Épaves (Prudhomme)/À un jeune poète boër mort en défendant sa patrie


À UN JEUNE POÈTE BOËR

mort en défendant sa patrie


Je te salue, enfant qui rêvais et chantais,
Je baise comme un seuil d’auguste sanctuaire
L’humble fosse où ton cœur partage le suaire
Du droit enseveli sans qu’il meure jamais !

Dans l’ombre sépulcrale, asile aux murs épais,
Ne pleure pas l’azur souillé du jour solaire ;
Ta couche fait envie aux vaincus qu’il éclaire,
Ils survivent debout sans recouvrer la paix.


Lève-toi, bats de l’aile, âme héroïque, vole
Et cherche, à la clarté de ta blanche auréole,
Le trône où la justice oublieuse s’endort.

Que, réveillée au cri du sang versé pour elle,
Elle arrache leur proie aux serres du plus fort
Et dresse devant Dieu sa balance éternelle.


Octobre 1900.