Œuvres complètes de Béranger/L’Âge futur, ou Ce que seront nos enfants

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L’ÂGE FUTUR
OU
CE QUE SERONT NOS ENFANTS


1814


Air : Allez-vous-en, gens de la noce (Air noté )


Je le dis sans blesser personne,
Notre âge n’est point l’âge d’or ;
Mais nos fils, qu’on me le pardonne,
Vaudront bien moins que nous encor.
Pour peupler la machine ronde,
Qu’on est fou de mettre du sien !
            Ah ! pour un rien,
            Oui, pour un rien,
Nous laisserions finir le monde,
Si nos femmes le voulaient bien.

En joyeux gourmands que nous sommes,
Nous savons chanter un repas :
Mais nos fils, pesants gastronomes,
Boiront et ne chanteront pas.
D’un sot à face rubiconde
Ils feront un épicurien.
            Ah ! pour un rien,
            Oui, pour un rien,
Nous laisserions finir le monde,
Si nos femmes le voulaient bien.


Grâce aux beaux esprits de notre âge,
L’ennui nous gagne assez souvent ;
Mais deux Instituts, je le gage,
Lutteront dans l’âge suivant.
De se recruter à la ronde,
Tous deux trouveront le moyen.
            Ah ! pour un rien,
            Oui, pour un rien,
Nous laisserions finir le monde,
Si nos femmes le voulaient bien.

Nous aimons bien un peu la guerre,
Mais sans redouter le repos.
Nos fils, ne se reposant guère,
Batailleront à tout propos.
Seul prix d’une ardeur furibonde,
Un laurier sera tout leur bien.
            Ah ! pour un rien,
            Oui, pour un rien,
Nous laisserions finir le monde,
Si nos femmes le voulaient bien.

Nous sommes peu galants sans doute ;
Mais nos fils, d’excès en excès,
Égarant l’amour sur sa route,
Ne lui parleront plus français.
Ils traduiront, Dieu les confonde !
L’Art d’aimer en italien.
            Ah ! pour un rien,
            Oui, pour un rien,
Nous laisserions finir le monde,
Si nos femmes le voulaient bien.


Ainsi, malgré tous nos sophistes,
Chez nos descendants on aura
Pour grands hommes des journalistes,
Pour amusement l’Opéra ;
Pas une vierge pudibonde ;
Pas même un aimable vaurien.
            Ah ! pour un rien,
            Oui, pour un rien,
Nous laisserions finir le monde,
Si nos femmes le voulaient bien.

De fleurs, amis, ceignant nos têtes,
Vainement nous formons des vœux
Pour que notre culte et nos fêtes
Soient en honneur chez nos neveux :
Ce chapitre que Momus fonde
Chez eux manquera de doyen.
            Ah ! pour un rien,
            Oui, pour un rien,
Nous laisserions finir le monde,
Si nos femmes le voulaient bien.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


L’ÂGE FUTUR
OU CE QUE SERONT NOS ENFANS

Air : Allez-vous-en, gens de la noce.
No 23



\relative c'' {
  \time 2/2
  \key g \major
  \tempo "Allegro."
  \autoBeamOff
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\partial 2 b4 a8 b | c4 b a a | b g b a8 b 
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\addlyrics {
Je le dis sans bles -- ser per -- son -- ne
Notre â -- ge n’est point l’â -- ge d’or
Mais nos fils qu’on me le par -- don -- ne
Vau -- dront bien moins que nous en -- cor
Pour peu -- pler la ma -- chi -- ne ron -- de
Qu’on est fou de met -- tre du sien
"Ah !" pour un rien Oui pour un rien
Nous lais -- se -- rions fi -- nir le mon -- de
Si nos fem -- mes le vou -- laient bien.
}

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