Études sur l’Italie

II.

Le sénateur descend du haut du Capitole
Et traverse à pas lents la mascarade folle :
C’est aujourd’hui le jour de la course aux chevaux,
Les dames sont déjà sur les bleus échafauds,
Et le patricien, comme autrefois l’édile,
Préside dans ce temps aux plaisirs de la ville.
À la place du peuple on vient de toute part,
C’est là qu’on va donner le signal du départ.
Là dix jeunes Romains, avec leurs mains puissantes,
Pressant des barberi les narines fumantes,
La sueur au visage et l’écume aux cheveux,
Les tiennent en arrêt sur leurs jarrêts nerveux ;
Tandis que sur leur dos et sur leurs brunes croupes
On met rapidement de brûlantes étoupes,
Qui pour les libres flancs de l’agile coursier
Soient comme un cavalier à l’éperon d’acier :
Au bruit de la trompette, on ouvre la barrière,
Et tous en hennissant volent dans la carrière,
Et faisant retentir le Corso sous leurs pas,
Effleurent en passant les armes des soldats,
Et tendent à la fois au palais de Venise,
Où pend la housse d’or à leur ardeur promise.
Il arrive souvent que l’un d’eux, harassé,
S’arrête et s’en revient d’un air embarrassé,
Comme un homme à moitié du chemin de la vie,
En voyant que la gloire, hélas ! n’est que folie,
Que c’est un but menteur où le bonheur n’est pas,
Se retourne soudain et revient sur ses pas.

Ainsi le barbero. Mais la foule le hue,
Et de longs sifflemens le poursuit dans la rue. —
Au Tibre le maudit, honte du carnaval !
Accidente ! malheur à l’ignoble cheval ! —
Et bientôt le vainqueur, au son de la musique,
Paré de beaux plumets, va par la ville antique,
Recevant les bouquets et les joyeux bonbons
Que de tous les côtés font pleuvoir les balcons,
Et saluant ainsi que le ferait un homme.
Voilà ce que j’ai vu lorsque j’étais à Rome.
La fête finissait quand un eminente
Frappa d’un grand couteau quelqu’un à son côté,
Et ce meurtre inoui dont encor je frissonne,
Étant la vendetta, ne révolta personne.