Honoré Champion, éditeur (p. 171-199).


CHAPITRE VIII


Mon départ pour Mende. — Les élections dans la Lozère. — Le général Brun de Villeret. — Le père Hilarion. — C’est l’empereur. — Épigramme contre Louis XVIII. — Mme du Cayla. — Versatilité de mon frère. — Rouget de Lisle. — Fête chez le général Lanusse. — Le voyage à Coblentz. — Mon mariage. — Chanson des Carmes. — Visite à M. Courvoisier. — Le bois de Monseigneur.


Je partis bientôt pour Mende, ma nouvelle destination. La veille de mon départ de Paris, je dînais chez M. le duc de Richelieu, alors président du conseil des ministres. Lorsque je fus annoncé, le duc vint à moi, me prit par-dessous le bras, selon son habitude familière, et m’entraîna dans l’embrasure d’une des fenêtres du salon. Là, il me tint ce langage : « Mon cher Armand, rappelez-vous bien la recommandation que je vais vous faire. Le département de la Lozère n’a qu’un seul député à nommer ; trois candidats se mettent sur les rangs, le comte René de Bernis, M. André (de la Lozère) et le général Brun de Villeret. Le premier de ces candidats ne saurait nous convenir ; je ne dis pas qu’il soit l’auteur des horribles massacres qui ont eu lieu à Nîmes, mais, en sa qualité de général inspecteur des gardes nationales revêtu de pleins pouvoirs, son devoir rigoureux, au lieu de rester froidement l’arme au bras et de laisser faire, était d’empêcher par des mesures énergiques que le sang ne coulât dans cette malheureuse cité. Nous n’en voulons donc pas. — M. André (de la Lozère) affiche des opinions royalistes extrêmes : on dit encore que lorsqu’il était commissaire des guerres sous l’Empire, il a payé cent mille écus en pays ennemi pour se faire acquitter d’un jugement qui devait le condamner à une peine grave, pour prévarication dans ses fonctions. Dans le doute, abstiens-toi, a dit le sage. Il faut donc éloigner M. André à tout prix. Reste le général Brun de Villeret ; c’est un brave militaire, un homme des plus honorables, ancien aide de camp du maréchal Soult ; c’est de plus un excellent citoyen fort aimé dans son pays. Le général Brun est libéral, très libéral même, mais allié en quelque sorte au parti royaliste par son mariage avec la fille du marquis de Lafarre ; il est de ceux qu’on peut facilement ramener. Voilà le candidat qui plaît le mieux au gouvernement ; rapportez à votre préfet ce que je viens de vous dire et ajoutez encore que nous lui saurons gré d’obtenir, par sa sage et discrète influence, que les choses tournent comme nous le désirons. »

Quelques jours avant l’anecdote que je viens de raconter, je dînais chez M. Paravey, banquier, rue de Paradis, à Paris, et l’un des plus anciens et des meilleurs amis de mon père ; j’y dînais avec le prince de Talleyrand, auquel le maître de la maison avait bien voulu me présenter. — Le vieux diplomate, après m’avoir adressé un gracieux compliment, me dit : « Il n’y a pas besoin de vous demander quelle est la rivière qui traverse le département de la Lozère ? — Oh ! non, prince, répondis-je, c’est le Lot. — Comment, le Lot ? s’écria l’ancien évêque d’Autun. Eh bien, je suis pris ! Je croyais véritablement que c’était la Lozère. — La Lozère, Monseigneur, est une des principales montagnes de la chaîne des Cévennes, c’est elle qui donne son nom au département. Au surplus, l’erreur que vous venez de commettre, si c’en est une, est d’autant plus permise que la rivière du Lot prend sa source dans une des cavités de ces montagnes. — Bah ! bah ! répliqua le prince de Bénévent, vous avez beau vouloir, très aimable sous-préfet, colorer ma faute d’une explication bienveillante, vous n’en resterez pas moins convaincu que je suis plus fort en diplomatie qu’en géographie. »

Depuis 1820, ce court dialogue avec le prince de Talleyrand m’est revenu souvent à l’esprit, et j’ai pensé parfois que le vieux roué ne m’avait fait cette question que pour mettre à l’épreuve mes connaissances topographiques. Ceux qui savent ce diplomate mieux que moi en décideront. Ce qu’il y a de certain, c’est que, s’il a voulu me faire une malice, sa physionomie ne m’en a rien révélé, et que, comme s’il eût reçu un coup de pied dans le derrière, elle est restée impassible.

En arrivant à Mende, je m’empressai de faire connaître à mon préfet, M. Moreau, frère du célèbre général de ce nom, la mission confidentielle dont le duc de Richelieu m’avait chargé pour lui : « Bravo, me dit le spirituel préfet de la Lozère, bravo, je suis heureux de la nouvelle que vous m’apportez, car nulle puissance n’aurait empêché le général Brun de Villeret d’être nommé aux prochaines élections ; il aura même une très grande majorité, s’il n’a pas l’unanimité des suffrages. » Le général Brun de Villeret fut, en effet, élu peu après, à une majorité des plus imposantes.

Malgré mes antécédents appréciés, malgré mon zèle dans les doubles fonctions de secrétaire général et de sous-préfet de Mende, malgré ma jeunesse, je fus compris dans les grandes épurations inventées par le ministère Villèle. Ce cabinet ne voulant plus pour député, d’ailleurs, du général Brun de Villeret, imposait au préfet de la Lozère (c’était alors M. de Valdenuit, lequel occupait la préfecture du Jura lors de la révolution de 1830) l’élection des deux candidats que repoussait précisément, deux années auparavant, le ministère du duc de Richelieu. De nature indépendante et vivant d’autre part dans une grande intimité avec le général Brun de Villeret et sa famille, M. Jean-Jacques Guizot, sous-préfet à Marvejols, et moi, nous refusâmes de concourir l’un et l’autre à cette élection. Le crime, on le pense bien, était impardonnable et nous le payâmes de notre place.

Au moment de quitter Mende, après ma destitution signifiée le 8 janvier 1823, je reçus du général Brun de Villeret le mot suivant :

« Votre départ va laisser un grand vide dans notre pays. Guelfes et Gibelins, tout le monde annonce des regrets, et c’est du moins quelque chose que ceux qui ont travaillé à vous faire perdre votre place n’osent pas se réjouir ouvertement de vous l’avoir enlevée.

« Des temps meilleurs, mon cher ami, vous dédommageront plus tard, j’en conserve l’espoir, de l’injustice qui vient de vous frapper ; mais j’ai peur que vous n’ayez pas un grand goût pour revenir dans notre triste pays. Mais qu’importe le lieu où vous soyez, nos vœux pour votre bonheur et nos affections vous accompagneront. Vous avez laissé dans nos cœurs une impression profonde et, d’après votre caractère, vous êtes assuré de produire le même effet partout où vous vous trouverez. »

Disons, en passant, que les temps meilleurs annoncés par cette lettre prophétique arrivèrent pour le général Brun de Villeret ; c’était justice. Après la révolution de juillet, et lorsque le maréchal Soult fut appelé au ministère de la guerre, et prit dans le gouvernement une autorité quasi suprême, le général Brun fut nommé général de division, commandant à Clermont, et peu de jours ensuite pair de France. Ayant été proposé avec une vivacité bienveillante, pour de l’avancement, par un de mes préfets, j’écrivis à cet homme du jour, qu’on venait d’écraser de cordons, de grades, de titres et d’appointements, en le priant d’appuyer la demande faite en ma faveur ; le général me répondit avec la plus grande franchise, avec le sans-façon le plus décourageant, « qu’étant en ce moment même occupé à faire nommer deux préfets dans sa famille, il lui était impossible de recommander toute autre demande analogue, qu’il le regrettait vivement, etc. »

Et c’était pour soutenir la cause personnelle du général Brun de Villeret que j’avais, à vingt-six ans, sacrifié ma place, mon avenir, sans hésitation. Ah ! les hommes, et dire qu’on n’en rencontre guère d’autres !

C’est le cas de faire observer ici qu’à cette époque, l’influence du ministère dans les élections était parfaitement légitime ; elle se montrait surtout sous les formes les plus polies et ne s’exerçait pas d’une manière brutale comme on l’a fait depuis. On se bornait à prévenir un préfet soit par un inspecteur général des finances en tournée, soit par tout autre intermédiaire, que tels noms seraient plus agréables que tels autres, mais le préfet n’était menacé ni d’une destitution ni même d’une disgrâce s’il ne réussissait pas. Ce n’est que plus tard, sous le ministère sans pudeur de M. de Villèle, que le système d’intimidation fut mis en pratique et qu’on se décida à donner aux préfets des ordres formels pour faire nommer, sous leur responsabilité personnelle, tel ou tel candidat à l’exclusion de tout autre. Et le gouvernement qui dictait ces ordres immoraux affectait les dehors de la probité la plus légale et de la piété la plus austère !

Durant mon séjour dans la Lozère, je me rencontrai avec un homme dont les exploits pacifiques faisaient grand bruit. C’était une espèce de capucin, si l’on en croyait son costume, sortant on ne sait d’où et qui prenait le nom de P. Hilarion. Disant appartenir à je ne sais quelle corporation religieuse, il avait acheté à crédit, à quelques lieues de Mende, un vieux château en ruine qu’il espérait pouvoir payer, comme il l’avançait, avec l’argent que Dieu lui enverrait au moment venu, et il l’avait transformé en établissement gratuit pour les aliénés, établissement où ceux-ci étaient très simplement mais très efficacement soignés.

Lorsque je demandai au capitaine de gendarmerie ce qu’il connaissait du P. Hilarion, il se pencha vers moi et me dit tout bas : « C’est l’Empereur ! — Quoi ! fis-je stupéfait, l’Empereur ?… mais il est mort depuis deux ans ! »

L’autre sourit d’un air incrédule et me fit de la tête un signe négatif ; la plupart des villageois d’alentour et nombre de citadins avaient la même conviction et jamais nous n’avons pu les désabuser à cet égard. Il est vrai qu’en voyant le P. Hilarion, je fus frappé de son extraordinaire ressemblance avec Napoléon. Paraissant âgé de trente à trente-deux ans, il était d’une taille un peu au-dessus de la moyenne, avec une belle figure et des traits parfaitement réguliers ; de plus, actif et entreprenant ; aussi, grâce à l’idée que ce pays naïf se faisait de sa personnalité, obtenait-il de la charité publique des sommes considérables nécessaires à l’entretien de son établissement.

Je ne sais pas et ne saurai probablement jamais si le P. Hilarion était un illuminé, un fanatique ou un homme de mauvaise foi ; mais je sais qu’avec du tact, de l’esprit et d’excellentes manières, il vous disait des contes de grand’mères à leurs petits-enfants. Dans ces narrations, sa tête s’exaltait peu à peu à peu et il nous semblait alors beaucoup plus fou que les malheureux rassemblés chez lui.

Cet élégant capucin nous disait un jour, par exemple, qu’il rencontrait très souvent le diable sur son chemin ; que celui-ci lui disputait toujours le passage,mais que, grâce à certaine prière et à certaine conjuration,il l’avait bientôt mis en fuite. Je lui ai aussi entendu raconter qu’il avait visité les enfers ; il donnait sur cette visite les détails les plus étendus et les plus curieux détails qui, s’ils n’étaient pas arrangés et appris par cœur, dénotaient un cerveau atteint d’une monomanie singulière, bizarre et surtout fort originale. Le P. Hilarion semblait convaincu de ce qu’il disait, ses expressions étaient choisies, ses gestes vifs et gracieux, et le mysticisme fabuleux de sa conversation avait étendu sa renommée au loin.

Engagés par lui à aller visiter son établissement,nous nous mîmes en route un beau matin, le préfet,M. de Valdenuit, le capitaine de gendarmerie, quelques autres fonctionnaires et moi. Prévenu du jour et de l’heure de notre arrivée, le P. Hilarion vint au-devant de nous, à cheval, escorté d’une douzaine de moines qui semblaient tous de bons cavaliers. Ils se mêlèrent à nous et notre cortège, bariolé de costumes brodés, d’uniformes militaires et de robes de bure, était du plus curieux effet.

Arrivés au château, nous trouvâmes l’établissement tout à fait dans l’enfance. C’était une réunion d’aliénés contenus dans de vastes salles et surveillés par des moines ; mais ces malheureux, mal vêtus, mal nourris dans leurs villages, étaient bien soignés, jouissant d’un doux repos et offrant l’apparence de la santé. C’était donc un service réel que le P. Hilarion rendait à la société ; il méritait l’encouragement de l’administration locale et le préfet lui promit de l’aider.

En visitant la classe où deux frères instituteurs apprenaient à lire et à écrire aux enfants pauvres du pays, M. de Valdenuit éprouva le besoin de leur adresser une allocution pompeuse et ampoulée sur le mérite, le talent et la modestie des instituteurs. Pendant que le préfet parlait, je levai machinalement les yeux sur la figure du maître auquel ces belles choses se débitaient, et me voilà tout à coup persuadé que j’avais vu ce masque quelque part. Ne pouvant me rappeler où j’avais rencontré ce jeune homme, je restai le dernier pour lui faire part de ma préoccupation, car tout me semblait mystère dans ce couvent. Au moment où j’allais lui adresser la parole : « Monsieur, vous ne me reconnaissez donc pas ? — Non, mon ami, répondis-je. — Ah ! Monsieur, c’est bien étonnant, c’est moi qui étais domestique, il y a deux ans, chez M. le préfet, et qui vous ai bien souvent donné des assiettes à table. » La figure du jeune frère, qui était, d’ailleurs, un fort joli garçon, dénaturée par son accoutrement monastique, me revint complètement alors et je m’amusai à lui faire raconter par quelle série de circonstances il avait été amené à changer ainsi d’état. Il me donna tous les détails que je lui demandais ; un naïf amour contrarié était la cause de sa nouvelle situation.

Je signalai le fait au préfet, mais très vexé de s’être mis en frais d’éloquence pour un de ses anciens valets et furieux d’avoir été ainsi mystifié, M. de Valdenuit se permit de faire quelques observations au chef de la corporation sur la matière première avec laquelle il formait ses frères. Celui-ci répondit très carrément au préfet : « Plus les gens sont humbles, plus ils nous conviennent ; plus ils nous arrivent de bas, plus ils s’élèvent ici. »

L’autre ne répondit rien. Nous sortîmes et le capitaine de gendarmerie, me tirant par la manche, me dit tout bas : « L’Empereur a raison ! »


Pendant que Louis XVIII descendait peu à peu vers la tombe, on pouvait remarquer, à différents symptômes, un commencement de désaffection vis-à-vis de son gouvernement, et cela parmi ses plus fidèles soutiens. Beaucoup ne se gênaient pas pour critiquer ouvertement la politique néfaste des hommes de la Terreur blanche qui grossissait chaque jour les rangs des libéraux et contribuait à former l’armée par laquelle le trône allait plus tard être emporté. Les attaques mordantes, les satires spirituelles étaient souvent dirigées contre le pouvoir par des gens chez lesquels on eût dû trouver plus d’indulgence, à défaut de gratitude. C’est un fonctionnaire de mon entourage qui me citait un jour ces vers peu respectueux destinés à être placés sous un portrait du roi peint par Legros :

Legros l’a peint, ce portrait plein de vie,
Qui de la France a fixé le destin ;
De la peinture admirez la magie,
En le voyant, chacun d’abord s’écrie :
Legros l’a peint.

Voyez ce port, cette aimable noblesse,
Voyez ce port et vous serez d’accord
Que ce morceau de l’art sera sans cesse
Bien préférable à tous ceux de la Grèce ;
Voyez ce port.

De cette épigramme j’en rapprocherai une autre entendue chez M. Nourrisson[1], député de la Haute-Saône, un soir qu’il m’avait convié à dîner. Ayant fait en cette aimable maison la connaissance d’un jeune compatriote à la physionomie fine, M. Genoux-Prachée[2], qui devait devenir, par la suite, député de Vesoul et qui, pour l’instant, se lançait dans l’opposition, je lui parlai de littérature et d’art, voulant éviter de mettre la conversation sur un terrain brûlant. Comme je lui signalais avec des éloges une jolie maquette en plâtre de Louis XVIII, que j’avais admirée le jour même, il m’envoya le lendemain l’épigramme suivante :

C’est à bon droit que la sculpture
Passe pour le premier des arts,
Puisqu’il nous rend en miniature
De Louis les serins regards.
En buis, en épine, en albâtre,
Il fait le charme de nos yeux ;
Il n’est déjà pas mal en plâtre,
En terre, il serait beaucoup mieux.

Une autre fois, me promenant avec un receveur général du centre de la France que je ne nommerai pas et mon camarade de collège Thorigny, des pauvres Luxembourgs, nous croisâmes la calèche de Mme  du Cayla qui revenait des Tuileries faire son service auprès de Louis XVIII. Thorigny salua respectueusement. Je ne connaissais pas la vice-reine et encore moins ses équipages, aussi demandai-je le nom de la personne à laquelle s’adressait un salut aussi solennel. — « C’est Mme  la comtesse du Cayla, la nouvelle conquête du roi. — Et une conquête qui est de bonne prise. » fit X… d’un air détaché. — « Le choix est bizarre, repris-je, car j’ai entendu dire qu’elle avait eu déjà plusieurs amitiés. — Oui, ça varie ! » répondit Thorigny avec innocence. Étant donnés les bruits qui couraient sur la façon spéciale dont le roi choisissait sa tabatière[3] et sur l’ancienne liaison de Mme  du Cayla avec le duc de Rovigo, je constatai que mes compagnons ne se gênaient pas pour jeter des pierres dans le jardin dont ils mangeaient les fruits.


Il y a dans notre pauvre espèce des natures qui ne se sentant aucune vocation prononcée pour tel ou tel parti, veulent, avant d’embrasser franchement une profession quelconque, tâter de chacune d’elles en particulier. Tel était le cas de mon frère Alphonse, qui avait l’esprit vif, pétulant, avec du mordant et de l’imprévu, mais se pliant difficilement à une discipline quelconque. Aussi a-t-il goûté un peu de tout. Il fut tour à tour sous-directeur de la verrerie de Bélieu qui appartenait à mon père, élève-consul, inspecteur des télégraphes, puis après sa destitution, il étudia les moulins, les forges, les tuileries, l’éclairage au gaz et partit en 1830 faire son droit à Paris. La révolution le trouva suivant les cours de l’École ; il lâcha aussitôt le Code pour le fusil et participa à l’attaque du Louvre, de la porte Saint-Denis et de la caserne de Babylone. Rentré à Besançon dès que l’ordre fut rétabli, il s’occupa de l’organisation de l’artillerie de la garde nationale, dans laquelle il avait été nommé lieutenant ; bref, pendant toute sa vie, il a dévoré, dans ses ambitions mensongères, plusieurs destinées dont une seule aurait suffi à remplir son existence, et il a tout désiré sans rien vouloir. La place qu’il occupa le plus longtemps — trois ans, et pour lui c’était énorme — fut celle des télégraphes, grâce à l’appui et à la bienveillance de Chappe, le directeur général du moment. Cette protection lui avait été obtenue par notre ami Rouget de Lisle, l’illustre auteur de la Marseillaise[4].

Mon père s’était lié avec lui à Lons-le-Saunier vers la fin de l’Empire, et le brave Rouget ayant eu plusieurs fois recours à son obligeance, reconnut cette bonté en aidant mon frère dans ses débuts.

C’est en 1823, après ma destitution, que je fis la connaissance du Tyrtée français, et j’avoue avoir éprouvé une certaine désillusion à ma première visite. Bien que mon père et mes frères m’eussent souvent parlé du poète et me l’eussent dépeint avec exactitude, je le voyais immense, majestueux, superbe, une tête à la Danton, les cheveux au vent, entouré de trophées guerriers et son violon à la main, prêt à lancer d’une voix tonnante sur le monde la tempête de son inspiration. Or, lorsque je pénétrai dans son appartement (si je puis nommer appartement la pauvre chambre qu’il habitait), je trouvai un vieillard à la figure fatiguée, légèrement voûté, d’assez belle taille, habillé d’un ample pantalon qu’on apercevait sous la robe de chambre ouverte, coiffé d’un bonnet grec d’où sortaient de rudes cheveux roux et écrivant sur une petite table de bois. Les murs de la pièce étaient à peu près nus, et si l’on n’apercevait aucune porcelaine ni aucune faïence sur la modeste commode, il n’en allait pas de même en regardant du côté du lit. À mon entrée, l’aimable homme se leva, m’embrassa paternellement, et quand je vis ses yeux vifs, francs et flamboyants, je compris l’éclair de génie qui les avait une fois illuminés.

Que d’agréables moments j’ai passés avec cet excellent Rouget de Lisle, moi l’interrogeant et lui fouillant ses souvenirs pour me répondre. Un jour qu’il me parlait avec orgueil de son petit vin de Montaigu[5], je lui avouai que je préférais le corton ou le chambertin : « Parbleu ! me riposta-t-il de son bon accent comtois, si je n’avais bu que du Montaigu chez ce pauvre Dietrich, il est probable que je n’aurais pas écrit la Marseillaise ! » Il ajoutait que le champagne, en outre de la fièvre patriotique du moment, l’avait aidé dans la composition de son hymne immortel.

Mon frère Alfred, doué d’un véritable talent musical, le taquinait, mais fort innocemment, en lui chantant, chaque fois qu’il le voyait, le couplet :

Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n’y seront plus ;


et en s’accompagnant avec fracas sur le piano. Ce couplet était le seul qui ne fût pas de Rouget de Lisle[6] !

Si la Marseillaise a donné la gloire à son auteur, elle lui a attiré aussi bien des ennuis et bien des déboires : c’est indirectement à cause d’elle qu’il eut avec Bonaparte et Carnot de malheureux démêlés qui ne furent pas à son avantage. Le dernier de ces deux hommes était pour lui un véritable cauchemar, et quand je parlais d’un être méprisable, haineux, faux, égoïste ou indélicat, il ne manquait jamais de soupirer : « Que diriez-vous si vous aviez connu Carnot ! » Cette haine contre l’ancien ministre de 1815 était solidement implantée dans son cœur. Je le reconduisais parfois chez lui passage Saulnier, rue du Battoir ou rue des Grands-Augustins ; il avait alors l’habitude de donner quelques bonbons aux enfants des boutiquiers ses voisins, mais quand il oubliait ses sucreries, les moutards couraient après lui en hurlant et en s’attachant aux pans de sa vaste redingote. Rouget se dégageait doucement et criait : « Ah ! petits carnotins… petits carnotins…., voulez-vous finir ? » Il tenait aussi en piètre estime Casimir Périer, avec lequel il avait eu une affaire d’argent assez désastreuse : « Voyez, me disait-il, comme la muse ne livre rien au hasard ; elle a voulu que cet homme se nommât Périer à cause de la rime si riche et si naturelle usurier. »

Bon, sensible et débonnaire, Rouget de Lisle a passé une partie de sa vie à s’apitoyer sur les malheurs des autres et à redresser des torts ; après avoir si superbement enfourché Pégase, il a voulu monter Rossinante. Aimant à captiver l’attention publique, il mettait une ardeur et une conviction entière dans sa course aux chimères, mais innocent comme l’enfant, ses apostrophes, faites souvent de façon maladroite et sur un mode emphatique, atteignaient rarement leur but. « J’ai toujours navigué, me disait-il, sur la mer des espérances. » Comme il vivait plus dans les nuages que sur la terre, c’est peut-être pour la réalisation de ses utopies qu’il fit preuve de convictions assez versatiles dont l’affirmation bruyante ne lui apporta pourtant jamais le bien-être.

Toute ma famille, à l’instar de notre fidèle Charles Weiss[7], avait voué à ce géant tombé un attachement sans réserve, attachement fait d’admiration pour son œuvre magnifique et de pitié pour sa triste situation. De l’Olympe où il plana, Rouget de Lisle termina sa vie dans la misère ; pendant quarante ans il gravit un calvaire au sommet duquel l’attendait la mort. Seul, le gouvernement de Louis-Philippe, grâce aux sollicitations réitérées de Béranger, adoucit ses derniers jours[8]. Ce sera une honte éternelle pour les contemporains d’avoir laissé souffrir de la pauvreté le génie qui a doté la France du chant national le plus grandiose de tous les temps ; du chant qui avait sauvé la patrie à Jemmapes et aurait pu encore la sauver à Waterloo.

À cause de sa susceptibilité, il était fort difficile de venir en aide à Rouget de Lisle. La publication de ses Chants français, qui parurent en 1824, nous permit à peine un témoignage prévenant[9], bien que mon frère Alfred, avec son amour de la musique et son amitié pour l’auteur, eût fait son possible pour propager ces morceaux d’une belle venue[10].

Ma mère, dont la tendre nature compatissait à toutes les douleurs humaines, avait une franche sympathie pour le pauvre Rouget, qui le lui rendait bien en reconnaissance[11]. Combien s’est-elle ingéniée pour soulager discrètement la détresse du poète ! Ces vers qui lui sont adressés et que je retrouve en sont la preuve.


Par un mystère inconcevable,
Chez moi j’ai trouvé deux billets,
Je revis donc au temps aimable
Des esprits et des feux follets ?
Bonne fée à nulle autre égale,
Bonne fée aux instincts si bons,
Vous sauvez la pauvre cigale
Pour l’amour de vos papillons.
Aussi, de ma voix qui décline
Quand les échos faibles et doux
Mourront à travers la colline,
Le dernier jaillira pour vous.

Rouget de Lisle.


C’est d’un bon cœur…., mais je préfère la Marseillaise.

Les œuvres du glorieux barde sont aujourd’hui presque toutes inconnues et aucune d’elles n’a pu le sortir de l’adversité qui empoisonna la moitié de sa vie. Rouget de Lisle a succombé sous le poids de son hymne, il aurait dû tomber sur un champ de bataille à la tête des armées républicaines. Il est mort trop vieux.


(1823.) Une fête brillante a été donnée dimanche dernier, 14 de ce mois, par M. le lieutenant général baron Lanusse, commandant la 6e division militaire, à Besançon, à l’occasion du retour de S. A. R. Mgr le duc d’Angoulême. Les illuminations de la façade de l’hôtel annonçaient l’heure de la réunion, à laquelle ont assisté toutes les autorités, ainsi que les principaux habitants de la ville. Un transparent de circonstance, dû au talent du colonel chef d’état-major, décorait l’entrée principale des appartements. Le vestibule, qu’on pourrait appeler le salon de la guerre, était rempli de trophées et de faisceaux d’armes, disposés avec goût. Le capitaine du génie Lefaivre, qui avait bien voulu présider à cette distribution, en a recueilli tout l’honneur. Le second salon, d’un caractère moins imposant que le premier, mais plus gracieux, était orné des bustes du roi et de sa famille. Parmi les devises qui signalaient les différentes phases de la guerre d’Espagne, on remarquait celle-ci au-dessous du buste de Mgr le duc d’Angoulême :


L’espérance le suivit,
La victoire le ramène.


Au commencement de cette soirée, Édouard de Charnage, ancien préfet de l’empire, avec lequel j’étais lié depuis longtemps, se promenait avec moi, bras dessus bras dessous, dans les salons du général, et critiquait d’une manière fort piquante les nombreuses devises inscrites sur les cartouches qui décoraient les murs. Ces devises étaient toutes de moi et Charnage l’ignorait ou faisait semblant de l’ignorer : « Que pensez-vous, me dit-il, de ces inscriptions adulatrices ? tout cela me semble bien froid et bien guindé. — Que voulez-vous, répondis-je, le général a prié de ce soin une personne pour laquelle il était difficile de trouver des mots heureux puisqu’elle parlait contre sa pensée. »


(Mai 1824.) Il vient de paraître une petite brochure de cent à cent vingt pages qui a pour titre : Relation d’un voyage, à Bruxelles et à Coblentz en 1791, et qui, d’après son épître dédicatoire, décèle, à n’en pas douter, une production royale. J’ai lu cette brochure d’un bout à l’autre et, en cela, j’ai montré de la persévérance, du courage même, car il est impossible de rien rencontrer de plus vide. On n’y découvre ni pensées ni descriptions, il ne s’y trouve pas une anecdote digne de rester dans la mémoire. C’est, depuis la première à la dernière page, un tissu de sottises qui ne s’expliquent pas, et dont s’amusent à l’égal le recteur et l’écolier. Est-il rien de plus plaisant, en effet, que le frère d’un roi qui, sur deux voitures qu’on lui offre pour son départ, choisit de préférence le vis-à-vis, et pourquoi ? Parce qu’il est trop lourd pour monter dans un cabriolet. Voyez ensuite comme quoi ce prince craint de ne pouvoir cacher l’émotion qui l’agite au moment de son départ, et comme quoi, pour faire disparaître le trouble répandu sur sa physionomie, il se teint les sourcils avec un bouchon de liège qu’il a eu la précaution de mettre dans sa poche pendant le dîner !

Entre Soissons et Laon, le comte de Provence propose de déjeuner ; il avait un pâté et du vin de Bordeaux. Cet article, sur lequel il s’étale avec complaisance, peut être intéressant pour un homme qui ne vit que pour manger, mais il n’est à coup sûr que déplacé dans la narration d’un frère de roi, et les lecteurs n’ont goûté ni ce pâté ni ce vin de Bordeaux.

D’Avaray éprouve une rude alarme en voulant entrer dans le petit appartement où l’attend Monsieur, parce que la clef a refusé de tourner dans la serrure ; mille idées plus sinistres les unes que les autres lui tourbillonnent à l’instant dans la tête, mais il essaie de tourner la clef à droite au lieu de la tourner à gauche, et la porte s’ouvre. Quelle présence d’esprit ! Quelle capacité intelligente ! Qui pourrait se tirer d’un aussi grave embarras avec tant de courage et d’adresse ?

À Mons, le souper de l’auberge ne valait rien, mais Mme  de Balbi, qu’on ne croyait pas encore arrivée, appela ces messieurs de sa fenêtre, et leur fit donner un poulet froid avec du vin de Bordeaux. Ils mangèrent avec appétit et burent à l’avenant. On remarque avec satisfaction que le chagrin de quitter sa famille captive et d’abandonner sa patrie n’a point affligé le prince et son fidèle compagnon, et que le triste souvenir d’un pays en butte à toutes les horreurs de la guerre civile ne troublait pas leur digestion[12].

Quand parut l’écrit dont nous parlons, chacun s’empressa de se le procurer et plusieurs éditions furent épuisées en très peu de temps. J’avoue que la curiosité me poussa comme les autres, et que la lecture de cette production faite un soir devant un assez nombreux auditoire fut bien mal et bien irrévérencieusement accueillie. En fermant le livre, je pensai comme cet habitant de Pékin qui, croyant que son empereur faisait du musc, courut certain jour, pour s’en assurer, derrière une haie où le souverain venait de s’arrêter et s’écria : « Mon Dieu, ça sent encore plus mauvais que ce que je fais ! »


Revenu en Franche-Comté à la suite de ma révocation, j’épousai, le 21 septembre 1825, une compatriote, fille d’un grand maître de forges du pays, Mlle  de Mandre, et j’eus le bonheur d’avoir bientôt un fils[13] et une fille qui se maria plus tard avec M. Monnot-Arbilleur, homme des plus distingués et d’une ancienne famille bisontine[14]. Ah ! comme les mariages d’alors étaient moins froids, moins solennels, moins compassés que ceux d’aujourd’hui ! La cordialité la plus sincère, la gaieté la meilleure régnait dans ces cérémonies, et l’usage des chansons de circonstance était encore dans toute sa vogue ; j’ai religieusement conservé celles qui furent chantées en mon honneur, et je ne résiste pas au plaisir de citer les strophes de mon spirituel ami Charles Viancin[15]. Pour la comprendre, il faut savoir qu’elle fut écrite à Besançon après une mission formidable dont toute la ville s’entretenait, et que la maison de mon père, où eut lieu le dîner de mariage, était un ancien couvent des Carmes.


N’attendez pas une chanson :
Je ne fais plus que des cantiques
Et je vous réserve un sermon
Parmi tous vos refrains bachiques ;
Je n’ai pourtant pas le projet
De vous émouvoir jusqu’aux larmes.
Or me voici dans mon sujet,
Je vais chanter les Carmes.

Jeunes mondains qui m’écoutez,
Tâchez d’imiter leur sagesse,
Mettez un frein aux libertés
De votre bruyante allégresse ;
N’allez pas au milieu de nous,
Renouvelant certains vacarmes,
Transformer en maison de fous
L’ancien couvent des Carmes.

N’oubliez pas que dans ces murs
Jadis ils ont fait pénitence,
Ils y vivaient sobres et purs,
Dieu sait avec quelle constance.
À ces martyrs du célibat
La plus belle rendait les armes.
Heureux qui dans pareil combat
Peut ressembler aux Carmes.

Femmes dont les attraits puissants
Viennent ici d’entrer en lice,

À troubler nos cœurs et nos sens
Mettez un peu moins de malice ;
Aux lieux qu’ont habités des saints
Tempérez l’éclat de vos charmes,
Épargnez de pauvres humains
Qui ne sont pas des Carmes.

Et vous, qui d’un hymen bien doux
Naguère avez serré les chaînes,
Songez que pour tous les époux
Au plaisir se mêlent des peines.
Lorsque des moments de tiédeur
Vous causeront quelques alarmes,
Allez prier avec ferveur
Sur les tombeaux des Carmes.

Du bonheur, si vous m’en croyez,
Vous saurez étendre l’empire ;
Croissez, créez, multipliez,
Un carme ne saurait mieux dire.
Que vos enfants, de toutes parts,
Peuplent la finance et les armes,
La cour, la robe et les beaux-arts,
Et, s’il le faut…, les Carmes.


J’étais alors complètement étranger aux affaires politiques et je vivais la plupart du temps à Besançon, mais chaque année je faisais un assez long séjour dans la capitale.

En 1829, je rendis visite un matin à M. Courvoisier, alors ministre de la justice, qui me retint à déjeuner. Je le trouvai sombre, triste et pessimiste à l’égard de l’avenir qu’il voyait en noir avec juste raison. Comme je lui en avais fait la remarque à diverses reprises pendant le repas, et comme mes paroles témoignaient de la profonde affection que j’avais pour cet homme parfait, un vieux maître d’hôtel me dit tout bas lorsque je quittai la table : « Monseigneur s’harcèle ! Monseigneur s’harcèle ! » Il me fallut un instant pour comprendre la réflexion du brave serviteur dont les collègues ne montraient d’ailleurs pas tous le même attachement à leur maître.

M. Courvoisier ne se reposait des travaux de la journée et des charges de la représentation qu’en allant chaque soir faire à pied, avec un ami intime, une promenade à travers les rues et les boulevards les plus solitaires de Paris. Ces courses nocturnes commençaient vers les dix ou onze heures du soir et se prolongeaient souvent jusqu’à une heure ou deux heures du matin. Débarrassé des plis de sa simarre, le garde des sceaux causait, comme il aimait à causer, sans façon, sans contrainte et surtout sans que des échos indiscrets se plussent à raconter les anecdotes hasardées de sa vie militaire ou les réflexions politiques qui l’agitaient alors. Un des compagnons les plus habituels du ministre était M. Accarier, nommé député de l’arrondissement de Gray en juin 1830, homme d’un esprit fin, original et d’une grande simplicité de mœurs et de manières. Couché presque toujours en même temps que les poules, M. Accarier était presque, toujours aussi sous la main de son vieux camarade. Enveloppé d’une longue redingote bleue boutonnant jusqu’à la cravate, et les pieds enfouis dans une lourde chaussure guêtrée, à peu près pareille aux souliers classiques du président Dupin, M. Courvoisier se rendait seul, à pied, à l’hôtel de Piémont, rue Richelieu, où logeait son compatriote, à côté de notre vénérable ami M. Clément. Une fois réveillé, ce qui n’était pas toujours facile, M. Accarier se levait rapidement et on partait. Dieu seul sait tout ce qui se disait dans ces promenades solitaires où chacun parlait à cœur ouvert, où chacun se laissait aller à son inspiration.

Un matin que M. Courvoisier rentrait à l’hôtel de la Chancellerie plus tard encore que de coutume, il aperçut, en fermant la porte, une aigrette de flammes qui s’échappaient du centre de la seconde cour dont le bâtiment principal donne sur la rue Neuve-du-Luxembourg. Effrayé de cette lueur qui semblait annoncer un violent incendie, il traverse à la hâte la longue avenue plantée d’arbres par laquelle on arrive à la seconde cour, et il voit avec surprise un petit marmiton, le bonnet blanc sur l’oreille, attiser de son mieux un brasier considérable formé de troncs d’arbres empilés et qu’il alimentait incessamment avec d’énormes morceaux de bois qu’il allait chercher dans le bûcher le plus voisin. Après l’avoir un instant observé, le garde des sceaux s’approcha de lui et lui demanda ce qu’il faisait en cet endroit à pareille heure de la nuit : « Pardieu, Monsieur, répondit le petit bonhomme d’un air étonné et mutin, vous le voyez bien, je fais des cendres pour le cuisinier de Monseigneur. » — On sait que dans chaque ministère, comme dans presque toutes les grandes maisons, les cendres sont un des nombreux profits du chef, et c’était pour augmenter ses bénéfices d’une manière honnête que le cuisinier de Monseigneur faisait le commerce illicite auprès duquel M. Courvoisier avait surpris son marmiton. Il y a encore aujourd’hui, comme il y a eu de tout temps, des fonctionnaires et des employés qui, à l’instar de ce cuisinier, font brûler le bois de Monseigneur.



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  1. Nourrisson (Jean-Baptiste-Antoine, chevalier), 1768-1855. Député de la Haute-Saône de 1803 à 1806, puis substitut du procureur impérial à Besançon, il reprit sa place à la Chambre sous la Restauration. Chevalier de l’Empire.
  2. Genoux-Prachée (Georges), 1794-1846. Conseiller de préfecture, député de la Haute-Saône de 1831 à 1847. Chose rare chez les parlementaires, il était fort désintéressé et remettait au bureau de bienfaisance de Vesoul la partie de son traitement de conseiller, correspondant au temps qu’il passait à la Chambre.
  3. Voici un huitain explicatif trouvé dans les papiers de l’auteur :

    Quoique toujours s’escrimant
    À lancer des propos lestes,
    Le roi, par tempérament,
    N’a soif que d’amours célestes.
    Complice de ses desseins,
    Du Cayla le favorise,
    Car Louis entre les saints
    L’a prise.

  4. Rouget de Lisle (Claude-Joseph), né le 10 mai 1760 à Lons-le-Saunier, mort à Choisy-le-Roi le 26 juin 1836. Sous-lieutenant à l’École du génie en 1782, il devint capitaine en 1791, chef de bataillon en 1796 et démissionna la même année. La Marseillaise fut composée à Strasbourg, dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, à la suite d’un dîner donné par le baron de Dietrich, maire de la ville, dîner auquel assistaient les généraux d’Aiguillon, Broglie et du Chastellet, les capitaines Caffarelli et Rouget de Lisle et les lieutenants Desaix et Masclet. Rouget de Lisle habitait alors un petit appartement rue de la Mésange, et c’est très probablement là qu’il conçut son chef-d’œuvre.
  5. Montaigu était la petite propriété familiale que Rouget de Lisle possédait près de Lons-le-Saunier. Elle fut vendue en 1817.
  6. On n’est pas d’accord sur l’auteur de ce couplet. Les uns l’attribuent au journaliste Louis Dubois, qui dans une brochure imprimée en 1848, déclare l’avoir composé en octobre 1792 ; les autres le prêtent à l’abbé Peyssoneaux, professeur au collège de Vienne au début de la Révolution.
  7. Weiss (Pierre-Charles), né le 15 janvier 1779 à Besançon, mort dans cette ville le 11 février 1866. Poète, littérateur et historien, il a attaché son nom à la grande entreprise biographique des frères Michaud. C’était un homme d’esprit fort érudit. Il eut pour camarades Charles Nodier, Abel de Rémusat, Martin de Gray, etc., et mourut comme bibliothécaire de Besançon.
  8. Le 5 août 1830, le duc d’Orléans lui accorda une pension de 1, 600 fr. qui fut portée à 3, 500 fr. deux ans plus tard. Sur la demande du général Blein, son ami, Rouget de Lisle fut décoré le 6 décembre 1830.
  9. « … Le recueil tire à sa fin, grâce à vous, à M. Marquiset et à Béranger. » (Lettre de Rouget de Lisle à Charles Weiss, 13 septembre 1823.)
    « … Conjurez M. Marquiset de nous seconder dans cette bonne œuvre (propagation du recueil). » (Lettre du même au même, 11 juillet 1824.)
  10. « … Virtuose comme il l’est, Alfred a-t-il daigné jeter les yeux sur le recueil ? Qu’en dit-il ? » (Lettre de Rouget de Lisle à Charles Weiss, 3 décembre 1824.)

    « … Vous me feriez un véritable chagrin de prendre l’argent (prix du recueil) d’Alfred, de M. Viancin, etc… » (Lettre du même au même, 27 janvier 1825.)

  11. « … Si Mme Marquiset n’y répugne pas trop, en aveur d’un presque mort de faim, demandez-lui la permission de l’embrasser de ma part. » (Lettre du même au même, 31 janvier 1823.) Extraits de la correspondance entre Rouget de Lisle et Charles Weiss. Bibliothèque de Besançon.
  12. Voici ce qu’à ce propos rimait l’opposition :

    Du Voyage à Coblentz quel est le noble auteur ?
    À ce style de cuisine,
    À ce gigot de la voisine,
    Aux pigeons à la crapaudine
    Chacun dit : c’est le restaurateur
    D’un pays dégradé que le ventre domine.

  13. Marquiset (Jean-Gaston), 1826-1889. Reçu à Saint-Cyr, il donna sa démission avant d’entrer à l’école, fit dans le corps Bourras la campagne de 1870 pendant laquelle il fut décoré. Conseiller général, puis député de la Haute-Saône de 1878 à 1889. — Lorédan Larchey, fils du général de division Larchey, lequel fut, au lycée de Besançon, le camarade de l’auteur de ces souvenirs, a écrit une intéressante Notice sur le lieutenant Marquiset, publiée en 1893. Un autre de ses compagnons d’armes pendant la guerre lui a consacré aussi plusieurs pages dans le livre d’Ardouin-Dumazet : Le colonel Bourras et le corps franc des Vosges (Berger-Levrault. Paris, 1893).
  14. Monnot-Arbilleur (Antoine-Alexis), 1818-1876. Fils d’un président à la cour royale de Besançon. Élu député du Doubs à l’Assemblée nationale de 1871, puis sénateur du même département le 30 janvier 1876, six mois avant sa mort. — Pour la famille Monnot-Arbilleur, voir d’Hozier : Armorial de Franche-Comté ; R. de Lurion : Nobiliaire de Franche-Comté, etc.
  15. Charles Viancin (1788-1814). Poète et humoriste plein de finesse. Secrétaire général de la mairie de Besançon pendant cinquante-trois ans. Auteur des Époques bisontines (1817), des Mélodies irlandaises (1829-1834), des Carillons franc-comtois (1840), du Miroir du diable (1863), etc. Charles Viancin fut nommé maître ès jeux floraux en 1851.