Gent & Gassman (p. 76-90).

CHAPITRE VI.

DES CREVASSES DES GLACIERS.


Tous les glaciers ont des crevasses : ce sont pour la plupart d’énormes fissures qui tantôt traversent la masse de glace de part en part, tantôt ne pénètrent que jusqu’à une certaine profondeur. Elles sont généralement connues par l’effroi qu’elles inspirent ; et l’on se raconte à ce sujet une foule d’histoires plus ou moins tragiques de voyageurs et de chasseurs qui disparurent dans ces gouffres. Quelques-unes sont vraies, la plupart sont controuvées. Dans certaines circonstances les crevasses peuvent, il est vrai, offrir des dangers très-réels, même au montagnard qui a l’habitude des glaciers ; mais ces dangers sont en quelque sorte compensés par la magnificence du spectacle qui les accompagne ; car rien n’est beau comme l’éclat du ciel réfléchi par leurs parois d’azur.

La fréquence, la forme, les dimensions et la disposition des crevasses varient à l’infini dans les divers glaciers et même dans les diverses parties d’un seul et même glacier. Cette variété dépend essentiellement de l’inclinaison plus ou moins considérable du fond de la vallée. Mais ici encore il faut distinguer entre la partie supérieure des glaciers et la partie inférieure. Dans la partie supérieure, là où la glace est fort peu compacte ou seulement à l’état de névé, les crevasses sont généralement moins nombreuses et surtout moins irrégulières que dans la partie inférieure : c’est ce qui fait que les névés, quoique en général plus escarpés que les glaciers proprement dits, sont cependant bien moins accidentés à leur surface. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les Pl. 1 et 2, qui représentent les divers glaciers qui descendent des cimes du Mont-Rose, avec le glacier de Viesch représenté Pl. 10, ou même avec la partie inférieure du glacier de Zermatt, telle qu’elle est représentée dans notre Pl. 4. Les premiers présentent une surface à peu près unie comparativement à celle du glacier de Viesch qui cependant est bien moins incliné. Cette différence résulte, ainsi que nous l’avons dit, de la structure de la glace elle-même. La glace des régions supérieures est plus élastique que celle des régions inférieures, par cela même qu’elle contient plus d’air ; elle peut par conséquent se dilater jusqu’à un certain point sans se crevasser. Plus bas au contraire la glace se crevasse d’autant plus facilement qu’elle acquiert plus de compacité par suite de l’infiltration et de la congélation continuelle de l’eau dans les fissures capillaires.

Lorsque les crevasses pénètrent de part en part, elles peuvent servir à déterminer approximativement l’épaisseur du glacier. J’en ai mesuré à la mer de glace du Montanvert qui avaient jusqu’à 60 et 80 pieds de profondeur. M. Hugi dit en avoir mesuré une au glacier inférieur de l’Aar qui avait 120 pieds de profondeur. Leur largeur est très-variable ; de Saussure dans son voyage au Mont-Blanc en observa une qui avait plus de cent pieds de large et dont on ne voyait le fond nulle part[1]. Je n’en ai jamais vu d’aussi larges ; mais j’en ai rencontré souvent qui avaient vingt et trente pieds. Dans les endroits où le glacier est peu incliné, la plupart des crevasses se laissent enjamber. Lorsque cela ne se peut pas, on est obligé de les contourner ou de les franchir avec des échelles, à moins qu’un pont naturel de neige n’en facilite le passage, ce qui arrive assez souvent.

Les crevasses sont toujours dangereuses, lorsque des neiges récemment tombées en cachent les abords ou lorsque le soleil vient à ramollir les couches supérieures qui ne sont pas encore transformées en glace. En général on ne saurait assez prévenir les voyageurs contre les inconvéniens de la neige durcie, qui recouvre parfois ces glaciers ; car quelque résistante qu’elle paraisse, il suffit souvent de peu d’heures pour la ramollir complètement. Saussure faillit périr plusieurs fois dans de pareilles circonstances. Voici comment il raconte les dangers qu’il courut au glacier des Pélerins.

« J’entre sur la glace à midi et trois quarts ; la neige qui la couvre, durcie par le froid de la nuit, puis un peu ramollie par le soleil, a justement la consistance qu’on lui désire ; nous rencontrons quelques crevasses, mais nous passons dans leurs intervalles, et en 24 minutes nous arrivons au pied du roc. Après avoir fait en 18 minutes mes observations barométriques, je repars très-satisfait à 1 heure 35 minutes. Pendant cet intervalle le soleil a été très-ardent ; je m’en réjouissais d’abord, parce que je craignais qu’à la descente, ces pentes rapides ne se trouvassent un peu glissantes, lorsque tout-à-coup la neige s’enfonce sous mes deux pieds à la fois : le droit qui était en arrière ne porte plus sur rien, mais le gauche appuie encore un peu sur la pointe et je me trouve moitié assis, moitié à cheval sur la neige. Au même instant, Pierre (l’un des guides), qui me suivait immédiatement, s’enfonce aussi à peu près dans la même attitude, et me crie, au moment même, de la voix la plus forte et la plus impérieuse : ne bougez pas, Monsieur, ne faites pas le moindre mouvement. Je compris que nous étions sur une fente de glace et qu’un mouvement fait mal-à-propos pouvait rompre la neige qui nous soutenait encore. L’autre guide qui nous précédait d’un ou deux pas, et qui ne s’était point enfoncé, demeura fixe dans la place où il se trouvait : Pierre, sans sortir non plus de sa place, lui cria de tâcher de reconnaître de quel côté courait la fente et dans quel sens était sa moindre largeur ; mais il s’interrompait à chaque instant pour me recommander de ne faire aucun mouvement. Je lui protestai que je resterais parfaitement immobile, que j’étais absolument calme, et qu’il n’avait qu’à faire, comme moi, avec tout le sang-froid possible, l’examen des moyens de sortir de cette position. J’avais besoin de lui donner cette assurance, parce que je voyais ces deux guides dans une si grande émotion, que je craignais qu’ils ne perdissent la tête. Nous jugeâmes enfin que la route que nous suivions au moment de notre chute coupait transversalement la fente ; et j’en avais déjà presque la certitude en ce que je sentais la pointe de mon pied gauche, qui était en avant, appuyer contre de la neige, tandis que le droit ne portait sur rien du tout. Quant à Pierre, ses deux pieds portaient l’un et l’autre à faux : la neige s’était même enfoncée entre ses jambes, et il voyait par cette ouverture sous lui et sous moi le vide et le vert foncé de l’intérieur de la fente ; il n’était soutenu que par la neige sur laquelle il était assis. Notre situation étant assez bien reconnue, nous posâmes devant moi sur la neige nos deux bâtons en croix ; je m’élançai en avant sur ces bâtons ; Pierre en fit autant, et nous sortîmes ainsi tous deux heureusement de ce mauvais pas. En examinant cette fente après en être sortis, nous jugeâmes qu’elle avait sept ou huit pieds de largeur sur une longueur et une profondeur très-considérables. L’immobilité que Pierre me prescrivait et qu’il observa lui-même était parfaitement raisonnée : dès qu’une fois la neige a soutenu, sans se rompre, tout le poids du corps et tout l’effort de sa chute, il est clair qu’elle a la force de le porter, et qu’ainsi on peut rester en place sans aucun danger ; au lieu qu’en s’agitant mal à propos, on peut la rompre ou même se jeter du côté de la longueur ou de la plus grande largeur de la fente. » (Voyage dans les Alpes. T. II, p. 69 et 70)

J’ai cité cet exemple de l’illustre historien des Alpes, parce qu’il est exempt de l’exagération dont sont entachés la plupart des récits de ce genre. Mais je ne saurais me ranger de son avis lorsqu’il conclut de l’absence d’un enfoncement au-dessus d’un aussi grand vide, que « la fente n’existait point ou n’avait du moins qu’une largeur infiniment petite dans le moment où la neige tombait ; mais qu’elle s’est formée ou que ses parois se sont écartées peu-à-peu depuis que la neige a pris quelque consistance[2] ». Il est bien plus naturel d’admettre que ces crevasses se sont recouvertes d’un toit de neige par le seul effet de leur force d’adhérence ; car il n’est pas rare de rencontrer dans les Alpes des parois de neige qui surplombent de cinq à six pieds et même davantage le rocher sur lequel elles reposent. Il me semble au contraire que si la crevasse était survenue ou s’était élargie postérieurement à la chute de la neige, comme le veut de Saussure, celle-ci devrait être fissurée ou s’être enfoncée.

Dans les glaciers simples les crevasses s’étendent souvent sur toute la largeur du glacier ; mais elles sont en général moins larges au milieu que sur les bords. Il n’en est pas de même des glaciers composés. Lorsqu’ils ne sont pas confondus par un long trajet, il peut arriver que leurs crevasses ne correspondent en aucune manière. Le glacier de Zermatt pourra encore ici nous servir d’exemple. L’affluent de la porte blanche et en partie celui du Gornerhorn sont régulièrement sillonnés de crevasses ; tandis que l’affluent du Mont-Rose en a bien moins et de bien moins régulières[3]

Jusqu’ici l’on s’est fort peu occupé des causes qui déterminent la formation des crevasses. M. Hugi[4] les attribue à une tension excessive résultant des alternances de chaud, et de froid qui sont si fréquentes dans ces régions ; nous verrons plus tard que c’est bien ainsi que se forment les fissures capillaires dont la masse entière du glacier est affectée. Mais on ne saurait expliquer de la même manière la formation des grandes crevasses qui supposent une action moins régulière. Je pense que c’est essentiellement dans la différence de température qui règne dans les différentes couches de glace qu’il faut chercher l’explication du phénomène des crevasses. Il résulte en effet des expériences que j’ai faites à cet égard au glacier inférieur de l’Aar (voy. le Chap. XV De la température des glaciers), que la température va en décroissant de haut en bas. Supposons que la température, comme cela arrive quelquefois, ne tombe pas au-dessous de +1° pendant la nuit, et qu’en même temps la couche de glace qui est à 8 pieds de la surface descende au-dessous de 0°, l’eau qui se sera infiltrée pendant le jour dans les fissures capillaires de cette dernière couche devra se congeler ; en se congelant elle se dilatera, et comme la couche supérieure ne se sera pas congelée et n’aura par conséquent pas subi la même dilatation, elle se fendillera par suite de l’accroissement de volume qu’aura éprouvée la couche sous-jacente en se dilatant. L’observation m’a encore appris que la surface du glacier peut être beaucoup plus froide que sa masse intérieure à quelques pieds de profondeur ; ce qui doit également déterminer des tensions inégales dans la glace et occasionner des fissures. J’ai vu ainsi à plusieurs reprises la surface du glacier inférieur de l’Aar fendillée dans tous les sens. La plupart de ces fissures n’ont pas un pouce de large ; quelquefois même elles sont si étroites qu’on a de la peine à les distinguer, quoique elles pénètrent à plusieurs pieds de profondeur. Mais dès que le glacier vient à traverser des endroits inclinés, les fissures qui étaient transversales s’élargissent considérablement et deviennent ces crevasses redoutables qui pénètrent souvent le massif de glace de part en part.

Dans certains cas, il peut aussi se former des crevasses sans qu’il existe des fissures antérieures ; c’est ce qui arrive lorsqu’un glacier, après avoir cheminé dans un lit très-peu incliné, rencontre tout-à-coup une dépression brusque ; il se forme aussitôt des crevasses transversales qui vont en s’élargissant de bas en haut. J’en ai vu un exemple très-frappant au grand glacier d’Aletsch. Ce glacier, dirigé du N. E. au S. O., a une pente très-douce dans toute l’étendue de son cours, et ses crevasses sont, pour la plupart, perpendiculaires à son axe longitudinal. Mais sur un point de sa rive gauche il détache un prolongement latéral qui est baigné par le lac d’Aletsch ou de Moeril, et en même temps l’on voit des crevasses se former perpendiculairement à l’axe de ce prolongement.

M. Hugi, ainsi que je l’ai fait remarquer au chapitre premier, admet deux espèces de crevasses. Les unes qu’il appelle crevasses de jour, ne se forment suivant lui que pendant le jour et en été ; les autres qu’il appelle crevasses de nuit, ne se forment que de nuit et en hiver. Les crevasses de jour sont, dit-il, toujours évasées vers la surface et se rétrécissent par en bas ; les crevasses de nuit, au contraire, sont larges en bas et rétrécies en haut. Les premières seraient, suivant lui, de beaucoup les plus fréquentes ; mais elles ne se rencontreraient pas dans les hauts névés. Pour ma part, je n’ai pas eu le bonheur de constater cette différence, quelque peine que je me sois donnée à cet effet. Toutes les crevasses que j’ai vues, jusqu’à une hauteur de 10 000 pieds étaient ou évasées à la surface, ou à parois parallèles. Il résulte aussi du récit de Zumstein que la grande crevasse du Mont-Rose dans laquelle il passa la nuit, à une hauteur de 13 128 pieds, allait en se rétrécissant de haut en bas. Les parois montraient un grand nombre de bandes de trois à quatre pouces de larges, que Zumstein envisage comme correspondant à autant de couches annuelles de neige.

J’avoue que je ne comprends pas pourquoi les crevasses des névés se formeraient de préférence en hiver et pendant la nuit, et celles du glacier en été et de jour. M. Hugi ne nous en donne pas non plus l’explication.

Les grandes crevasses ont en général une direction perpendiculaire à celle du glacier, comme par exemple dans la partie supérieure du glacier de Zermatt, représenté Pl. 1 et 2. Mais comme le massif de glace chemine ordinairement plus vite près des bords qu’au centre, surtout lorsque l’inclinaison de la vallée va en augmentant, il en résulte que bientôt les crevasses prennent une forme plus ou moins arquée, comme par exemple à la partie moyenne du glacier de Zermatt (au bas de la Pl. 3) et à la mer de glace au-dessous du Montanvert, où toutes les crevasses sont en forme de segment d’arc, ayant leur convexité en amont de la vallée. Cette disposition se maintient aussi long-temps que la pente n’est pas excessive ou que le glacier ne rencontre pas d’obstacle qui le dérange dans son cours. Mais si le fond de la vallée présente une dépression brusque, l’on voit aussitôt la masse entière du glacier entrer dans un désordre complet, au point qu’on ne reconnaît plus ni la direction des crevasses, ni celle des moraines : les tranches du glacier se disloquent dans tous les sens et occasionnent ainsi ces figures bizarres et irrégulières qu’on appelle les aiguilles de glace (voyez Chap. VII).

La forme de la vallée peut également exercer une action très-marquée sur les crevasses. Lorsque le glacier vient à rencontrer un rocher saillant qui l’oblige à se tourner, toutes les crevasses sont en quelque sorte refoulées latéralement ; elles forment un angle de rotation plus ou moins ouvert, et de transversales qu’elles étaient, elles deviennent longitudinales.

Lorsque ce phénomène se passe à peu de distance de l’extrémité du glacier, comme c’est le cas du glacier de Zermatt (voyez pl. 5), l’on voit les crevasses se maintenir dans cette direction longitudinale jusqu’à l’extrémité du glacier. Pendant l’été de 1839 ce glacier présentait d’énormes crevasses longitudinales ou au moins obliques, à côté des crevasses transversales (voyez pl. 6). Dans la partie inférieure du glacier du Rhône, les crevasses longitudinales l’emportent de beaucoup sur les transversales, ce qui détermine cette disposition en éventail qui est d’un si bel effet, lorsqu’on examine ce glacier du haut de la Maienwand.

Nous avons déjà dit en parlant de l’aspect extérieur des glaciers, que les crevasses, de même que les autres accidens des glaciers, sont soumis à des variations très-notables ; elles changent de forme, de dimension et de profondeur d’une année à l’autre, et même souvent dans des limites bien plus restreintes. Les anciennes disparaissent pour faire place à de plus récentes ; cependant leur physionomie générale dépend constamment des influences locales et en particulier de l’inclinaison du sol. Ainsi, elles montreront toujours une disposition plus ou moins régulière dans les endroits peu inclinés et seront plus ou moins bouleversées partout où la pente sera très-forte. Comp. les Pl. 1 et 2 avec la Pl. 13.

M. Hugi assure avoir vu une crevasse s’ouvrir spontanément sur le glacier inférieur de l’Aar à quelque distance de sa cabane, c’est-à-dire, en un endroit où la pente du glacier est excessivement faible. Elle parcourait en un instant des distances de dix à vingt pieds. Sa largeur était d’abord d’un pouce et demi ; mais elle se resserra ensuite de manière qu’elle n’avait pas même un pouce de large ; sa profondeur était de 4 à 5 pieds. Quelques jours plus tard M. Hugi lui trouva six pouces de large et une profondeur très-considérable[5]. De Saussure[6] rapporte qu’à son retour du Mont-Blanc il fut obligé de descendre une pente de neige, inclinée de 50 degrés[7], pour éviter une crevasse qui s’était ouverte pendant son voyage.

Pendant le séjour que je viens de faire cette année (1840) sur le glacier inférieur de l’Aar, je vis plusieurs fois, le matin, des crevasses qui s’étaient formées pendant la nuit ; elles avaient plusieurs pouces de large ; l’une d’elle traversa même la moraine à l’endroit où était construite notre cabane, et il en résulta une dislocation d’un demi-pied dans ses parois. En traversant le névé qui recouvre les parois de la Strahleck, nous y avons rencontré de larges crevasses sur des pentes de plus de 30 degrés. La plupart étaient couvertes d’un toit de neige absolument comme celle dont parle de Saussure (voy. plus haut pag. 79) ; aussi plusieurs de nous s’y enfoncèrent-ils jusque sous le bras ; mais comme nous étions attachés les uns aux autres, nous ne courûmes pas de bien grands dangers.

Il est une autre sorte d’ouvertures à la surface des glaciers que l’on confond ordinairement avec les crevasses, quoique elles soient d’une toute autre nature, je veux parler des baignoires, que j’ai déjà signalées plus haut (p. 53), en parlant de l’aspect des glaciers du Mont-Rose. Ce sont des creux de forme généralement elliptique ou arrondie, ayant quelquefois jusqu’à dix et douze pieds de long, sur une largeur de deux et trois pieds. Ils sont formés, comme les entonnoirs dont il a été question plus haut, p. 54, par les petits filets d’eau qui circulent à la surface du glacier, et qui, lorsqu’ils rencontrent un endroit déprimé, s’y accumulent et y déposent les grains de sable qu’ils charrient. Ces petites flaques d’eau ainsi tapissées de sable s’enfoncent de plus en plus dans la glace en rongeant le fond sur lequel elles reposent ; il y en a qui atteignent ainsi une profondeur de plus de vingt pieds. L’eau qui s’y est accumulée y séjourne ordinairement jusqu’à ce qu’une crevasse vienne les traverser et en facilite l’écoulement. Ces baignoires ne sont fréquentes que dans les endroits peu inclinés, où les crevasses ne sont pas nombreuses. Le glacier inférieur de l’Aar en a un certain nombre dans sa partie moyenne. Les couloirs verticaux dont il s’est agi plus haut différent également des crevasses et sont dus aux cascades que forment les torrens de la surface du glacier, lorsqu’ils sont coupés dans leur cours par quelque fente. Mais comme ces torrens changent continuellement de direction, il arrive souvent que l’on rencontre des couloirs vides au milieu des crevasses, dont on ne se rendrait pas compte si l’on n’avait pas eu occasion de voir comment ils sont formés par les cascades.


  1. De Saussure. Voyage dans les Alpes. Tom. IV, p. 160.
  2. De Saussure. Voyage dans les Alpes. Tom. II, p. 70.
  3. Il suffirait de ce seul fait pour renverser toute la théorie de M. Godeffroy du mouvement des glaciers et de la formation des moraines, alors même que l’observation directe ne nous aurait pas appris comment ces phénomènes se passent.
  4. Hugi, Naturhistorische Alpenreise, p. 354.
  5. Hugi Naturhistorische Alpenreise, p. 356.
  6. De Saussure Voyage dans les Alpes, Tom. IV, p. 149.
  7. J’ai gravi cette année à la Strahleck des pentes de neige durcie et de glace qui avaient de 40° à 45° d’inclinaison.