Œuvres complètes (M. de Fontanes)/Épître III

Œuvres de M. de FontanesL. Hachettetome 2 (p. 83-96).


ÉPÎTRE III.




 Oui, tout est fait pour tous ; oui, les lois éternelles
Marchent au même but, mais diffèrent entre elles.
Dans l’ivresse des sens, de l’or ou des grandeurs,
Que cette vérité soit présente à nos cœurs ;
Que le prêtre l’enseigne au fidèle qui prie.

 De ce plan général, qui jamais ne varie,
Notre œil de tous côtés peut saisir les accords.
Un sympathique instinct réunit tous les corps ;
Ils naissent : la nature, entre ses mains actives,
Façonne à chaque instant leurs formes fugitives.
Les vois-tu l’un vers l’autre accourir, se presser,
Et de chaînes d’amour à l’envi s’embrasser ?
Sitôt qu’ils ne sont plus, de leur cendre féconde
Sort un monde nouveau qui repeuple le monde.
De la plante qui meurt l’animal se nourrit ;
Sur l’animal dissous la plante refleurit.
On se prête, en courant, le flambeau de la vie ;
Une race à jamais d’une race est suivie,
Pareille au flot léger qui, d’un souffle de l’air,
S’enfle, s’élève, éclate, et retourne à la mer :

Ainsi du monde entier chaque membre se lie.

 Le Dieu dont la nature en secret est remplie,
Protége également les êtres inégaux,
Joint l’animal à l’homme, et l’homme aux animaux ;
Tout sert, tout est servi ; la chaîne universelle
S’étend sans intervalle : à quel point finit-elle ?

Homme insensé ! crois-tu que des Cieux bienfaisants
Sur toi seul ici-bas descendent les présents ?
Non ; Dieu jette partout ses regards équitables.
Ces animaux nourris pour nos jeux et nos tables,
Le faon aux bonds légers, le chevreuil et le daim,
Dans tes parcs verdoyants ont aussi leur jardin,
La terre aussi pour eux est de fleurs émaillée.
Crois-tu que de son nid l’alouette éveillée,
Pour te plaire, en chantant, monte au plus haut des airs ?
Le plaisir, dans la nue, anime ses concerts :
Il enfle, et fait frémir le duvet de son aile.
Le rossignol pour toi, dans la saison nouvelle,
Vient-il charmer la nuit de son hymne touchant ?
Il palpite d’amour, l’amour note son chant.
Sous son pompeux harnais le coursier intrépide
Ressent et le plaisir et l’orgueil de son guide ;
Il a part, sous la tente, à l’honneur du guerrier.
L’oiseau réclame un gain de ton riche grenier ;
L’épi fécond te reste, et la paille légère
Du bœuf, ton compagnon, est le juste salaire.
Souverain prétendu ! c’est toi dont la fierté
Du stupide pourceau nourrit l’oisiveté.

Tous ont un droit égal aux soins de la nature.
L’ours grossier du monarque a porté la fourrure.
L’homme dit : Je commande et tout sert sois ma loi ;
L’oison dit à son tour : « L’homme est formé pour moi.
« Dès que l’aube renaît, cet esclave superbe
« Prodigue à mes besoins les trésors de la gerbe ;
« Il m’engraisse, il me sert. » Mais l’oison abusé
Ne voit pas le couteau par ta faim aiguisé.
Es-tu moins fou que lui, quand ton orgueil extrême
Veut du monde à toi seul rapporter le système ?

 Que dis-je ? aux animaux si tu donnas des fers,
Si ton intelligence a conquis l’univers,
La nature, à son tour, soumet ta tyrannie,
Et tu sers les vassaux qu’enchaîna ton génie.
Voyons-nous la colombe au plumage argenté
Du milan ravisseur fléchir la cruauté,
L’insecte aux ailes d’or émouvoir l’hirondelle,
Et l’autour attendri respecter Philomèle ?
L’homme veille sur tous ; il leur donne des soins
Pour son faste orgueilleux plus que pour ses besoins ;
Aux oiseaux voyageurs il offre ses bocages,
Aux poissons ses viviers, aux brebis ses herbages ;
Et, les réunissant à de riches banquets,
Par son luxe royal il nourrit ses sujets.
Sa-faim voluptueuse à la brute sauvage
Ravit les animaux sans force et sans courage :
Parasites nombreux jusqu’à leur dernier jour.
Ils partagent en paix les trésors de sa cour ;
Sans prévoir le trépas, chacun d’eux est paisible,

Tel que l’homme frappé de la foudre invisible :
Avant leur mort, au moins, ils vécurent heureux.
Après quelques plaisirs, ne meurs-tu pas comme eux ?

 Sans crainte aux soins du Ciel la brute abandonnée
Ne prévoit point la mort qui lui fut destinée :
Toi seul prévois la tienne ; et, pour te l’adoucir,
Dieu t’en donne à la fois la crainte et le désir.
La mort, voilant ses traits, tous les jours s’achemine ;
Tu la crois éloignée, elle est déjà voisine.
Heureuse illusion ! le Ciel compatissant
N’a soin de l’accorder qu’au seul être pensant.
Ceux que la raison guide ou que l’instinct dirige,
Tous reçoivent le don que leur nature exige ;
Tous cherchent le bonheur, tous peuvent le trouver.

 Ta raison sur l’instinct ne doit point s’élever.
Les animaux, conduits par ce maître facile,
Ont-ils besoin d’un pape ou des lois d’un concile ?
La raison qui t’éclaire, indocile pédant,
Refuse de servir ou ne sert qu’en grondant.
Veut qu’on la sollicite, et fuit quand on l’appelle.
L’instinct court en ami nous servir avec zèle ;
Il nous suit en tout temps, elle craint d’approcher,
L’instinct ne bronche point, la raison peut broncher ;
Et le double pouvoir qui meut et qui compare,
Uni dans l’animal, dans l’homme se sépare.
Entre ces deux pouvoirs, quelle comparaison !
Dieu gouverne l’instinct, et l’homme la raison.


 Qui montre à l’animal les vertus de la plante ?
Comment sait-il prévoir l’hyade menaçante,
Et bâtir, en suivant d’infaillibles niveaux,
Des voûtes sous le sable et des ponts sur les eaux ?
Comment peut de nos murs l’agile tapissière
Aligner, sans Newton, sa toile régulière ?
Vois de Pair, tous les ans, les hôtes passagers
Fuir, pareils à Colomb, sous des cieux étrangers.
Qui fixe le départ des tribus assemblées ?
Qui forme et qui conduit les phalanges ailées ?

 Chaque être, au même but marchant d’un pas certain,
Sous des astres divers doit remplir son destin.
Ce but est d’être heureux ; mais, pour qu’on puisse l’être,
C’est des besoins communs que le bonheur doit naître.
Ainsi par l’intérêt, plus que par l’amitié,
On s’approche, on s’unit, l’homme à l’homme est lié.
L’intérêt mutuel fait tout l’ordre du monde.

 Sans jamais se lasser, la Nature féconde
À l’homme, aux habitants des forêts et des mers,
À ces mille tribus qui vivent dans les airs,
Partage également sa flamme créatrice ;
Elle veut que tout être en naissant se chérisse,
Et bientôt, plus heureux, se chérisse en autrui.
Le sexe le plus fort du plus faible est l’appui ;
Chacun d’eux se recherche, et s’attire et s’embrasse ;
Une troisième fois ils s’aiment dans leur race.
Tel sur ses nourrissons l’oiseau veille assidu ;
La mère aime à couver le berceau suspendu.

Et le père défend la famille alarmée :
Mais, s’essayant bientôt sur leur aile emplumée,
Les nourrissons plus forts s’échappent de leurs nids ;
Plus d’instinct, plus d’amour : les parents désunis
Forment un autre hymen, et, changeant de familles,
Peuplent d’enfants nouveaux les nouvelles charmilles.

 Plus lent à se former, l’homme a plus de liens ;
À sa longue faiblesse il faut de longs soutiens.
Le temps et la raison raffermissent encore
Ce premier sentiment que l’instinct fit éclore.
Ainsi dans notre cœur à jamais confondus,
L’amour et l’intérêt font germer nos vertus,
Et de communs bienfaits une chaîne éternelle
Joint la race qui meurt à la race nouvelle.
Le jeune homme qui voit les auteurs de ses jours
Appesantis par l’âge implorer son secours,
Soudain vers son berceau reportant sa pensée,
Se rappelle ses pleurs, sa faiblesse passée ;
Et, prévoyant aussi les besoins des vieux ans,
Court d’un père affaibli guider les pas pesants.
L’espérance, les soins, le plaisir, la tendresse,
Des mortels fugitifs éternisent l’espèce.

 Ne crois pas qu’autrefois, en sortant du berceau,
Le genre humain sauvage ait marché sans flambeau ;
Dieu régnait seul alors : sous ses lois équitables,
L’homme, en se chérissant, chérissait ses semblables ;
L’orgueil séditieux qu’enfante un faux savoir,
Les arts qui de l’orgueil ont fondé le pouvoir,

N’avaient point, sur la terre à leur joug asservie,
Déchainé la discorde, et la haine et l’envie ;
Les animaux errants vivaient en liberté ;
Et l’homme, au milieu d’eux, moins craint que respecté,
De leurs libres forêts partageant le domaine,
N’exigeait point encore et leur sang et leur laine.
Leurs mets étaient les siens ; il dormait sous leurs toits :
Tous les êtres vivants, rassemblés dans les bois,
Par un hymne commun louaient leur commun Père.
Les bois étaient leur temple ; un prêtre sanguinaire
Ne souillait point ses mains d’homicides pieux,
Et l’or ne payait point l’indulgence des Dieux.
Les Dieux ne s’annonçaient que par leur bienfaisance ;
L’homme ne prétendait qu’une juste puissance.
Que les temps sont changés ! Aujourd’hui, sans remords,
Tyran des animaux, il s’engraisse de morts ;
Les eaux, les champs, les airs de ses meurtres gémissent ;
Les maux, nés de son luxe, à son tour le punissent ;
Et cette soif de sang qui s’irrite en son sein,
Ô fureur ! contre l’homme arme l’homme assassin !
Ainsi de l’âge d’or s’éloigna l’innocence.

 Avec d’autres besoins un autre âge commence ;
On quitte pour les champs la retraite des bois ;
Les arts, fils du travail, s’empressent à sa voix :
L’instinct à la raison par degrés les révèle,
Et la Nature même en fournit le modèle.
La Nature instruit l’homme, et lui parle en ces mots :

 « Va, cours étudier les mœurs des animaux ;

« Connais d’eux et les grains faits pour ta nourriture,
« Et l’herbe aux sucs heureux qui guérit la blessure.
« Cueille au buisson le fruit becqueté par l’oiseau ;
« Vois le ver en fils d’or arrondir son réseau ;
« Qu’il t’enseigne à filer : contemple la merveille
« Des alcôves de cire où se loge l’abeille ;
« Apprends d’elle à bâtir : que de fois, par son art,
« Elle a du géomètre étonné le regard !
« À labourer les champs la taupe va t’instruire.
« Veux-tu tenter les flots ? imite ce navire
« Où le frôle nautile, en pilote savant,
« Seul gouverne et la voile, et la rame et le vent.
« De ces tribus sans nombre observe la usages ;
« Leur police et leurs lois étonneront tes sages :
« Là, des sociétés s’offrent tous les tableaux ;
« Des cités dans les airs flottent sur ces rameaux ;
« Sous tes pieds les fourmis, sages républicaines,
« Transforment en greniers des villes souterraines :
« Un magasin public enferme tous leurs biens.
« De ce modeste État les libres citoyens,
« Échappant au danger qui suit l’indépendance,
« Partagent, sans combat, leur commune abondance
« L’abeille, non moins sage, obéit à des rois,
« De la propriété respecte tous les droits,
« Jouit de son travail, et sans cesse accumule
« Le trésor séparé qui remplit sa cellule.
« De ces peuples divers rien ne trouble la paix ;
« Leur code est infaillible, et subsiste à jamais ;
« Je le verrai bientôt, avec plus d’artifice,
« Dans les fils de les lois égarer la justice ;

« Lois que saura braver le coupable puissant,
« Et qui n’accableront que le faible innocent.
« Va, cours, soumets le monde à tes lois arbitraires,
« Et que le plus habile, apportant à ses frères
« Ces arts que l’instinct seul eût appris aux mortels,
« Règne, et comme un Dieu même usurpe des autels ! »

 La Nature a parlé : les mortels obéissent ;
Par un pacte commun des peuplades s’unissent ;
Les murs sont élevés : déjà deux bourgs naissants.
Qui seront quelque jour deux États florissants,
Près du même rivage ont tracé leur enceinte.
D’abord ils sont unis par amour ou par crainte :
L’un abonde en ruisseaux, l’autre abonde en vergers
S’il faut ravir ces biens, la guerre a ses dangers :
L’olivier dans la main le commerce s’avance,
Et d’un échange heureux naît bientôt l’alliance ;
Tous deux de leurs trésors se donnent la moitié,
Et tel vint ennemi qui retourne allié.
Quand l’amour, libre encore, ignorait l’imposture,
Quand seule au genre humain commandait la nature
Le commerce et l’amour unissaient les mortels.

 On méconnut les rois jusqu’aux jours solennels
Où l’intérêt public, où la reconnaissance,
Entre les mains d’un seul déposa la puissance.
Les inventeurs des arts, les généreux guerriers,
Les bienfaiteurs du Monde ont régné les premiers z
La vertu fut leur titre ; et, sous leur loi prospère.
Le peuple crut longtemps n’obéír qu’à son père.


 Alors par la nature un vieillard couronné,
Père, pontife et roi d’un peuple fortune,
Parut à ses sujets une autre Providence :
Son œil était leur guide, et sa voix leur science.
À la terre surprise il donna les moissons,
Au filet chancelant suspendit les poissons,
Dompta le feu, contint la vague prisonnière,
Et du ciel à ses pieds fit tomber l’aigle altière.
L’âge affaiblit trop tôt ce vieillard révéré ;
Il expire, et le dieu comme un homme est pleuré.

 Mais d’aïeux en aïeux cherchant un premier Être,
Vers lui l’homme s’élève ; il l’adore, ou peut-être
Un souvenir antique à jamais retracé
Apprit au genre humain que tout a commencé :
La raison distingua l’ouvrier de l’ouvrage ;
Un Dieu seul fut admis ; et, dans ce premier age,
Conduit à la vertu par l’attrait du bonheur,
L’homme heureux se disait, comme son Créateur ;
« Tout est bien ! » adorant un père dans son Maitre,
Il ne redoutait point celui qui le fit naître,
Mais unissait toujours, dans la Divinité,
Au suprême pouvoir la suprême bonté.
L’ignorance et la crainte, autour des diadèmes,
N’inscrivaient point encor les titres des dieux mêmes ;
L’amour du Créateur était toute la foi,
Et l’amour des humains était toute la loi.

 Quel homme à ses égaux le premier osa dire :

« Tous sont faits pour un seul ; respectez mon empire ? »
Préjugé monstrueux ! système criminel !
Que réprouve à la fois la nature et le Ciel,
Que le stupide orgueil en tous lieux a fait naître,
Qui déshonore ensemble et l’esclave et le maître,
Avilit tous les cœurs et confond tous les droits.

 La force fut d’abord la première des lois,
Et le droit du vainqueur devint le droit unique.
Alors, du haut des Cieux, au vainqueur tyrannique
La Superstition apportant la terreur,
Lui dit : « Je te fais Dieu, si tu sers ma fureur.
Contre le genre humain unissons-nous ensemble !
Qu’il tombe à nos genoux, qu’il adore, et qu’il tremble. »
Le monstre, au bruit des monts par la flamme en trou verts,
Aux éclats de la foudre, aux rayons des éclairs,
D’un pouvoir invisible annonçant l’anathème,
Fait trembler la faiblesse et l’audace elle-même.
Les Dieux du haut des airs descendent grand bruit ;
Les spectres infernaux, noirs enfants de la nuit,
Sortent en rugissant de la terre embrasée ;
On creusa le Tartare, on planta l’Élysée,
La peur fit les démons, et l’espoir fit les Dieux ;
Dieux cruels, emportés, jaloux, capricieux,
Leurs lois sont la fureur, le meurtre et l’adultère ;
Ils ont rempli le Ciel des crimes de la terre ;
Le faux zèle en leur nom convertit par le fer ;
L’orgueil bâtit l’olympe. et la haine l’Enfer :
L’autel, enrichi d’or, est entouré de crimes.

Bientôt se nourrissant de la chair des victimes,
Le prêtre s’est armé du glaive des bourreaux,
Et, las de se baigner dans le sang des taureaux,
Rougit de sang humain ses idoles sinistres.
Dieu même est le jouet de ses propres ministres ;
Dieu n’est plus, dans la main de l’homme ambitieux,
Qu’un levier tout-puissant appuyé dans les cieux,
Qu’un instrument sacré de vengeance et de haine,
Qu’on retient à son choix, qu’à son choix on déchaîne.

 Ainsi donnant l’essor à son orgueil pervers,
L’amour-propre en tyran gouverne l’univers ;
Mais de tous les mortels puisqu’il est le partage,
Il doit céder au frein pour son propre avantage.
De l’objet qui t’est cher, d’autres sont-ils jaloux ?
Que peut ta volonté contre celle de tous ?
L’ordre nait du besoin : l’audace ou l’artifice
Raviraient tous nos biens, si la loi protectrice
Ne veillait quand tu dors, et, sous son bouclier,
Ne protégeait ton lit, tes dieux et ton foyer.
La sage liberté restreint l’indépendance :
Les rois même aux vertus s’instruisent par prudence ;
Et l’amour-propre enfin, redressant son erreur,
Dans le bonheur d’autrui sait trouver le bonheur.

 Ce fut alors qu’un sage, un héros, un poëte,
Des lois de la nature immortel interprète,
Le disciple des Dieux ou l’ami des mortels,
De l’antique vertu rétablit les autels.

Et vers le Créateur rappelant notre hommage
Sut en retracer l’ombre au défaut de l’image ;
Borna les droits du peuple et ceux des potentats ;
Apprit aux nations que des frêles États
Il ne faut ni raidir, ni relâcher les rênes ;
Que chacun doit s’aider ; que des lois souverains
L’harmonieux accord doit unir tous les rangs.

 Tel est l’ordre d’un monde où le peuple et les grands,
Où le faible et le fort, obligés d’être frères,
Joignent d’un même nœud leurs intérêts contraires ;
Où les divers pouvoirs, bien loin de se haïr,
Sont faits pour s’appuyer, et non pour d’envahir ;
Où le bonheur de tous naît de leur bienfaisance ;
Où plus on sert autrui, plus on a de puissance ;
Où vers un même but tous marchent à la fois,
L’ange et l’homme, et la brute, et l’esclave et les rois.

 Des Wighs et des Torys fuis la guerre obstinée !
La meilleure cité, c’est la mieux gouvernée.
Laisse nos faux docteurs disputer sur la foi ;
Sers Dieu, sers les humains : il n’est point d’autre loi.
Ce qui nuit est l’erreur : qu’importe un vain système ?
La charité suffit ; on a tout quand on aime.

 Aimons-nous : l’homme, hélas ! ne peut rien sans autrui ;
Tel que la faible vigne, il réclame un appui.
Comme à deux mouvements les planètes fidèles
Roulent sous le soleil en roulant autour d’elles,
L’homme suit deux penchants, amis quoique rivaux :

L’un se rapporte à nous, et l’autre à nos égaux.
L’homme, par l’amour-propre, en son cœur se replie ;
Par l’amour social, l’homme à l’homme s’allie ;
Ainsi, pour affermir le bonheur général,
Dieu joignit l’amour-propre à l’amour social.