Œuvres complètes de Béranger/La Fuite de l’Amour
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LA FUITE DE L’AMOUR
Je vois déja se déployer tes ailes,
Amour ; adieu ! mon bel âge est passé.
D’un air moqueur les Grâces infidèles
Montrent du doigt mon réduit délaissé.
S’il fut des jours où j’ai maudit tes armes,
Savais-je, hélas ! que tu m’en punirais ?
Ah ! plus, Amour, tu nous causes de larmes,
Plus, quand tu fuis, tu laisses de regrets.
Je reposais du sommeil de l’enfance
Lorsqu’à ta voix mes yeux se sont ouverts ;
Dans la beauté j’adorai ta puissance,
Et vins m’offrir de moi-même à tes fers.
Si jeune encor j’ignorais tes alarmes,
Tes sombres feux, le poison de tes traits.
Ah ! plus, Amour, tu nous causes de larmes,
Plus, quand tu fuis, tu laisses de regrets.
Glacé par l’âge, il se peut que j’oublie
Tous les baisers que Rose me donna,
Mais non les pleurs versés pour Eulalie,
Non les soupirs perdus près de Nina.
Pour bien aimer l’une avait trop de charmes ;
Mes vœux pour l’autre ont dû rester secrets.
Ah ! plus, Amour, tu nous causes de larmes,
Plus, quand tu fuis, tu laisses de regrets.
Fuis donc, Amour, ma couche solitaire ;
Fuis ! car déjà tu souris de pitié.
De mes ennuis pénétrant le mystère,
Les bras tendus, vers moi vient l’Amitié.
Pour l’éloigner fais luire encor tes armes :
Ses soins sont doux, mais j’en abuserais ;
Car plus, Amour, tu nous causes de larmes,
Plus, quand tu fuis, tu laisses de regrets.
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
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