Œuvres complètes de Béranger/Souvenirs d’enfance

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SOUVENIRS D’ENFANCE


1831


À MES PARENTS ET AMIS DE PÉRONNE


VILLE OÙ J’AI PASSÉ UNE PARTIE DE MA JEUNESSE, DE 1790 À 1796


Air Air de la Ronde des Comédiens (Air noté )


Lieux où jadis m’a bercé l’Espérance,
Je vous revois à plus de cinquante ans.
On rajeunit aux souvenirs d’enfance,
Comme on renaît au souffle du printemps.

Salut ! à vous, amis de mon jeune âge.
Salut ! parents que mon amour bénit.
Grâce à vos soins, ici, pendant l’orage,
Pauvre oiselet, j’ai pu trouver un nid.

Je veux revoir jusqu’à l’étroite geôle,
Où, près de nièce aux frais et doux appas,
Régnait sur nous le vieux maître d’école,
Fier d’enseigner ce qu’il ne savait pas.

J’ai fait ici plus d’un apprentissage,

À la paresse, hélas ! toujours enclin.
Mais je me crus des droits au nom de sage,
Lorsqu’on m’apprit le métier de Franklin.

C’était à l’âge où naît l’amitié franche,
Sol que fleurit un matin plein d’espoir.
Un arbre y croît dont souvent une branche
Nous sert d’appui pour marcher jusqu’au soir.

Lieux où jadis m’a bercé l’Espérance,
Je vous revois à plus de cinquante ans.
On rajeunit aux souvenirs d’enfance,
Comme on renaît au souffle du printemps.

C’est dans ces murs qu’en des jours de défaites,
De l’ennemi j’écoutais le canon.
Ici ma voix, mêlée aux chants des fêtes,
De la patrie a bégayé le nom.

Âme rêveuse, aux ailes de colombe,
De mes sabots, là, j’oubliais le poids.
Du ciel, ici, sur moi la foudre tombe
Et m’apprivoise avec celle des rois l*.

Contre le sort ma raison s’est armée
Sous l’humble toit, et vient aux mêmes lieux
Narguer la gloire, inconstante fumée
Qui tire aussi des larmes de nos yeux.

Amis, parents, témoins de mon aurore,
Objets d’un culte avec le temps accru,

Oui, mon berceau me semble doux encore,
Et la berceuse a pourtant disparu.

Lieux où jadis m’a bercé l’Espérance,
Je vous revois à plus de cinquante ans.
On rajeunit aux souvenirs d’enfance,
Comme on renaît au souffle du printemps.



l*. Et m’apprivoise avec celle des rois.

Dans la chanson du Tailleur et la Fée, l’auteur a déjà eu occasion de dire qu’à l’âge de douze ans il fut frappé du tonnerre. Sa vie fut plusieurs jours en danger, et il faillit perdre la vue.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


SOUVENIRS D’ENFANCE.

Air des Comédiens.
No 298.


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