Maurice Renard, L’Homme truqué dans Je sais tout, mars 1921, pages 315 - 321 1921


I.

ÉPILOGUE.



Le corps fut trouvé par les gendarmes Mochon et Juliaz, des brigades de Belvoux. Ils rentraient, au petit jour, d’une tournée de surveillance, et, venant, de Salamont, ils chevauchaient sur la route départementale, lorsque, à six kilomètres de Belvoux, dans le bois des Thiots, ils aperçurent la chose lugubre.

L’aube était grise. La pluie, qui tombait depuis plusieurs jours, n’avait cessé que la veille au soir. Un vent aigre plissait l’eau des flaques et tourmentait les feuillages éclaircis. Retenu par une touffe de chardons, un mouchoir palpitait. On voyait de loin des objets par terre et, sur le bas-côté, la forme noire et blanche d’un homme étendu.

Les gendarmes, avec l’expérience de la guerre et du métier, savaient déjà que l’homme était mort. Ils mirent pied à terre à distance, les chevaux furent attachés à un poteau télégraphique, et les deux compagnons s’approchèrent du cadavre en prenant soin de marcher sur l’herbe, afin de ne brouiller aucune trace.

— Eh bien !… C’est le docteur Bare, dit Juliaz.

L’autre regardait en silence.

— C’est vrai que vous êtes nouveau, reprit Juliaz. Voilà : c’est un médecin de Belvoux.

Ils avaient devant eux le corps d’un homme dans toute sa force, un grand gaillard de trente à trente-cinq ans, couché sur le dos, face au ciel, le front troué d’une balle. Il était nu-tête et sans paletot, mais ganté de gros gants de sport. Ses vêtements avaient été déboutonnés ; le contenu de ses poches retournées gisait sur le sol de ci, de là : montre, porte-monnaie, étui à cigarettes, briquet, trousse, stylographe, etc.

Mochon ramassa près du mort un revolver ; le chargeur était plein, une cartouche occupait le tonnerre, l’intérieur du canon luisait ; l’arme, par conséquent, n’avait pas servi.

— Un crime, fit Mochon. Mais le mobile n’est pas le vol. Cet argent, ces billets…

— On ne peut pas dire. Ainsi, il devait avoir un carnet, un agenda, ce docteur, et nous n’en voyons pas. Il pouvait avoir sur lui bien des choses que nous ne savons pas…