Calmann Lévy, éditeur (p. 193-195).

III

BELLE ÉREMBOR.


(Imité d’une chanson du XIIe siècle[1].)


À J. CLARETIE.


Quand revient mai, que l’on dit au long jour,
Voici passer, retournant de la cour,
Près le château d’Érembor la donzelle,
Les Francs de France. En tête, sur sa selle,
Passe Renaud, l’œil baissé, l’air marri :

Hé ! Renaud ami !


À la fenêtre, au jour, belle Érembor,
Sur ses genoux tient une étoffe d’or.
Elle aperçoit, parmi les Francs de France,
Le beau Renaud, son compagnon d’enfance.
Lors, se levant, elle lui parle ainsi :

Hé ! Renaud ami !


« Ami Renaud, jadis j’ai vu le jour
« Où lorsque vous passiez près cette tour
« Dolent fussiez de ne me pas entendre.
— Fille de prince, à qui faut-il s’en prendre ?
« Aimez ailleurs et me laissez l’oubli ! »

Hé ! Renaud ami !


« Sire Renaud, je me justifierai
« Et sur les saints, tôt je vous jurerai,
« Dans le moustier, avec trente pucelles,
« Que je n’eus point, hors vous, d’amours nouvelles.
« Prenez le gage et soyez mon mari. »

Hé ! Renaud ami !


Comte Renaud franchit les hauts degrés.
Barbe frisée et longs cheveux dorés,
D’épaules fort, taille grêle et légère,
Oncques ne fut plus beau seigneur sur terre.
Elle le voit et pleurant à demi :

Hé ! Renaud ami !


Comte Renaud dans la tour est entré.
Sur un beau lit de fleurs tout décoré,
Il va s’asseoir : Érembor la donzelle
À son côté s’assoit, tremblante et belle.
Lors doucement revint l’amour enfui :

Hé ! Renaud ami !



  1. Leroux de Lincy, Recueil de chants historiques français, t. I, pp. 15-18.