IV. — Pindare
IV. — Pindare

ÉTUDES


DE L’ANTIQUITÉ.

iv.


PINDARE.


Le temps est la mer immense sur laquelle navigue l’humanité. Les peuples, comme les hommes, dépendent de cet élément sur lequel ils sont appelés à paraître et à combattre. Ni la vertu ni le génie ne se suffisent pour se faire connaître ; il leur faut l’opportunité pour trouver ce bruit et cet écho dans les âges, que le monde appelle la gloire. Nous naissons dans la dépendance, tant de ce qui nous a précédés que de ce qui nous environne, et nous ne pouvons prévaloir que par la justesse des rapports avec ce qui nous a produits, et avec ce qui nous enveloppe.

C’est surtout à l’artiste que la convenance de son apparition importe. Il devra se croire vraiment sous la main et l’amour de Dieu, s’il a été poussé sur la scène à une époque où il puisse entrer en commerce d’inspiration et d’enthousiasme avec des hommes et des choses capables par leur grandeur de lui arracher à lui-même le cri et le témoignage de sa grandeur personnelle. Sublime dialogue que les rapports d’un grand artiste et d’un grand siècle ! Les actions sont belles, les paroles aussi ; dans les héros vivans, les statues et les toiles trouvent une noble matière ; idées, chants, gestes et monumens, tout aboutit à cette harmonie sociale, mère de la félicité commune et du bonheur de chacun ; car alors, non seulement l’état est prospère et réglé, mais l’homme est heureux et fort. On vit tant par soi que par les autres ; on respire sympathiquement ; l’artiste travaille à sa gloire et aux jouissances de tous, non pas sans fatigue, mais sans amertume, et, prêtre de l’intelligence, du génie, de la beauté, il trouve, sous la protection de ses dieux, d’inviolables honneurs. Pindare fut un de ces hommes prédestinés à l’union du bonheur et de l’immortalité.

La Grèce éclatait dans sa jeunesse et dans sa force. La Dorienne Sparte avait mis ses mœurs et ses coutumes sous le joug d’une loi systématique et dure ; forte par la discipline de sa législation qui embrassait à la fois l’état et la famille, elle s’était encore affermie par la guerre. On dirait que, par ses luttes contre la Messénie et les Argiens, elle voulait aiguiser les armes qui devaient triompher à Platée. Athènes, après les essais et les réformes tentées par Dracon, Cylon, Épiménide, avait avec Solon établi une démocratie modérée que les Pisistratides ne purent renverser, que Clisthènes sauva des entreprises d’Isagoras ; et pendant le travail même de sa constitution politique, elle savait résister aux Spartiates, aux Béotiens, aux Éginètes ; admirable union de la guerre et de la liberté ! Cependant le reste de la Grèce s’élevait aussi par une émulation glorieuse. Égine égalait la puissance maritime d’Athènes qui ne conquit qu’à Salamine sa supériorité ; Corcyre rivalisait avec Égine ; Corinthe était pour ainsi dire la Phénicie de la Grèce ; elle envoyait partout des vaisseaux et des colonies, et savait satisfaire aux jouissances et au luxe de l’Europe et de l’Asie. Les prospérités du Péloponnèse n’étaient pas moins réelles ; les hommes d’Argos et d’Arcadie étaient puissans ; entre le Péloponnèse et l’Attique, Thèbes ne florissait pas médiocrement, et de l’extrémité septentrionale de l’Hellade la cavalerie thessalienne pouvait arriver au secours de la patrie commune avec une invincible impétuosité.

Les Perses avaient une inquiétude qui devait leur devenir mortelle. Depuis que les Athéniens, sans savoir où ils s’engageaient, avaient apporté quelque aliment aux troubles d’Ionie, l’Asie semblait ne pouvoir résister au désir de se jeter sur la Grèce. La prise et l’incendie de Sardes avaient appris pour la première fois à Darius le nom des Athéniens. Ce roi avait juré, en lançant une flèche vers le ciel, qu’il se vengerait, et il avait ordonné à un serviteur de lui crier trois fois au moment du repas : Maître, souviens-toi des Athéniens[1] !

Il est heureux pour le monde que ni l’esclave ni le despote n’aient manqué de mémoire. Darius et Xercès furent utiles à l’humanité avec leurs présomptueuses colères ; jamais têtes plus faibles, chargées de la couronne, ne servirent d’instrument à de plus grandes commotions. Tout s’ébranle comme à un signal convenu ; des villes et des nations qui n’avaient jamais entendu parler les unes des autres se trouvent en présence sur mer et sur terre, la rame et le javelot à la main. On s’aborde, on se combat, on se connaît ; la guerre a trouvé des causes plus grandes, le commerce de plus larges issues, le génie humain est plus utilement excité. Les guerres médiques furent vraiment la puberté du monde.

Tout le passé théocratique et royal de la Grèce s’éclipsait ; les esprits se séparaient peu à peu du souvenir des traditions antiques ; les mœurs commençaient à changer ; les maximes et les règles d’une politique religieuse et patricienne chancelaient ; les races et les maisons aristocratiques perdaient leur autorité primitive ; je ne sais quoi de libre et de populaire circulait comme un vent frais et pur à travers les vieilles institutions encore debout.

Pour être juste envers la démocratie grecque, il importe de ne pas la déplacer du rang chronologique qu’elle occupe dans l’histoire générale du monde. Elle n’est pas une exception soudaine et funeste, mais une suite légitime de la civilisation primitive des sociétés, mais une courte et brillante introduction à la liberté moderne. Ainsi la démocratie athénienne a été laborieusement mise au monde par l’époque pélasgique, l’époque cécropienne et l’époque ionienne. Il est injuste de déclamer contre elle. Cette démocratie est l’humanité parvenue aux premiers soupçons et aux plus vagues désirs de son émancipation. Les prêtres de l’Égypte y travaillèrent ; l’époque monarchique dont Thésée est le titulaire la prépara ; l’archontat des Eupatrides abritait son enfance ; Solon et Clisthènes lui donnèrent des lois ; Miltiade lui mit à la main une épée victorieuse, et Thémistocle le sceptre des mers. Voilà qui est grand et nécessaire. La démocratie grecque est l’esprit humain lui-même sortant du mystère et du temple pour s’épanouir à la vie et à la liberté ; c’est Bias, c’est Hérodote, c’est Sophocle, c’est Phidias, c’est Platon lui-même ; oui, c’est seulement dans une démocratie que Platon pouvait écrire contre la démocratie. Pour regretter et enseigner l’Orient, la liberté de l’Académie et de l’Agora n’étaient pas inutiles.

C’est au milieu des guerres médiques, entre Marathon et Salamine, que commença de fleurir un poète qui chanta plutôt l’antiquité de la nation commune que son glorieux présent. Pindare prête son génie à une suprême et resplendissante évocation d’un passé dont chaque moment précipite la chute et la mémoire ; mais sans son propre siècle eût-il célébré les siècles anciens ? C’est dans les agitations et les flots du temps où il vit qu’il trempera ses armes et son génie, comme dans les eaux du Styx. Il chantera les anciens jours, l’oreille encore pleine des cris de la liberté nouvelle et populaire ; il célébrera les traditions théocratiques et sacerdotales, ayant sous les yeux les révolutions démocratiques de Clisthènes ; et s’il vante les rois, ce sera du vivant de Thémistocle.

Pindare naquit à Thèbes, ou à Cynocéphale, bourg très peu distant de la capitale de la Béotie. Les uns appellent son père Daïphante, d’autres Scopelinus, quelques-uns Pagonidas. Myrto, suivant une version, est le nom de sa mère ; Clidicée, selon une autre tradition. C’est dans la première année de la soixante-cinquième olympiade que Pindare vint à la vie, s’il faut en croire Suidas. Les anciens biographes font épouser à notre poète Timoxène, et disent qu’il eut de cette femme un fils nommé Daïphante, et deux filles, Protomaque et Polymetis.

La vie du poète fut longue, majestueuse et fortunée. Il avait reçu des dieux l’amour et le génie de la poésie et de la musique, dons heureux auxquels l’éducation sut attacher la puissance et la fécondité. L’illustre Lasus fut le maître de Pindare ; il inspira à son disciple le goût persévérant des travaux de la lyre, et le respect des dieux. Aisément le génie aime Dieu ; car dans ce culte il se retrouve et s’honore lui-même.

Naturellement religieux, Pindare se plaisait par-dessus tout aux traditions divines, aux souvenirs héroïques de la Grèce, et comme il y avait dans cet homme du prêtre et du hiérophante, il dédaigna le récit épique à la façon des Homérides, et s’empara de l’ode. Pour conquérir la palme lyrique, les temps étaient heureux, car les populations qui se pressaient aux spectacles et aux jeux d’Olympie, de Delphes, de Némée et de Corinthe, étaient singulièrement avides de chants, d’émotions et d’harmonie. Le cœur des Grecs battait violemment, les têtes s’exaltaient, l’enthousiasme circulait partout. Dans ces jeux qui n’avaient été jusqu’alors qu’un rendez-vous de gymnastique et de plaisir, on s’occupait des destinées de la patrie, on s’enflammait pour elle ; on parlait des Perses, on causait de l’Asie ; et puis la gloire du présent réveillait celle du passé. Marathon, Platée, Salamine, suscitaient dans les esprits la pensée et le désir de renouer les traditions communes de la patrie, de faire une Grèce commune avec tous les siècles, tous les peuples, toutes les races, tous les souvenirs qui la constituaient. Entre ses rivaux et ses contemporains, Pindare fut excellemment le chantre des traditions helléniques. Il laisse le présent aux historiens qui vont venir, et prévoyant qu’Hérodote parlera de Thémistocle, il se hâte de prodiguer au passé des adieux immortels.

Il vécut heureux et honoré : néanmoins quelques disgraces traversèrent sa vie. On dit que ses concitoyens le condamnèrent à une amende, pour avoir loué les Athéniens, tant il était encore difficile aux différens peuples de la Grèce d’être justes mutuellement. On dit aussi que les Athéniens payèrent l’amende, tant il dut être doux à la cité de Minerve d’être célébrée par un Thébain. Cinq fois, une femme, Corinne, lui arracha le prix de la victoire. Élien raconte que Pindare en appela de ce jugement à Corinne elle-même ; c’était croire à la fois à son propre génie et à la modestie de sa rivale. Quelques fragmens mutilés ne sauraient nous permettre de juger la femme qui cinq fois surpassa Pindare. Quel dommage de ne pouvoir assister à ce duel lyrique du génie d’un homme et du génie d’une femme !

Malgré ces contrariétés passagères, Pindare vécut dans la gloire et le bonheur. Prêtre, magistrat, roi par la poésie, il distribuait la renommée aux hommes, et sauvait les noms de l’oubli. La victoire restait obscure et anonyme sans un chant de Pindare ; les statues étaient comme abolies devant ses vers, et on déposait l’or à ses pieds pour qu’il laissât tomber de sa bouche quelques-unes de ces paroles qui font vivre les mortels. Pindare passa plusieurs fois en Sicile ; il était honoré aux cours d’Agrigente et de Syracuse ; les rois le flattaient.

Quand à Delphes on sacrifiait à Apollon, le prêtre appelait Pindare à haute voix, pour qu’il vînt prendre sa part de la victime et du repas solennel ; ainsi le poète était convié à la table des dieux. Sa vieillesse fut véritablement sacrée pour la Grèce entière, et les traditions racontent qu’il mourut sur le théâtre, expirant avec une douce majesté sur les genoux du jeune Théogène, son disciple, qu’il aimait tendrement. Après sa mort, les Lacédémoniens, à leur entrée victorieuse à Thèbes, respectèrent sa demeure. Plus tard, Alexandre les imita. Pauvre Alexandre ! tu n’as pas de poète, et c’est en soupirant que tu ordonnes de respecter la maison de Pindare !

La fécondité ne manqua pas au génie du poète thébain. Suidas nous a transmis le catalogue des ouvrages de Pindare. C’étaient des olympiennes, des pythiques, des néméennes, des isthmiques. C’étaient aussi des prosodes, des parthénies, des enthronismes, des bacchiques, des daphnophoriques, des pæans, des hymnes, des dithyrambes, des scholies, des encomies, des thrènes, des drames tragiques, des épigrammes héroïques, et d’autres productions encore. De tant de vers il ne nous reste que quarante-cinq chants de victoire destinés à célébrer les triomphes remportés dans les jeux solennels de la Grèce. On peut avec ces hymnes compter quelques fragmens épars dans les écrivains de l’antiquité, et que Jean Godefroy Schneider recueillit à Strasbourg en l’année 1776.

Mais nous ne faisons point ici œuvre de philologue. Nous renvoyons ceux qui voudront se livrer à l’étude approfondie du texte de Pindare à l’excellente édition de Heine. Nous relèverons toutefois ici le nom trop inconnu d’un Français qui a déployé au sujet de notre poète une rare érudition : nous voulons parler de Jean Benoît, médecin à Saumur, et professeur de la langue grecque en l’académie de cette ville. Jean Benoît, en 1620, donna de Pindare une édition dont Heine a souvent profité ; il encadra le texte entre une paraphrase et une traduction latine, et l’accompagna de notes détaillées où, pour la solution des difficultés, les scoliastes, les poètes et les écrivains de l’antiquité sont abondamment cités en témoignage. Cette édition de Jean Benoît ne jouit pas de la gloire qu’elle mérite. Sans elle on ne saurait approfondir Pindare.

Les quatorze olympiques furent chantées en l’honneur de Hiéron, de Théron d’Agrigente, de Psaumis de Camarine, d’Agesias de Syracuse, de Diagore de Rhodes, du jeune Alcimédon, d’Épharmoste d’Opunte, du jeune Agésidame, d’Ergotèle de Gnosse, de Xénophon de Corinthe, d’Asopichus d’Orchomène. Quelquefois le poète célèbre deux ou trois fois le même vainqueur.

Hiéron a trois pythiques en son honneur ; Arcesilas, de Cyrène, deux ; Xénocrate d’Agrigente, Megaclès l’Athénien, Aristomène d’Égine, Télésicrate de Cyrène, Hippoclès de Thessalie, Trasydée le Thébain, Midas d’Agrigente, sont les héros des autres pythiques.

Dans les néméennes, le poète célèbre Chromius l’Etnéen, Timodène l’Athénien, Aristoclide d’Égine, Timasargue d’Égine, Pythias, Alcidamas, Sogène, Dinias, tous quatre également d’Égine, Thiée, fils d’Ulias, Aristagore, Prytane de Tenedos.

Les isthmiques ont pour héros Hérodote, le Thébain, Xénocrate d’Agrigente, Mélisse de Thèbes, Phylacidas d’Égine, Sterpsiade de Thèbes, Cléandre d’Égine.

Dans ces petits poèmes est convoquée toute la Grèce, dieux, législateurs, héros, villes illustres, exploits fameux, maximes de la sagesse, culte des immortels, traditions divines, fables, allégories, mythes religieux, superstitions nationales ; tout est entraîné dans le torrent lyrique. Le poète égare l’athlète qu’il célèbre dans l’histoire même de la patrie commune, et il s’attache à ne le retrouver qu’après mille détours et mille aventures dans les fastes et les souvenirs helléniques. Mais il est temps de considérer de près les mérites et les vertus de notre poète. Comme il nous est arrivé de dissiper par ses héroïques chants quelques-unes de ces langueurs qui se glissent quelquefois dans l’ame, et de puiser dans son divin commerce enthousiasme et courage, nous voudrions, par une juste reconnaissance, inspirer à d’autres le sentiment et l’amour de cette éclatante poésie.

Le temps était venu pour la Grèce de commencer à sentir son unité, à s’en glorifier, à s’en réjouir. Déjà, avant les guerres contre les Perses, les Athéniens avaient déployé toute leur énergie pour conserver intacte l’amphictyonie de Delphes, centre nécessaire et sacré de la confédération hellénique. Les habitans de Crissa avaient mis au pillage le temple d’Apollon, et ils en empêchaient l’accès par leurs déportemens. La ruine de Crissa fut résolue ; Solon la demanda hautement et fit consacrer à Apollon toutes les terres qui s’étendaient jusqu’au golfe de Corinthe. Ce grand homme ne pouvait rien tolérer de ce qui menaçait l’unité naissante de la Grèce. C’est dans ces dispositions communes à tous les nobles esprits de ce beau siècle que les convenances heureuses du temps et de l’histoire placèrent dans la Béotie un poète qui devait concourir à la patriotique harmonie des nations de l’Hellade. Entre Sparte et Athènes, la Béotie, que le mont Cithéron sépare seul de l’Attique, offrait comme une région intermédiaire aux différences hostiles qui exaspéraient l’une contre l’autre les villes de Lycurgue et de Thésée. Thèbes, dans son gouvernement, était toujours partagée entre l’aristocratie Spartiate et la démocratie athénienne ; toutefois, elle inclinait davantage à la politique dorienne.

Suivant une conduite analogue, son poète Pindare est Dorien par ses inspirations et ses sympathies, mais en même temps il est l’homme et le chantre de la Grèce entière : il a conçu la hauteur et l’étendue de son ministère et de son devoir. À mesure que les vainqueurs aux jeux solennels viennent désigner à ses chants la ville qui les a vus naître, Pindare mêle l’éloge de l’athlète à celle de sa patrie, et il en raconte, avec une complaisante impartialité, les illustres origines. Ainsi, il célèbre tour à tour Rhodes, Égine, Opunte, Locre, Corinthe, Athènes, Cyrène, Lacédémone, Thèbes, Argos. De cette façon l’étude de notre poète est indispensable à la connaissance de la Grèce. On ne sait pas les origines de Rhodes sans la septième olympique ; on ignorerait les commencemens de Corinthe sans la treizième. L’éloge des Athéniens n’est pas dispensé d’une manière avare ; le poète l’entonne souvent ; il ne craint pas de s’écrier dans la septième pythique : « Le nom de la grande Athènes est le plus beau frontispice qui puisse servir à mes chants destinés à célébrer les Alcméon, leur race et leurs triomphes. Car, dans la Grèce, quelle patrie et quelle race plus illustre qu’Athènes et les Alcméon ? » Nous ne serons pas surpris si l’éloge de Thèbes est aussi prodigué par le génie de Pindare. Il est beau pour celui qui écrit et qui chante de louer sa patrie ; après un tel usage de la plume et de la lyre, on est plus content et plus glorieux de soi-même. Pindare commence la première isthmique par ces mots : « Oh ! ma mère ! oh ! Thèbes guerrière ! ton nom et ta gloire seront toujours ma première pensée. » La septième isthmique s’ouvre encore par le panégyrique de Thèbes. Le poète loue sa patrie d’avoir donné le jour à Bacchus, d’avoir reçu Jupiter venant déposer dans les flancs de la femme d’Amphytrion le germe d’Hercule, d’avoir produit le devin Tiresias, et d’avoir fondé dans Lacédémone une colonie dorienne. Ainsi, la Grèce a trouvé dans des chants qui la divertissent des fastes impérissables.

La religion dut aussi à notre lyrique l’immortalité de ses traditions et de ses légendes. Sous ce rapport les odes de Pindare sont véritablement un livre sacré, une mythologie enthousiaste et fervente, où les croyances antiques semblent avoir encore toute l’ardeur de la vie. Les prophéties et les amours d’Apollon, les travaux d’Hercule, Glaucus domptant Pégase, Ixion embrassant une nuée pour Junon, la naissance et l’éducation d’Esculape, Jason et les Argonautes, les exploits de Persée, Oreste, Clytemnestre, l’éloge et l’histoire de Pélée, d’Achille et des Œacides, les fureurs d’Ajax, Bellérophon puni pour avoir voulu escalader le palais des dieux, comparaissent tour à tour dans les chants du poète thébain. Rien de plus noble et de plus doux que le récit, contenu dans la dixième néméenne, de l’amitié et de la destinée de Castor et de Pollux. Le poète raconte comment Jupiter remit à Pollux le sort de son frère qui allait expirer : « Tu es mon fils, lui dit-il, mais ton frère a reçu la vie d’un homme. Cependant je te donne le choix : tu peux, fuyant la faiblesse et la mort, t’asseoir dans l’Olympe à côté de Minerve et de Mars à la lance noire de sang. Mais si tu réclames pour ton frère, et si tu veux tout partager avec lui, tu devras passer une moitié de ta vie dans les régions souterraines, l’autre moitié dans les palais d’or du ciel. Ainsi parla Jupiter. Pollux n’eut pas un moment une double pensée, mais sur-le-champ il rendit la lumière et la voix à son frère aux armes d’airain. »

Pindare montre partout dans ses chants le respect et l’amour des Dieux. « Tout ce qui est excellent vient de la nature, dit-il. Beaucoup d’hommes, se fiant à des vertus acquises, se précipitent pour saisir la gloire. Mais tout ce qui se fait sans Dieu peut être voué sans injustice au silence et à l’oubli[2]. » « Dieu gouverne tout suivant sa pensée, chante ailleurs le poète. Il arrête dans les airs l’aigle impétueux, et il interrompt la course du dauphin dans les mers : il plie la fierté de l’orgueilleux et il accorde à d’autres une gloire incorruptible[3]. Ne convoite jamais, ô mon âme ! la vie des immortels[4]. La grande intelligence de Jupiter gouverne la destinée des hommes qu’il chérit[5]. »

Sous les variétés et les allégories du culte populaire, Pindare cachait cette religion une et profonde, lien commun de Dieu et des hommes, pensée commune et secrète des grandes intelligences et des grandes âmes chez toutes les nations et dans tous les siècles. Si nous étions suffisamment édifiés sur son éducation et son histoire, nous retrouverions la trace de la théosophie sacerdotale. N’y eut-il pas de la témérité à faire chanter devant toute la Grèce cette première strophe de la sixième néméenne ;

« La nature des hommes et celle des dieux est la même : hommes et dieux nous avons reçu la vie de la même mère. La différence est tout entière dans la puissance : l’homme n’est rien, tandis que le ciel d’airain est toujours inébranlable. Mais nous ressemblons aux dieux par la grande intelligence et la grande vertu. Seulement les hommes ignorent à quelle heure, dans la nuit ou dans le jour, sera suspendue leur course à travers la vie. »

A-t-on jamais, avec une énergie plus lucide et plus concise, fait entrevoir le dogme philosophique de l’identité de la nature humaine et de la nature divine ? Ainsi, dans les vers de Pindare, repose comme dans un sanctuaire sacré le panthéisme idéaliste, inspiration éternelle des pensées et des religions de l’humanité.

Les prédilections de Pindare appartiennent tout entières aux anciennes races et aux illustrations aristocratiques. Il aime les cours d’Agrigente et de Syracuse, parce qu’il y voit des rois qui lui représentent les anciens héros menant une vie glorieuse et fortunée au milieu des festins et des chants des poètes. Il ne sait rien de plus beau qu’une noblesse antique rehaussant une vertu personnelle. Ainsi il célèbre la race d’Alcidamas d’Égine, qui, semblable aux bonnes terres, produit des héros d’intervalle en intervalle[6]. Le souvenir des jours héroïques de la Grèce est toujours debout dans les odes de Pindare, et protége de son ombre les noms des athlètes victorieux. Il est clair que le gouvernement aristocratique inclinant à la royauté paraît à notre poète le meilleur. « Dans tout état, dit-il dans la seconde pythique, l’homme qui se sert vertueusement de la parole est utile et supérieur, sous un roi, sous le régime populaire, soit enfin sous le gouvernement des sages. Mais il ne faut jamais disputer contre Dieu, qui à son gré élève les hommes et les glorifie. » La démocratie florissait sous les yeux de Pindare comme une brillante nouveauté, il ne pouvait la méconnaître ; mais la grandeur du passé attirait à elle seule son enthousiasme et son amour.

Dans ce qui nous reste du poète, pas un cri de triomphe vraiment digne des victoires de la Grèce. Après Salamine, voici tout ce que dit Pindare : « affranchis aujourd’hui de grandes calamités, ne privons pas de couronnes ceux qui les méritent, et ne tombons pas dans d’inutiles regrets. Mais puisque nos maux ont trouvé leur fin, permettons quelque douceur à nos chants après tant d’amertume. Un dieu a détourné de nos têtes ce rocher de Tantale, poids insupportable pour la Grèce. La terreur s’évanouit et nos violens soucis se dissipent. Ce qui est devant nous est toujours le meilleur. Le temps trompeur est suspendu sur la tête des hommes, et déroule pour eux la trame de la vie. Mais tous les maux, même ceux que nous avons soufferts, peuvent se guérir avec la liberté : l’homme doit donc garder bonne espérance[7]. » Non, ce n’était pas assez de ces vers pour célébrer la gloire à laquelle assistait Pindare ; c’est aussi trop de parcimonie dans l’enthousiasme et la louange. Quelle est cette défiance de l’avenir et de la liberté ? Athéniens, vous méritiez de plus vigoureux accens. En vérité, on ne dirait pas que c’est un Grec qui parle, mais un Perse.

Oui, il y avait dans Pindare des inclinations orientales pour tout ce qui était théocratique, royal et opulent. Le poète aimait les richesses, l’éclat de l’or et les jouissances qu’il procure. Il ne s’en cache pas : il commence sa deuxième isthmique par ces paroles : « C’étaient les hommes des anciens jours, ô Thrasybule, qui montaient sur le char des muses aux cheveux d’or, s’avançant aux sons de la lyre illustre, et chantant pour conquérir le suffrage de leurs jeunes amis, dont la belle adolescence commençait à recevoir de Vénus le signal des combats amoureux. Alors la muse n’était pas avide de gain, elle n’était pas mercenaire. L’éclatante douceur des chants de Terpsychore et la mollesse de ses accents ne se vendaient pas. Mais maintenant la muse nous permet d’observer la maxime de l’Argien, maxime si proche de la vérité : De l’or, de l’or, voilà l’homme. Celui qui parlait ainsi avait perdu ses richesses et ses amis. » Cependant Pindare ne voulait pas séparer l’opulence des honneurs et de la gloire. Il dit quelque part : « Que celui qui accroît justement son opulence, et qui, satisfait de sa prospérité, joint encore la gloire au bonheur, que celui-là ne regrette point de n’être pas un Dieu[8]. » Et ailleurs : « Être heureux est la première des récompenses ; être illustre est la seconde ; mais l’homme qui les a ravies toutes les deux a cueilli la plus belle des couronnes[9]. » Il y a dans les chants de Pindare une exubérance pleine de splendeur des vertus et des qualités de l’humaine nature ; la force et la beauté y sont accablées d’éloges ; l’homme y est incessamment provoqué à saisir le bonheur et la gloire ; pas d’abattement, pas de stériles langueurs ; à travers les siècles la grande voix du poète semble vous appeler au courage et au triomphe dans les luttes de la vie, comme la trompette éclatante qui résonnait aux jeux olympiques.

L’exaltation de la force conduisit Pindare au sommet de l’orgueil. Il se sait dans sa puissance et se connaît dans sa divinité. N’est-il pas l’hôte d’Apollon ? Il condescend aux prières des vainqueurs et consent à les chanter. Il est inépuisable dans son génie ; après une longue course, il s’écrie : « J’ai encore beaucoup de traits dans mon carquois[10]. » Ailleurs il veut montrer s’il ne mérite pas d’échapper à l’outrage du porc de Béotie[11]. Dans un de ses chants il se compare au père de famille qui verse un vin abondant à ses enfans ; de même, il verse aux athlètes vainqueurs le nectar, présent des muses[12]. Parfois, au milieu de ses odes, il arrive au poète de jurer qu’il dit la vérité ; car il se considère comme un arbitre souverain qui a pour devoir de partager aux hommes la gloire et la renommée avec une incorruptible équité[13]. Comme il sait que ses vers n’ont à redouter ni les torrens, ni les fureurs des vents[14] il ne craint pas de mettre à haut prix la faveur de ses odes. Les amis de Pytheas d’Égine, vainqueur aux jeux de Némée, avaient songé à confier l’immortalité de sa victoire à une statue qu’ils voulaient lui faire ériger. Il leur semblait que le poète estimait trop la valeur de ses vers ; mais ils abandonnèrent le projet d’une statue pour revenir implorer une ode de Pindare. Le poète se laissa fléchir, et commença son hymne par ces mots : « Je ne suis point un statuaire fabriquant des simulacres immobiles qui se tiennent toujours sur la même base. Va, ma muse, vole vers Égine avec tes chants harmonieux, cours annoncer que Pytheas, fils de Lampon, a cueilli la couronne des jeux de Némée[15]. » Voilà la vengeance du poète irrité : mais que sa colère ne l’emporte pas trop loin, et qu’il ne dédaigne pas l’art de Polyclète, car rien n’est plus digne que les belles statues d’être placées auprès des belles poésies. Pindare et Phidias, nous vous chérissons également.

Joignons encore de plus près le génie du Thébain. S’il est vrai que la poésie et la musique doivent s’accorder pour exprimer de concert l’éternelle harmonie, jamais cette union ne fut plus sensible et plus douce que dans les vers de Pindare. Les odes étaient chantées par des chœurs d’adolescens et de jeunes hommes. On a supposé, non sans quelque vraisemblance, que Pindare, à l’exemple des poètes tragiques, avait à sa disposition des chœurs nomades qu’il transportait où il voulait. Quoi qu’il en soit, ses vers étaient chantés, et la parole du lyrique se prêtait admirablement à la mélodie. Le beau dialecte dorien, si plein, si musical, remplissait l’oreille de sa majestueuse harmonie.

Pour le fond, ce qui nous semble surtout signaler Pindare dans le chœur des grands poètes, c’est une gravité sublime qui soutient tous ses chants et leur imprime une dignité religieuse, une autorité divine. « Jupiter, c’est de toi que procèdent les grandes vertus qui s’attachent aux mortels[16]. » Fidèle à cette pensée, le poète met toujours ses chants sous la garde des dieux et de la sagesse éternelle. Il est fertile en maximes courtes et fortes qui gravent la vertu et l’art de la vie dans la mémoire des hommes. « Ce qui est doux contre la raison devient finalement amer, » dit-il après avoir raconté l’audace de Bellérophon[17]. Ailleurs nous lisons : « L’envie vaut mieux que la pitié ; ne nous refusons pas les grandes choses[18]. » Dans la quatrième pythique, le poète demandant à Ascésilas, roi de Cyrène, la grace de Démophile, lui dit : « L’immortel Jupiter lui-même délivra les Titans ; avec le changement des vents il faut changer les voiles. » Dans un autre chant, le poète s’exprime ainsi avec une majesté incomparable : « Celui qui a trouvé sur sa route une prospérité récente, conçoit au milieu de sa splendeur l’espérance de monter plus haut encore par son audace ; il a des soucis qui dépassent les richesses acquises. Le bonheur des mortels s’élève vite ; il tombe de même ; une pensée malencontreuse suffit à le renverser. L’homme ne brille qu’un jour : qu’est-il ? que n’est-il pas ? C’est le rêve d’une ombre[19]. » Ainsi Pindare jetait au milieu des joies orgueilleuses de la jeunesse d’austères enseignemens.

Que de choses le poète devait accumuler dans un étroit espace ! Aussi la concision et l’ellipse sont-elles les qualités les plus saillantes de son style, « Les grandes vertus méritent sans doute de grands discours : cependant c’est faire chose agréable aux sages que de peindre et de contenir beaucoup d’actions en peu de paroles. Au surplus l’occasion doit décider l’artiste. » Ainsi parle Pindare dans la neuvième pythique ; mais il inclinait sensiblement à la brièveté. C’était son génie d’enfermer beaucoup en peu de mots, de réunir dans un même espace et de les y tenir, les dieux, les héros, les aventures, les sentences, les siècles antiques, les triomphes récens des athlètes, les origines des nations et des villes, les inspirations de la muse. En quelques momens il veut instruire, charmer, enseigner, émouvoir : il ne présentera que les grandes peintures et les hautes pensées. Les détails intermédiaires seront omis ; il passera d’une sublimité à une autre d’un bond, sans descendre dans la plaine. Regardez au-dessus de vous, c’est Apollon, le carquois sur l’épaule, qui parcourt les montagnes sans trébucher. Avec une exquise justesse Pindare tombe d’aplomb sur le terme et le but qu’il veut atteindre. Il est elliptique avec un incomparable instinct, car il ne se trompe jamais sur l’image, sur l’idée qu’il doit sacrifier pour exalter une autre idée, pour rehausser une autre image. Voilà le faire des grands maîtres. Manière sublime d’écrire qui demande du courage, car elle est souvent méconnue ; mais l’artiste serait-il digne de l’art, si le premier juge qu’il veut satisfaire n’était pas lui-même ?

On a débité sur le compte de notre poète d’étranges bévues. Plusieurs l’ont représenté comme un maniaque, ayant le transport au cerveau, se répandant en exclamations et en apostrophes sans raison, commençant une ode sans savoir comment il la terminerait, rencontrant le sublime, par hasard, inégal, emporté. Cette image de Pindare est fausse et misérable. Le Thébain est le plus grave et le plus tranquille des hommes ; il se modère, il se possède ; il ne crie pas hors de saison : s’il s’interroge et s’il s’encourage lui-même, c’est qu’il le veut : quand il ordonne à son génie comme à un conducteur de char de préparer les mules vigoureuses et de les mettre au timon, il est calme. L’apostrophe n’est pas le signe du désordre.

Il ne faut pas oublier que la poésie lyrique touchait à sa perfection avec Pindare, pendant que la tragédie naissait à la sienne avec Eschyle. Alcée avait brillé depuis un siècle ; Stesichore avait chanté cinquante ans avant le rival de Corinne : par une loi qui sera facilement comprise, l’ode arrivait à son apogée pendant l’aurore de la liberté démocratique et philosophique. Aussi que d’art, que d’habileté dans notre poète : dans ses chants tout est prévu, tout est calculé. Il construit ses hymnes avec une industrie patiente qui ne connaît ni la fatigue ni l’erreur. La méthode est aussi constante que l’inspiration : et l’étude a cultivé l’enthousiasme. Heureux poète ! Parmi les choses humaines, il a compris les plus profondes et chanté les plus belles. Il a été initié à l’harmonie des muses par la sagesse antique, par une éducation profonde et sacrée : il a été tout ensemble le favori des rois de Sicile et des nations de la Grèce. Il eut dans la mémoire la grandeur du passé, et sous les yeux les miracles de la liberté nouvelle ; il savait les anciens héros, il en voyait de modernes. Cet homme n’a vécu qu’au milieu de l’éclat et du bonheur, toujours écouté, presque toujours triomphant, confondant sa renommée avec les plaisirs et l’orgueil d’un grand peuple, glorifiant les hommes, glorifié par eux.

La poésie lyrique est la forme la plus haute de l’inspiration. Il semble que, dans la course et la sphère de l’ode, l’esprit de l’homme entretient un commerce plus libre avec l’intelligence souveraine des choses. Entre lui et l’idée divine pas d’intermédiaire, pas d’obstacle. Le poète reçoit avec une volupté douloureuse le dard des rayons célestes, puis il se lève pour chanter et faire sentir aux autres hommes l’immortel aiguillon.

Sous la main de Dieu, le poète lyrique est le plus libre des hommes. Qui peut le retenir et le borner dans son ascension ? Dieu l’inspire et les hommes l’adorent. Il ne vient en l’esprit de personne de circonscrire son vol, et de vouloir tempérer l’âcreté brûlante de ses accens.

Dans l’épopée, l’homme écoute volontiers son histoire, mais il la juge : même au milieu des enchantemens, des aventures merveilleuses, il retient la force de critiquer ce qui l’a charmé.

Dans le drame, la critique accompagne toujours l’émotion. Le spectateur se replie vite sur lui-même pour reconnaître si la peinture qu’on lui propose est fidèle ; car le drame joué devant ses yeux, c’est lui, et pour juger si la représentation n’est pas menteuse, il interroge son ame, ses douleurs, ses joies, ses vices, sa force et sa grandeur.

Mais dans la poésie lyrique, celui qui chante est debout et celui qui écoute à genoux. L’ode est une affaire entre l’homme et Dieu ; elle pourrait se passer de terrestres auditeurs. Le poète exhale ses chants, parce qu’il mourrait s’il ne chantait pas. L’humanité comprend, si elle peut, les paroles divines qui tombent sur elle ; elle les méconnaît ou les idolâtre, mais elle n’a pas la force de les juger.

C’est que la poésie lyrique est une révélation de Dieu qui, au début du monde, se confond avec les religions, et qui, dans la maturité des sociétés, s’unit avec ce que la philosophie a de plus sublime et de plus profond. Moïse a fait des odes ; Goëthe pareillement.

D’estimables personnes s’en vont aujourd’hui crier par le monde que la poésie meurt : d’abord elles pourraient se rassurer, car elles n’ont pas affaire avec elle ; mais la poésie ne meurt pas. Elle est si bien immortelle que, sous la ruine des anciennes formes, elle concentre une puissance à laquelle est réservé l’avenir.

Oui, le passé meurt, mais non pas le monde. Oui, les vieilles choses s’en vont ; en vain, comme Jézabel, elles veulent peindre et orner leur visage,

Pour réparer des ans l’irréparable outrage.


Vaine industrie ! Elles meurent, et nous, nous vivons, nous vivons avec le droit et la vie de notre siècle. C’est une grande impiété, n’est-ce pas ? que de chercher Dieu, la liberté et le bonheur du monde par de nouveaux efforts dans des voies nouvelles ! Ni la poésie, ni la philosophie, ni la liberté n’expirent. Nous ne voulons, pour signes de leur énergie et de leur avenir, que les indignes chaînes dont on travaille à les garotter aujourd’hui. Aussi, ne jetons pas aux adversaires des progrès du monde le cri du gladiateur antique : morituri te salutant. Vivons, prenons pour alimens sacrés la science et la poésie, et répétons ensemble ces paroles du lyrique : « La nature des hommes et celle des dieux est la même ; hommes et dieux nous avons reçu la vie de la même mère. La différence est tout entière dans la puissance. L’homme n’est rien, tandis que le ciel d’airain est toujours inébranlable. Mais nous ressemblons aux dieux par la grande intelligence et la grande vertu. »


Lerminier.
  1. Hérodote. Terpsichore, chap. 105.
  2. Onzième olympique, avant-dernière strophe.
  3. Deuxième pythique, septième strophe.
  4. Troisième pythique, neuvième strophe.
  5. Cinquième pythique, dernière strophe.
  6. Sixième néméenne.
  7. Huitième isthmique, première et seconde strophe.
  8. Cinquième olympique, cinquième strophe.
  9. Première pythique, dernière strophe.
  10. Deuxième olympique.
  11. Sixième olympique.
  12. Septième olympique.
  13. Voyez la huitième néméenne.
  14. Sixième pythique.
  15. Cinquième néméenne, première strophe.
  16. Troisième isthmique, première strophe.
  17. Septième isthmique, dernière strophe.
  18. Première pythique, treizième strophe.
  19. Huitième pythique, avant-dernière et dernière strophe.