Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 113

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 127).

FABLE CXIII.

LES COLOMBES ET LES OISONS.


Des colombes vivoient dans une basse-cour.
Les oiseaux de Vénus habiter tel séjour !
Mais ces belles abandonnées,
Excepté pourtant de l’Amour,
Oublièrent l’éclat des hautes destinées.
Pour autrui sans dédain, pour elles sans regrets,
Avec les sots dindons, et canards et poulets,
Partageant les grains, le potage,
Elles faisoient fort bon ménage.
Deux oisons les voyant toujours se becqueter.
Se disoient : Et pourquoi ne les pas imiter ?
Ce passe-temps semble leur plaire :
La chose est bien facile à faire
Et peut aussi nous contenter ;
Essayons-en du moins. Leurs becs s’entrechoquèrent,
Pour leur malheur, si sottement,
Et si vite et si lourdement,
Que ces criailleurs s’éborgnèrent :
Leurs gros vilains becs se cassèrent,
Et chacun n’en sauva tout au plus que moitié.
La bêtise, on le voit, causa leur maladresse.
Qui ne sent rien, ne peut imiter la tendresse
De l’amour ni de l’amitié.