Calmann-Lévy éditeurs (p. 1-25).

VOUS SEREZ
COMME DES DIEUX


XXI

— Monsieur l’abbé, — dit la maîtresse de maison, sa tasse de thé à la main, en s’adressant au célèbre abbé Parochin, — j’aimerais savoir de vous quel est le plus grand péché.

Le prêtre, qui n’avait pas accepté une friandise et se chauffait au coin du feu, sans cesse menacé par une laryngite et toujours transi dans les salons les plus tièdes, tourna vers Juliette Clergeon son visage maigre et fatigué ; mais avant qu’il n’eût ouvert la bouche, une voix partit de la petite bibliothèque voisine où trois personnes, que l’on voyait attablées à un guéridon, mangeaient des gâteaux.

— C’est le mensonge, ma chère !

La jeune femme qui avait ainsi répondu avec tant d’assurance regarda de ses yeux dominateurs ses deux voisins : Paul Clergeon, le romancier, et un garçon d’une trentaine d’années aux cheveux déjà gris, à la physionomie masquée par de larges lunettes noires. Elle était la femme de Jérôme Houssenin-Charles, le fabricant d’autos bien connu, qui à ce moment écrasait le sucre dans sa tasse. Il grommela :

— Le mensonge, le mensonge ! Valentine est toujours la même avec son intransigeance. Mais un brin de mensonge ne messied pas aux dames, par exemple. Un être qui ne ment jamais, on en a tout de suite fait le tour ; il n’a pas d’imprévu, pas de mystère. Parlez-moi de ces créatures suaves et énigmatiques dont les lèvres ne laissent pas tomber un mot de vrai, dont on cherche incessamment l’âme introuvable, les sphinx enfin, les seuls charmants, les seuls troublants.

— Mais il est épouvantablement pervers, ce gros Jérôme ! prononça, d’une voix un peu saccadée et coquette d’homme qui s’écoute, Florentin Zacharie, l’auteur de Zizi ou la petite fille sans tête.

C’était un grand diable au teint bilieux, aux longues moustaches tombant à la chinoise, vieux garçon ayant passé la quarantaine et que Juliette Clergeon voulait marier à tout prix. Il posa ses deux poings sur les épaules du fabricant d’autos, qui était de petite taille, et continuant de le bafouer doucement : Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/15 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/16 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/17 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/18 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/19 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/20 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/21 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/22 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/23 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/24 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/25 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/26 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/27 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/28 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/29 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/30 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/31 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/32 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/33 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/34 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/35 Page:Yver - Vous serez comme des dieux.djvu/36 solliciteuses. Elle prononça d’un ton si bas qu’il fallut la prier de répéter :

La Chanson du Printemps.

— Très joli, dit Paul Clergeon, nous y songerons, nous y songerons.

— Je te remercie, fit Blaise en lui prenant les mains. |

— Eh ! mon cher !…