M. Guyot des Fontaines, Le vain usage de la vie (Ode) dans Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris 1817



LE VAIN USAGE DE LA VIE.




ODE.




Faut-il que d’une main avare
Le ciel ait mesuré nos jours,
Et que la nature barbare
En termine si-tôt le cours ?
Une [en vain] est longue carrière
Séduit nos yeux à la barrière ;
Bientôt le terme est aperçu ;
Vainement on voudrait poursuivre,
À peine songe-t-on à vivre
Qu’il faut songer qu’on a vécu.

Mortels ingrats, rendons justice
Aux dieux auteurs de notre sort :
N’imputons point à leur caprice
Les pas empressés de la mort.
Tems précieux, nos ames folles,
Dans mille amusemens frivoles,
Nous font sans cesse évanouir ;
Et prodigues de ces années
Que nous comptent les destinées,
Nous les comptons sans en jouir.

Toi, de qui l’ame est asservie
Sous le joug de la volupté,
Qui cent fois profanas ta vie,
Sais-tu jouir de la clarté ?
Voici la mort qui te menace :
Pourquoi te plaindre de l’espace
Que le ciel t’a fait parcourir ?