Œuvres complètes de Béranger/Le Trembleur

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Trembleur.


LE TREMBLEUR

OU
MES ADIEUX À M. DUPONT (DE L’EURE)
EX-PRÉSIDENT À LA COUR ROYALE DE ROUEN


chanson
FAITE ET CHANTÉE À ROUEN QUELQUES JOURS AVANT
LES ÉLECTIONS DE 1820


Air : Je vais bientôt quitter l’empire (Air noté )


        Dupont, que vient-on de m’apprendre ?
        Quoi ! l’on tourmente vos amis !
        J’ai des précautions à prendre ;
        Vous le savez, je suis commis[1]. (bis.)
        Dès qu’une amitié m’embarrasse,
        Soudain les nœuds en sont rompus. (bis.)
Bien mieux que vous je sais garder ma place[2].
Mon cher Dupont, je ne vous connais plus.
Dupont, Dupont, je ne vous connais plus.


        Du peuple obtenez le suffrage ;
        Moi, du pouvoir je crains les coups.
        En vain la France rend hommage
        À la vertu qui brille en vous ;
        À peine j’ose vous promettre
        De vous rendre encor vos saluts :
Votre vertu pourrait me compromettre.
Mon cher Dupont, je ne vous connais plus.
Dupont, Dupont, je ne vous connais plus.

        Chez nous le courage importune,
        Et votre sage et noble voix
        A fait trembler à la tribune
        Ceux qui méconnaissent nos droits.
        De vos discours on tient registre ;
        Peut-être aussi les ai-je lus.
Mais les talents ne font pas un ministre.
Mon cher Dupont, je ne vous connais plus.
Dupont, Dupont, je ne vous connais plus.

        Héritier de la gloire antique,
        Admiré de tous les Français,
        Le front ceint du rameau civique,
        Sous le chaume vivez en paix.
        À votre renom j’ai beau croire,
        Je pense comme nos ventrus :
On ne vit pas de pain sec et de gloire.
Mon cher Dupont, je ne vous connais plus.
Dupont, Dupont, je ne vous connais plus.

        Oui, je vous fuis sans autre forme,
        Vous que longtemps mon cœur aima ;

        Je ne veux pas qu’on me réforme
        Comme Pasquier vous réforma.
        Adieu donc, honneur de la France !
        Du préfet je crains les argus.
Avec Lisot[3] je ferai connaissance.
Mon cher Dupont, je ne vous connais plus.
Dupont, Dupont, je ne vous connais plus.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LE TREMBLEUR.

Air : Je vais bientôt quitter l’empire.
No 153.



\relative c'' {
  \time 2/2
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  c4 g d' g,
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g4 c b c8[ (d)]
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e'8[ (d)] c r c4 b8 a 
  d4 b \appoggiatura c16 a8.[ (g16)] a8.[ (b16)] 
  g4 e' d cis 
d b \appoggiatura b16 a8.[ (g16)] a8.[ (b16)]
  g4 r r8 g \appoggiatura c16 a8 g
  d'4. d8 c[ (b)] a[ (g)] 
d'4 c r8 c d c
  b4 c b c
  d2 r8 d b g 
fis4 d' d fis,
  g r r8 g \appoggiatura c16 a8 g
  c4 g8 g d'4 g,8 g 
e'[ (d)] c4 c b8 a
  g4 c b8 b c d
  e4 e a, d 
g, c b8 b c d | c4 r r8 \bar "||"
}
\addlyrics {
Du -- pont que vient- on de m’ap -- pren -- dre
Quoi l’on tour -- men -- te vos a -- mis
J’ai des pré -- cau -- ti -- ons à pren -- dre
Vous le sa -- vez, je suis com -- mis
Vous le sa -- vez, je suis com -- mis
Dès qu’une a -- mi -- tié m’em -- bar -- ras -- se
Sou -- dain les nœuds en sont rom -- pus
Sou -- dain les nœuds en sont rom -- pus
Bien mieux que vous je sais gar -- der ma pla -- ce
Mon cher Du -- pont je ne vous con -- nais plus
Du -- pont Du -- pont je ne vous con -- nais plus.
}

Haut

  1. À cette époque, l’auteur avait encore l’emploi d’expéditionnaire dans les bureaux de l’Université.
  2. M. Pasquier, garde-des-sceaux, avait destitué M. Dupont de la présidence de la cour de Rouen.
  3. Député ministériel opposé à M. Dupont, dans le département de l’Eure.