Œuvres complètes de Béranger/Octavie

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OCTAVIE


1823


Air des Comédiens (Air noté )


Viens parmi nous, qui brillons de jeunesse,
Prendre un amant, mais couronné de fleurs ;
Viens sous l’ombrage, où, libre avec ivresse,
La volupté seule a versé des pleurs.

Ainsi parlaient des enfants de l’empire
À la beauté dont Tibère est charmé.
Quoi ! disaient-ils, la colombe soupire
Au nid sanglant du vautour affamé !

Belle Octavie ! à tes fêtes splendides,
Dis-nous, la joie a-t-elle jamais lui ?
Ton char, traîné par deux coursiers rapides,
Laisse trop loin les Amours après lui.

Sur un vieux maître, aux Romains qu’elle outrage,
Tant d’opulence annonce ton crédit ;
Mais sous la pourpre on sent ton esclavage ;
Et, tu le sais, l’esclavage enlaidit.

Marche aux accords des lyres parasites ;
Que par les grands tes vœux soient épiés.

Déjà, dit-on, nos prêtres hypocrites
Ont de leurs dieux mis l’encens à tes pieds.

Mais à la cour lis sur tous les visages,
Traîtres, flatteurs, meurtriers, vils faquins.
D’impurs ruisseaux, gonflés par nos orages,
Font déborder cet égout des Tarquins.

Tendre Octavie, ici rien n’effarouche
Le dieu qui cède à qui mieux le ressent.
Ne livre plus les roses de ta bouche
Aux baisers morts d’un fantôme impuissant.

Viens parmi nous, qui brillons de jeunesse,
Prendre un amant, mais couronné de fleurs ;
Viens sous l’ombrage, où, libre avec ivresse,
La Volupté seule a versé des pleurs.

Accours ici purifier tes charmes :
Les délateurs respectent nos loisirs.
Tous à leur prince ont prédit que nos armes
Se rouilleraient à l’ombre des plaisirs.

Sur les coussins où la douleur l’enchaîne,
Quel mal, dis-tu, vous fait ce roi des rois ?
Vois-le d’un masque enjoliver sa haine,
Pour étouffer notre gloire et nos lois.

Vois ce cœur faux, que cherchent tes caresses,
De tous les siens n’aimer que ses aïeux :
Charger de fers les muses vengeresses,
Et par ses mœurs nous révéler ses dieux.


Peins-nous ses feux, qu’en secret tu redoutes,
Quand sur ton sein s’exhale son nectar,
Ses feux infects dont s’indignent les voûtes
Où plane encor l’aigle du grand César.

Ton sexe faible est oublieux des crimes :
Mais, dans ces murs ouverts à tant de peurs,
N’entends-tu pas des ombres de victimes
Mêler leurs cris à tes soupirs trompeurs ?

Sur le tyran et sur toi le ciel gronde ;
Avec les siens ne confonds plus tes jours.
Ah ! trop souvent la liberté du monde
A d’un long deuil affligé les Amours.

Viens parmi nous, qui brillons de jeunesse,
Prendre un amant, mais couronné de fleurs ;
Viens sous l’ombrage, où, libre avec ivresse,
La volupté seule a versé des pleurs.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


OCTAVIE.

Air des Comédiens.
No 212.


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