Librairie de L. Hachette et Cie (p. 123-124).

XLIII

LA MÈRE ET LES FRÈRES DE JÉSUS



Notre-Seigneur parla longtemps au peuple, et il parlait encore, lorsqu’on vint lui dire :

« Votre Mère et vos frères sont dehors et demandent à vous parler. »

Louis. Je croyais que Jésus n’avait pas de frères, qu’il était le seul fils de la Sainte Vierge.

Grand’mère. Et tu croyais très-juste. La Sainte Vierge n’a jamais eu d’autre enfant que Jésus fils de Dieu. Mais en hébreu, ou plutôt en syriaque, langue qu’on parlait en Judée, on appelle frères tous les cousins. Et il y a beaucoup de pays où c’est comme en Judée ; ainsi en russe, il n’y a pas de mot pour dire cousin ou cousine…

Marie-Thérèse. Et comment dit-on ?

Grand’mère. J’allais précisément le dire ; on dit : frère ou sœur au second degré, dvaïourodnoï brate, pour cousin ou cousine germaine ; frère ou sœur au troisième degré, traïourodnoï brate, pour cousin ou cousine issus de germain. Et c’est ainsi qu’en syriaque on appelait frères les cousins de Notre-Seigneur. Il répondit à ceux qui lui disaient que sa Mère et ses frères l’attendaient :

« Quelle est ma Mère ? Quels sont mes frères ? Voici, dit-il, en étendant la main vers ses disciples ; voici ma Mère et voici mes frères. Car, celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans le Ciel, celui-là est mon frère, ma sœur et ma Mère. »

Je vois que vous avez l’air un peu étonnés de la réponse de Notre-Seigneur. Remarquez qu’il ne perd pas une occasion de témoigner sa tendresse pour les hommes qu’il veut sauver de la méchanceté du démon, et surtout pour ceux qui aiment le bon Dieu, qui obéissent à ses commandements et qui abandonnent pour lui obéir, les richesses, les honneurs, les plaisirs du monde ; c’est pourquoi il les appelle ses frères, ses sœurs et sa Mère.

Henri. Je comprends ; mais j’aurais mieux aimé que Notre-Seigneur, sachant que la pauvre Sainte Vierge voulait le voir, fût allé lui parler.

Grand’mère. L’Évangile ne dit pas qu’il y fût allé, mais très-certainement il l’a fait, car il aimait et il respectait trop sa Mère pour ne pas obéir à ses moindres désirs ; comme aux noces de Cana, quand sa Mère lui dit qu’on n’avait plus de vin, Notre-Seigneur eut l’air de repousser sa demande, et pourtant il fit tout de suite ce qu’elle désirait, malgré que « son heure ne fût pas encore venue, » dit-il.

Et puis Notre-Seigneur voulait faire comprendre aux hommes qu’ils doivent toujours préférer les affaires de Dieu aux intérêts et aux affections, si bonnes et si permises, de la famille.