant son refroidissement, au point de pouvoir sans se brûler en toucher la surface.
Le globe terrestre se serait donc refroidi, du point d’incandescence au point de la température actuelle, en 74 047 ans, supposé que rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre ; mais, d’une part, le soleil envoyant constamment à la terre une certaine quantité de chaleur, l’accession ou le gain de cette chaleur extérieure a dû compenser en partie la perte de sa chaleur intérieure ; et d’autre part, la lune, dont la surface, à cause de sa proximité, nous paraît aussi grande que celle du soleil, étant aussi chaude que cet astre dans le temps de l’incandescence générale, envoyait à ce moment à la terre autant de chaleur que le soleil même, ce qui fait une seconde compensation qu’on doit ajouter à la première, sans compter la chaleur envoyée dans le même temps par les cinq autres planètes, qui semble devoir ajouter encore quelque chose à cette quantité de chaleur extérieure que reçoit et qu’a reçue la terre dans les temps précédents : abstraction faite de toute compensation par la chaleur extérieure à la perte de la chaleur propre de chaque planète, elles se seraient donc refroidies dans l’ordre suivant.
À POUVOIR EN TOUCHER LA SURFACE sans se brûler. |
À LA TEMPÉRATURE actuelle de la terre. | ||
Le Globe terrestre |
en | 33911 ans.En |
74047 ans. |
La Lune |
en | 6492 ans.En |
14176 ans. |
Mercure |
en | 23054 ans.En |
50351 ans. |
Vénus |
en | 40674 ans.En |
88815 ans. |
Mars |
en | 12873 ans.En |
28108 ans. |
Jupiter |
en 108922 ans. | En |
237838 ans. |
Saturne |
en | 59276 ans.En |
129434 ans. |
Mais on verra que ces rapports varieront par la compensation que la chaleur du soleil a faite à la perte de la chaleur propre de toutes les planètes.
Pour estimer la compensation que fait l’accession de cette chaleur extérieure envoyée par le soleil et les planètes à la perte de la chaleur intérieure de chaque planète en particulier, il faut commencer par évaluer la compensation que la chaleur du soleil seul a faite à la perte de la chaleur propre du globe terrestre. On a fait une estimation assez précise de la chaleur qui émane actuellement de la terre et de celle qui lui vient du soleil : on a trouvé, par des observations très exactes et suivies pendant plusieurs années, que cette chaleur qui émane du globe terrestre est en tout temps et en toutes saisons bien plus grande que celle qu’il reçoit du soleil. Dans nos climats, et particulièrement sous le parallèle de Paris, elle paraît être en été vingt-neuf fois, et en hiver quatre cent quatre-vingt-onze fois plus grande que la chaleur qui nous vient du soleil[4]. Mais on tomberait dans l’erreur si l’on voulait tirer de l’un ou de l’autre de ces rapports, ou même des deux pris ensemble, le rapport réel de la chaleur propre du globe terrestre à celle qui lui vient du soleil, parce que ces rapports ne donnent que les points de la plus grande chaleur de l’été et de la plus petite chaleur, ou ce qui est la même chose, du plus grand froid en hiver, et qu’on ignore tous les rapports intermédiaires des autres saisons de l’année. Néanmoins ce ne serait que de la somme de tous ces rapports, soigneusement observés chaque jour, et ensuite réunis, qu’on pourrait tirer la proportion réelle de la chaleur du globe terrestre à celle qui lui vient du soleil. Mais nous pouvons arriver plus aisément à ce même but en prenant le climat de l’équateur, qui n’est pas sujet aux mêmes inconvénients, parce que les étés, les hivers et toutes les saisons y étant à peu près égales, le rapport de la chaleur solaire à la chaleur terrestre y est constant, et toujours de 150, non seulement sous la ligne équatoriale, mais à cinq degrés des deux côtés de cette ligne[5]. On peut donc croire, d’après ces observations, qu’en général la chaleur de la terre est encore aujourd’hui cinquante fois plus grande que la chaleur qui lui vient du soleil. Cette addition ou compensation de 150 à la perte de la chaleur propre du globe n’est pas si considérable qu’on aurait été porté à l’imaginer. Mais, à mesure que le globe se refroidira davantage, cette même chaleur du soleil fera une plus forte compensation et deviendra de plus en plus nécessaire au maintien de la nature vivante, comme elle a été de moins en moins utile à mesure qu’on remonte vers les premiers temps ; car, en prenant 74 047 ans pour date de la formation de la terre et des planètes, il s’est écoulé peut-être plus de 35 000 ans où la chaleur du soleil était de trop pour nous, puisque la surface de notre globe était encore si chaude, au bout de 33 911 ans, qu’on n’aurait pu la toucher.
Pour évaluer l’effet total de cette compensation qui est 150 aujourd’hui, il faut chercher ce qu’elle a été précédemment, à commencer du premier moment lorsque la terre était en incandescence ; ce que nous trouverons en comparant la chaleur actuelle du globe terrestre avec celle qu’il avait dans ce temps. Or nous savons par les expériences de Newton, corrigées dans notre premier Mémoire[6], que la chaleur du fer rouge, qui est à très peu près égale à celle du verre en incandescence, et huit fois plus grande que la chaleur de l’eau bouillante, est vingt-quatre fois plus grande que celle du soleil en été. Or, cette chaleur du soleil en été, à laquelle Newton a comparé les autres chaleurs, est composée de la chaleur propre de la terre et de celle qui lui vient du soleil en été dans nos climats ; et comme cette dernière chaleur n’est que 129 de la première il s’ensuit que de 3030 ou 1 qui représentent ici l’unité de la chaleur en été, il n’en appartient au soleil que 130, et qu’il en appartient 2930 à la terre. Ainsi la chaleur du fer rouge, qui a été trouvée vingt-quatre fois plus grande que ces deux chaleurs prises ensemble, doit être augmentée de 130 dans la même raison qu’elle est aussi diminuée, et cette augmentation est par conséquent de 2430 ou de 45. Nous devons donc estimer à très peu près 25 la chaleur du fer rouge, relativement à la chaleur propre et actuelle du globe terrestre qui nous sert d’unité. On peut donc dire que, dans le temps de l’incandescence, il était vingt-cinq fois plus chaud qu’il ne l’est aujourd’hui ; car nous devons regarder la chaleur du soleil comme une quantité constante, ou qui n’a que très peu varié depuis la formation des planètes. Ainsi la chaleur actuelle du globe étant à celle de son état d’incandescence : : 1 : 25, et la diminution de cette chaleur s’étant faite en même raison que la succession du temps, dont l’écoulement total depuis l’incandescence est de 74 047 ans, nous trouverons, en divisant 74 047 par 25, que tous les 2 962 ans environ, cette première chaleur du globe a diminué de 125 ; et qu’elle continuera de diminuer de même jusqu’à ce qu’elle soit entièrement dissipée ; en sorte qu’ayant été 25 il y a 74 047 ans, et se trouvant aujourd’hui 2525 ou 1, elle sera dans 74 047 autres années 125 de ce qu’elle est actuellement.
Mais cette compensation par la chaleur du soleil étant 150 aujourd’hui, était vingt-cinq fois plus petite dans le temps que la chaleur du globe était vingt-cinq fois plus grande : multipliant donc 150 par 125, la compensation dans l’état d’incandescence n’était que de 11250. Et comme la chaleur primitive du globe a diminué de 125, tous les 2 962 ans, on doit en conclure que, dans les derniers 2 962 ans, la compensation étant 150, et dans les premiers 2 962 ans étant 11250, dont la somme est 261250, la compensation des temps suivants et antécédents, c’est-à-dire pendant les 2 962 ans précédant les derniers, et pendant les 2 962 suivant les premiers, a toujours été égale à 261250. D’où il résulte que la compensation totale pendant les 74 047 ans, est 261250 multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes de 2 962 ans, ce qui donne 3251250 ou 1350. C’est là toute la compensation que la chaleur du soleil a faite à la perte de la chaleur propre du globe terrestre ; cette perte depuis le commencement jusqu’à la fin des 74 047 ans étant 25, elle est à la compensation totale, comme le temps total de la période est au temps du prolongement du refroidissement pendant cette période de 74 047. On aura donc 25 : 1350 : : 74 047 : 70 ans environ. Ainsi au lieu de 74 047 ans, on doit dire qu’il y a 74 817 ans que la terre a commencé de recevoir la chaleur du soleil et de perdre la sienne.
Le feu du soleil, qui nous paraît si considérable, n’ayant compensé la perte de la chaleur propre de notre globe que de 1350 sur 25, depuis le premier temps de sa formation, l’on voit évidemment que la compensation qu’a pu produire la chaleur envoyée par la lune et par les autres planètes à la terre est si petite, qu’on pourrait la négliger sans craindre de se tromper de plus de dix ans sur le prolongement des 74 817 ans qui se sont écoulés pour le refroidissement de la terre à la température actuelle. Mais comme dans un sujet de cette espèce on peut désirer que tout soit démontré, nous ferons la recherche de la compensation qu’a pu produire la chaleur de la lune à la perte de la chaleur du globe de la terre.
La lune se serait refroidie au point de pouvoir en toucher la surface en 6 492 ans, et au point de la température actuelle de la terre en 14 176 ans, en supposant que la terre se fût elle-même refroidie à ce point en 74 047 ans ; mais comme elle ne s’est réellement refroidie à la température actuelle qu’en 74 817 ans environ, la lune n’a pu se refroidir de même qu’en 14 323 ans environ, en supposant encore que rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre. Ainsi sa chaleur était, à la fin de cette période de 14 323 ans, vingt-cinq fois plus petite que dans le temps de l’incandescence, et l’on aura, en divisant 14 323 par 25 533 ans environ ; en sorte que tous les 533 ans, cette première chaleur de la lune a diminué de 125, et qu’étant d’abord 25, elle s’est trouvée 2525 ou 1 au bout de 14 323 ans, et de 125 au bout de 14 323 autres années ; d’où l’on peut conclure que la lune, après 28 646 ans, aurait été aussi refroidie que la terre le sera dans 74 817 ans, si rien n’eût compensé la perte de la chaleur propre de cette planète.
Mais la lune n’a pu envoyer à la terre une chaleur un peu considérable que pendant le temps qu’a duré son incandescence et son état de chaleur jusqu’au degré de la température actuelle de la terre, et elle serait en effet arrivée à ce point de refroidissement en 14 323 ans, si rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre ; mais nous démontrerons tout à l’heure que, pendant cette période de 14 323 ans, la chaleur du soleil a compensé la perte de la chaleur de la lune assez pour prolonger le temps de son refroidissement de 149 ans, et nous démontrerons de même que la chaleur envoyée par la terre à la lune, pendant cette même période de 14 323 ans, a prolongé son refroidissement de 1 937 ans. Ainsi, la période réelle du temps du refroidissement de la lune, depuis l’incandescence jusqu’à la température actuelle de la terre, doit être augmentée de 2 086 ans, et se trouve être de 16 409 ans, au lieu de 14 323 ans.
Supposant donc la chaleur qu’elle nous envoyait dans le temps de son incandescence égale à celle qui nous vient du soleil, parce que ces deux astres nous présentent chacun une surface à peu près égale, on verra que cette chaleur envoyée par la lune, étant comme celle du soleil 150 de la chaleur actuelle du globe terrestre, ne faisait compensation, dans le temps de l’incandescence, que de 11250 à la perte de la chaleur intérieure de notre globe, parce qu’il était lui-même en incandescence, et qu’alors sa chaleur propre était vingt-cinq fois plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui. Or, au bout de 16 409 ans la lune étant refroidie au même point de température que l’est actuellement la terre, la chaleur que cette planète lui envoyait dans ce temps n’aurait pu faire qu’une compensation vingt-cinq fois plus petite que la première, c’est-à-dire 1 31250, si le globe terrestre eût conservé son état d’incandescence ; mais sa première chaleur ayant diminué de 125 tous les 2 962 ans, elle n’était plus que de 19 12 environ au bout de 16 409 ans. Ainsi, la compensation que faisait alors la chaleur de la lune, au lieu de n’être que de 131250, était de 19 122531250. En ajoutant ces deux termes de compensation du premier et du dernier temps, c’est-à-dire 11250 avec 19 122531250, on aura 25 19 122531250 pour la somme de ces deux compensations, qui, étant multipliées par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donne 309 3431250 pour la compensation totale qu’a faite la chaleur envoyée par la lune à la terre pendant les 16 409 ans. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps total de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 309 3431250 : : 16 409 : 6 62125 environ. Ainsi, la chaleur que la lune a envoyée sur le globe terrestre pendant 16 409 ans, c’est-à-dire depuis l’état de son incandescence jusqu’à celui où elle avait une chaleur égale à la température actuelle de la terre, n’a prolongé le refroidissement de notre globe que de 6 ans 12 environ, qui, étant ajoutés aux 74 817 ans que nous avons trouvés précédemment, font en tout 74 823 ans environ, qu’on doit encore augmenter de 8 ans, parce que nous n’avons compté que 74 047 ans, au lieu de 74 817 pour le temps du refroidissement de la terre, et que 74 047 ans : 770 : : 770 : 8 ans environ, et par conséquent on peut réellement assigner 74 831 12 ou 77 832 ans à très peu près pour le temps précis qui s’est écoulé depuis l’incandescence de la terre jusqu’à son refroidissement à la température actuelle.
On voit, par cette évaluation de la chaleur que la lune a envoyée sur la terre, combien est encore plus petite la compensation que la chaleur des cinq autres planètes a pu faire à la perte de la chaleur intérieure de notre globe ; ces cinq planètes prises ensemble ne présentent pas à nos yeux une étendue de surface à beaucoup près aussi grande que celle de la lune seule, et quoique l’incandescence des deux grosses planètes ait duré bien plus longtemps que celle de la lune, et que leur chaleur subsiste encore aujourd’hui à un très haut degré, leur éloignement de nous est si grand, qu’elles n’ont pu prolonger le refroidissement de notre globe que d’une si petite quantité de temps, qu’on peut la regarder comme nulle, et qu’on doit s’en tenir aux 74 832 ans que nous avons déterminés pour le temps réel du refroidissement de la terre à la température actuelle.
Maintenant il faut évaluer, comme nous l’avons fait pour la terre, la compensation que la chaleur du soleil a faite à la perte de la chaleur propre de la lune, et aussi la compensation que la chaleur du globe terrestre a pu faire à la perte de cette même chaleur de la lune, et démontrer, comme nous l’avons avancé, qu’on doit ajouter 2 086 à la période de 14 323 ans, pendant laquelle elle aurait perdu sa chaleur propre jusqu’au point de la température actuelle de la terre, si rien n’eût compensé cette perte.
En faisant donc sur la chaleur du soleil le même raisonnement pour la lune que nous avons fait pour la terre, on verra qu’au bout de 14 323 ans, la chaleur du soleil sur la lune n’était, que comme sur la terre, 150 de la chaleur propre de cette planète, parce que sa distance au soleil et celle de la terre au même astre sont à très peu près les mêmes : dès lors sa chaleur dans le temps de l’incandescence ayant été vingt-cinq fois plus grande, il s’ensuit que, tous les 533 ans, cette première chaleur a diminué de 125 ; en sorte qu’étant d’abord 25, elle n’était au bout de 14 323 ans que 2525 ou 1. Or, la compensation que faisait la chaleur du soleil à la perte de la chaleur propre de la lune étant 150 au bout de 14 323 ans, et 112150 dans le temps de son incandescence, on aura, en ajoutant ces deux termes, 261250, lesquels, multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 1350 pour la compensation totale pendant cette première période de 14 323 ans. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 1350 : : 14 313 : 149 ans environ. D’où l’on voit que le prolongement du temps pour le refroidissement de la lune par la chaleur du soleil a été de 149 ans pendant cette première période de 14 323 ans, ce qui fait en tout 14 472 ans pour le temps du refroidissement, y compris le prolongement qu’a produit la chaleur du soleil.
Mais on doit en effet prolonger encore le temps du refroidissement de cette planète, parce que l’on est assuré, même par les phénomènes actuels, que la terre lui envoie une grande quantité de lumière, et en même temps quelque chaleur. Cette couleur terne qui se voit sur la surface de la lune quand elle n’est pas éclairée du soleil, et à laquelle les astronomes ont donné le nom de lumière cendrée, n’est à la vérité que la réflexion de la lumière solaire que la terre lui envoie ; mais il faut que la quantité en soit bien considérable pour qu’après une double réflexion elle soit encore sensible à nos yeux d’une distance aussi grande. En effet, cette lumière est près de seize fois plus grande que la quantité de lumière qui nous est envoyée par la pleine lune, puisque la surface de la terre est pour la lune près de seize fois plus étendue que la surface de cette planète ne l’est pour nous.
Pour me donner l’idée nette d’une lumière seize fois plus forte que celle de la lune, j’ai fait tomber dans un lieu obscur, au moyen des miroirs d’Archimède, trente-deux images de la pleine lune, réunies sur les mêmes objets ; la lumière de ces trente-deux images était seize fois plus forte que la lumière simple de la lune ; car nous avons démontré par les expériences du sixième Mémoire que la lumière, en général, ne perd qu’environ moitié par la réflexion sur une surface bien polie. Or cette lumière des trente-deux images de la lune m’a paru éclairer les objets autant et plus que celle du jour lorsque le ciel est couvert de nuages ; il n’y a donc point de nuit pour la face de la lune qui nous regarde, tant que le soleil éclaire la face de la terre qui la regarde elle-même.
Mais cette lumière n’est pas la seule émanation bénigne que la lune ait reçue et reçoive de la terre. Dans le commencement des temps, le globe terrestre était pour cette planète un second soleil plus ardent que le premier : comme sa distance à la terre n’est que de quatre-vingt-cinq mille lieues, et que la distance du soleil est d’environ trente-trois millions, la terre faisait alors sur la lune un feu bien supérieur à celui du soleil ; nous ferons aisément l’estimation de cet effet, en considérant que la terre présente à la lune une surface environ seize fois plus grande que le soleil, et par conséquent le globe terrestre, dans son état d’incandescence, était pour la lune un astre seize fois plus grand que le soleil[7]. Or nous avons vu que la compensation faite par la chaleur du soleil à la perte de la chaleur propre de la lune pendant 14 323 ans a été de 1350, et le prolongement du refroidissement de 149 ans ; mais la chaleur envoyée par la terre en incandescence étant seize fois plus grande que celle du soleil, la compensation qu’elle a faite alors était donc 161250, parce que la lune était elle-même en incandescence, et que sa chaleur propre était vingt-cinq fois plus grande qu’elle n’était au bout des 14 323 ans ; néanmoins, la chaleur de notre globe ayant diminué de 25 à 20 12 environ, depuis son incandescence jusqu’à ce même terme de 14 323 ans, il s’ensuit que la chaleur envoyée par la terre à la lune dans ce temps n’aurait fait compensation que de 12 22251250 si la lune eût conservé son état d’incandescence ; mais sa première chaleur ayant diminué pendant les 14 323 ans de 25, la compensation que faisait alors la chaleur de la terre, au lieu de n’être que de 12 22251250 a été de 12 22251250 multipliés par 25, c’est-à-dire de 3221250 ; en ajoutant ces deux termes de compensation du premier et du dernier temps de cette période de 14 323 ans, savoir, 161250 et 3221250 pour la somme de ces deux termes de compensation, qui étant multipliée par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donne 42251250 ou 3 1950 pour la compensation totale qu’a faite la chaleur envoyée par la terre à la lune pendant les 14 323 ans ; et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est à celui du prolongement du refroidissement, on aura 25 : 3 1950 : : 14 323 : 1 937 ans environ. Ainsi la chaleur de la terre a prolongé de 1 937 ans le refroidissement de la lune pendant la première période de 14 323 ans, et la chaleur du soleil l’ayant aussi prolongé de 149 ans, la période du temps réel qui s’est écoulé depuis l’incandescence jusqu’au refroidissement de la lune à la température actuelle de la terre est de 16 409 ans environ.
Voyons maintenant combien la chaleur du soleil et celle de la terre ont compensé la perte de la chaleur propre de la lune dans la période suivante, c’est-à-dire pendant les 14 323 ans qui se sont écoulés depuis la fin de la première période, où sa chaleur aurait été égale à la température actuelle de la terre si rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre.
La compensation par la chaleur du soleil à la perte de la chaleur propre de la lune, était 150 au commencement et 2550 à la fin de cette seconde période. La somme de ces deux termes est 2650, qui étant multipliée par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donne 32550 ou 6 12 pour la compensation totale par la chaleur du soleil pendant la seconde période de 14 323 ans. Mais la lune ayant perdu pendant ce temps 25 de sa chaleur propre, et la perte de la chaleur propre étant à la compensation en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 6 12 : : 14 323 : 3 724 ans. Ainsi le prolongement du temps pour le refroidissement de la lune, par la chaleur du soleil, ayant été de 149 ans dans la première période, a été de 3 728 pour la seconde période de 14 323 ans.
Et à l’égard de la compensation produite par la chaleur de la terre, pendant cette même seconde période de 14 323 ans, nous avons vu qu’au commencement de cette seconde période, la chaleur propre du globe terrestre étant de 20 17, la compensation qu’elle a faite alors a été de 322 271250. Or la chaleur de la terre ayant diminué pendant cette seconde période de 20 17 à 15 27, la compensation n’eût été que de 244 13281250 environ, à la fin de cette période, si la lune eût conservé le degré de chaleur qu’elle avait au commencement de cette même période ; mais comme sa chaleur propre a diminué de 2525 à 125 pendant cette seconde période, la compensation produite par la chaleur de la terre, au lieu de n’être que 244 13281250, a été de 6111 17281250 à la fin de cette seconde période ; ajoutant les deux termes de compensation du premier et du dernier temps de cette seconde période, c’est-à-dire 322 271250 et 6111 17281250, on aura 6433 671250 qui étant multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 804231250 ou 64 13 environ, pour la compensation totale qu’a faite la chaleur envoyée par la terre à la lune dans cette seconde période. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 64 13 : : 14 323 : 38 057 ans environ. Ainsi le prolongement du refroidissement de la lune par la chaleur de la terre, qui a été de 1 937 ans pendant la première période, se trouve de 38 057 ans environ pour la seconde période de 14 323 ans.
À l’égard du moment où la chaleur envoyée par le soleil à la lune a été égale à sa chaleur propre, il ne s’est trouvé ni dans la première ni dans la seconde période de 14 323 ans, mais dans la troisième précisément, au second terme de cette troisième période, qui multiplié par 572 2325, donne 1 145 2125, lesquels ajoutés aux 28 646 ans des deux périodes, font 29 791 ans 2125. Ainsi c’est dans l’année 29 792 de la formation des planètes que l’accession de la chaleur du soleil a commencé à égaler et ensuite surpasser la déperdition de la chaleur propre de la lune.
Le refroidissement de cette planète a donc été prolongé pendant la première période : 1o de 149 ans par la chaleur du soleil ; 2o de 1 937 ans par la chaleur de la terre ; et, dans la seconde période, le refroidissement de la lune a été prolongé, 3o de 3 724 ans par la chaleur du soleil, et 4o de 38 057 ans par la chaleur de la terre. En ajoutant ces quatre termes on aura 43 867 ans, qui étant joints aux 28 646 ans des deux périodes, font en tout 72 515 ans. D’où l’on voit que ç’a été dans l’année 72 513, c’est-à-dire il y a 2 318 ans que la lune a été refroidie au point de 125 de la température actuelle du globe de la terre.
La plus grande chaleur que nous ayons comparée à celle du soleil ou de la terre, est la chaleur du fer rouge ; et nous avons trouvé que cette chaleur extrême n’est néanmoins que vingt-cinq fois plus grande que la chaleur actuelle du globe de la terre, en sorte que notre globe, lorsqu’il était en incandescence, ayant 25 de chaleur, n’en a plus que la vingt-cinquième partie, c’est-à-dire 2525 ou 1 ; et en supposant la première période de 74 047 ans, on doit conclure que dans une seconde période semblable de 74 047 ans, cette chaleur ne sera plus que 125 de ce qu’elle était à la fin de la première période, c’est-à-dire il y a 785 ans. Nous regardons le terme 125 comme celui de la plus petite chaleur, de la même façon que nous avons pris 25 comme celui de la plus forte chaleur dont un corps solide puisse être pénétré. Cependant ceci ne doit s’entendre que relativement à notre propre nature, et à celle des êtres organisés, car cette chaleur 125 de la température actuelle de la terre est encore double de celle qui nous vient du soleil, ce qui fait une chaleur considérable, et qui ne peut être regardée, comme très petite, que relativement à celle qui est nécessaire au maintien de la nature vivante ; car il est démontré même par ce que nous venons d’exposer, que si la chaleur actuelle de la terre était vingt-cinq fois plus petite qu’elle ne l’est, toutes les matières fluides du globe seraient gelées, et que ni l’eau, ni la sève, ni le sang ne pourraient circuler ; et c’est par cette raison que j’ai regardé le terme 125 de la chaleur actuelle du globe, comme le point de la plus petite chaleur, relativement à la nature organisée, puisque de la même manière qu’elle ne peut naître dans le feu, ni exister dans la très grande chaleur, elle ne peut de même subsister sans chaleur ou dans une trop petite chaleur. Nous tâcherons d’indiquer plus précisément les termes de froid et de chaud, où les êtres vivants cesseraient d’exister, mais il faut voir auparavant comment se fera le progrès du refroidissement du globe terrestre jusqu’à ce point 125 de sa chaleur actuelle.
Nous avons deux périodes de temps, chacune de 74 047 ans, dont la première est écoulée, et a été prolongée de 785 ans par l’accession de la chaleur du soleil et de celle de la lune. Dans cette première période, la chaleur propre de la terre s’est réduite de 25 à 1, et dans la seconde période, elle se réduira de 1 à 125. Or, nous n’avons à considérer dans cette seconde période que la compensation de la chaleur du soleil, car on voit que la chaleur de la lune est depuis longtemps si faible, qu’elle ne peut envoyer à la terre qu’une si petite quantité, qu’on doit la regarder comme nulle. Or, la compensation par la chaleur du soleil étant 150 à la fin de la première période de la chaleur propre de la terre, sera par conséquent 2550 à la fin de la seconde période de 74 047 ans. D’où il résulte que la compensation totale que produira la chaleur du soleil pendant cette seconde période, sera 32550 ou 6 12. Et comme la perte totale de la chaleur propre est à la compensation totale en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 6 12 : : 74 047 : 19 252 ans environ. Ainsi la chaleur du soleil qui a prolongé le refroidissement de la terre de 770 ans pour la première période, le prolongera pour la seconde de 19 252 ans.
Et le moment où la chaleur du soleil sera égale à la chaleur propre de la terre, ne se trouvera pas encore dans cette seconde période, mais au second terme d’une troisième période de 74 047 ans ; et comme chaque terme de ces périodes est de 2 962 ans, en les multipliant par 2, on a 5 924 ans, lesquels ajoutés aux 148 094 ans des deux premières périodes, il se trouve que ce ne sera que dans l’année 154 018 de la formation des planètes que la chaleur envoyée du soleil à la terre sera égale à sa chaleur propre.
Le refroidissement du globe terrestre a donc été prolongé de 776 ans 12 pour la première période, tant par la chaleur du soleil que par celle de la lune ; et il sera encore prolongé de 19 252 ans par la chaleur du soleil pour la seconde période de 74 047 ans.
Ajoutant ces deux termes aux 148 094 ans des deux périodes, on voit que ce ne sera que dans l’année 168 123 de la formation des planètes, c’est-à-dire dans 93 291 ans que la terre sera refroidie au point de 125 de la température actuelle, tandis que la lune l’a été dans l’année 72 514, c’est-à-dire il y a 2 318 ans, et l’aurait été bien plus tôt si elle ne tirait, comme la terre, des secours de chaleur que du soleil, et si celle que lui a envoyée la terre n’avait pas retardé son refroidissement beaucoup plus que celle du soleil.
Recherchons maintenant quelle a été la compensation qu’a faite la chaleur du soleil à la perte de la chaleur propre des cinq autres planètes.
Nous avons vu que Mercure, dont le diamètre n’est que 13 de celui du globe terrestre, se serait refroidi au point de notre température actuelle en 50 351 ans, dans la supposition que la terre se fût refroidie à ce même point en 74 047 ans ; mais comme elle ne s’est réellement refroidie à ce point qu’en 74 832 ans, Mercure n’a pu se refroidir de même qu’en 50 884 ans 57 environ, et cela en supposant encore que rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre : mais sa distance au soleil étant à celle de la terre au même astre : : 4 : 10, il s’ensuit que la chaleur qu’il reçoit du soleil, en comparaison de celle que reçoit la terre, est : : 100 : 16, ou : : 6 14 : 1. Dès lors la compensation qu’a faite la chaleur du soleil lorsque cette planète était à la température actuelle de la terre, au lieu de n’être que 150, était 6 1450, et dans le temps de son incandescence, c’est-à-dire 50 884 ans 57 auparavant, cette compensation n’était que 6 141250. Ajoutant ces deux termes de compensation 6 1450 et 6 141250 du premier et du dernier temps de cette période, on aura 162 121250, qui étant multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 2031 141250 ou 1 781 141250 pour la compensation totale qu’a faite la chaleur du soleil pendant cette première période de 50 884 ans 57. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 1 781 141250 : : 50 884 57 : 3 307 ans 12 environ. Ainsi le temps dont la chaleur du soleil a prolongé le refroidissement de Mercure, a été de 3 307 ans 12 pour la première période de 50 884 ans 57. D’où l’on voit que ç’a été dans l’année 54 192 de la formation des planètes, c’est-à-dire il y a 20 640 ans que Mercure jouissait de la même température dont jouit aujourd’hui la terre.
Mais dans la seconde période, la compensation étant au commencement 6 1450, et à la fin 156 1450, on aura, en ajoutant ces temps, 162 1250, qui étant multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 2031 1450 ou 40 58 pour la compensation totale par la chaleur du soleil dans cette seconde période. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est à celui du prolongement du refroidissement, on aura 25 : 40 58 : : 50 884 57 : 82 688 ans environ. Ainsi le temps dont la chaleur du soleil a prolongé et prolongera celui du refroidissement de Mercure, ayant été de 3 307 ans 12 dans la première période, sera pour la seconde de 82 688 ans.
Le moment où la chaleur du soleil s’est trouvée égale à la chaleur propre de cette planète, est au huitième terme de cette seconde période, qui multiplié par 2 035 251 environ, nombre des années de chaque terme de cette période, donne 16 283 ans environ, lesquels étant ajoutés aux 50 884 ans 57 de la période, on voit que ça été dans l’année 67 167 de la formation des planètes que la chaleur du soleil a commencé de surpasser la chaleur propre de Mercure.
Le refroidissement de cette planète a donc été prolongé de 3 307 ans 12 pendant la première période de 50 884 ans 12, et sera prolongé de même par la chaleur du soleil de 82 688 ans pour la seconde période. Ajoutant ces deux nombres d’années à celui des deux périodes, on aura 187 765 ans environ. D’où l’on voit que ce ne sera que dans l’année 187 765 de la formation des planètes que Mercure sera refroidi à 125 de la température actuelle de la terre.
Vénus, dont le diamètre est 1728 de celui de la terre, se serait refroidie au point de notre température actuelle en 88 815 ans, dans la supposition que la terre se fût refroidie à ce même point en 74 047 ans ; mais comme elle ne s’est réellement refroidie à la température actuelle qu’en 74 832 ans, Vénus n’a pu se refroidir de même qu’en 89 767 ans environ, en supposant encore que rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre. Mais sa distance au soleil étant à celle de la terre au même astre, comme 7 sont à 10 ; il s’ensuit que la chaleur que Vénus reçoit du soleil, en comparaison de celle que reçoit la terre, est : : 100 : 49. Dès lors la compensation que fera la chaleur du soleil lorsque cette planète sera à la température actuelle de la terre, au lieu de n’être que 150, sera 2 15050 ; et dans le temps de son incandescence, cette compensation n’a été que 2 1501250. Ajoutant ces deux termes de compensation du premier et du dernier temps de cette première période de 89 757 ans, on aura 52 26501250, qui étant multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 656 121250 pour la compensation totale qu’a faite et que fera la chaleur du soleil pendant cette première période de 89 757 ans. Et comme la perte totale de la chaleur propre est à la compensation totale en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 656 121250 : : 89 757 : 1 885 ans 12 environ. Ainsi le prolongement du refroidissement de cette planète, par la chaleur du soleil, sera de 1 885 ans 12 environ, pendant cette première période de 89 757 ans. D’où l’on voit que ce sera dans l’année 91 643 de la formation des planètes, c’est-à-dire dans 16 811 ans que cette planète jouira de la même température dont jouit aujourd’hui la terre.
Dans la seconde période, la compensation étant au commencement 2 15050, et à la fin 50 1250, on aura, en ajoutant ces termes, 52 132550, qui multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 656 1250 ou 13 13100 pour la compensation totale par la chaleur du soleil pendant cette seconde période. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 13 13100 : : 89 757 : 47 140 ans 925 environ. Ainsi le temps dont la chaleur du soleil a prolongé le refroidissement de Vénus, étant pour la première période de 1 885 ans 12, sera pour la seconde de 47 140 ans 925 environ.
Le moment où la chaleur du soleil sera égale à la chaleur propre de cette planète, se trouve au 24 76101, terme de l’écoulement du temps de cette seconde période, qui multiplié par 3 590 725 environ, nombre des années de chaque terme de ces périodes de 89 757 ans, donne 86 167 ans 725 environ, lesquels étant ajoutés aux 89 757 ans de la période, on voit que ce ne sera que dans l’année 175 924 de la formation des planètes que la chaleur du soleil sera égale à la chaleur propre de Vénus.
Le refroidissement de cette planète sera donc prolongé de 1 885 ans 12, pendant la première période de 89 757 ans, et sera prolongé de même de 47 140 ans 925 dans la seconde période ; en ajoutant ces deux nombres d’années à celui des deux périodes, qui est de 179 514 ans, on voit que ce ne sera que dans l’année 228 540 de la formation des planètes que Vénus sera refroidie à 125 de la température actuelle de la terre.
Mars, dont le diamètre est 1325 de celui de la terre, se serait refroidi au point de notre température actuelle en 28 108 ans, dans la supposition que la terre se fût refroidie à ce même point en 74 047 ans ; mais comme elle ne s’est réellement refroidie à la température actuelle qu’en 74 832 ans, Mars n’a pu se refroidir de même qu’en 28 406 ans environ, en supposant encore que rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre. Mais sa distance au soleil étant à celle de la terre au même astre, : : 15 : 10, il s’ensuit que la chaleur qu’il reçoit du soleil, en comparaison de celle que reçoit la terre, est : : 100 : 225 ou : : 4 : 9. Dès lors la compensation qu’a faite la chaleur du soleil lorsque cette planète était à la température actuelle de la terre, au lieu d’être 150 n’était que 4950 ; et dans le temps de l’incandescence, cette compensation n’était que 491250. Ajoutant ces deux termes de compensation du premier et du dernier temps de cette première période de 28 406 ans, on aura 10491250, qui, étant multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 130091250 ou 144 491250 pour la compensation totale qu’a faite la chaleur du soleil pendant cette première période. Et comme la perte totale de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 144 491250 : : 28 406 : 131 ans 310 environ. Ainsi le temps dont la chaleur du soleil a prolongé le refroidissement de Mars, a été d’environ 131 ans 310, pour la première période de 28 406 ans. D’où l’on voit que ç’a été dans l’année 28 538 de la formation des planètes, c’est-à-dire il y a 46 294 ans, que Mars était à la température actuelle de la terre.
Mais dans la seconde période, la compensation étant au commencement 4950, et à la fin 100950, on aura, en ajoutant ces termes, 104950, qui multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 1300950 ou 144 4950 pour la compensation totale par la chaleur du soleil pendant cette seconde période. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 144 4950 : : 28 406 : 3 382 ans 59125 environ. Ainsi le temps dont la chaleur du soleil a prolongé le refroidissement de Mars dans la première période ayant été de 131 ans 310, sera dans la seconde de 3 382 ans 59125 environ.
Le moment où la chaleur du soleil s’est trouvée égale à la chaleur propre de cette planète, est au 12 12 terme de l’écoulement du temps dans cette seconde période, qui multiplié par 1 136 625 environ, nombre des années de chaque terme de ces périodes, donne 14 203 ans 725, lesquels étant ajoutés aux 28 406 ans de la première période, on voit que ç’a été dans l’année 42 609 de la formation des planètes que la chaleur du soleil a été égale à la chaleur propre de cette planète ; et que depuis ce temps elle l’a toujours surpassée.
Le refroidissement de Mars a donc été prolongé, par la chaleur du soleil, de 131 ans 310 pendant la première période, et l’a été dans la seconde période de 3 382 ans 59125. Ajoutant ces deux termes à la somme des deux périodes, on aura 60 325 ans 19390 environ. D’où l’on voit que ç’a été dans l’année 60 326 de la formation des planètes, c’est-à-dire il y a 14 505 ans, que Mars a été refroidi à 125 de la température actuelle de la terre.
Jupiter, dont le diamètre est onze fois plus grand que celui de la terre, et sa distance au soleil : : 52 : 10, ne se refroidira au point de la terre qu’en 237 838 ans, abstraction faite de toute compensation que la chaleur du soleil et celle de ses satellites ont pu et pourront faire à la perte de sa chaleur propre, et surtout en supposant que la terre se fût refroidie au point de la température actuelle en 74 047 ans ; mais comme elle ne s’est réellement refroidie à ce point qu’en 74 832 ans, Jupiter ne pourra se refroidir au même point en 240 358 ans. Et en ne considérant d’abord que la compensation faite par la chaleur du soleil sur cette grosse planète, nous verrons que la chaleur qu’elle reçoit du soleil est à celle qu’en reçoit la terre : : 100 : 2 704 ou : : 25 : 676. Dès lors la compensation que fera la chaleur du soleil lorsque Jupiter sera refroidi à la température actuelle de la terre, au lieu d’être 150, ne sera que 2567650, et dans le temps de son incandescence cette compensation n’a été que 256761250 : ajoutant ces deux termes de compensation du premier et du dernier temps de cette première période de 240 358 ans, on aura 6506761250, qui multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 81256761250 ou 12 136761250 pour la compensation totale qu’a faite et que fera la chaleur du soleil pendant cette première période de 240 358 ans. Et comme la perte totale de la chaleur propre est à la compensation totale en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 12 136761250 : : 240 358 : 93 ans environ. Ainsi le temps dans la chaleur du soleil prolongera le refroidissement de Jupiter, ne sera que de 93 ans environ pour la première période de 240 358 ans ; d’où l’on voit que ce sera dans l’année 240 451 de la formation des planètes, c’est-à-dire dans 165 619 ans, que le globe de Jupiter sera refroidi au point de la température actuelle du globe de la terre.
Dans la seconde période la compensation étant au commencement 2567650, sera à la fin 62567650 ; en ajoutant ces termes, on aura 65067650, qui multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 812567650 ou 12 1367650 pour la compensation totale par la chaleur du soleil pendant cette seconde période. Et comme la perte de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 121367650 : : 240 358 : 2 311 ans environ. Ainsi le temps dont la chaleur du soleil prolongera le refroidissement de Jupiter, n’étant que de 93 ans dans la première période, sera de 2 311 ans, pour la seconde période de 240 358 ans.
Le moment où la chaleur du soleil se trouvera égale à la chaleur propre de cette planète est si éloigné, qu’il n’arrivera pas dans cette seconde période, ni même dans la troisième, quoiqu’elles soient chacune de 240 358 ans ; en sorte qu’au bout de 721 074 ans, la chaleur propre de Jupiter sera encore plus grande que celle qu’il reçoit du soleil.
Car dans la troisième période, la compensation étant au commencement 62567650, elle sera à la fin de cette même troisième période 23 7767650, ce qui démontre qu’à la fin de cette troisième période où la chaleur de Jupiter ne sera que 1625 de la chaleur actuelle de la terre, elle sera néanmoins de près de moitié plus forte que celle du soleil ; en sorte que ce ne sera que dans la quatrième période où le moment entre l’égalité de la chaleur du soleil et celle de la chaleur propre de Jupiter, se trouvera au par 2 102625, terme de l’écoulement du temps dans cette quatrième période, qui, multiplié par 9 614 825, nombre des années de chaque terme de ces périodes de 240 358 ans, donne 19 228 ans environ, lesquels ajoutés aux 721 074 ans des trois périodes précédentes, font en tout 740 302 ans ; d’où l’on voit que ce ne sera que dans ce temps prodigieusement éloigné, que la chaleur du soleil sur Jupiter se trouvera égale à sa chaleur propre.
Le refroidissement de cette grosse planète sera donc prolongé, par la chaleur du soleil, de 93 ans pour la première période, et de 2 311 ans pour la seconde. Ajoutant ces deux nombres d’années aux 480 716 des deux premières périodes, on aura 483 120 ans ; d’où il résulte que ce ne sera que dans l’année 483 121 de la formation des planètes que Jupiter pourra être refroidi à 125 de la température actuelle de la terre.
Saturne, dont le diamètre est à celui du globe terrestre : : 9 12 : 1, et dont la distance au soleil est à celle de la terre au même astre aussi : : 9 12 : 1, perdrait de sa chaleur propre, au point de la température actuelle de la terre, en 129 434 ans, dans la supposition que la terre se fût refroidie à ce même point en 74 047 ans. Mais comme elle ne s’est réellement refroidie à la température actuelle qu’en 74 832 ans, Saturne ne se refroidira qu’en 130 806 ans, en supposant encore que rien ne compenserait la perte de sa chaleur propre ; mais la chaleur du soleil, quoique très faible à cause de son grand éloignement, la chaleur de ses satellites, celle de son anneau, et même celle de Jupiter, duquel il n’est qu’à une distance médiocre en comparaison de son éloignement du soleil, ont dû faire quelque compensation à la perte de sa chaleur propre, et par conséquent prolonger un peu le temps de son refroidissement.
Nous ne considérons d’abord que la compensation qu’a dû faire la chaleur du soleil : cette chaleur que reçoit Saturne est à celle que reçoit la terre : : 100 : 9 025 ou : : 4 : 361. Dès lors la compensation que fera la chaleur du soleil, lorsque cette planète sera refroidie à la température actuelle de la terre, au lieu d’être 150, ne sera que 436150, et dans le temps de l’incandescence, cette compensation n’a été que 43611250 ; ajoutant ces deux termes, on aura 1043611250, qui, multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 13003611250 ou 3 2173611250 pour la compensation totale que fera la chaleur dans les 130 806 ans ce la première période. Et comme la perte totale de la chaleur propre est à la compensation totale en même raison que le temps de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 3 2173611250 : : 130 806 : 15 ans environ. Ainsi, la chaleur du soleil ne prolongera le refroidissement de Saturne que de 15 ans environ pendant cette première période de 130 806 ans ; d’où l’on voit que ce sera dans l’année 130 821 de la formation des planètes, c’est-à-dire dans 55 989 ans, que cette planète pourra être refroidie au point de la température actuelle de la terre.
Dans la seconde période la compensation par la chaleur envoyée du soleil étant, au commencement 436150, sera à la fin de cette même période 10036150. Ajoutant ces deux termes de compensation du premier et du dernier temps par la chaleur du soleil dans cette seconde période, on aura 10436150, qui, multipliés par 12 12, moitié de la somme de tous les termes, donnent 130036150 ou 3 21736150 pour la compensation totale que fera la chaleur du soleil pendant cette seconde période. Et comme la perte totale de la chaleur propre est à la compensation en même raison que le temps total de la période est au prolongement du refroidissement, on aura 25 : 3 21736150 : : 130 806 : 377 ans environ. Ainsi le temps dont la chaleur du soleil prolongera le refroidissement de Saturne, étant de 15 ans pour la première période, sera de 377 ans pour la seconde. Ajoutant ensemble les 15 ans et les 377 ans dont la chaleur du soleil prolongera le refroidissement de Saturne pendant les deux périodes de 130 806 ans, on verra que ce ne sera que dans l’année 262 020 de la formation des planètes, c’est-à-dire dans 187 188 ans, que cette planète pourra être refroidie à à 125 de la chaleur actuelle de la terre.
Dans la troisième période, le premier terme de la compensation, par la chaleur du soleil, étant 10036150 au commencement, et à la fin 250036150 ou 6 33436150, on voit que ce ne sera pas encore dans cette troisième période qu’arrivera le moment où la chaleur du soleil sera égale à la chaleur propre de cette planète, quoique à la fin de cette troisième période elle aura perdu de sa chaleur propre, au point d’être refroidie à 1625 de la température actuelle de la terre. Mais ce moment se trouvera au septième terme 1150 de la quatrième période, qui, multiplié par 5 232 ans 625, nombre des années de chaque terme de ces périodes de 131 806 ans, donne 37 776 ans 1923, lesquels étant ajoutés aux trois premières périodes, dont la somme est 392 418 ans, font 430 194 ans 1923. D’où l’on voit que ce ne sera que dans l’année 430 195 de la formation des planètes que la chaleur du soleil se trouvera égale à la chaleur propre de Saturne.
Les périodes des temps du refroidissement de la terre et des planètes sont donc dans l’ordre suivant :
REFROIDIES à la température actuelle. |
REFROIDIES À 125 de la température actuelle. | ||
La Terre |
en | 74832 ans.En |
168123 ans. |
La lune |
en | 16409 ans.En |
72513 ans. |
Mercure |
en | 54192 ans.En |
187765 ans. |
Vénus |
en | 91643 ans.En |
228540 ans. |
Mars |
en | 28538 ans.En |
60326 ans. |
Jupiter |
en 240451 ans. | En |
483121 ans. |
Saturne |
en 130821 ans. | En |
262020 ans. |
On voit, en jetant un coup d’œil sur ces rapports, que, dans notre hypothèse, la lune et Mars sont actuellement les planètes les plus froides ; que Saturne, et surtout Jupiter, sont les plus chaudes ; que Vénus est encore bien plus chaude que la terre, et que Mercure, qui a commencé depuis longtemps à jouir d’une température égale à celle dont jouit aujourd’hui la terre, est encore actuellement et sera pour longtemps au degré de chaleur qui est nécessaire pour le maintien de la nature vivante, tandis que la lune et Mars sont gelés depuis longtemps, et par conséquent impropres depuis ce même temps à l’existence des êtres organisés.
- Notes de Buffon
- ↑ Premier et huitième Mémoires.
- ↑ Second Mémoire.
- ↑ Voyez le huitième Mémoire de la Partie expérimentale.
- ↑ Voyez la table dressée par M. de Mairan, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1765, p. 143.
- ↑ Voyez la table citée ci-dessus.
- ↑ Premier Mémoire sur les progrès de la chaleur, Partie expérimentale.
- ↑ On peut encore présenter d’une autre manière, qui paraîtra peut-être plus claire, les raisonnements et les calculs ci-dessus. On sait que le diamètre du soleil est à celui de la terre : : 107 : 1, leurs surfaces : : 11 449 : 4, et leurs volumes : : 1 225 043 : 1.
Le soleil qui est à peu près éloigné de la terre et de la lune également, leur envoie à chacune une certaine quantité de chaleur, laquelle, comme celle de tous les corps chauds, est en raison de la surface et non pas du volume. Supposant donc le soleil divisé en 1 225 043 petits globes, chacun gros comme la terre, la chaleur que chacun de ces petits globes enverrait à la lune serait à celle que le soleil lui envoie, comme la surface d’un de ces petits globes est à la surface du soleil, c’est-à-dire : : 1 : 11 449. Mais en mettant ce petit globe de feu à la place de la terre, il est évident que la chaleur sera augmentée dans la même raison que l’espace aura diminué. Or la distance du soleil et celle de la terre à la lune sont entre elles : : 7 200 : 17, dont les carrés sont : : 51 840 000 : 289. Donc la chaleur que le petit globe de feu placé à quatre-vingt-cinq mille lieues de distance de la lune lui enverrait serait à celle qu’il lui envoyait auparavant : : 179 377 : 1. Mais nous avons vu que la surface de ce petit globe n’était à celle du soleil que : : 1 : 11 449, ainsi la quantité de chaleur que sa surface enverrait vers la lune est onze mille quatre cent quarante-neuf fois plus petite que celle du soleil. Divisant donc 179 377 par 11 449, il se trouve que cette chaleur envoyée par la terre en incandescence à la lune était 15 12, c’est-à-dire environ seize fois plus forte que celle du soleil.