Woodstock/Chapitre XIV

Woodstock, ou Le Cavalier, Histoire de l’année 1651
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 8p. 170-184).


CHAPITRE XIV.

LA RENCONTRE.


Des crimes se commettent sur la terre ; les auteurs en sont punis avant que la terre se referme sur eux. Que ce soit l’ouvrage d’une imagination torturée par les remords, ou la vision réelle et distincte d’un être surnaturel, n’importe ! tous les siècles témoignent que devant la couche du barbare homicide se promène souvent celui qu’il a tué, en montrant sa noire blessure.
Vieille Pièce.


Éverard était venu à la hutte de Jocelin aussi vite que son cheval avait pu l’y mener. Il ne voyait pas de choix dans ce qu’il avait à faire ; et intérieurement, il se croyait autorisé à adresser des avis, même des reproches à sa cousine, toute chère qu’elle lui fût, relativement aux dangereuses machinations auxquelles elle semblait avoir pris part. Il s’en revint plus lentement et avec des idées bien différentes. Non seulement Alice, aussi prudente que belle, lui avait paru complètement étrangère à cette faiblesse de conduite qui semblait lui donner de l’autorité sur elle, mais encore ses vues en politique, moins faciles sans doute à exécuter, étaient du moins plus droites et plus nobles que les siennes ; si bien qu’il commença à douter s’il ne s’était pas trop avancé avec Cromwell, bien que l’état du pays, tourmenté et déchiré par les factions, fût tellement désespéré que la promotion du général à la tête du gouvernement exécutif semblait la seule chance possible d’échapper à un renouvellement de la guerre civile. Les sentiments plus exaltés et plus purs d’Alice lui faisaient perdre de sa dignité à ses propres yeux ; et, quoique toujours attaché à son opinion, qu’il valait mieux que le vaisseau fût dirigé par un pilote qui n’en aurait pas réellement le droit, que de le laisser se briser contre les écueils, il sentait qu’il n’épousait pas le côté de la question le plus droit, le plus noble et le plus désintéressé.

Tandis qu’il cheminait plongé dans ces déplaisantes méditations et considérablement rabaissé dans sa propre estime en raison de ce qui venait d’arriver, Wildrake, qui marchait à son côté, n’étant pas ami d’un long silence, entama la conversation : « J’ai réfléchi, Mark, lui dit-il, que si vous et moi nous avions été appelés au barreau… ce qui, soit dit en passant, a failli m’arriver dans plus d’un sens… je dis que si nous étions devenus avocats plaidants, j’aurais été le plus éloquent, j’aurais eu plus que vous le talent de la persuasion. — C’est possible, répondit Éverard, quoique je ne t’aie jamais entendu déployer ton éloquence que pour engager un usurier à te prêter de l’argent, ou un cabaretier à diminuer ton compte. — Et pourtant aujourd’hui, ou cette nuit plutôt, j’aurais fait, je pense, une conquête qui vous a passé devant le nez. — Vraiment ! » dit le colonel redoublant d’attention.

« Oui, voyez-vous ; votre principal but était de déterminer mistress Alice Lee… Ah ! par le ciel ; c’est une charmante créature… J’approuve fort votre goût, Mark… Je disais que vous vouliez lui persuader, ainsi qu’au fier et vieux Troyen son père, d’accepter vos offres, de retourner à la Loge, et d’y vivre tranquillement, par tolérance, comme tant d’autres, au lieu de se loger dans une hutte à peine bonne pour un Tom de Bedlam ? — Tu as raison ; tel était certainement mon plus grand motif dans cette visite. — Mais peut-être vous proposiez-vous de répéter souvent ces visites, afin de veiller sur la jolie mistress Lee… hein ? — Je n’ai jamais conçu une idée si égoïste ; et si ces sortiléges nocturnes qui troublent le château étaient expliqués et finis, je partirais sur-le-champ. — Votre ami Noll attend, ce me semble, davantage de vous ; il s’attend, en cas où la réputation de loyauté de sir Henri amènerait quelques uns de nos pauvres exilés, de nos fugitifs à la Loge, que vous serez aux aguets et prêt à les saisir ; en un mot… aussi bien que ses périodes à perte de vue m’ont permis de le comprendre, il voudrait faire de Woodstock une trappe ; de votre oncle et de sa jolie fille, une amorce de fromage grillé… (je demande pardon de la comparaison à votre Chloé) de vous, un ressort qui les empêcherait de s’échapper… à Seigneurie elle-même sera le gros et vieux chat à qui l’on jettera les souris à dévorer. — Cromwell a-t-il osé te tenir un pareil langage ? » dit Éverard tirant son cheval et l’arrêtant court au milieu du chemin.

« Non pas expressément ; car je ne crois pas qu’il ait de sa vie employé des termes positif ? mieux vaudrait espérer qu’un homme ivre marchât droit ; mais il m’a insinué l’équivalent, m’a fait entendre que vous mériteriez bien de lui… corbleu !… cette maudite proportion me tient au cœur… en trahissant notre noble et légitime roi (là il ôta son chapeau), à qui Dieu accorde un long règne avec santé et richesse ! comme dit le digne ministre, quoique je craigne bien que Sa Majesté soit à présent malade et triste, et n’ait pas deux sous dans sa poche à dépenser. — C’est absolument ce qu’Alice m’a donné à entendre ; mais comment a-t-elle pu le savoir ? Lui en aurais-tu, par hasard, dit quelque chose ? — Moi ! répliqua le Cavalier ; moi qui n’ai jamais vu mistress Alice de ma vie avant cette nuit, et encore un seul instant… Corbleu ! Mark, est-ce possible ? — C’est vrai, » répondit Éverard ; et il sembla se perdre dans ses réflexions. À la fin il parla… « Je devrais, dit-il, forcer Cromwell à motiver la mauvaise opinion qu’il a de moi ; car, en supposant même qu’il ne parlât point sérieusement, mais bien, comme j’en suis convaincu, dans la seule intention de vous éprouver, vous, et peut-être moi aussi, c’est néanmoins une injure qui crie vengeance. — Je lui porterai un cartel de votre part, dit Wildrake, de tout mon cœur et de toute mon âme, et me battrai contre le second de Sa Sainteté avec autant de plaisir que j’en ai jamais mis à boire un verre de vin sec. — Bah ! les gens si élevés en dignité n’acceptent jamais de combats singuliers. Mais, dis-moi, Roger Wildrake, m’as-tu cru, toi, capable de la perfidie et de la trahison qu’ordonne une pareille commission ? — Moi ! Markham Éverard, vous avez été mon ami dès l’enfance, mon constant bienfaiteur : quand Colchester fut prise, vous m’avez sauvé du gibet, et depuis vous m’avez empêché vingt fois de mourir de faim. Mais, par le ciel ! si je vous croyais capable d’une action aussi vile que celle que vous a commandée votre général… de par le firmament ! je vous poignarderais de ma propre main. — La mort ! je mériterais sans doute de la recevoir, mais non de vous peut-être… Heureusement que je puis, si je veux, ne pas me rendre coupable de la trahison que vous puniriez. Sachez qu’aujourd’hui j’ai reçu l’avis secret, et de Cromwell lui-même, que le Jeune Homme s’est échappé par mer de Bristol. — Ah ! béni soit le Dieu tout-puissant qui l’a défendu contre tant de périls ! s’écria Wildrake. Huzza ! courage, Cavaliers !… Cavaliers, en avant !… Dieu bénisse le roi Charles !… Lune et étoiles, recevez mon chapeau… » et il le jeta en l’air aussi haut qu’il put. Les corps célestes ne reçurent pas le présent qu’il leur envoya, mais, de même que le fourreau de sir Henri Lee, un vieux chêne noueux devint une seconde fois le dépositaire d’efforts perdus et égarés dans un loyal enthousiasme. Wildrake parut un peu sot de l’accident, et son ami saisit cette occasion pour le réprimander.

« N’es-tu pas honteux de te comporter comme un écolier ? — Ma foi, je n’ai fait que confier un loyal message à un chapeau de Puritain. Je ris en songeant combien les écoliers dont tu parlais seront attrapés sur l’arbre ébranché, l’année prochaine, s’attendant à trouver le nid de quelque oiseau inconnu dans cette énorme calotte de feutre. — Silence maintenant, pour l’amour de Dieu, et parlons avec calme, dit Éverard. Charles s’est échappé et je m’en réjouis ; je l’eusse vu bien volontiers reprendre le trône de son père par composition, mais non par force et avec l’aide d’une armée écossaise, et de royalistes irrités et vindicatifs… — Maître Markham Éverard ! s’écria le Cavalier en l’interrompant. — Allons, paix, cher Wildrake ! ne nous disputons pas sur un sujet sur lequel nous ne pouvons nous accorder, et laisse-moi continuer. Je disais, puisque le Jeune Homme a eu le bonheur de s’échapper, l’offensante et injurieuse proposition de Cromwell tombe d’elle-même, et je ne vois pas pourquoi mon oncle et sa famille ne rentreraient pas dans leur propre maison, tolérés aussi bien que tant d’autres royalistes. Quant à moi, c’est tout différent, et je ne puis décider quelle route je dois suivre avant d’avoir une entrevue avec le général, où, je pense, il finira par avouer qu’il n’a mis en avant cette offensante stipulation que pour nous éprouver : c’est tout-à-fait sa manière ; car il est émoussé, lui, et ne voit, ne sent jamais cet honneur pointilleux que les braves du jour poussent jusqu’à la délicatesse. — Oh ! je lui accorde de bon cœur, dit Wildrake, de n’être pas vétilleux sur l’honneur et l’honnêteté ; mais, pour en revenir où nous étions, en supposant que vous renonciez à demeurer personnellement à la Loge, que vous consentiez même à n’y jamais venir si ce n’est sur une invitation, quand la chose serait possible, je vous le dirai franchement, je pense qu’on pourrait persuader à votre oncle et à sa fille de retourner à Woodstock, et d’y demeurer comme d’habitude : du moins le ministre, ce digne et vieux coq, me l’a fait espérer. — Il n’a pas été long à l’accorder sa confiance, dit Éverard. — C’est vrai ; il s’est fié à moi tout de suite, lorsqu’il a pu juger de mon grand respect pour l’Église. Je remercie le ciel de n’avoir jamais passé devant un prêtre en habits sacerdotaux sans lui tirer mon chapeau… et tu sais, le duel le plus furieux que j’aie jamais eu, fut avec le jeune Groylen d’Inner-Temple, parce qu’il n’avait pas cédé le côté du mur au révérend docteur Bunce. Ah ! je sais gagner au plus vite une oreille de chapelain… Corbleu ! ils savent à qui ils ont affaire en se confiant à un homme tel que moi. — Crois-tu donc alors, ou plutôt le ministre croyait-il que la famille, si elle ne redoutait pas mes importunes visites, retournerait à la Loge, en supposant que ces commissaires intrus en fussent partis, et ce tapage nocturne expliqué et fini ? — Le vieux chevalier, répondit Wildrake, peut être déterminé par le ministre à y retourner, s’il n’a point à craindre vos importunités. Quant à ce vacarme, autant que j’en ai pu juger par deux minutes de conversation que j’ai eue avec lui, il en rit comme d’une œuvre de pure imagination, conséquence des remords que leur envoient leurs mauvaises consciences, et dit qu’on n’a jamais entendu parler de spectres ni de diables à Woodstock, avant que la Loge devînt la résidence de gens tels que ceux qui en ont à présent usurpé la possession. — Ah ! c’est plus que de l’imagination, dit Éverard. J’ai des raisons personnelles de croire qu’il y a quelque conspiration sous jeu, pour que la maison ne soit pas tenable aux commissaires. J’ai la certitude maintenant que mon oncle n’est pour rien dans ces sots artifices ; mais il faut que je les voie terminés avant de le laisser lui et ma cousine demeurer dans un lieu où s’exécute un pareil complot ; car on pourrait les accuser d’être auteurs de ces folies, quels que puissent être les véritables agents. — Pardon, Éverard, si je vais parler avec aussi peu de respect de votre plus intime connaissance, mais je soupçonnerais plutôt que le vieux père des Puritains… je vous demande encore une fois pardon… a trempé dans le complot ; et si mon soupçon est fondé, Lucifer ne regardera jamais de près la barbe du vieux et fidèle chevalier, ne lancera pas un regard sur les innocents yeux bleus de la jeune fille. Il me semble qu’ils seront à la Loge tout aussi en sûreté que l’or pur dans la cassette d’un avare. — As-tu rien vu toi-même qui te porte à penser ainsi ? — Pas une plume du bout de l’aile du diable, répliqua Wildrake ; il serait trop sûr d’un vieux chevalier qui, dans ces temps de crise, doit être pris, pendu ou noyé, pour se donner la peine de surveiller une proie certaine ; mais j’ai entendu les domestiques jaser de ce qu’ils avaient vu et entendu, et quoique leurs histoires soient assez embrouillées, pourtant, si elles renferment un mot de vrai, je jurerais que le diable s’était mis de la partie… Mais, holà ! on vient sur nous… Halte-là, l’ami… qui es-tu ? — Un pauvre journalier, travaillant au grand ouvrage de l’Angleterre… Joseph Tomkins de nom… secrétaire d’un chef pieux et très inspiré de cette pauvre armée chrétienne d’Angleterre, appelé Harrison. — Quelles nouvelles, maître Tomkins ? dit Éverard ; et pourquoi êtes-vous si tard en route ? — Je pense, dit Tomkins, que c’est au digne colonel Éverard à qui j’ai l’honneur de parler ; je suis en vérité ravi de rencontrer Votre Honneur. Le ciel sait si j’ai besoin de votre secours… Oh ! digne maître Éverard ! ç’a été un tintamarre de trompettes, un fracas de fioles, puis ensuite une pluie, puis… — De grâce, dis-moi vite ce dont il s’agit… Où est ton maître ? et, en un mot, qu’est-il arrivé ? — Mon maître n’est pas loin ; il se promène dans la petite prairie, près du vieux chêne qui porte le nom du dernier Homme ; faites avancer vos chevaux de deux pas, et vous allez le voir, marchant à grands pas par ici, par là, toujours son épée nue en main. »

En se dirigeant du côté qu’il leur indiquait, mais avec le moins de bruit possible, ils aperçurent un homme, qu’ils pensèrent devoir être Harrison, se promenant en long et en large, comme une sentinelle en faction, mais avec un air plus effaré. Le trot des chevaux n’échappa point à son oreille, et ils l’entendirent crier : « Baissez les piques contre la cavalerie ! voici venir le prince Rupert… Restez fermes, et vous les culbuterez, comme un boule-dogue ferait sauter un carlin… Baissez encore vos piques, mes braves, le bout appuyé sur le pied, un genou en terre, premier rang ; ne craignez pas de salir vos tabliers bleus. Ha ! Zorobabel… oui, c’est le mot. »

« Au nom du ciel ! de quoi et à qui parle-t-il ? dit Éverard ; pourquoi marche-t-il donc ainsi son épée à la main ? — Vraiment, monsieur, quand quelque chose trouble mon maître le général Harrison, sa raison s’égare, et il s’imagine commander une réserve de piques à la grande bataille d’Armageddon… Quant à son épée, hélas ! digne monsieur, pourquoi tiendrait-il l’acier de Sheffield dans son fourreau, lorsqu’il a des ennemis à combattre ? des ennemis incarnés sur terre, et sous terre des ennemis infernaux ? — C’est insupportable, dit Éverard. Écoute-moi, Tomkins : tu parles comme si tu étais en chaire, mais je me soucie peu de tes sermons. Je sais que tu ne peux rien dire d’intelligible quand tu es ainsi disposé. Songes-y, je puis te servir ou te nuire, et si tu espères ou crains quelque chose de moi, réponds sans détour. Qu’est-il arrivé pour que ton maître se jette au milieu de ce bois désert, à cette heure de la nuit ? — En vérité, mon digne et honorable monsieur, je parlerai avec le plus de précision possible. Il est vrai et certain que le souffle d’homme, qui est dans ses narines, va et vient… — Chut ! coquin, dit le colonel, tâchez d’être plus concis dans les réponses que vous m’adresserez. Vous n’ignorez pas comment, à la grande bataille de Duabar, en Écosse, le général lui-même tourna un pistole vers la tête du lieutenant Hewereed, le menaçant de lui brûler la cervelle s’il ne cessait pas son sermon, et s’il ne mettait son escadron sur la première ligne. Garde à toi, coquin !… — Véritablement, dit Tomkins, le lieutenant chargea en si bon ordre et avec tant de précision, qu’il poussa devant lui, et à travers le rivage, un millier de plaids et de bonnets dans la mer. Moi non plus, je n’omettrai pas, je ne négligerai pas les ordres de Votre Honneur, mais j’y obéirai promptement, et cela sans délai. — Allons donc, drôle, tu sais ce que je te demande, dit Éverard ; parle enfin… Je sais que tu le peux, si tu veux. On connaît mieux Fidèle Tomkins qu’il ne pense. — Mon digne, monsieur, » dit Tomkins, en abrégeant de beaucoup ses longues périphrases, j’obéirai à Votre Seigneurie autant que l’esprit me le permettra. « Vraiment il n’y avait pas encore une heure que mon respectable maître était à table avec maître Bibbet et moi, sans parler de l’honorable maître Bletson, et du colonel Desborough, quand nous entendîmes heurter à la porte, à grands coups, comme si on eût été bien pressé. Or, en vérité, notre logement avait été tellement harassé par les sorcières et les esprits, par les apparitions et le tumulte, qu’il était impossible de contraindre les sentinelles à rester en dehors à leurs portes, et c’était seulement en leur donnant force bœuf et force eau-de-vie que nous étions parvenus à maintenir une garde de trois hommes dans le salon, qui encore n’osaient ouvrir la porte, de peur d’être assaillis par quelqu’un des diablotins dont leur imagination était farcie, et ils restèrent à entendre les coups qui redoublaient toujours, si bien que la porte fut bientôt près d’être enfoncée. Le digne maître Bibbet était un peu pris de liqueur, ce qui lui arrive ordinairement tous les soirs à pareille heure, le brave homme !… non qu’il ait un penchant à l’ivrognerie, mais parce que depuis la campagne d’Écosse il est sujet à une fièvre continue qui l’oblige à fortifier son corps contre l’humidité ; c’est pourquoi, comme Votre Honneur a pu remarquer que je m’acquitte des droits d’un fidèle domestique, aussi bien envers le major Harrison et les autres commissaires qu’envers mon juste et légitime maître, le colonel Desborough… — Je sais tout cela… et maintenant que tous deux se fient à toi, je prie le ciel que tu puisses mériter leur confiance, lui répondit le colonel Éverard. — Et moi je prie dévotement, dit Tomkins, que vos dignes prières soient exaucées ; car véritablement, les noms et les titres d’honnête Joseph et de fidèle Tomkins, ainsi que la possession réelle de ces qualités, sont choses à moi plus précieuses qu’un titre de comte, si l’on en accordait de pareils sous ce gouvernement régénéré. — Bien ! continue… continue… ou si tu t’écartes plus long-temps, nous allons nous disputer chaudement sur l’article de ton honnêteté. J’aime les histoires courtes, coquin, et me méfie de ce qui est conté avec de longues périphrases inutiles. — Eh bien, mon bon monsieur, pas d’impatience… Comme je vous disais, les portes craquèrent si fort que vous eussiez cru que les coups se répétaient dans toutes les chambres du château. La cloche sonnait comme lorsqu’elle annonce le dîner, sans que nous vissions personne tirer le cordon, et les sentinelles dégainèrent, ne trouvant pas qu’il y avait rien de mieux à faire. Maître Bibbet étant, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, incapable de remplir ses fonctions, je m’en allai à la porte avec ma pauvre rapière, et demandai qui était là. La voix qui me répondit, j’oserais l’affirmer, ne m’était pas inconnue, et on demanda le major-général Harrison. Comme il était tard alors, je répondis d’un ton aimable que le général Harrison était sur le point de se mettre au lit, et que quiconque souhaitait lui parler devait revenir le lendemain matin, attendu qu’après la nuit tombée la porte du château en était la seule garnison et ne s’ouvrait plus à personne : alors la voix répliqua et m’ordonna impérativement d’ouvrir, sans quoi on lancerait les deux battants de la porte jusqu’au milieu du vestibule. Le bruit recommença en dehors avec tant de violence que nous crûmes que la maison allait s’écrouler ; et moi, je fus pour ainsi dire forcé d’ouvrir la porte, tout comme une garnison assiégée et qui ne peut tenir plus long-temps. — Sur mon honneur, vous avez agi en brave, il faut l’avouer, dit Wildrake qui avait écouté avec une vive attention ; je suis assez hardi pour défier le diable, mais pourtant, lorsque j’ai deux pouces de chêne entre le malin esprit et moi, je veux être pendu si je renverserais cette barrière ; autant vaudrait faire un trou à un vaisseau en pleine mer et y laisser l’eau pénétrer, car vous savez que nous comparons toujours le diable à la mer profonde. — De grâce, silence, Wildrake, et laisse-le achever son histoire… Eh bien ! que vis-tu quand la porte fut ouverte ?… le grand diable avec ses cornes et ses griffes, vas-tu dire sans doute. — Non, monsieur ; voici l’exacte vérité. Quand la porte fut ouverte, je n’aperçus qu’un homme qui ne semblait rien avoir d’extraordinaire. Il était enveloppé d’un manteau de taffetas couleur écarlate, avec une bordure rouge ; il paraissait avoir été dans son temps un très joli garçon, mais on voyait sur sa figure pâle les tracas du chagrin… Ses cheveux étaient longs et bouclés, à la mode de ces abominables Cavaliers, boucles qui sont, comme les a bien nommées le savant Prynne[1], l’horreur des boucles d’amour… il portait un joyau à l’oreille… une écharpe bleue, passée sur son épaule comme un officier au service du roi, enfin un chapeau avec un plumet blanc, et un cordon d’une espèce toute particulière. — C’était probablement quelque malheureux officier de Cavaliers, de ceux qui se cachent et cherchent un asile dans le pays ? » répliqua brièvement Éverard.

« Vrai, mon digne monsieur, explication juste et judicieuse. Mais il y avait dans cet homme, si toutefois c’en était un, quelque chose de tel que, moi seul à la porte, je ne pouvais le regarder sans trembler, et les soldats qui étaient dans le vestibule furent si effrayés qu’ils avalèrent, d’après leur dire, les balles qu’ils avaient dans la bouche pour charger leurs carabines et leurs mousquets. Bien plus, les chiens à loups et à daims, qui sont les plus hardis de leur race, s’enfuirent devant l’étranger et se cachèrent de tous les côtés, grondant et aboyant d’un ton lourd et rompu. Il s’avança au milieu du vestibule, et ne paraissait pas encore plus qu’un homme ordinaire, seulement sa mise était un peu bizarre : il avait sous son manteau un pourpoint de velours blanc avec des taillades en satin écarlate ; un joyau à l’oreille, avec de grosses bouteilles à ses souliers, et tenait à la main un mouchoir, qu’il appuyait parfois sur son côté gauche. — Divine Providence ! » dit Wildrake en se rapprochant d’Éverard, et en lui parlant bas à l’oreille d’une voix que la terreur rendait tremblante, sentiment très extraordinaire chez cet audacieux jeune homme, et qui semblait le dominer… « il faut que ce soit le pauvre Dick Robison, le comédien, dans le costume même où je lui ai vu jouer Philaster[2]… Oui, et même après j’ai bu bouteille avec lui à la Syrène ! Je me rappelle les joyeux propos que nous avons tenus ensemble, et toutes ses petites manières fantastiques. Il servit son vieux maître Charles dans la compagnie de Mohum, et j’avais entendu dire qu’il avait été assassiné par ce chien de boucher, après la bataille de Naseby. — Chut ! j’en ai entendu parler, dit Éverard : pour l’amour de Dieu, laisse-lui achever son histoire… Cet inconnu t’a-t-il parlé, l’ami ? — Oui, monsieur, d’un ton de voix agréable, mais un peu emphatique dans la prononciation, et qui ressemblait moins à une conversation ordinaire qu’au ton d’un avocat qui parlerait devant un auditoire nombreux, ou un prédicateur en chaire. Il demanda à voir le major-général Harrison. — Il la demandé ! dit Éverard, qui payait aussi tribut à l’esprit du temps qui, on le sait, portait à voir en toutes choses une puissance surnaturelle… Qu’avez-vous fait alors ? — Je montai au salon pour prévenir le major que quelqu’un désirait le voir. Il tressaillit, et se hâta de me demander des détails sur l’habillement de l’étranger, à peine l’eus-je fait, et lui eus-je parlé du joyau qu’il portait à l’oreille, qu’il s’écria : « Au diable ! Dis-lui que je refuse de lui parler ; dis-lui encore que je le défie et le combattrai vaillamment à la grande bataille dans la vallée d’Armageddon, quand la voix de l’ange rassemblera tous les oiseaux qui volent sous la voûte des cieux pour se repaître de la chair du capitaine et du soldat, du cheval de guerre et du cavalier. Enfin, dis au malin esprit que j’ai le pouvoir de différer notre combat, même jusqu’à ce jour, et qu’en ce jour terrible il retrouvera Harrison. » Je revins faire cette réponse à l’étranger, qui me fit une grimace comme n’en fit jamais figure humaine. « Retourne vers ton maître, répliqua-t-il ; dis-lui que ce moment est mon heure ; et que, s’il ne vient pas me parler, je vais monter moi-même ; dis-lui que je lui ordonne de descendre, et la preuve en est que, sur le champ de bataille de Naseby, il n’a point mis négligemment la main à l’ouvrage. — J’ai entendu dire, » marmotta Wildrake, qui ressentait de plus en plus violemment la contagion de la superstition, « qu’Harrison prononça ces mots par blasphème lorsqu’il tira sur mon pauvre ami Dick. — Qu’arriva-t-il ensuite ? dit Éverard. Songe à dire la vérité. — Je dis aussi vrai qu’un évangile sans commentaire, répliqua l’Indépendant ; mais mon histoire tire à sa fin. Je vis descendre mon maître, la figure blême, mais l’air résolu ; quand il entra dans le vestibule et qu’il aperçut l’étranger, il s’arrêta. L’étranger se dirigea vers la porte, en lui faisant signe de le suivre. Mon digne patron y semblait tout disposé ; mais il s’arrêta encore lorsque l’inconnu, homme ou diable, revint et dit : Écoute ta sentence :

Par le chemin sans trace et par le vert bocage,
Ami, c’est ton destin de suivre mon voyage ;
De me suivre aux rayons de Phœbé qui nous luit ;
De me suivre à travers les ombres de la nuit ;
De me suivre toujours, voilà ta destinée :
Je t’en conjure, au nom d’une plaie incarnée.
Et par les derniers mots que prononce un mourant,
Alors qu’il va descendre au fond du monument.

À ces mots il ressortit, et mon maître le suivit dans la forêt… Je les accompagnai à distance ; mais quand je m’approchai, mon maître était seul et se démenait comme vous voyez maintenant. — Tu as une merveilleuse mémoire, l’ami, » dit le colonel froidement, « pour avoir si bien retenu ces vers que tu n’as entendus qu’une fois. Il me semble que tout cela était convenu d’avance. — Que je n’ai entendus qu’une fois, mon honorable monsieur !.. Hélas ! ces vers ne sortent guère de la bouche de mon pauvre maître quand il est moins triomphant, ce qui arrive quelquefois dans ses luttes avec Satan. Mais je les ai entendu réciter avant par un autre ; et, à vrai dire, mon maître semble toujours les répéter malgré lui, comme un enfant récite une leçon, et comme s’ils ne lui étaient pas rappelés par sa propre mémoire, pour me servir de l’expression du psalmiste. — C’est étrange ! ajouta Éverard… J’ai bien entendu dire que les esprits des gens assassinés avaient un singulier pouvoir sur leurs assassins ; mais je ne puis croire qu’avec peine qu’il y ait du vrai dans de pareil contes… Roger Wildrake, de quoi as-tu peur ?… pourquoi t’agiter ainsi ? — Peur ! Ce n’est pas peur… c’est haine, haine à mort… Je vois le meurtrier du pauvre Dick devant moi… et, regarde, il se met en posture de défense… Pa… pa… parle, chien de boucher : tu ne manqueras point d’antagonistes. »

Avant qu’il fût possible de l’arrêter, Wildrake se débarrassa de son manteau, tira son épée, et d’un seul saut franchit la distance qui le séparait d’Harrison, et croisa sa lame avec la sienne, qu’il continuait de brandir comme s’il s’attendait à être attaqué en ce moment. Le général républicain se mit aussitôt sur ses gardes ; mais au moment où le fer se croisait, il s’écria : « Ha ! je te tiens maintenant, tu es venu en corps à la fin… sois le bienvenu ! le bienvenu ! le glaive du Seigneur et de Gédéon ! — Séparons-les ! séparons-les ! » s’écria Éverard, tandis que Tomkins et lui, étonnés d’abord d’un combat si promptement décidé, se hâtaient de les arrêter. Éverard, saisissant le Cavalier, le fit reculer de force, tandis que Tomkins s’efforçait à grand’peine et à ses risques d’empoigner l’épée d’Harrison, le général s’écriant toujours : « Ha ! deux contre un… deux contre un !… c’est ainsi que combattent les démons. » Wildrake, de son côté, proférait d’horribles jurements, et criait : « Markham, vous avez effacé de mon cœur toutes les obligations que je vous devais… elles sont toutes perdues… oubliées, diable m’emporte ! — Il est vrai, dit Éverard, que vous les avez bien rarement acquittées. Qui sait comment on expliquera cette affaire ? qui en rendra-t-on responsable ? — J’en répondrai avec ma vie, répliqua Wildrake. — Voyons, silence ! dit Tomkins, et laissez-moi faire. Je m’y prendrai de telle sorte que le digne général ne se doutera jamais qu’il a combattu contre un mortel ; tâchez seulement que le Moabite remette sa lame dans le fourreau et reste tranquille. — Wildrake, de grâce, rengaine, dit Éverard, ou sinon, sur ma vie, il faut que tu tournes ton épée contre moi. — Non, par saint George, je ne suis pas encore si fou ; mais je le retrouverai un autre jour. — Toi, un autre jour ! » s’écria Harrison dont les yeux étaient encore fixés sur la place où il avait rencontré une résistance si opiniâtre. « Oui, je te connais bien ; chaque jour chaque semaine, tu m’adresses un aussi lâche défi, car tu sais que mon cœur frissonne à ta voix… Mais ma main ne tremble pas quand elle rencontre la tienne… l’esprit est fort au combat, si la chair y est faible quand elle lutte contre ce qui n’est pas chair. — Allons, paix ! pour l’amour du ciel, que ce soit fini ! » dit l’écuyer Tomkins ; puis il ajouta, en s’adressant à son maître : « Il n’y a personne ici, avec la permission de Votre Excellence, que Tomkins et le digne colonel Éverard. »

Le général Harrison, comme il arrive souvent dans les cas de folie momentanée, en supposant qu’il ne fût égaré que par une illusion mentale, quoique fermement et solidement convaincu de la réalité de ses visions, n’était pourtant pas trop disposé à en causer avec des gens qui, il le savait, devaient les regarder comme imaginaires. En cette occasion, il reprit un air de calme et d’aisance parfaite après la violente agitation à laquelle il venait de s’abandonner, ce qui montrait combien il désirait cacher ses véritables sentiments à Éverard, qui ne les eût pas sans doute partagés.

Il salua le colonel profondément et avec cérémonie, parla de la beauté de la nuit qui l’avait engagé à sortir de la Loge et à faire un tour de promenade dans le parc pour jouir d’un temps si agréable. Il prit ensuite Éverard par le bras, et se dirigea avec lui vers la Loge ; Wildrake et Tomkins suivaient de près par derrière et conduisaient les chevaux. Éverard, qui brûlait d’obtenir quelques renseignements sur ces mystérieuses aventures, s’efforça plus d’une fois de ramener Harrison sur ce sujet par quelques questions, mais le général (car les fous ne sont pas toujours bien disposés à s’entretenir de leur erreur mentale) parait toutes les attaques avec habileté, ou demandait du secours à son secrétaire Tomkins, qui était habitué à défendre son maître en toute occasion, ce qui lui avait valu, selon Desborough, l’ingénieux sobriquet de Fibbet.

« Et pourquoi avez-vous tiré l’épée, mon digne général, lui demandait Éverard, lorsque vous faisiez réellement par plaisir une promenade du soir ? — Vraiment, cher colonel, nous vivons dans un temps où il faut veiller les reins ceints, les mèches allumées, et les glaives nus. Le jour approche, croyez-moi ou ne me croyez pas, comme vous voudrez, où il faudra se tenir sur ses gardes pour ne pas se trouver nu et désarmé quand les sept trompettes sonneront : En bottes, en selles ; et que les flûtes de José joueront : À cheval et partez ! — C’est vrai, digne général ; mais il me semble que je vous ai vu faire des passes, tout à l’heure, comme si vous combattiez ? — J’ai une étrange manie, mon cher Éverard, quand je me promène seul et qu’il m’arrive, comme à présent, d’avoir mon épée à la main ; je m’amuse parfois, pour m’exercer, à porter des bottes contre des arbres. C’est un sot orgueil aux hommes de porter des armes. J’avais la réputation d’être excellent tireur, et j’ai obtenu des prix dans des assauts d’armes, avant d’être régénéré, avant d’être appelé à participer au grand ouvrage, lorsque j’entrai comme simple soldat dans le premier régiment de cavalerie de notre général victorieux. — Mais il me semble, dit Éverard, que j’ai entendu une lame se croiser avec la vôtre ? — Comment ! une épée se croiser avec la mienne ? Qui ce pouvait-il être, Tomkins ? — Ma foi, monsieur, c’était peut-être une branche d’arbre ; il y en a de toutes les espèces ici, et Votre Honneur peut avoir donné dans une branche de l’arbre que les Brésiliens appellent bois de fer, et qui, frappé avec un marteau, dit Purchas dans son Voyage, retentit comme le marteau sur l’enclume. — Ma foi ! je crois que tu as raison ; car ces souverains que l’on a fait déguerpir ont rassemblé dans cette résidence de plaisir une foule d’arbres et de plantes étrangères, quoiqu’ils n’aient pas recueilli le fruit de cet arbre qui en porte de douze espèces, et dont les feuilles sont la guérison des nations.

Éverard continua ses objections ; car il était frappé de la manière dont Harrison éludait ses questions et de la dextérité avec laquelle il étendait ses connaissances transcendantes et exaltées comme une roue sur les plus sombres visions qu’excitaient les remords et la conscience du crime.

« Mais, dit-il, si je puis en croire mes yeux et mes oreilles, je suis forcé de vous avouer que vous aviez réellement un adversaire… même, je suis sûr d’avoir aperçu le drôle, en jaquette noirâtre, se retirer au travers du bois. — Dites-vous vrai ? » demanda Harrison d’un ton de surprise, tandis que sa voix tremblait en dépit de lui-même. « Qui pouvait-ce être ?… Tomkins, avez-vous vu le drôle dont parle le colonel, avec la serviette dans sa main… la serviette sanglante qu’il appuyait toujours sur son côté ? »

Cette dernière expression qui dépeignait l’adversaire d’Harrison d’une manière toute différente de ce que venait de dire Éverard, mais conforme au portrait qu’avait tracé d’abord Tomkins du prétendu spectre, eut plus de force sur Éverard pour le confirmer dans la réalité de l’histoire contée par le secrétaire, que tout ce dont il avait été témoin, ou ce qu’il avait entendu. Tomkins répondit à la demande aussi vite que d’ordinaire, en disant qu’en effet il avait aperçu un individu se glisser près d’eux dans les buissons… qu’il osait affirmer que c’était un traqueur de daims, car il savait qu’ils étaient devenus d’une excessive audace.

« Regardez donc par ici, maître Éverard, » dit Harrison, se hâtant de changer la conversation, « et répondez : N’est-il pas temps enfin de laisser de côté nos controverses, et de nous donner la main pour réparer les brèches de Sion ? Je serais heureux et content, mon excellent ami, d’être, en cette occasion, un gâcheur de mortier, de porter la hotte même, sous les ordres de notre grand chef avec qui la Providence a travaillé dans cette importante controverse nationale ; et vraiment, je suis dévoué à ce point à notre excellent et victorieux général Olivier… puisse le ciel lui accorder longue vie !… que s’il me l’ordonnait, je ne me ferais pas scrupule de culbuter de son haut fauteuil l’homme qu’on appelle orateur, comme j’ai poussé de mes pauvres mains pour culbuter celui qu’on appelle roi… C’est pourquoi, sachant que vos opinions s’accordent avec les miennes à ce sujet, laissez-vous engager amicalement d’agir en bon frère pour relever les ruines et rétablir les remparts de notre Sion anglaise, où nous servirons sans doute de piliers et d’arcs-boutants, sous notre excellent lord général, pour supporter et soutenir l’édifice ; où nous serons dotés des revenus et des bénéfices convenables, tant spirituels que temporels, nous servant de piédestal pour nous établir, attendu qu’autrement nos fondations seraient bâties sur le sable mouvant. Néanmoins, » confirma-t-il, son esprit abandonnant ses projets d’ambition temporelle pour revenir à ses rêves de la cinquième monarchie, « toutes ces choses ne sont que vanité en comparaison de l’ouverture du livre qui est scellé ; car le moment approche où on verra briller l’éclair, où le tonnerre retentira, et où s’échappera de l’abîme sans fond le grand dragon qui y est enchaîné. »

Avec ce concours de phrases de politique mondaine et de prédictions fanatiques, Harrison dompta si bien le colonel Éverard, qu’il ne lui laissa point le temps de le presser davantage sur les détails de son duel nocturne, quoiqu’il fût évident qu’il redoutait d’autres interrogations. Ils arrivèrent alors à la Loge de Woodstock.


  1. Fameux prédicateur d’alors. a. m.
  2. Drame de Beaumont et Fletcher. a. m.