Georges-Louis Leclerc de Buffon, De la figuration des minéraux

1788

in Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan, 1884




HISTOIRE NATURELLE DES MINÉRAUX




DE LA FIGURATION DES MINÉRAUX.


Comme l’ordre de nos idées doit être ici le même que celui de la succession des temps, et que le temps ne peut nous être représenté que par le mouvement et par ses effets, c’est-à-dire par la succession des opérations de la nature, nous la considérerons d’abord dans les grandes masses qui sont les résultats de ses premiers et grands travaux sur le globe terrestre ; après quoi nous essaierons de la suivre dans ses procédés particuliers, et tâcherons de saisir la combinaison des moyens qu’elle emploie pour former les petits volumes de ces matières précieuses, dont elle paraît d’autant plus avare qu’elles sont en apparence plus pures et plus simples ; et, quoiqu’en général les substances et leurs formes soient si différentes qu’elles paraissent être variées à l’infini, nous espérons qu’en suivant de près la marche de la nature en mouvement, dont nous avons déjà tracé les plus grands pas dans ses époques, nous ne pourrons nous égarer que quand la lumière nous manquera, faute de connaissances acquises par l’expérience encore trop courte des siècles qui nous ont précédés.

Divisons, comme l’a fait la nature, en trois grandes classes toutes les matières brutes et minérales qui composent le globe de la terre ; et d’abord considérons-les une à une, en les combinant ensuite deux à deux, et enfin en les réunissant ensemble toutes trois.

La première classe embrasse les matières qui, ayant été produites par le feu primitif, n’ont point changé de nature, et dont les grandes masses sont celles de la roche intérieure du globe et des éminences qui forment les appendices extérieurs de cette roche, et qui, comme elle, sont solides et vitreuses : on doit donc y comprendre le roc vif, les quartz, les jaspes, le feldspath, les schorls, les micas, les grès, les porphyres, les granits et toutes les pierres de première et même de seconde formation qui ne ne sont pas calcinables, et encore les sables vitreux, les argiles, les schistes, les ardoises et toutes les autres matières provenant de la décomposition et des débris des matières primitives que l’eau aura délayées, dissoutes ou dénaturées.

La seconde classe comprend les matières qui ont subi une seconde action du feu, et qui ont été frappées par les foudres de l’électricité souterraine ou fondues par le feu des volcans, dont les grosses masses sont les laves, les basaltes, les pierres ponces, les pouzzolanes et les autres matières volcaniques, qui nous présentent en petit des produits assez semblables à ceux de l’action du feu primitif ; et ces deux classes sont celles de la nature brute, car toutes les matières qu’elles contiennent ne portent que peu ou point de traces d’organisation.

La troisième classe contient les substances calcinables, les terres végétales, et toutes les matières formées du détriment et des dépouilles des animaux et des végétaux, par l’action ou l’intermède de l’eau, dont les grandes masses sont les rochers et les bancs des marbres, des pierres calcaires, des craies, des plâtres, et la couche universelle de terre végétale qui couvre la surface du globe, ainsi que les couches particulières de tourbes, de bois fossiles et de charbons de terre qui se trouvent dans son intérieur.

C’est surtout dans cette troisième classe que se voient tous les degrés et toutes les nuances qui remplissent l’intervalle entre la matière brute et les substances organisées ; et cette matière intermédiaire, pour ainsi dire mi-partie de brut et d’organique, sert également aux