Études sur les origines du théâtre antique/05



DE
LA MISE EN SCÈNE
CHEZ LES ANCIENS.

Affiches. — Annonces. — Billets de Spectacle.[1]

Les Grecs, jusqu’à la fin de la guerre du Péloponèse, peut-être même jusqu’à la domination macédonienne, n’ont pas employé les affiches pour annoncer les grands spectacles publics. Lorsque les habitans d’Athènes, avertis par le héraut[2], se rendaient en foule à l’Hiéron de Bacchus pour assister aux concours tragiques et comiques, qui faisaient partie des Dionysies et des Panathénées, ils ignoraient l’auteur et le sujet des pièces qui allaient se disputer le prix ; ou, du moins, chaque citoyen ne connaissait que le poète ou la pièce qui concourait au nom de sa tribu.

Au moment où le héraut appelait sur la scène le poète dont le tour de représentation, fixé par le sort[3], était arrivé, le plus ou moins de célébrité du concurrent était un sujet de joie ou de contrariété pour l’assemblée : « Quel déplaisir j’ai éprouvé l’autre jour au théâtre, dit un personnage d’Aristophane ; j’attendais depuis longtemps qu’on annonçât Eschyle ; le héraut s’écria : Théognis ! fais paraître le chœur[4] ! »

À Rome, l’annonce des jeux se fit long-temps aussi par la voix des hérauts. La formule de la proclamation était : Convenite ad ludos spectandos. Elle variait suivant les fêtes. Celle des jeux séculaires, par exemple, était : Convenite ad ludos quos nec spectavit quisquam, nec spectaturus est. « Venez assister à des jeux que nul d’entre vous n’a vus ni ne verra[5]. » Les hérauts annonçaient même à Rome l’heure où partait le convoi des personnages illustres[6], cérémonie qui, comme on sait, était souvent suivie de jeux scéniques. Quant au titre et au sujet des pièces, ils n’étaient annoncés aux spectateurs que par l’acteur chargé du prologue.[7].

Il y eut plus tard, sous les empereurs, un mode très singulier d’annonce. Les consuls, avant de partir pour leurs provinces, se faisaient précéder de lettres officielles, où ils exposaient leurs vues administratives. Ces missives, ou, comme nous dirions aujourd’hui, ces programmes, étaient renfermées dans des diptyques, ou doubles tablettes d’ivoire sculpté. Le bas-relief de la partie supérieure représentait d’ordinaire le magistrat assis sur sa chaise curule, tenant d’une main le sceptre consulaire (scipionem) et donnant de l’autre, avec la mappa, le signal des jeux. Dans le bas, étaient figurés les divers spectacles promis à la province. Sur presque tous les diptyques consulaires venus jusqu’à nous, et qui sont assez nombreux[8], on voit représentés les jeux de l’amphithéâtre et du cirque, sur un ou deux seulement des jeux scéniques[9]. Cela vient de ce que la plupart de ces monumens datent des IIIe, IVe, Ve et VIe siècles, époques où les courses et les combats d’animaux étaient beaucoup plus estimés et incomparablement plus fréquens que les représentations dramatiques.

Cependant la Grèce, après l’archontat d’Euclide, et l’Italie, vers la fin de la république, eurent des espèces d’affiches, non pour indiquer les fêtes solennelles ni les jeux qui faisaient partie du culte de l’état, mais pour annoncer les spectacles donnés par des entrepreneurs ou offerts par des particuliers, qui avaient un intérêt de gain ou de vanité à exciter vivement la curiosité publique.

Parmi ces affiches, il y en avait de peintes et il y en avait d’écrites.

Les affiches peintes étaient des tableaux encadrés dans un châssis[10] et exposés à la porte des théâtres. On en comptait de trois sortes[11]. Les premières n’étaient que la simple représentation d’un masque scénique, qui, posé sur un cippe[12] ou sur des gradins figurés[13], indiquait à la foule le genre de pièces, tragique, comique, satyrique ou mimique, qu’on se proposait de représenter. Les secondes offraient tous les masques d’une même pièce, réunis dans un seul cadre, en forme d’édicule, orné de colonnettes et surmonté d’un fronton[14]. On peut voir de curieux specimen de ces tableaux-affiches, à la tête de chacune des comédies de Térence, dans le beau manuscrit du IXe siècle que possède la Bibliothèque royale[15] et dans celui du Vatican[16]. La troisième espèce d’affiches peintes consistait en un tableau complet, où était retracée une des principales scènes du drame[17]. Les tabellœ comicœ de Calades, dont parle Pline[18], n’étaient, suivant quelques antiquaires, que des enseignes de ce genre[19]. Nous savons d’ailleurs, par Horace, que les éditeurs de spectacles et surtout les maîtres de gladiateurs exposaient à la porte de l’amphithéâtre un tableau représentant les divers combats qui devaient avoir lieu dans l’arène[20]. Le comte de À évaluerCaylus remarque encore, et avec raison, que l’usage de ces annonces pittoresques s’est conservé en Italie. On suspend, dès le matin, à la porte des petits théâtres, les scènes les plus frappantes de la pièce qu’on doit jouer le soir, peintes sur des bandes de papier par un des acteurs de la troupe, qui s’acquitte presque toujours de cette tâche avec esprit et originalité. Les directeurs de nos spectacles en plein vent n’ont pas perdu, non plus, l’habitude de ces tableaux-annonces, comme on peut s’en convaincre en parcourant nos boulevards et nos foires.

Quant aux affiches graphiques, la vue des murs de Pompéï a mis hors de doute leur existence. Déjà nous savions par Plaute que l’on tapissait, de son temps, les murs de Rome d’annonces écrites en caractères longs de plus d’une coudée[21], pour réclamer les objets perdus ou donner avis des objets trouvés. Des fouilles, faites à Pompéï au commencement de ce siècle, ont mis à découvert quelques unes de ces affiches, tracées au pinceau et en lettres rouges. Celles qu’on a publiées jusqu’ici ne se rapportent, il est vrai, qu’à des chasses et à des combats de gladiateurs[22] ; mais il est probable qu’on employait le même procédé pour annoncer le jour, l’heure et la composition des jeux scéniques, ainsi que les promesses plus ou moins attrayantes que les éditeurs ou les directeurs adressaient au public, comme, par exemple, lorsque les spectateurs devaient être abrités par des toiles : vela erunt[23].

Enfin, les anciens ont connu peut-être les affiches tracées sur des tablettes de cire. Une peinture d’Herculanum nous montre l’intérieur du cabinet, ou, comme nous disons, de la loge, où s’habille un tragédien. Une femme, agenouillée devant un meuble surmonté d’un masque, trace avec la pointe d’un style quelques mots que les antiquaires de Naples ont supposé pouvoir être le titre de la tragédie qu’on se préparait à jouer[24].

Je ne dois pas oublier une autre sorte de monumens qu’on a signalés comme ayant fait l’office d’annonces : je veux parler des tessères, conservées dans diverses collections, et dont quelques-unes viennent d’être trouvées à Valognes[25] et à Arles.

Les tessères qu’on nomme théâtrales, pour les distinguer de celles qui avaient une autre destination, sont des jetons ordinairement d’os, d’ivoire ou de métal, et qui servaient de billets d’entrée pour les théâtres, les cirques et les autres lieux d’assemblée. Les numéros du gradin et du siége, le cuneus ou le compartiment de la cavea, étaient marqués sur les tessères, absolument comme les indications analogues le sont aujourd’hui sur les billets de parterre en Italie.

L’usage des tessères comme contremarques est incontestable ; mais on s’est trop avancé, suivant moi, en prétendant qu’elles indiquaient quelquefois, outre une place déterminée dans le théâtre, le nom de l’auteur et le titre de la pièce[26]. On s’est appuyé pour soutenir cette opinion 1o d’une tessère portant le nom d’Eschyle, Αἰσχύλου ; 2o d’une autre où se lit le mot Ἀδελφοὶ[27], titre d’une comédie de Ménandre ; 3o d’une tessère réunissant un titre de pièce à un nom d’auteur : Casina Plauti[28].

Pour ma part, je conçois que les entrepreneurs de spectacles aient eu en magasin un certain nombre de jetons d’os, de plomb[29], ou même d’ivoire, quoique cette dernière matière fût d’un prix fort élevé et d’un travail très coûteux[30]. Je conçois encore que les personnes riches ou éminentes, qui avaient acquis ou qui possédaient par privilége le droit d’occuper au théâtre certaines places ou d’en disposer, aient fait graver sur l’ivoire les numéros et les marques qui désignaient ces places, pour s’en servir ou pour les prêter. Mais j’ai peine à admettre qu’un éditeur de spectacles ait fait travailler par la main du graveur douze ou quinze mille jetons d’ivoire pour ne servir qu’à une seule représentation.

Des trois monumens dont on argue pour prouver que les tessères indiquaient la pièce du jour, deux ne me semblent rien prouver. La tessère portant le nom d’Eschyle ne contient le titre d’aucun drame. Le nom seul de ce poète, on en conviendra, eût été une annonce bien vague, surtout si l’on songe au grand nombre de pièces qu’il a composées. Je crois plutôt que le mot Αἰσχύλου indiquait la région du théâtre où se trouvait un buste ou une statue d’Eschyle. C’est ainsi qu’à Syracuse le nom de la reine Philistis, gravé sur la paroi du podium, désignait un des neuf cunei du théâtre de cette ville[31]. On disait à Syracuse le coin de la reine Philistis, comme à Paris, du temps des gluckistes, le coin du roi. Quant à la tessère où se lit le mot Ἀδελφοὶ, plusieurs antiquaires ne la croient pas théâtrale[32], et, en effet, deux petites figures jumelles, qu’on voit au revers, n’ont aucune apparence scénique. Reste la tessère portant les mots Casina Plauti. Cette dernière, si elle existe et si elle est authentique, semble, je l’avoue, prouver l’opinion que je combats ; mais existe-t-elle ? M. Orelli, qui l’a admise dans son recueil, n’indique ni sur quelle matière elle est gravée, ni dans quel cabinet on la conserve. Il ne la donne que comme un modèle de tessère théâtrale, se bornant à renvoyer au Voyage à Pompéï de Romanelli, qui ne cite, lui non plus, ce monument que comme un échantillon, sinon composé de fantaisie, du moins tracé de souvenir.

Il est bien à regretter qu’aucune véritable affiche de spectacle ne soit parvenue jusqu’à nous ; un si précieux document aurait éclairci divers points d’antiquité restés obscurs. Nous saurions, par exemple, d’une manière certaine, combien on jouait de pièces en un jour, les époques des différens jeux, le prix des places, les heures des représentations, toutes choses sur lesquelles nous avons, sans doute, des renseignemens et des données, mais non pas précisément des certitudes.

Toutefois, comme à défaut d’affiches théâtrales nous possédons un assez grand nombre de didascalies, c’est-à-dire d’inscriptions destinées à perpétuer le souvenir des concours scéniques, nous allons, par l’étude de ces monumens, et à l’aide de divers autres textes, essayer de résoudre plusieurs des questions que nous venons d’indiquer, et tâcher de reconstruire, autant qu’il est en nous, une affiche de spectacle ancienne.

La fécondité des poètes qui ont illustré la scène grecque n’a été surpassée que par celle des grands dramatistes espagnols. Eschyle avait composé, suivant les uns, soixante et dix pièces[33], et, suivant les autres, quatre-vingt-dix[34]. Sophocle en fit jouer plus de cent soixante et dix[35], Euripide environ cent vingt[36]. Les poètes comiques ne furent pas moins féconds. Aristophane, selon Suidas, composa cinquante-quatre comédies[37], Ménandre cent neuf, Philémon quatre-vingt-dix-sept ; Antiphane, Alexis, Diphile, Posidippe, Apollodore, chacun au moins autant[38]. Le nombre même des poètes dramatiques en Grèce ne fut pas moins considérable que celui des ouvrages. Fabricius compte cent quatre-vingts auteurs tragiques, la plupart antérieurs à Aristote.

La pensée peut à peine trouver place pour toutes les représentations que ces chiffres supposent, principalement sur des théâtres tels que ceux de la Grèce, qui ne s’ouvraient aux concours scéniques que dans de certaines fêtes et pendant un petit nombre de jours chaque année. Il est vrai que pendant les beaux temps du théâtre grec et romain chaque drame n’était joué qu’une fois. De là les locutions consacrées à Athènes : Le temps des drames nouveaux, la saison des tragédies nouvelles[39], pour désigner l’époque des solennités, dont les concours scéniques faisaient partie. On ne cite que bien peu de pièces, si même on peut en citer, qui, comme les Grenouilles d’Aristophane[40], aient reçu un nouveau chœur après avoir été couronnées, ou qui aient été redemandées à Rome[41], comme le fut l’Eunuque de Térence. En général, il fallait qu’une pièce eût été refaite en entier pour obtenir un nouveau chœur en Grèce[42], ou pour être achetée une seconde fois par les édiles à Rome[43].

De plus, on ne jouait jamais une seule tragédie, ni une seule comédie. En Grèce, les jeux du théâtre, comme tous les autres jeux publics, étaient une lutte, un concours. À Athènes, les concurrens se présentaient, d’ordinaire, au nombre de cinq[44]. Si les didascalies ne mentionnent presque jamais que trois poètes[45], c’est qu’on n’inscrivait sur ces monumens que les noms des vainqueurs[46]. Il n’y a rien, non plus, à conclure de quelques récits célèbres, où ne figurent que deux antididascales[47]. Ces espèces de duels dramatiques ne prouvent, en aucune façon, qu’il n’y ait pas eu en même temps dans la lice un plus grand nombre de concurrens.

Si chacun des cinq poètes n’eût présenté qu’une pièce, on concevrait aisément que ces cinq drames aient pu être joués en un jour. Mais, presque aussitôt après Thespis, la coutume s’établit parmi les tragædodidascales de lier ensemble plusieurs ouvrages. Lors de la transformation des chœurs dionysiaques en chœurs tragiques, les dévots au culte de Bacchus se plaignirent de ne plus rien entendre dans les tragédies en l’honneur du dieu. Pratinas, prédécesseur et rival d’Eschyle, fit droit à ces réclamations pieuses, et joignit un drame satyrique à chacune de ses tragédies[48]. Bientôt Eschyle substitua aux dilogies[49] de Pratinas une composition plus développée et plus complète ; il créa la trilogie[50], c’est-à-dire l’union harmonique de trois tragédies, qu’il couronna quelquefois[51] par un drame satyrique, dont le sujet n’était pas nécessairement lié à celui des pièces précédentes[52]. Ce vaste ensemble constitua l’œuvre qu’on appela tétralogie.

Or, les concurrens étant au nombre de cinq, il y avait nécessairement dans chaque concours de tétralogie vingt pièces à représenter, tâche immense, qui n’aurait pu s’accomplir en un seul jour et en une seule séance, même lorsque, suivant l’hypothèse d’Aristote, on eut employé la clepsydre[53]. Il ne faut pas oublier non plus que, dans les diverses fêtes de Bacchus qui se célébraient à Athènes et au Pyrée[54], il y avait non-seulement des concours de tragédie, mais encore des concours de comédie[55], de sorte qu’en admettant, ce qui est loin d’être prouvé, que la lice ne s’ouvrît que pour trois poètes de chaque genre, il n’y aurait toujours pas eu moins de neuf tragédies, trois drames satyriques et trois comédies, c’est-à-dire, après toutes les éliminations possibles, quinze pièces à entendre et à juger.

Il est vrai que, par suite des difficultés qu’offrait la représentation des tétralogies, Sophocle abandonna cette forme de drame, qu’il avait employée avec succès[56], et opposa tragédie à tragédie[57]. Mais il est rare dans la carrière des arts de pouvoir revenir d’une forme complexe à une forme plus simple. On vit bientôt reparaître les tétralogies. Euripide affectionna cette sorte de drame. Seulement il paraît, comme presque tous les poètes qui le suivirent dans cette voie, s’être écarté de la sévère unité de la trilogie eschyléenne, et avoir cherché le succès dans le contraste bien tranché des sujets[58] et la diversité des émotions[59]. Euripide semble encore avoir tenté une autre très grave innovation : il remplaça, dit-on, quelquefois le drame satyrique par une quatrième tragédie, d’un caractère moins sombre que les trois premières. On cite l’Alceste, qui contient, en effet, des parties presque comiques, comme ayant été la quatrième pièce d’une des tétralogies de ce poète. L’introduction de ce nouveau procédé peut expliquer pourquoi nous ne retrouvons la trace que de cinq drames satyriques parmi les pièces connues d’Euripide.

L’abbé Barthélemy, qui s’est proposé, dans un savant mémoire, de déterminer combien de pièces on représentait en un jour sur le théâtre d’Athènes[60], n’a éprouvé tant de peine à résoudre ce problème que pour s’être persuadé que plusieurs des fêtes dont les concours scéniques faisaient partie, ne duraient qu’un jour, Diogène de Laerce rapporte que les concours de tétralogie avaient lieu en quatre occasions, aux Dionysies, aux Lénéennes, aux Panathénées et aux Chytres[61]. L’illustre critique a pensé que par les Lénéennes et les Chytres il fallait entendre la seconde et la troisième journées des Anthestéries. Mais il est plus vraisemblable que par les Chytres Diogène Laerce a voulu indiquer l’ensemble des trois fêtes dont les Chytres faisaient partie, c’est-à-dire les Anthestéries, et que par les Lénéennes il a entendu, non pas le second jour des Anthestéries, désigné plus ordinairement par le nom de Choës, mais les Dionysies de la campagne, qu’on appelait aussi Lénéennes[62], et qui, comme les Anthestéries, ou Dionysies de la ville, duraient plusieurs jours.

C’est à la difficulté gratuite de trouver place pour la représentation de quinze drames dans l’espace d’une seule journée qu’est due la naissance de divers systèmes fort bizarres. Plusieurs savans, et Casaubon lui-même, forçant le sens du passage de Diogène de Laerce, ont cru apercevoir je ne sais quel rapport mystique entre les quatre parties d’une tétralogie et les quatre fêtes annuelles de Bacchus[63]. Ils ont prétendu même, par une conjecture encore plus étrange, qu’on ne jouait qu’une seule des pièces d’une tétralogie à chacune de ces fêtes, de sorte que la représentation de l’œuvre entière n’eût été achevée qu’avec l’année. Cette invraisemblable hypothèse, admise par Twining, traducteur et commentateur de la Poétique d’Aristote[64], a entraîné le jugement ordinairement si ferme de Lessing[65]. Boettiger, dans sa dissertation sur le masque des Furies, trouve qu’on a été trop loin, en supposant qu’une tétralogie se partageât à Athènes entre les quatre fêtes de Bacchus ; mais il semble admettre[66] que chacun des drames composant une tétralogie pouvait être joué à différens jours, l’un après l’autre, « ce qui ne mettait pas, dit-il, trop d’intervalle entre les parties. » Il justifiait apparemment ce système de morcellement par l’exemple de nos mystères au moyen-âge et de certaines pièces de la Chine[67], ou même par ce qu’on sait de la mise en scène du Pastor fido et ce qu’il avait pu voir de celle du Wallenstein de Schiller.

Si d’ailleurs Casaubon a eu le tort d’appliquer un usage moderne au théâtre antique, il a, du moins, pour excuse d’avoir voulu lever les difficultés que présentent les concours tétralogiques ; mais que dire de Jules Scaliger, qui, sans nécessité, veut que l’Heautontimorumenos de Térence ait été joué à deux reprises, partie le soir et partie le lendemain[68] ? Que dire de Mme Dacier, qui n’admet pas seulement cette idée malheureuse dans ses Remarques sur Térence, mais qui, l’appliquant à ce qu’elle appelle improprement les actes des comédies grecques, soutient que le Plutus d’Aristophane fut représenté en deux séances, les deux premiers actes le soir, après le soleil couché, et les trois derniers le lendemain au point du jour ; confondant l’heure où l’action de la pièce est censée se passer avec l’heure matérielle de la représentation ? Une connaissance plus exacte de la durée des fêtes dionysiaques a fait justice de tous ces systèmes[69].

La seule difficulté réelle qu’offrît la représentation de cinq tétralogies en trois ou quatre jours[70] était la nécessité d’en jouer deux, c’est-à-dire huit pièces, en une journée. Mais le peu d’étendue des tragédies grecques, particulièrement de celles d’Eschyle, et l’extrême brièveté du drame satyrique[71], rendent cette supposition tout-à-fait admissible et probable.

Nous n’éprouvons pas le même embarras pour trouver dans les grandes solennités romaines le temps nécessaire aux représentations théâtrales. D’abord la fécondité dramatique est bien loin d’avoir été aussi grande en Italie qu’en Grèce[72] ; ensuite les Romains ne connurent ni les trilogies ni les tétralogies : ils se contentaient de faire suivre leurs pièces sérieuses d’un mime ou d’une atellane[73] ; et, ce qui établit entre eux et les Grecs une différence encore plus marquée, ils n’adoptèrent l’usage des concours scéniques que fort tard. Les poètes du temps de la république vendaient leurs pièces aux édiles, mais ils ne concouraient pas. Ce qu’on lit dans le prologue fait pour une reprise de la Casina de Plaute : Hoec cum primum acta est, vicit omnes fabulas[74], n’est qu’une figure de langage. Les luttes poétiques admises, sous Jules César, entre les mimographes, tels que Laberius et P. Syrus, et introduites un peu après dans certains jeux littéraires, comme dans les jeux capitolins, ne furent qu’une tardive adoption des usages grecs. Les concours entre acteurs ne s’établirent même à Rome que sous Auguste. Il est question, je le sais, de palmes briguées par les acteurs dans les prologues de l’Amphitryon et du Pœnulus[75] ; mais ces prologues, comme celui de la Casina, paraissent avoir été écrits ou retouchés pour une reprise de ces comédies[76]. Ce que Cicéron[77] et Varron nous apprennent des corollaria décernés aux acteurs qui avaient bien joué, cum placuerant in scena[78], ne prouve pas que l’on ait connu dès-lors les concours histrioniques. Le corollarium était un témoignage de satisfaction que les éditeurs de spectacles décernaient, en sus de leur salaire, aux acteurs qui avaient plu à l’assemblée[79]. C’étaient des espèces de feux ou de primes dont l’usage remontait aux représentations privées[80]. Il n’y a de concours d’acteurs bien prouvés à Rome que ceux qui eurent lieu, sous l’empire, entre les musiciens et entre les pantomimes[81].

Les jeux scéniques, célébrés chaque année aux frais des édiles curules, duraient un, deux et même quatre jours. Dans les grands jeux[82], dans les jeux floraux, apollinaires, compitaux, mégalésiens, séculaires, les représentations scéniques ne formaient qu’une faible partie des spectacles. Il est vrai que peu à peu les féries se prolongèrent ; il ne fut pas rare de voir telle solennité, surtout votive, triomphale ou de dédicace, durer trente jours[83], cent jours[84], cent vingt-trois jours[85], et sur ce nombre plusieurs, sans aucun doute, étaient consacrés aux jeux scéniques, surtout à ceux des mimes et des pantomimes. Il est vrai encore qu’outre les représentations solennelles, il y avait sur les théâtres grecs et romains des représentations données aux frais des entrepreneurs, qui obtenaient ou achetaient ce droit des magistrats[86], spéculant, comme de nos jours, sur la curiosité publique, particulièrement sur celle des classes qui, dans les grandes solennités, n’étaient pas admises au théâtre[87]. La multiplicité des divertissemens de ce genre finit même par devenir une distraction funeste pour le peuple et nuisible à l’expédition des affaires publiques et privées. Marc-Aurèle, pour remédier à ce désordre, voulut que le spectacle des pantomimes commençât plus tard et ne se donnât pas tous les jours[88]. À cette restriction, qui semble prouver qu’il y avait alors des représentations quotidiennes, il faut ajouter le témoignage du médecin illustre Galien, qui raconte que trois pantomimes, Pylade, Morphus, et un autre qu’il ne nomme pas, jouaient alternativement et de deux jours l’un[89]. Il faut ajouter encore le mot que l’histoire attribue à l’empereur Gallien. Ce prince, dit Trébellius Pollion, au milieu des plus graves préoccupations politiques, demandait continuellement à ceux qui l’approchaient : « Que donne-t-on demain au théâtre ? » Qualis cras erit scena[90] ? Mais ces spectacles, presque quotidiens, n’étaient pas les spectacles nationaux et officiels ; c’étaient des passe-temps offerts à l’oisiveté par la cupidité des entrepreneurs, c’étaient des représentations éventuelles et irrégulières, à peu près comme celles qui ont lieu aujourd’hui dans nos villes de province. Aussi y avait-il des jours de relâche, et souvent même des temps de clôture. Sénèque parle de ces vacances affichées, sans doute, sur les murs des théâtres, et qui désespéraient les désœuvrés de Rome : Cum ludi intercalantur, dit-il[91] ; et Juvénal :

..... Quoties aulæa recondita cessant,
Et vacuo clausoque sonant fora sola theatro[92].

On voit combien il faut se garder de confondre, dans l’étude du théâtre antique, deux choses absolument dissemblables, les spectacles publics, religieux, nationaux, et les spectacles secondaires, exploités dans des vues de lucre par des entreprises particulières.

À Athènes, les frais considérables qu’exigeaient les fêtes religieuses, et, par suite, les concours scéniques, étaient partagés entre les choréges, qui pourvoyaient à l’entretien des chœurs, et la caisse des fonds théoriques, chargée de subvenir à toutes les autres dépenses. Le théâtre, comme étant une enceinte religieuse et même une partie de l’Hiéron de Bacchus, fut d’abord ouvert à tous et gratuit. Les jours de représentation, les citoyens, de grand matin[93], quelquefois même pendant la nuit[94], venaient occuper les gradins auxquels leur âge ou leurs fonctions leur donnaient accès ; mais, comme il s’élevait souvent des contestations et même des rixes, et que des étrangers et des esclaves s’emparaient quelquefois des places, on établit un prix d’entrée que l’on fixa d’abord à une drachme[95] ou six oboles[96], et qui servait au paiement de l’architecte chargé d’élever le théâtre, alors de bois et temporaire. Plus tard, on réduisit, par considération pour les citoyens pauvres, le prix des places à deux oboles[97], peut-être même à une[98]. Enfin Périclès, flatteur habile des passions populaires, fit rendre un décret qui enjoignait aux administrateurs du fonds théorique[99] de distribuer aux citoyens, avant chaque représentation, les deux oboles nécessaires au paiement de leur place[100]. Mais la démocratie athénienne ne s’en tint pas là : la caisse des fonds théoriques, qui s’alimentait, dans l’origine, de l’amodiation des terrains sacrés[101], de certaines amendes et de divers dons et legs pieux[102], ne put suffire à ces distributions. Le peuple d’Athènes lui attribua une très large part des contributions de guerre fournies par les alliés[103], se partagea cet argent au théâtre, en présence même des confédérés[104], et défendit, sous peine de mort, de proposer, en aucun cas, d’appliquer les fonds de cette caisse, qu’elle regardait comme sienne, à l’entretien des flottes ou de l’armée[105]. Ainsi le peuple d’Athènes, qui se faisait payer pour toutes choses, recevait un salaire, même pour assister aux spectacles ! La distribution du Théorique était une espèce de jeton de présence[106], dont l’appât fit, suivant Plutarque, que jamais gradins de théâtre ne furent aussi bien garnis que ceux d’Athènes[107]. Ce régime abusif, aggravé encore par Argyrrhius, qui acquit par ce moyen la plus grande popularité[108], ne fut aboli, sur la proposition d’Hégémon, qu’entre la seconde année de la 110me olympiade et la troisième de la 112e, c’est-à-dire quand la pénurie complète du trésor l’aurait toute seule aboli. Si l’on trouve encore postérieurement à cette époque des traces de distributions théoriques à Athènes[109], c’est que, toutes les fois que la démocratie recouvra dans cette ville une ombre de pouvoir, elle ne manqua pas de faire revivre ce honteux usage, qui lui était si profitable[110].

À Rome, les spectacles publics, ceux qui se liaient au culte national et qui se célébraient pour le salut du peuple, étaient défrayés en partie par les édiles ou les préteurs, en partie par un fonds spécial, ludiaria pecunia, administré d’abord par les pontifes[111], puis par un officier de l’empereur, nommé Ab argento scenico magister[112]. Toutes les grandes et solennelles représentations scéniques étaient donc ce que nous appelons aujourd’hui des spectacles gratis. Cicéron proclame le théâtre une propriété commune[113]. Aussi, dès le point du jour, souvent même avant le lever du soleil, les habitans de Rome venaient-ils, comme ceux d’Athènes, prendre à grand bruit possession des places qui leur étaient destinées[114], en observant seulement les distinctions d’ordres et de rangs que les lois théâtrales avaient établies et que des officiers publics[115] faisaient sévèrement respecter.

Il n’en était pas de même des représentations préparées par des entrepreneurs. Ces adjudicataires des théâtres antiques, appelés en Grèce θεαθρώναι[116] et à Rome redemptores theatri ou rogatores a scena, cherchaient tous les moyens d’accroître leurs bénéfices. C’est surtout dans l’intérêt de ces spéculations que les siéges des théâtres et des amphithéâtres portaient, comme on le voit encore en quelques endroits, à Pola, par exemple[117], des numéros gravés dans la pierre, numéros qui, répétés sur les tessères, permettaient de louer les places, soit à l’avance, soit à l’ouverture des portes, et de répartir les spectateurs dans ces vastes enceintes avec autant et plus d’ordre que nous n’en pouvons mettre dans nos petites salles d’aujourd’hui.

Il est probable que l’on appelait χαλκολόγοι[118] les préposés chargés de recevoir le prix des billets, je veux dire des tessères. Il y avait, de plus, des contrôleurs ou vérificateurs de billets ; car, outre les tessères payantes, on connaissait, comme à présent, les tessères de faveur[119] et ce que nous appelons les entrées, c’est-à-dire des personnes ayant un droit permanent ou temporaire à des places réservées et gratuites, telles que certains magistrats et les fondateurs ou les restaurateurs de l’édifice. Les tessères qui constataient le droit d’assister au spectacle sans rétribution s’appelaient σύμβολα. Quelquefois aussi les gens riches qui voulaient pour un jour se faire éditeurs de spectacles et s’épargner les embarras attachés à cette prétention, achetaient d’un entrepreneur tout ou partie des places de son théâtre et les distribuaient à leur gré[120]. Seulement, les lois à Rome avaient imposé de certaines limites à cette libéralité, afin d’empêcher les largesses théâtrales de dégénérer en brigues[121]. Les gradins souvent nombreux loués par les grands pour le peuple s’appelaient loca gratuita [122].

Enfin, on connaissait même, chez les anciens, ces espèces de courtiers que nous nommons vendeurs de billets. Les jours de grandes représentations, de pauvres gens occupaient, de bonne heure, des places qu’ils cédaient ensuite aux personnes riches ; on donnait le nom de locarii à ceux qui se livraient à ce trafic. Martial, parlant d’un gladiateur en vogue, l’appelle divitiœ locariorum, la fortune des vendeurs de places[123].

La nature et la configuration même des théâtres de l’antiquité prouvent que ces enceintes découvertes n’étaient destinées qu’à des spectacles de jour. En effet, on ne trouve, je crois, en Grèce, aucune trace de représentations exécutées la nuit et aux lumières, quoiqu’il y eût dans les fêtes religieuses, et notamment dans les mystères, diverses cérémonies nocturnes. Il en fut autrement en Italie, mais seulement sous les empereurs, quand la satiété de tous les plaisirs eut fait naître un besoin effréné de nouveautés. Du temps de Tibère, les spectacles se prolongeaient déjà assez tard pour que de jeunes esclaves dussent reconduire avec des torches ceux qui sortaient du théâtre[124]. Caligula, qui essaya de toutes les sortes de jeux scéniques, en donna même pendant la nuit, et nocturnos. En ces occasions, on illuminait la ville entière[125].

Dans les Quinquatries, instituées par Néron en l’honneur de Minerve, comme les Panathénées à Athènes, il y eut des spectacles de nuit, « afin, murmuraient les vieux Romains, qu’il ne restât aucun asile à la pudeur[126]. » Cependant des juges moins sévères répondaient que les feux dont resplendissait la ville étaient une garantie pour les mœurs[127]. Enfin, à l’occasion des jeux séculaires, nous voyons l’empereur Philippe donner sur le théâtre de Pompée des représentations scéniques qui durèrent, selon l’usage, trois jours et trois nuits, pendant lesquels le peuple contempla les spectacles à la clarté des torches et des lampes[128] ; mais c’étaient là de rares et très particulières exceptions.

Je ne puis, en terminant, m’empêcher de faire une remarque peu flatteuse pour notre scène : c’est que plus le théâtre antique s’éloigne de son origine religieuse, plus il s’écarte de ses traditions primitives et nationales, plus il entre dans des voies d’exploitation industrielle ou de caprice particulier, et plus les points de ressemblance entre ces tréteaux déchus et les nôtres deviennent nombreux et frappans. Toutefois, il faut se hâter de le dire, ces ressemblances malheureuses s’arrêtent à l’extérieur et ne portent guère que sur des détails d’organisation et de police. Par un bonheur dont il faut féliciter la civilisation moderne, l’antiquité ne nous a légué de ses productions dramatiques que celles des meilleurs âges : presque aucune œuvre des bas siècles n’a survécu de sorte que, tandis que l’organisation matérielle de nos théâtres est à peu près l’image de la plus triste et de la plus mauvaise organisation de la scène antique, dans l’ordre poétique, au contraire, nous n’avons eu pour modèles que les plus parfaits chefs-d’œuvre des plus beaux temps du théâtre grec et romain. C’est dans la lecture et, pour ainsi dire, dans la société familière d’Eschyle et de Sophocle, de Plaute et de Térence, que les génies fraternels de Molière et de Racine ont puisé cette hardiesse attique, cette exquise justesse de mouvemens et de proportions, qu’on ne sait ni comment assez louer, ni comment définir, mais dont on retrouverait au besoin le sentiment et le secret, si jamais ils couraient risque de se perdre, dans l’étude intelligente de la peinture et de la sculpture antiques, devant le groupe de la Niobé ou les bas-reliefs du Parthénon.


Charles Magnin.
  1. Voyez les livraisons du 1er septembre 1839 et 15 avril 1840.
  2. Ælian., Hist. Anim. lib. IV, cap. XLIII.
  3. Sueton., Ner., cap. XXV.
  4. Aristoph., Acharn., v. 9-11.
  5. Sueton., Claud., cap. XXI. — Herodian., lib. III, cap. VIII. — Outre les cas de longévité, l’irrégularité dans la célébration des jeux séculaires a fait plusieurs fois mentir cette proclamation.
  6. Terent., Phorm., act. V, sc. VII, v. 38.
  7. Souvent, quand la pièce était ancienne, le jeu des flûtes, qui précédait le prologue, suffisait pour faire deviner le titre de la pièce aux spectateurs. V. Donat., De comœd. et tragœd.
  8. La Bibliothèque du roi possède plusieurs très précieux diptyques.
  9. Gor., Thes. diptyc., tom. II, tav.XIII et XX.
  10. Dans un bas-relief successivement publié par Gronovius, Bellori et Winckelmann (Monum. antich. ined., tom. I, tav. CXCII), on peut voir la forme d’un de ces châssis.
  11. Boettig., De persan. scen., pag. 228, not., ed. Sellig
  12. Ficor., Le masch. scen., tav. XXXVI.
  13. Le Pittur. antich. d’Ercol., tom. IV, pl. XXXI-XXXVIII.
  14. Cayl., Antiq., tom. V, pap. 245.
  15. Cod. Reg. Catal., n. 7899.
  16. Ces peintures ont été publiées en dernier lieu par Coquelinus (Rome, 1767, 2 vol. in-fol.). — Cf. M. Accii Plauti fragmenta inedita, item ad P. Terentium commentationes et picturœ ineditœ, inventore Angelo Maio. Mediol., 1815, in-8o.
  17. Le Pittur. antich. d’Ercol., tom. I, tav. IV, et tom. VI, tav. XXXIV. — Ces peintures et plusieurs autres, qui représentent des sujets dramatiques, sont indiquées un peu arbitrairement par Boettiger comme étant des tableaux-affiches.
  18. Plin., Hist. nat., lib. XXXV, cap. X, § 37.
  19. Mém. de l’Acad. des Inscript.,tom. xxv, pag. 182
  20. Horat., lib. II, sat. VII, v. 95, seqq.
  21. Plaut., Rud., act. V, sc. ii, v. 7.
  22. Millin, Description d’une mosaïque antique, pag. 8.
  23. Romanelli, Viagg. a Pompeï, tom. I, pag. 82. — Orell., Inscript., n. 2556 et 2559. — Mazois, Ruines de Pompéï, tom. III, frontispice.
  24. Le Pittur. antich. d’Ercol. tom. IV, tav. XLI.
  25. La tessère trouvée dans le théâtre d’Alauna (Valognes) est un jeton de bronze, un peu plus grand qu’une pièce de cinq francs, ayant d’un côté le no 1 et de l’autre six points disposés en demi-cercle.
  26. Millin, Description d’une mosaïque antique, pag. 9.
  27. Voy. pour ces deux tessères, Le Pittur. antich. d’Ercol., tom. IV, tav. VII, et Morcelli, Delle tessere degli spettac. Roman., pag. 7 et 43.
  28. Romanelli, Viagg. a Pompeï, tom. I, pag. 216. — Orelli, Inscript., n. 2539.
  29. Ficoroni, I piombi antichi, part. 2, pluribus locis.
  30. Caylus, Rec. d’Antiq., tom. III, pag. 284 ;
  31. Osann., De regina Philistide. — M. Raoul-Rochette, Lettre à M. Welcker sur quelques inscriptions grecques de la Sicile, dans le Rheinisches Musœum.
  32. Caylus, ouvrage cité, tom. IV, pag. 284. — Une tessère, gravée dans le même recueil (tom. III, pag. 284, pl. LXXVII, 2), présente d’un côté les chiffres indicatifs du gradin, et de l’autre un masque comique. Je ne crois pas, avec Caylus et Millin (Dict. des Beaux-Arts, tom. II, pag. 413), que cette tessère annonçât plus particulièrement la représentation d’une comédie. Ce masque indiquait seulement, suivant moi, que ce billet d’entrée ne se rapportait ni au cirque, ni à l’amphithéâtre, mais au théâtre.
  33. Æschyl. vit., ed. Robort. — Les grammairiens nous ont conservé les titres de soixante et douze pièces d’Eschyle. — V. Stantl., Catalog. dramat. Æschyli.
  34. Suidas, cité par M. Welcker (Die AEschylische Trilogie, pag. 543). Celui-ci porte à cent douze le nombre des pièces d’Eschyle. V, ibid.
  35. Suidas (voc. Σοφοκλῆς) dit cent vingt-trois.
  36. Suidas (voc. Εὐριπίδης) en compte quatre-vingt-douze. — Meurs., Libell. de trium tragic. fabulis.
  37. Quarante-quatre indubitables, suivant les critiques modernes.
  38. Meinecke, Histor. Grœcor. comic.
  39. Aristoph., Nub., v. 547 ; Schol., ibid.Osann., Inscript., III, pag. 128, et IV, pag. 164. — Plutarch., Phoc., cap. XIX.
  40. Dicæarch., in Argum. ad Aristophan. Ran., pag. 115, ed. Kust.
  41. Il ne s’agit que du premier âge de la scène grecque et romaine. J’ai montré ailleurs comment dans la suite les chefs-d’œuvre furent souvent redemandés et rejoués tant en Grèce qu’en Italie. « Redeant iterum atque iterum spectanda theatris… » Horat., lib. i, sat. X, v. 37.
  42. Les Euménides d’Eschyle, plusieurs des pièces de Sophocle, les Nuées d’Aristophane, et une comédie tombée d’Anaxandride, furent refaites et rejouées. V. Athen., lib. IX, p. 374. — Casaub., in ejusd., lib. VII, pag. 487. — Aul. Gell., lib. XV, cap. XX. — Boeckh., Tragæd. Græcor. princip.Guill. Esser., De prim. et alter. Nub. Aristoph. editione dissert.
  43. Terent., Hecyr., prolog., secund. edit., v. 6, seq.
  44. Cinq des tribus choisissaient chacune un chorége, et les cinq autres chacune un ou deux juges. V. Boeckh., Corpus inscript., n. 231, et Animadv. in n. 239. — Comme le nombre des tribus a plusieurs fois changé, cela peut expliquer les variations du nombre des juges et celui des concurrens.
  45. Argument. in Aristoph. Equit., Av., Vesp., et Ran.Suid., (voc. Πρατίνας), Argum. in Euripid. Hippolyt., et Med.
  46. Boeckh., Corpus inscript., tom. I, pag. 352.
  47. Dicæarch., in Argum. in Œdip. tyr.Ælian., Var. hist., lib. III, cap. VIII.
  48. Suidas attribue à Pratinas cinquante pièces, dont trente-deux drames satyriques. Ce chiffre, que Casaubon conteste (De Satyr. poesi, lib. I, cap. V, pag. 167), prouverait, s’il était certain, que ce poète fit représenter quatorze drames satyriques isolés.
  49. Ce mot, employé par M. Welcker, ne se trouve pas avec ce sens, je crois, dans les auteurs anciens.
  50. Schol., in Aristoph. Ran., v. 1155.
  51. Je dis que la trilogie eschyléenne fut quelquefois, et non pas toujours, suivie d’un drame satyrique ; car, sur les soixante et dix pièces d’Eschyle dont nous connaissons les titres, on ne remarque que cinq ou sept drames satyriques.
  52. Casaub., ibid., pag. 164. — Welcker, Die AEschyl. Trilog., pag. 505, seq., et suppl., pag. 296.
  53. Aristot., Poetic., cap. VII § 11
  54. Demosth., In Mid., pag. 604, Francf.
  55. Une inscription, expliquée par M. Boeckh (Corpus inscript., tom. I, n. 23), donne sur deux colonnes les titres des tragédies et des comédies jouées dans une même solennité.
  56. Sophocle vainquit Eschyle avec une tétralogie, mais avec une tétralogie composée de sujets divers. C’est pour cette raison, suivant Welcker (ouvrage cité, pag. 513), que la décision des juges fut si laborieuse. Il ne s’agissait pas seulement de prononcer entre deux ouvrages, mais entre deux systèmes.
  57. Suid., voc. Σοφοχλῆς.
  58. Welcker, ouvrage cité, pag. 524-527. — Hermann (De Composit. tetralog. tragic.) regarde, au contraire, la diversité des sujets comme la loi générale de ce genre, de composition.
  59. M. Welcker pense même que la trilogie unitaire, ou eschyléenne, ne disparut pas entièrement après la réforme faite par Euripide. Ainsi, il croit qu’une trilogie de Mélitus, intitulée l’Œdipodée, était composée dans la forme d’Eschyle, et non dans le système d’Euripide.
  60. Barthélemy, Mém. de l’Acad. des Inscript., tom. XXXIX, pag. 172 et suiv.
  61. Thrasyll., ap. Diog. Laert., in Plat., lib. III, cap. LVI. — Suid., voc. τετραλογία.
  62. Gyrald., De comœdia. — Aldobrandin, Obs. in Diog. Laert.
  63. Casaub., De Satyr. poes., lib. I, cap. V, pag. 160.
  64. Thom. Twining, Aristotel’s treatise on poetry, pag. 475, seqq.
  65. Lessing, Vermischte Schriften, tom. XIV, Leben des Sophocles, pag. 383.
  66. Boettiger, Die Furienmaske, dans ses Kleine Schriften, tom. I, pag. 193, not. — Je dis que Boettiger semble admettre cette opinion, parce qu’en effet ce passage est d’une rédaction fort obscure ; M. Winckler, qui a traduit l’opuscule de Boettiger, a adopté le sens que j’indique.
  67. V. Acosta, Amer., 9 part. lib. IV, cap. VI. — M. Bazin, qui traduit en ce moment le Pi-pa-ky, ou l’Histoire de la Guitare, drame chinois en quarante actes ou tableaux, trouvera probablement dans les historiens littéraires de la Chine les moyens d’expliquer ce prodigieux tour de force de mise en scène.
  68. Jul. Scalig., Poet.
  69. M. Boeckh (Tragœd. Grœcor. princip., pag. 42) s’est très justement moqué de cette étrange opinion, qu’il aurait dû pourtant, en bonne justice, reprocher à l’inventeur.
  70. Plutarque raconte (An Seni, pag. 785) que le tragédien Polus joua, dans une ville qu’il ne nomme pas, huit rôles tragiques en quatre jours.
  71. Le Cyclope d’Euripide, seul drame satyrique qui nous soit parvenu, n’a que sept cent neuf vers.
  72. On attribue, il est vrai, cent trente comédies à Plaute ; mais, dès le temps de Varron, ce chiffre était tellement contesté, que ce judicieux critique dut le réduire à vingt et un.
  73. Cicer., Ad famil., lib. IX, epist. 16 — Schol. in Juven. Sat. III, v. 175.
  74. Plaut., Casin., prolog., v. 17.
  75. id., Amphitr., prolog., v. 72. — id., Pœn., prolog., v. 37.
  76. Osann., Analect. critic., pag. 176, seq.
  77. Cicer., In Verr., III, cap. LXXXIX.
  78. Varr., De ling. Latin., lib. IV, pag. 49, ed. Bip
  79. Suétone (August., cap. XLV) loue Auguste d’avoir fait souvent de telles largesses dans des jeux même dont il n’était pas éditeur.
  80. Cicer., Verr., IV, cap. XXII.
  81. Quant à ceux-là, une foule d’anecdotes, et, qui mieux est, de monumens et d’inscriptions, ne peuvent laisser le moindre doute sur leur existence.
  82. Les ludi magni duraient trois jours ; les ludi maximi en duraient quatre ; dans les uns et dans les autres, il y avait des jeux scéniques. V. Terent., Hecyr., titul.Sueton., Vit. Terent.
  83. Suet., August., cap. XXXII.
  84. Xiphil., lib. LXVI, cap. XXV.
  85. Dio, lib. XLVIII, cap. XV.
  86. Chandler, Inscr., ii, 109, pag. 74.
  87. Cicer., De Harusp. resp., cap. XII.
  88. Capit., Marc. Anton., cap. XXIII. — Pour protéger le travail contre la dissipation qui se cachait sous des prétextes religieux, Marc-Aurèle réduisit les jours fériés à trente-cinq par année. V. Capit., ibid., cap. X.
  89. Galen., Comm. de prœnotione tom. VII, pag. 839, seq., ed. Chart. C’est la charmante histoire de la jeune femme amoureuse du pantomime Pylade.
  90. Trebell. Pollio, Gallieni Duo, cap. IX. — Cette question suppose l’existence des annonces ou des affiches de spectacle.
  91. Senec., Quæst. natur., lib. VII, cap. XXXII.
  92. Juven., Sat. VI, v. 67, seq.
  93. Æschin., In Ctesiph.Xenoph., Memorab., lib. V, pag. 825.
  94. Schol., in Lucian. Tim., cap. XLIX.
  95. Lucian., Demosth. Encom., cap. XXXVI. — Harpocrat., Hesych. et Suid., voc. grc.
  96. Environ 92 centimes.
  97. Demosth., Pro coron., pag. 477.
  98. Ulpian., In Demosth. Olynth., tom. I, pag. 13. — L’abbé Barthélemy, Voy. du Jeune Anachars., tom. VI, chap. LXX, pag. 106.
  99. On les appelait ταμίαι ; ils étaient élus par le peuple aux grandes Dionysies. Il y en avait dix, c’est-à-dire un par tribu.
  100. Plutarch., Pericl., cap. IX.
  101. Isocrat., Areopag., II.
  102. Boeckh., Corpus inscript., n. 2741.
  103. Isocrat., De Pace. — Poll., lib. VIII, § 113.
  104. Demosth., in Mid., pag. 637. — Aristoph., Acharn., 504 ; Schol., ibid.
  105. Liban., Argum. in Demosth. Olynth. i, pag. 14. — Dans la quatrième année de la 106e olympiade, l’orateur Apollodore encourut une amende de quinze talens pour une infraction à cette loi, dont la pénalité avait apparemment été modifiée.
  106. Les absens ne touchaient pas le Théorique. Hyperid., ap. Harp., voc. θεωρικὸν.
  107. Plutarch., De Sanit. tuend., pag. 372.
  108. Xenoph., Hellen., lib. IV, cap. VIII, § 31. — Diod., lib. XIV, § 99. — Le démagogue Démade, pour faire manquer un armement destiné à protéger la Grèce contre Alexandre, osa proposer de convertir les fonds réservés pour cet objet en une distribution de cinquante drachmes par tête.
  109. Aristid., in Apolog.
  110. Un écrivain anglais a employé plusieurs pages de l’Edimburgh Review à l’apologie de la destination des fonds théoriques à Athènes. Il soutient que l’inviolabilité de cette caisse pacifique était une heureuse barrière qui protégeait le budget des arts et des sciences contre l’envahissement des dépenses militaires. Il oublie que ce régime a causé la ruine des arts en même temps que celle de l’état.
  111. C’est par suite de cet usage que nous voyons à Aphrodisias, après la conquête romaine, la gestion de l’argent destiné aux jeux confiée à Ulpius Apulcius Euryclès, premier pontife de l’Asie. Boeckh., ibid., n. 2741.
  112. Grut., n. 583, 3. — Cette caisse théâtrale s’alimentait à peu près comme celle des fonds théoriques d’Athènes, c’est-à-dire : 1o par un fonds de cinq cents mines voté par le sénat (Dionys. Halic., lib. VII, cap. XIII) ; 2o par le revenu des bois sacrés, ex lucis, ce qui fit nommer lucar tout salaire relatif aux jeux publics (Plutarch., Quæst. Rom., 88, pag. 285, D. — Fest., voc. Lucar, et Pecunia) ; 3o par le produit de certaines amendes (Tit. Liv., lib. X, cap. XXIII. — Ovid., Fast., lib. V, v. 29, seqq.) ; 4o enfin, par une taxe imposée par Caligula sur les marchands d’esclaves, les débauchés et les courtisanes (Sueton., Caligul., cap. XL), moyen de pourvoir à la splendeur du culte national moins étrange peut-être aux yeux des anciens qu’aux nôtres, et qui pourtant fut un peu modifié par Alexandre Sévère (Lampr., Alex. Sever., cap. XXIV).
  113. Cicer., De finib., lib. III, cap. LXVII
  114. Sueton., Caligul., cap. XXVI.
  115. Mart., lib. V, epigr. 14 et 28
  116. Theophr., Charact., cap. XI.
  117. Stancovich, Anfiteatr. di Pola, pag. 33, tav. II, fig. 1-4.
  118. Philox., Vetera glossaria. — Théophraste appelle χαλκοῦς, les pièces de monnaie recueillies par les charlatans autour de leurs tréteaux. V. Charact., cap. VI, § 2
  119. Theophr., ibid., cap. XI, § 3.
  120. Cicer., Pro Muren., cap. XXXIV, cap. 72
  121. id., ibid., § 73.
  122. Sueton., Caligul., cap. XXVI.
  123. Martial., lib. V, epigr. 25, v. 9
  124. Dio, lib. LVIII, cap. XIX.
  125. Suet., Caligul., cap. XVIII.
  126. Tacit., Annal., lib. XIV, cap. XX.
  127. Tacit., Annal., lib. XIV, cap. XXI.
  128. Il nous reste quelques-unes de ces anciennes lampes théâtrales. V. Le Pittur. antich. d’Ercolan.