Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 075

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 85-86).

FABLE LXXV.

LE LION ET LE LOUP.


Compère loup crioit en son langage,
Mais de toute sa force : au voleur ! au voleur !
Et faisoit un si grand tapage
Qu’un roi-lion, sorti de son palais sauvage,
En demande la cause ; il craint quelque rumeur.
Sire, lui dit ce loup, pendant la nuit dernière,
Très-las d’avoir couru, le jour, bois et bruyère,
Je m’endormis profondément,
Sans avoir eu le soin auparavant
De barricader ma tanière.
On m’a volé ; je soupçonne un confrère
Aidé par un renard : on m’a pris des moutons,
Génisse, agneaux, nombreux dindons.
— Quoi ! scélérat, c’est ton intempérance :

Qui dévastoit tout ce canton !
De nos chétifs repas voici donc la raison !
Mon empire annonçoit prochaine décadence :
Excepté ce fripon, tous mes sujets et moi
Éprouvons quelque défaillance,
Tu ne chasseras plus qu’à côté de ton roi ;
Je jugerai de ta vaillance ;
Tu mérites la mort, te voilà dévoilé,
Mais sans remords, car ton air désolé
S’adresse au cher butin pour toi seul immolé.
Je suis bon et veux bien suspendre ma justice :
Qui n’a rien, ne prend rien, ne peut être volé ;
Si l’on te vole encor, frémis de ton supplice.