Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 141

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 154-155).

FABLE CXLI.

L’ORMEAU ET LE SAULE PLEUREUR.


Un bel ormeau grand raisonneur
Plaisantoit un saule pleureur
Sur sa tournure et son ombrage.
On ne parloit, dit-il, dans tout le voisinage
Le jour que tu fus apporté,
Que de ces longs rameaux où traîne ton feuillage.
Le chêne en fut jaloux, le tilleul enchanté,
Moi, je ne vis chez toi que singularité,
Et sur nous aucun avantage.
On rit de l’étranger que l’on a trop vanté.
Mais pourquoi quitter la cité
Pour te venir planter dans ce lointain bocage ?

— Hélas ! c’est malgré moi que je fis ce voyage :
Si tu savois mon sort je te ferois pitié,
Lui répondit le saule, et la mélancolie
A détruit mes attraits, me fait sécher sur pié.
Eh ! celui qu’on arrache aux soins de l’amitié
Pourroit-il conserver la vie ?