Arthur Halbert (d'Angers), Extrait du programme de la Marche des Bœufs Gras 1865


TESTAMENT DU BŒUF GRAS


Air du jus de la Treille


1
Vous que je vois tout en nage, hors d’haleine,
Risquer, hélas ! vos cors et vos oignons,
Sous l’escarpin d’un limousin sans gêne,
Planté d’aplomb, les poings sur les rognons ;
C’est pour juger si j’ai belle encolure,
Pour supputer ce qu’enferme ma peau,
Et si je fais, bonne ou triste figure,
Durant ces jours où l’on m’a fait si beau.


Refrain

Mon parti, je le prends en brave,
À tous doit servir mon trépas ;
Plus d’un jobard, dont l’œil me brave,
Ignore à quoi sert un bœuf gras ?
Eh ! ra ta plan ! en avant musique,
Sans chagrin suivons mon destin.
Eh ! ra ta plan, au moment critique,
J’ai pour tous un riche butin.


2
Mes aloyaux, entre-côtes et tranches,
Rosbifs, biftecks, ou mon gît à la noix,
Ne doivent pas vous faire les dents blanches,
Car avant vous d’autres en ont fait choix
N’en pleurez pas, vous aurez votre compte,
Bête inutile on m’utilisera,
Humanité, je le dis à ta honte,
Aux survivants mon trépas servira.
   Mon parti, etc.


3
Bouilli, braisé, rôti, quand cent mâchoires
Auront à nu dépouillé tous mes os,
Lorsque cuillers, fourchettes, écumoires,
Lassés d’agir, seront tous au repos,
Le chiffonnier, ramassant mon squelette,
Vous dotera, sans fatigue et sans mal,
Du bon cirage utile à la toilette
Et d’encre issus de mon noir animal.
   Mon parti, etc.


4
Mes nerfs auraient offensé vos quenottes :
À la chaudière !... allons ! pas de merci !
Si j’ai fourni de quoi cirer vos bottes,
Qu’ils soient donc colle et gélatine aussi
À l’industrie, aux arts, vivat ! j’assure
L’indispensable aux plus riches produits.
Prends ma moelle ? lorette, ta coiffure
Lui redevra l'éclat aux bals de nuits.
   Mon parti, etc.


5
Durant quatre ans j’ai