Émile Nelligan et son œuvre/Virgiliennes/Presque berger


Émile Nelligan et son œuvre, Texte établi par Préface par Louis Dantin (p. 68-69).



PRESQUE BERGER




Les Brises ont brui comme des litanies
Et la flûte s’exile en molles aphonies.

Les grands bœufs sont rentrés. Ils meuglent dans l’étable
Et la soupe qui fume a réjoui la table.

Fais ta prière, ô Pan ! Allons au lit, mioche,
Que les bras travailleurs se calment de la pioche.

Le clair de lune ondoie aux horizons de soie :
Ô sommeil ! donnez-moi votre baiser de joie.


Tout est fermé. C’est nuit. Silence… Le chien jappe.
Je me couche. Pourtant le Songe à mon cœur frappe.

Oui, c’est délicieux, cela, d’être ainsi libre
Et de vivre en berger presque… Un souvenir vibre

En moi… Là-bas, au temps de l’enfance, ma vie
Coulait ainsi, loin des sentiers, blanche et ravie !