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LIVRE CINQUIÈME



CHAPITRE PREMIER

Des différences que présentent les organes et les facultés dans une même espèce ; principe général de ces différences ; erreur des anciens naturalistes ; du sommeil des enfants, soit dans le sein de la mère, soit après la naissance ; citations des Descriptions anatomiques ; rêves des enfants ; somnambules ; des yeux bleus chez les enfants ; de la diversité des couleurs de l’œil ; fausse théorie d’Empédocle, citations du Traité de la Sensation et du Traité de l’Âme ; des yeux noirs et des yeux bleus ; vue plus ou moins bonne dans le jour ou dans la nuit ; quantité plus ou moins grande de liquide dans l’œil ; maladies des yeux, glaucome, nyctalopie ; épiderme de la cornée ; changements que l’âge amène dans la vue ; singularité d’un des yeux qui est seul à être bleu ; de la longueur et de l’acuité de la vue ; de la vue courte ; c’est la position de l’œil qui fait ces différences ; théorie générale de la vision expliquée par le mouvement. Résumé partiel.


§ 1[1]. Il nous faut étudier maintenant les différences que les parties diverses des animaux présentent entre elles. Par les différences des parties, j’entends, par

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exemple, que les yeux peuvent être bleus ou noirs, que la voix peut être aiguë ou grave, comme j’entends aussi que les couleurs du corps, des poils ou des plumes, peuvent être différentes. § 2[2]. Il y a de ces diversités qui appartiennent à des espèces tout entières ; d’autres sont réparties au hasard ; et c’est là surtout ce qui a lieu dans l’espèce humaine. Parfois, les diversités qui tiennent aux changements que l’âge amène affectent également tous les animaux sans exception ; d’autres sont tout le contraire, comme celles qui affectent la voix et la couleur des poils. Ainsi, il y a des animaux que la vieillesse ne blanchit pas sensiblement ; mais l’homme est de tous les animaux celui qui blanchit le plus. § 3[3]. Il y a aussi de ces différences qui se marquent immédiatement après la naissance ;

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d’autres ne se manifestent qu’avec l’âge et la vieillesse. On ne peut certes pas admettre que la cause de toutes ces diversités, si nombreuses et si frappantes, soit la même. Quand ces différences ne sont pas communes à tous les animaux d’une certaine nature, ou qu’elles ne sont pas particulières à chaque espèce d’animal, c’est qu’alors ce n’est pas en vue de quelque fin qu’elles existent telles qu’elles sont, ou qu’elles se produisent. L’œil a une fin très précise ; mais qu’il soit bleu, ce n’est pas en vue d’une fin quelconque, à moins que cette affection ne s’étende à toute une espèce. § 4[4]. Quelques-unes de ces diversités ne se rapportent pas à la définition et à l’essence de l’animal ; mais, pour les causes d’où elles dépendent nécessairement, il faut les voir dans la matière et dans le principe moteur. Ainsi que nous l’avons dit en commençant ces études, dans toutes les œuvres régulières

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et bien définies de la Nature, ce n’est pas parce qu’un être a acquis telle qualité, que cette qualité est la sienne ; mais c’est bien plutôt parce qu’il est primitivement de telle espèce qu’il acquiert ensuite les qualités que nous lui voyons. Le développement de l’être est la suite de son essence et est fait pour cette essence ; mais l’essence n’est pas la suite du développement. § 5[5]. Les anciens Naturalistes ont pensé tout le contraire. Leur erreur est venue de ce qu’ils n’ont pas vu que les causes sont très multiples ; et qu’ils ne se sont arrêtés qu’aux deux seules causes de la matière et du mouvement. Celles-là même, ils ne les ont comprises que confusément ; et les deux causes de la définition essentielle et de la fin ont complètement échappé à leur attention. Chaque chose a sa fin propre ; c’est par cette cause et par les autres que se développe

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tout ce qui est renfermé dans la définition de chaque être, tout ce qui existe en vue d’une certaine fin, ou l’être auquel cette fin s’applique. Pour tout ce qui se produit en dehors de cet ordre, il faut en chercher uniquement la cause dans le mouvement et dans le développement, aussi bien que dans l’organisation même des êtres qui contractent la différence en question. Ainsi, l’animal aura nécessairement un œil si l’on suppose qu’il est d’une espèce qui a des yeux ; un animal a nécessairement des yeux faits de telle ou telle façon ; mais cette nécessité n’est pas la même que celle en vertu de laquelle l’animal doit naturellement faire ou souffrir telles ou telles choses.

§ 6[6]. Ces points une fois fixés, voyons les conséquences qui en sortent. D’abord, dans toutes les espèces, quand les jeunes viennent de naître, et spécialement les petits qui sont incomplets, ils sont le plus souvent endormis. Même dans le sein de la mère, ils continuent

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encore à dormir après avoir reçu la sensibilité. On peut se demander si, au moment même de la naissance, les animaux sont éveillés avant de dormir ; car comme ils sont évidemment plus éveillés à mesure qu’ils grandissent, on est amené à supposer qu’au début de leur naissance ils étaient dans un état contraire, c’est-à-dire, dans le sommeil. § 7[7]. A ce premier motif, on peut en ajouter un autre, c’est que, pour arriver du non-être à l’être, il faut passer par l’état intermédiaire. Or, il semble que le sommeil est par sa nature un intermédiaire de ce genre ; il est sur les confins de la vie et de la mort ; et d’un homme endormi, il est également difficile de dire qu’il n’est pas

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ou qu’il est. La veille semble être plus particulièrement la vie, à cause de la sensibilité qu’elle nous rend. Si c’est une nécessité que l’animal ait essentiellement la faculté de sentir, et s’il n’est vraiment animal que du moment même où il commence premièrement à sentir, il faut penser que l’état initial du jeune, s’il n’est pas tout à fait le sommeil, est quelque chose qui y ressemble beaucoup ; et c’est aussi l’état de toutes les plantes. § 8[8]. A ces premiers moments, on peut dire des animaux qu’ils ont la vie du végétal. Pourtant, il est bien impossible que les plantes puissent sommeiller ; car il n’y a pas de sommeil sans réveil, et l’état dans lequel la plante se trouve est sans réveil, bien qu’il soit rapproché du sommeil. Les jeunes animaux doivent dormir presque tout le temps, parce que la croissance et le poids se trouvent dans les parties supérieures du corps. Nous avons expliqué dans

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d’autres ouvrages que c’est bien là la cause qui les fait dormir. § 9[9]. Quoi qu’il en soit, les foetus semblent être éveillés même dans le sein de la mère. On peut s’en convaincre par l’Anatomie, et en voyant ce qui se passe pour les petits des ovipares. Ils se mettent à dormir aussitôt après la naissance, et ils s’affaissent de nouveau. C’est pour cela aussi que, même après avoir vu le jour, ils dorment presque tout le temps. Une fois éveillés tout à fait, les enfants ne rient pas encore ; c’est seulement dans leur sommeil qu’ils pleurent et qu’ils rient. Cela tient à ce que les animaux ont des sensations même quand ils dorment ; et ce ne sont pas uniquement ce qu’on appelle des rêves, comme sont les gens qui se lèvent tout en dormant

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et qui font beaucoup de choses, sans rêver le moins du monde. § 10[10]. En effet, il y a des gens qui, quoique endormis, se lèvent et marchent, les yeux tout grands ouverts, comme s’ils étaient éveillés. Ils sentent fort bien ce qui se passe autour d’eux ; pourtant, ils ne sont pas éveillés, et ils ne sont pas davantage en état de rêve. Les enfants semblent en quelque sorte ignorer qu’ils veillent, par l’habitude qu’ils ont prise de sentir et de vivre en dormant. Mais avec le progrès du temps, et grâce à leur croissance, qui passe à la partie inférieure du corps, ils s’éveillent de plus en plus, et ils restent pendant plus en plus de temps dans cet état de veille. Mais, tout d’abord, ils demeurent plus endormis que tous les autres animaux, parce qu’ils

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naissent les plus imparfaits des animaux parfaits, et que leur croissance se fait, à ce moment, par le haut du corps.

§ 11[11]. Dans tous les enfants, les yeux sont plus bleus aussitôt après la naissance ; puis, ils changent ensuite, pour prendre la couleur qui leur est naturellement propre. Si ces changements ne sont pas aussi apparents chez les autres animaux, cela tient à ce que, chez eux, les yeux sont le plus ordinairement d’une seule couleur. Ainsi, les bœufs ont des yeux noirs ; les moutons ont toujours les yeux verdâtres, de la nuance de l’eau ; d’autres espèces ont, tout entières, des yeux bruns ou bleus ; d’autres les ont de la couleur des yeux du bouc ; et c’est ainsi que toute l’espèce des chèvres les a de cette façon. § 12[12]. Au contraire, chez les hommes, la couleur des yeux varie infiniment ; ils sont bleus, azurés, noirs ; d’autres sont jaunes, comme

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ceux du bouc. De même que, dans une espèce, les animaux ne diffèrent pas les uns des autres, de même les deux yeux ne diffèrent pas entre eux. Naturellement, ils n’ont qu’une seule et unique couleur. Mais le cheval, seul entre les autres animaux, a le plus souvent les yeux de différente couleur ; car on voit assez souvent des chevaux dont les yeux ont des couleurs diverses, l’un des deux étant bleu. § 13[13]. On ne remarque rien de pareil chez les autres animaux ; mais il y a quelques hommes qui n’ont qu’un œil bleu. En cherchant à s’expliquer pourquoi chez les autres animaux, jeunes ou vieux, les yeux ne changent pas sensiblement, et pourquoi ce changement a lieu chez les enfants, on peut en trouver une raison suffisante dans ce fait que, chez les uns, l’organe de l’œil n’a qu’une seule couleur, tandis que chez les

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autres il en a plusieurs. Que les yeux des enfants soient plus bleus et qu’ils n’aient pas d’autre couleur que celle-là, cela tient à ce que les organes de ces petits êtres sont faibles ; et la couleur bleue est une sorte de faiblesse dans la nuance.

§ 14[14]. Mais il nous faut rechercher, d’une manière générale, la cause qui amène cette différence dans la couleur des yeux, et qui fait que les uns sont bleus, les autres azurés, d’autres jaunes comme ceux du bouc, et que d’autres enfin sont noirs. On ne saurait admettre avec Empédocle que les yeux bleus sont ignés et que les yeux noirs ont plus d’eau que de feu, et que c’est là ce qui fait que les yeux bleus voient moins bien le jour, faute d’eau, et que les yeux noirs voient moins bien la nuit, faute de feu. C’est là une opinion qui n’est pas du tout exacte, parce que, chez tous les animaux, la vue n’est pas du feu, mais de l’eau. § 15[15]. Du reste il est possible de trouver encore une autre cause à ce changement de couleurs. Mais si, comme on l’a dit antérieurement dans le Traité des Sensations, et, même avant ce traité, dans celui de l’Âme, cet organe est de l’eau ; et si l’on a bien expliqué pourquoi il est de l’eau, et non de l’air ou du feu, on doit admettre que c’est là aussi la cause des variétés que nous venons de signaler. § 16[16]. Certains yeux ont plus

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d’eau qu’il n’en faut pour leur mouvement régulier ; d’autres en ont moins ; d’autres en ont la juste proportion. Les yeux qui ont beaucoup d’eau sont noirs, parce que les choses accumulées sont peu diaphanes ;

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mais les yeux qui ont peu d’eau sont bleus. C’est un phénomène qu’on peut voir se répéter pour la mer. Quand elle est transparente, elle paraît bleue ; quand elle l’est moins, elle semble de l’eau ordinaire ; et quand sa profondeur est insondable, elle est noire ou d’un bleu excessivement foncé. De même, les yeux qui ont des couleurs intermédiaires diffèrent entre eux du plus au moins. § 17[17]. C’est encore cette même cause qui doit faire que les yeux bleus n’ont pas une vue perçante pendant le jour, ni les yeux noirs pendant la nuit. Les yeux bleus, qui ont peu de liquide, sont plus agités par l’effet de la lumière et des objets qu’elle fait apercevoir, en tant qu’il y a en eux du liquide et du diaphane. Or, le mouvement de cet organe, c’est la vision, en tant que diaphane, mais non pas en tant que liquide. Mais les

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yeux noirs reçoivent moins de mouvement, à cause de la quantité d’eau qu’ils contiennent. La lumière de la nuit est d’ailleurs très faible ; et, en même temps, l’eau de l’œil a beaucoup de peine à se mouvoir pendant la nuit. Elle doit donc ne pas rester tout à fait sans mouvement, ni se mouvoir plus qu’il ne faut, pour demeurer diaphane, parce qu’un mouvement plus fort en arrête un plus faible. § 18[18]. C’est là ce qui fait que, passant d’une couleur très vive à une moins forte, on cesse de voir, de même que quand on passe de l’éclat du soleil aux ténèbres. Le mouvement violent qui est dans l’œil empêche celui du dehors ; et, en général, ni une vue forte ni une vue faible ne peuvent regarder les objets trop lumineux, parce que la partie liquide

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de l’œil est affectée par un mouvement plus vif qu’il ne faut.

§ 19[19]. Les maladies de ces deux espèces de vue prouvent bien la vérité de ce que nous disons ici. Le glaucome attaque surtout les yeux bleus, et la nyctalopie attaque plus particulièrement les yeux noirs. Le glaucome est une sécheresse des yeux plus que toute autre chose ; et c’est surtout aux vieillards qu’il survient ; car aux approches de la vieillesse, cette partie du corps se dessèche comme toutes les autres. La nyctalopie, au contraire, est une surabondance du liquide ; et ce sont plutôt les jeunes gens qui en sont affectés, parce que le cerveau est chez eux plus liquide. § 20[20]. La

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vue la meilleure est celle qui tient le milieu entre le trop d’eau et le trop peu. Comme l’eau y est en petite quantité, elle n’est pas de force à troubler et à empêcher le mouvement des couleurs ; et elle ne gêne pas davantage le mouvement par son abondance. Mais ce ne sont pas uniquement les causes qu’on vient de dire qui font que l’on voit bien ou qu’on voit mal ; c’est aussi la nature de la peau qui enveloppe ce qu’on appelle la pupille. Cette peau doit être transparente ; et elle est transparente à la condition d’être mince, blanche et bien unie. § 21[21]. Elle doit être mince, pour que le mouvement venu du dehors pénètre sans peine au dedans ; elle doit être unie, pour qu’elle

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ne produise pas d’ombre en se plissant ; et ce qui fait que les vieillards ne voient pas bien, c’est que la peau de l’œil, comme le reste de la peau, vient à se rider et s’épaissit avec les années. Enfin, elle doit être blanche, parce que le noir n’est pas diaphane ; car le noir est précisément ce qui ne laisse point passer la lumière ; et c’est là ce qui fait que les lanternes ne peuvent pas éclairer si on les recouvre d’une enveloppe noire.

§ 22[22]. Ainsi, dans la vieillesse et dans les maladies, toutes ces causes réunies font qu’on ne voit plus bien ; et si les enfants ont au début les yeux bleus, c’est qu’il y a peu d’eau dans leurs yeux. Ce sont surtout les hommes et les chevaux qui ont un des yeux bleu, et c’est par

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la même cause qui fait que les hommes blanchissent. Parmi les autres animaux, il n’y a guère que le cheval dont les poils blanchissent sensiblement dans la vieillesse. § 23[23]. La blancheur des cheveux et la couleur bleue des yeux sont un signe de faiblesse, et de coction imparfaite dans l’humidité du cerveau ; car une légèreté trop grande et une trop grande épaisseur produisent le même effet, par l’insuffisance ou l’excès d’humidité. Lors donc que la Nature ne peut pas répartir également l’humidité en la cuisant dans les deux yeux, ou quand elle ne la cuit pas du tout, ou bien encore qu’elle la cuit dans l’un et qu’elle ne la cuit pas dans l’autre, l’un des deux yeux devient bleu. § 24[24]. D’ailleurs, si certains animaux ont la vue perçante et si les autres

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ne l’ont pas, on peut expliquer cette différence de deux manières. L’acuité d’un sens se comprend de deux façons ; et la différence que nous remarquons pour le sens de la vue se répète aussi pour l’ouïe et pour l’odorat. Ainsi, avoir une vue perçante, c’est, ou voir les choses de fort loin, ou bien encore c’est pouvoir distinguer les moindres détails des objets qu’on regarde. Mais ces deux facultés ne se rencontrent pas toujours ensemble. Par exemple, une personne qui abrite ses yeux avec la main, ou qui, regardant par un tube, ne voit ni mieux ni moins bien les nuances diverses des couleurs, verra cependant de plus loin, comme ceux qui, pour observer les astres, descendent quelquefois dans des trous et dans des puits. § 25[25]. Par conséquent, si un animal a des yeux très proéminents, et que l’eau qui est dans la pupille ne

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soit pas très pure, ni en rapport avec le mouvement venu du dehors, ou bien si la peau de la surface n’est pas mince, cet animal ne distinguera pas très nettement les nuances des couleurs. Mais il verra de loin, tout comme s’il était près, mieux que ceux qui ont l’eau des yeux très pure et bien recouverte, mais qui n’ont pas cet abri faisant ombre devant les yeux. § 26[26]. C’est dans l’œil même que réside la cause qui fait que la vue n’est pas assez perçante pour distinguer les différences. De même que, sur un vêtement parfaitement propre, les taches les plus légères paraissent aisément, de même dans une vue très pure les moindres

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mouvements sont visibles, et causent la perception. C’est la position seule des yeux qui fait qu’on voit de loin, et que le mouvement, venu des objets placés au loin et visibles, arrive jusqu’à l’œil. Ceux qui ont les yeux saillants ne voient pas bien de loin ; ceux, au contraire, qui ont les yeux renfoncés et intérieurs voient de très loin, parce que le mouvement ne s’égare pas dans la largeur, et qu’il suit la ligne droite ; car, s’il n’y a rien au devant des yeux, il faut nécessairement que le mouvement de la lumière se disperse ; il est moindre en tombant sur les objets qu’on voit ; et alors on voit moins bien les objets éloignés.

§ 27[27]. Il n’y a, d’ailleurs, aucune différence à dire que l’on voit, comme quelques naturalistes le soutiennent, parce que la vision vient de l’œil, ou à dire que l’on voit par le mouvement venu des choses vues. De part

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et d’autre, c’est reconnaître nécessairement que la vue vient toujours d’un mouvement. On verrait le mieux possible les objets éloignés si, de l’œil à l’objet vu, il y avait comme une sorte de tuyau continu ; car alors le mouvement parti des choses visibles ne pourrait pas se disperser ni se perdre ; et comme il ne se perdrait pas, plus les choses seraient loin, et plus on les regarderait de loin, mieux on les verrait nécessairement.

§ 28. Telles sont les causes qui peuvent amener des différences dans la vision.

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CHAPITRE II

De l’ouïe et de l’odorat ; finesse et portée de ces deux sens ; citation du Traité des Sensations ; influences diverses qui peuvent agir sur le sens de l’ouïe ; l’état des organes ; l’état de l’air ambiant ; analogie de l’action de l’ouïe et de l’odorat avec l’action de la vue ; conformation des narines des chiens de Laconie ; la longueur et les replis des oreilles contribuent à l’audition ; supériorité et infériorité de l’homme eu égard aux perceptions des sens ; acuité de ses perceptions quand les objets ne sont pas éloignés ; organisation remarquable de l’appareil auditif chez le phoque ; disposition particulière de ses oreilles. — Résumé partiel.


§ 1[28]. On peut répéter pour l’ouïe et pour l’odorat à peu près ce qu’on vient de dire de la vue. Une chose est de bien sentir et de bien entendre les objets de ces deux sens et de les percevoir aussi exactement que possible ; mais c’est autre chose encore d’entendre de loin et de sentir les odeurs à distance. C’est l’organe lui-même qui fait que, comme pour la vue, on juge bien les différences, si cet organe est sain, et que la méninge qui l’entoure soit saine ainsi que lui. § 2[29]. On a vu dans le Traité des Sensations que les conduits de tous

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les organes des sens se rendent au cœur, ou à la partie qui lui correspond, quand le cœur vient à manquer. Le conduit de l’ouïe, qui est l’organe qui sent l’air, se termine là où le souffle naturel produit le pouls chez quelques animaux, et, chez d’autres, l’expiration et l’aspiration. C’est par cet organe aussi que la connaissance des paroles qui ont été prononcées nous permet de reproduire ce qu’on a entendu. § 3[30]. Autant il est entré de mouvement par l’organe de l’ouïe, autant le mouvement est reproduit au moyen de la voix, comme si c’était une seule et même impression de telle sorte qu’on peut redire ce qu’on vient d’entendre. Quand on bâille ou qu’on pousse son souffle, on entend moins bien que quand on aspire, parce que le principe du sens de l’ouïe se trouve sur la partie respiratoire ;

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le principe est agité et mis en mouvement, en même temps que l’organe met le souffle en mouvement de son côté, parce que l’organe qui meut est mû à son tour. Dans les saisons et dans les jours humides, la même affection se produit. On dirait que les oreilles sont remplies de vent, parce qu’elles sont alors proches du principe du lieu du souffle.

§ 4[31]. Ainsi, l’exactitude avec laquelle on juge les différences des sons et des odeurs tient à ce que l’organe est sain et pur, de même que la membrane qui en revêt la surface. Car tous les mouvements qui affectent ces deux sens ne sont pas moins manifestes que ceux de la vue. Sentir ou ne pas sentir de loin se retrouvent ici comme dans l’acte de la vision. Les animaux qui, en avant des organes, ont des espèces de canaux qui s’étendent loin dans ces parties, peuvent sentir de très

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loin. Aussi, les chiens de Laconie, qui ont de longs nez, ont un odorat des plus fins. L’organe étant placé en haut, les mouvements qui viennent de loin ne se dispersent pas ; mais ils arrivent tout droit, comme la lumière arrive à l’œil quand on se fait une ombre avec la main. § 5[32]. De même ceux des animaux qui ont de longues oreilles, pourvues d’un large rebord, comme en ont quelques quadrupèdes, entendent de loin, et aussi, quand ils ont à l’intérieur une longue spirale ; car ce genre d’oreilles prennent le mouvement à grande distance et le transmettent jusqu’à l’organe.

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L’homme, proportionnellement à sa grandeur, est peut-être de tous les animaux le moins bien organisé pour percevoir avec précision les sensations des objets éloignés ; mais c’est celui qui, entre tous, sent le mieux les différences des choses. Ce qui lui donne cette supériorité, c’est que son organe est pur et qu’il est le moins terreux et le moins matériel ; car de tous les animaux, c’est l’homme qui a naturellement la peau la plus fine, relativement à son volume.

§ 6[33]. La Nature n’a pas moins bien fait les choses en ce qui regarde le phoque. Quadrupède et vivipare, cet animal n’a pas d’oreilles, et il n’a que des conduits auditifs. C’est qu’il passe sa vie dans l’eau. Or, la partie protubérante des oreilles est mise en avant des conduits pour recueillir le mouvement de l’air ; qui vient de loin. Une organisation de ce genre n’aurait

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aucune utilité pour le phoque ; mais, au contraire, elle le gênerait, si les oreilles recevaient en elles une grande quantité de liquide.

§ 7[34]. Voilà ce que nous voulions dire ici de la vue, de l’ouïe et de l’odorat.


CHAPITRE III

De la variété des poils et des parties correspondantes ; blancheur des cheveux et calvitie chez l’homme ; citation du Traité des Parties des Animaux ; rapports de la peau à la nature diverse des poils ; dimensions des poils plus longs ou plus courts ; causes de cette différence ; poils doux ou rudes, droits ou frisés ; causes de la frisure sous l’action de la chaleur ou du froid ; effets des années sur la rudesse des poils ; de la calvitie chez l’homme ; analogies qu’on peut remarquer dans la chute des feuilles des végétaux ; annonce d’autres ouvrages ; effets des climats et des saisons ; l’homme a aussi les siennes ; influence des plaisirs sexuels sur la calvitie ; parties de la tête où se produit surtout la calvitie ; les enfants et les femmes ne sont jamais chauves ; feuilles persistantes, feuilles caduques des végétaux ; l’eunuque n’est jamais chauve ; de la répartition des poils sur le corps ; il n’y a pas de périodicité pour l’homme comme pour les végétaux. Résumé partiel.


§ 1[35]. La chevelure présente chez les hommes des différences selon l’âge, dans chaque individu ; elle en

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présente aussi de l’homme aux autres espèces d’animaux qui ont un pelage. Presque tous ceux qui portent en eux-mêmes des petits vivants sont pourvus de poils. Car, chez les animaux mêmes qui ont des piquants en guise de poils, on peut regarder encore ces piquants comme une sorte de poils particuliers, par exemple, les piquants des hérissons de terre et de quelques autres vivipares. § 2[36]. Les différences des poils sont la rudesse ou la douceur, la longueur ou la dimension courte, la direction droite ou couchée, l’abondance ou la rareté. Le pelage diffère aussi par les couleurs qu’il peut avoir, blancheur, noirceur et nuances intermédiaires. Quelques-unes de ces différences peuvent venir simplement de l’âge, selon

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que les animaux sont jeunes ou vieux. § 3[37]. C’est surtout dans l’homme que ces différences se marquent davantage. A mesure que l’homme vieillit, sa chevelure devient plus épaisse. Quelques individus deviennent chauves sur le devant de la tête. Tant que l’homme est enfant, il n’est pas sujet à la calvitie ; les femmes ne la connaissent pas non plus. Mais les hommes, en prenant des années, peuvent devenir chauves, de même que, dans la vieillesse, les cheveux blanchissent. Chez aucun autre animal, pour ainsi dire, on ne remarque rien de pareil ; et c’est le cheval, qui plus que tout autre peut prêter à ces observations. § 4[38]. Chez les hommes, la calvitie atteint le devant de la tête ; et les premiers cheveux blancs qui se montrent sont ceux des tempes. Mais on ne devient jamais chauve aux tempes, ni au derrière de la tête. Les animaux qui n’ont pas de poils précisément, mais qui ont quelque chose d’analogue, comme les oiseaux, qui ont des plumes, et les poissons qui ont des écailles, subissent

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également quelques changements de ce genre, qui ne laissent pas que de les atteindre à peu près de même.

§ 5[39]. Nous avons expliqué antérieurement le but que la Nature s’est proposé en donnant des poils aux animaux ; et c’est en traitant des Parties des Animaux que nous avons présenté ces explications. L’objet de la présente étude sera de faire voir dans quelles conditions, et par suite de quelles nécessités, se produisent toutes les différences dont il s’agit ici.

§ 6[40]. C’est surtout la peau qui fait que les poils sont durs, ou qu’ils sont doux. La peau en effet est épaisse chez les uns, ou mince chez les autres ; elle est lâche chez ceux-ci, et serrée, chez ceux-là. Une autre

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cause qui agit simultanément, c’est la différence d’humidité. Tantôt la peau est grasse ; tantôt elle est comme aqueuse. En général, la peau a naturellement quelque chose de terreux. Comme elle est à la surface, dès que l’humidité s’évapore, elle devient solide et terreuse. § 7[41]. Les poils, ou les parties correspondantes, ne viennent pas de la chair précisément, mais de la peau, quand l’humidité qui est dans l’animal se vaporise et s’exhale. Aussi, les poils épais viennent d’une peau épaisse ; les poils légers, d’une peau légère. Si le tissu de la peau est plus lâche, et plus épais, les poils s’épaississent par suite de l’abondance du terreux et de la largeur des canaux. Si le tissu est plus serré, les poils s’amincissent par l’étroitesse même des vaisseaux. § 8[42]. Si l’humeur est aqueuse, comme elle se dessèche très vite, les poils ne prennent pas de longueur ; si l’humeur est graisseuse, c’est tout le contraire ;

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car la graisse ne se dessèche pas aisément. En général, ce sont les animaux dont la peau est la plus épaisse qui ont le poil le plus fourni ; mais cependant, ce ne sont pas toujours les animaux à peau épaisse qui ont le plus de poil, par suite des causes qu’on vient d’énumérer ; par exemple, les porcs présentent cette différence relativement aux bœufs et à l’éléphant, et relativement à plusieurs autres espèces. C’est à peu près la même cause qui fait que chez l’homme les poils de la tête sont les plus épais ; car, cette partie de la peau est la plus épaisse, et elle a d’ordinaire le plus d’humidité, en même temps qu’elle est plus poreuse.

§ 9[43]. Ce qui fait que les poils sont longs ou qu’ils sont courts, c’est quand l’humidité qui se vaporise ne se dessèche pas trop aisément. Si l’humidité est en grande abondance, elle ne se dessèche pas très vite, non plus que la graisse ; et voilà d’où vient que chez

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l’homme, ce sont les poils sortant de la tête qui sont les plus longs. L’encéphale, qui est humide et froid, fournit une grande quantité de liquide. § 10[44]. Les poils sont droits ou inclinés, selon l’évaporation qu’ils contiennent. Si elle est de nature fumeuse, comme elle est chaude et sèche, elle fait friser le poil. § 11[45]. Le poil s’infléchit, parce qu’il reçoit deux impulsions diverses ; le terreux se dirige en bas ; l’igné se dirige en haut ; et comme le poil est flexible, il tourne à cause de sa faiblesse ; et c’est là ce qui cause la frisure. Voilà une première explication qu’on peut donner de ce fait. Mais il se peut aussi que la frisure vienne de ce qu’il y a peu d’humidité et beaucoup de terreux, et de ce

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que les poils se tordent desséchés par l’air ambiant. Un objet droit se plie, en effet, en perdant son humidité et se racornit, comme on le voit sur un cheveu qu’on brûle au feu. La frisure ne serait alors qu’une contraction amenée par le défaut de liquide, et par la chaleur qui se trouve dans l’air environnant. La preuve, c’est que les poils frisés sont plus rudes que les poils lisses, parce que le sec est toujours dur. § 12[46]. Tous les animaux qui ont beaucoup d’humidité, ont aussi des poils lisses. La liqueur qui est dans ces poils sort en s’écoulant, mais non pas goutte à goutte. C’est ce qui fait que les Scythes du Pont et les Thraces ont les

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cheveux plats ; car ils sont humides de tempérament, et l’air où ils vivent l’est comme eux. Les Éthiopiens et les hommes des climats chauds ont les cheveux crépus ; car leur cerveau est sec, et l’air qui les entoure l’est également. § 13[47]. Il y a des pachydermes qui ont des poils très fins, par la raison qu’on vient de dire un peu plus haut. Plus leurs vaisseaux sont fins, plus aussi leurs poils doivent l’être nécessairement. De là vient que toute l’espèce ovine a des poils très fins ; car la laine n’est pas autre chose qu’une grande abondance de poils. Il y a d’autres animaux qui ont le poil doux, quoique moins fin, et, par exemple, le lièvre, comparé au mouton. Chez ces animaux, le poil est tout à fait à la surface de la peau ; aussi

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n’a-t-il pas de longueur, et il se rapproche beaucoup de la filasse, qui est le déchet du lin ; car cette filasse non plus n’a pas de longueur ; mais elle est douce et ne se laisse pas plier.

§ 14[48]. Dans les climats froids, les moutons sont tout le contraire des hommes. Ainsi, les Scythes ont les cheveux doux, tandis que les moutons sauromates ont la toison très rude. C’est encore cette même cause qui agit chez tous les animaux sauvages. Le froid durcit les choses, tout en les desséchant par l’action de la gelée. La chaleur s’exhalant au dehors fait évaporer l’humide ; et les poils, ainsi que la peau, deviennent terreux et durs. Chez les animaux sauvages, c’est leur vie en plein air qui produit cet effet ; et parfois, c’est aussi le climat où ils sont, qui a cette qualité. § 15[49]. On peut citer en preuve ce qu’on remarque dans les oursins de mer, qu’on emploie comme remède contre les maux de gorge. Comme ils vivent

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dans la mer, qui est froide à cause de sa profondeur, puisqu’ils sont parfois à soixante brasses, et même encore plus bas, ils ont des piquants énormes bien qu’ils soient eux-mêmes très petits, et ces piquants sont très durs. La grandeur des piquants vient de ce que c’est là que se tourne tout le développement du corps. Ces animaux ayant peu de chaleur, et la nourriture ne subissant pas de coction, ils ont beaucoup de sécrétion et de résidu ; or, les piquants, les poils et les autres matières de ce genre ne proviennent que de résidu. Les piquants sont durcis et pétrifiés par le froid et la gelée.

§ 16[50]. C’est de la même manière que, dans tous les lieux exposés au nord, les plantes de tout genre sont beaucoup plus dures, plus terreuses et plus pierreuses que les plantes exposées au midi ; et celles qui sont exposées au vent, plus que celles des bas-fonds. C’est qu’elles ont alors plus froid, et que leur

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humidité se vaporise. Ainsi, la chaleur et le froid durcissent également les choses, parce que l’humide se vaporise sous l’action de l’une et de l’autre, avec cette seule différence que la chaleur agit directement par elle-même, tandis que le froid agit indirectement. L’humide sort en même temps que la chaleur, parce qu’il n’y a pas d’humide sans chaleur ; mais quant au froid, non seulement il durcit, mais il condense, tandis que la chaleur dilate. § 17[51]. C’est précisément encore la même cause qui fait qu’avec les progrès de l’âge les poils deviennent plus rudes chez les animaux qui ont des poils, comme le deviennent aussi chez les oiseaux et les animaux qui ont des écailles, les plumes et les écailles. A mesure que l’animal vieillit, la peau devient plus dure et plus épaisse ; il se dessèche ; et le mot même de Vieillesse, en grec, se

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rapproche de celui de Terre desséchée ; et si l’animal se dessèche ainsi, c’est que la chaleur lui manque, et que l’humidité lui manque avec elle.

§ 18[52]. De tous les animaux, c’est évidemment l’homme qui est le plus sujet à la calvitie ; mais néanmoins cette affection a quelque chose de général. Ainsi, parmi les plantes, les unes conservent toujours leurs feuilles ; les autres les perdent ; et ceux des oiseaux qui hibernent perdent également leurs plumes. Chez les hommes qui deviennent chauves, la calvitie peut passer pour une affection pareille. Ce n’est que petit à petit que les feuilles des végétaux viennent à tomber, et que les plumes et les cheveux tombent aux animaux qui en ont. Quand cette affection est considérable, on dit que l’homme devient chauve, que la plante perd ses feuilles, que l’oiseau perd ses plumes, toutes expressions qui reviennent au même. § 19[53]. C’est toujours le défaut d’humidité chaude qui est cause du phénomène ; et de toutes les choses humides, c’est la

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graisse qui est la plus chaude ; et de tous les végétaux, ce sont les plantes grasses qui ont le plus souvent des feuilles persistantes. Mais nous nous réservons d’expliquer cela dans d’autres ouvrages ; car il y a aussi d’autres causes qui concourent à produire ce phénomène. Pour les végétaux, ce changement a lieu en hiver, dont l’action est encore plus puissante que l’âge de la plante, de même qu’il a lieu, dans cette saison aussi, sur les animaux qui hibernent, parce que les animaux ont moins d’humidité que l’homme et moins de chaleur naturelle. § 20[54]. Les hommes ont un hiver et un

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été dans les phases diverses de l’âge. On ne devient jamais chauve qu’après avoir joui des plaisirs sexuels ; et on le devient d’autant plus qu’on les goûte davantage. C’est que le cerveau est naturellement le plus froid de tous les organes ; l’acte vénérien refroidit, en causant une déperdition de la chaleur pure et naturelle. C’est le cerveau qui est, comme on doit croire, le premier à s’en ressentir. Tout ce qui est faible et mal disposé cède à la moindre cause et à la plus légère pression. Par conséquent, si l’on songe que le cerveau lui-même a peu de chaleur, que la peau de son enveloppe en a moins encore nécessairement, et que les cheveux qui en sont le plus éloignés ont encore moins de chaleur que la peau, on comprendra sans peine que les libertins doivent

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devenir chauves avec l’âge. § 21[55]. C’est aussi cette même cause qui fait que l’homme ne devient chauve que sur le devant de la tête, et qu’il est le seul animal à devenir chauve. Il le devient sur le devant de la tête, parce que c’est là qu’est le cerveau ; et s’il est le seul à présenter le phénomène de la calvitie, c’est parce que c’est l’homme qui a l’encéphale le plus considérable et le plus humide. Les femmes ne deviennent jamais chauves, parce que leur nature se rapproche de celle des enfants. Les unes et les autres n’ont pas de sécrétion spermatique propre à la génération. § 22[56]. L’eunuque non plus ne devient pas chauve, parce qu’il est presque changé en femme. Les eunuques ne poussent pas les poils qui ne sont pas de naissance ; ou ils les perdent, si par hasard ils les ont poussés,

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si ce n’est les poils du pubis. De même, les femmes n’ont pas non plus ces poils postérieurs, ou elles n’ont les autres qu’au pubis. La mutilation qui fait des eunuques est le changement d’un homme en femme.

§ 23[57]. Si les animaux qui hibernent reprennent leur poil, ou si les végétaux qui ont perdu leurs feuilles les poussent de nouveau, et si les cheveux des chauves ne repoussent jamais, c’est que, pour les uns, les saisons sont en quelque sorte davantage les phases que leur corps subit, et que, la saison venant à changer, un changement se produit aussi dans la production ou la chute des plumes, et des poils, et dans celle des feuilles pour les plantes. Au contraire, chez l’homme, on peut bien aussi, selon les âges, distinguer l’hiver, et l’été, le printemps et l’automne ; mais comme les âges divers ne reviennent pas, les affections qui en sont la suite ne changent pas périodiquement, bien qu’au fond la cause soit la même.

§ 24[58]. Voilà à peu près tout ce qu’on peut dire sur ces premiers changements du pelage.


CHAPITRE IV

Du pelage des animaux ; c’est leur peau qui décide de leur couleur ; la blancheur des cheveux dans l’homme peut venir de vieillesse ou de maladie ; la lèpre blanche ; citation du Traité de la Croissance et de la Nutrition ; de la décomposition et de la putréfaction des choses ; action de la chaleur et de l’eau ; la moisissure ; moqueries des poètes contre les cheveux blancs ; les cheveux blanchis par la maladie peuvent redevenir noirs ; cosmétiques pour les cheveux ; les cheveux des tempes blanchissent les premiers ; explications à ce sujet ; minceur des os du crâne chez le cheval ; citation d’Homère, les cheveux roux et les cheveux noirs ; les cheveux que l’on couvre blanchissent plus vite ; les cheveux blanchissent d’abord par le bout ; la peau n’a chez l’homme aucune influence sur la couleur des cheveux.


§ 1[59]. Quant aux couleurs du pelage et à ce qui les détermine chez les animaux autres que l’homme, et quant à ce qui fait que les pelages sont d’une seule couleur, ou qu’ils en ont plusieurs, la cause tient à la nature

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de la peau de l’animal. Dans les hommes, ce n’est pas la peau qui produit le changement de couleur, si ce n’est dans le cas où les cheveux blanchissent, non point par la vieillesse, mais à la suite de quelque maladie ; et c’est ainsi que, dans la maladie qu’on appelle la lèpre blanche, les cheveux deviennent blancs. Mais quand les cheveux blanchissent par le progrès de l’âge, il n’en résulte pas que la peau devienne blanche aussi. C’est que les cheveux viennent et poussent de la peau ; et, quand la peau est malade et qu’elle blanchit par cette cause, le cheveu devient malade ainsi qu’elle ; en ce cas, la blancheur est une maladie du cheveu. § 2[60]. Mais la blancheur de la chevelure, quand elle vient de l’âge, n’est qu’un affaiblissement et un défaut de chaleur. Tout âge est soumis à l’influence du corps, qui incline dans un sens ou dans l’autre ; et dans la vieillesse, c’est au refroidissement qu’il incline,

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parce que la vieillesse est froide et sèche. Il faut croire que la chaleur propre à chaque organe y digère et y cuit la nourriture, qui se répartit à chaque partie du corps ; mais quand la chaleur ne peut plus agir, cette partie dépérit, et il survient une infirmité ou une maladie. Mais nous nous proposons de discuter plus tard la cause de ces affections dans le Traité de la Croissance et de la Nutrition, et nous donnerons alors plus de détails. § 3[61]. Chez les individus où la nature des cheveux a peu de chaleur, et où l’afflux humide est plus considérable qu’il ne faut, la chaleur propre de l’organe ne suffit plus à la coction ; et alors, la chevelure est viciée par la chaleur du lieu qui l’enveloppe. Toute corruption, toute putréfaction vient de la chaleur,

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mais non de la chaleur naturelle, ainsi que nous l’avons dit dans d’autres ouvrages. La putréfaction ne peut s’appliquer qu’à l’eau, à la terre et à des matières corporelles de ce genre, et aussi à la vapeur terreuse, comme ce qu’on appelle la moisissure ; car la moisissure n’est qu’une putréfaction de la vapeur terreuse. On doit donc penser que la nourriture qui est sans coction dans les cheveux, s’y pourrit ; et alors vient ce qu’on nomme le grisonnement des cheveux.

§ 4[62]. La lèpre blanche et la moisissure sont, pour ainsi dire, les seules putréfactions qui soient blanches ; et cela vient de ce qu’elles contiennent beaucoup d’air. Toute vapeur terreuse produit l’effet d’un air épais. La moisissure est comme l’opposé du givre. Quand une vapeur qui s’élève vient à se congeler, c’est du

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givre qui se produit ; mais si elle se pourrit, c’est de la moisissure. Le givre et la moisissure sont à la surface des corps l’un et l’autre ; car la vapeur n’est jamais que superficielle. § 5[63]. Aussi, les poètes font-ils, dans leurs comédies, une métaphore assez juste, lorsque, se moquant des cheveux blancs, ils disent que c’est la moisissure et le givre de la vieillesse. L’un en genre, l’autre en espèce sont identiques ; le givre l’est en genre, puisque tous deux sont des vapeurs ; la moisissure l’est en espèce, puisque tous deux sont des putréfactions. Ce qui le prouve bien, c’est qu’il arrive assez souvent que des maladies font blanchir les cheveux, et que, plus tard, les cheveux redeviennent noirs, avec le rétablissement de la santé. § 6[64]. Cela tient à ce que, dans la maladie, le corps tout entier manque de la chaleur naturelle, et que, par suite également, toutes les

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parties du corps, y compris les plus petites, souffrent de ce malaise général. Une masse énorme de sécrétion se produit dans le corps entier et dans chaque partie ; et le défaut de coction dans les chairs produit la blancheur des cheveux. Une fois guéris et ayant repris leurs forces, les malades changent encore une fois. On dirait que, de vieux, ils redeviennent jeunes ; et les affections dont ils sont atteints changent en même temps qu’eux.

§ 7[65]. On a donc raison de dire que la maladie est une vieillesse accidentelle, et que la vieillesse est une maladie naturelle, puisqu’il y a des maladies qui produisent les mêmes effets que la vieillesse. Ce sont les tempes qui blanchissent les premières. Les parties postérieures de la tête manquent d’humidité, parce qu’il n’y a pas d’encéphale en elles, et qu’au contraire

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la fontaine en a beaucoup, et que ce qui est abondant se putréfie malaisément. Les cheveux qui sont aux tempes ont assez peu d’humide pour qu’ils puissent en faire la coction, et ils n’en ont pas en assez forte quantité pour qu’ils ne se pourrissent pas. Ce lieu de la tête tenant le milieu entre les deux, est aussi en dehors de ces deux affections.

§ 8[66]. Telle est la cause qui détermine la blancheur des cheveux chez l’homme. Pour les autres animaux, ce qui empêche que l’âge ne rende ce changement aussi sensible, c’est précisément la même cause que celle de la calvitie, d’après nos explications. Les animaux ont peu de cerveau, et leur cerveau est moins humide, de telle sorte que la chaleur n’est pas impuissante à opérer la coction. De tous les animaux que nous connaissons, c’est le cheval chez qui, relativement à

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sa grosseur, le phénomène se remarque le plus, parce qu’il a l’os le plus mince pour recouvrir son cerveau. La preuve, c’est qu’un coup léger dans cette partie du corps peut lui devenir mortel. Aussi Homère a-t-il pu dire dans ses vers :

« Au sommet de la tête est frappé l’animal,

« Auprès des premiers crins, où le coup est fatal. »

Comme l’humidité s’écoule aisément dans cette partie où l’os est très mince, du moment que, par suite de l’âge la chaleur diminue, les poils de cette partie deviennent blancs, chez le cheval.

§ 9[67]. Les cheveux roux blanchissent plus vite que les cheveux noirs. La couleur rousse est en quelque sorte une maladie du cheveu, et tout ce qui est faible vieillit aussi plus vite. On dit que les grues deviennent plus noires cri vieillissant. Chez elles, ce changement pourrait bien tenir à ce que la nature de leur plume est plus blanche, et qu’à mesure qu’elles vieillissent,

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l’humidité est trop considérable dans leurs plumes pour qu’elle puisse aisément s’y pourrir. § 10[68]. Ce qui doit bien montrer que la blancheur des cheveux vient d’une sorte de pourriture, et que ce n’est pas, comme on l’a dit, une dessiccation, c’est que les cheveux quand ils sont recouverts de chapeaux ou d’enveloppes quelconques, blanchissent plus vite ; car l’air empêche la décomposition ; or toute couverture empêche l’action de l’air, tandis qu’au contraire un mélange d’eau et d’huile préserve et fortifie la chevelure, qui en est enduite. L’eau refroidit ; mais l’huile qui entre dans le mélange empêche qu’il se dessèche trop rapidement, tandis que l’eau se dessécherait très vite. Que ce ne soit pas là une dessiccation et que le cheveu ne blanchisse pas ainsi que l’herbe devient sèche, ce qui le prouve bien, c’est que parfois les cheveux poussent blancs tout à coup, tandis que rien de ce qui est desséché ne peut pousser. § 11[69]. Le plus souvent,

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c’est par le bout que les cheveux blanchissent, parce qu’il y a moins de chaleur dans les extrémités, qui sont d’ailleurs très ténues. Dans tout le reste des animaux, quand les poils blanchissent, c’est par l’effet de la nature et non par la maladie. Cela tient à ce que, dans le reste des animaux, c’est la peau qui détermine les couleurs. Quand le poil est blanc, la peau est blanche ; elle est noire aux animaux noirs. Dans ceux qui sont de diverses couleurs et de couleurs mélangées, la peau est en partie blanche, et en partie noire. Mais chez l’homme, la peau ne détermine en rien la couleur ; car on voit des hommes qui sont blancs de peau avoir des cheveux parfaitement noirs. § 12[70]. Cela tient à ce que l’homme est, de tous les animaux, celui qui a la peau la plus mince relativement à sa grosseur ; et c’est là ce qui fait qu’elle n’a aucune influence sérieuse sur le changement des cheveux. Mais la peau

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elle-même, parce qu’elle est faible, change aussi de couleur ; le soleil et le vent la brunissent. Du reste, les cheveux ne changent pas en même temps qu’elle. Dans les animaux autres que l’homme, la peau fait l’effet d’une terre, à cause de son épaisseur. Leurs poils changent selon leur peau ; mais leur peau ne change pas sous l’action du vent et du soleil.


CHAPITRE V

De la variété des couleurs dans le pelage des animaux ; unité de couleur ; multiplicité de couleurs ; sens divers où ceci peut s’entendre ; variabilité des couleurs selon les espèces et les individus ; fréquence ou rareté de ces changements ; influence des eaux chaudes ou froides sur la couleur des animaux ; de la couleur blanche sous le ventre de certains animaux ; explication de ce fait ; variété de couleur dans la langue des animaux ; variation de couleur selon les saisons, et selon l’alimentation. — Résumé partiel.


§ 1[71]. Certains animaux n’ont qu’une seule couleur ; et j’entends par là que l’espèce entière de ces animaux

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n’a qu’une couleur, la même pour tous, par exemple les lions, qui sont tous de couleur fauve ; et cette observation s’étend également bien à une foule d’espèces d’oiseaux et de poissons, ainsi qu’à d’autres espèces encore. Il y a aussi des animaux qui peuvent avoir une seule couleur, mais chez qui cette couleur est entière. J’entends par là que leur corps tout entier a la même couleur ; par exemple, le bœuf, qui peut être tout blanc ou tout noir. § 2[72]. Enfin, il y a des animaux qui ont des couleurs diverses ; et ce peut être encore de deux manières. D’abord, ce peut être en genre, comme le léopard, le paon et quelques poissons de l’espèce de ceux qu’on appelle des thrattes ; et en second lieu, le genre entier peut n’être pas de diverses couleurs, mais les individus ont cette diversité qu’ils acquièrent, comme les bœufs, les chèvres, et les pigeons parmi les oiseaux, dont bien d’autres

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espèces offrent les mêmes variétés. § 3[73]. Les animaux à couleurs entières changent beaucoup plus que ceux qui n’en ont qu’une ; et alors ils changent du tout au tout, c’est-à-dire que, de blancs, ils deviennent noirs, que de noirs ils deviennent blancs, et qu’ils se mélangent des deux à la fois, parce que leur espèce ne doit pas naturellement avoir une seule et unique couleur. L’espèce alors peut aisément aller à l’un et à l’autre sans trop de peine, de telle sorte que les couleurs passent de l’une à l’autre nuance, et se diversifient de plus en plus. § 4[74]. C’est tout le contraire pour les espèces qui n’ont qu’une seule couleur ; elles ne la changent qu’en cas de maladie ; et encore, est-ce bien rare. On a déjà pu voir une perdrix, un corbeau, un moineau,

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un ours de couleur blanche. Ces accidents se produisent quand il y a eu quelque difformité dans la génération. Tout ce qui est petit est aisément détruit ou modifié ; et le jeune qui vient de naître est dans ce cas ; car tout ce qui naît a de bien faibles commencements.

§ 5[75]. Les animaux qui changent le plus de couleur sont ceux qui, ayant naturellement une couleur entière qui se trouve dans toute l’espèce, deviennent néanmoins de plusieurs couleurs à cause des eaux qu’ils boivent. L’eau, quand elle est chaude, fait devenir le poil blanc ; quand elle est froide, elle le rend noir ; et cette remarque s’applique même aux végétaux. Cela

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vient de ce que l’eau chaude contient plus d’air que d’eau, et que l’air, transparent comme il l’est, produit la blancheur, comme il produit l’écume. § 6[76]. Mais de même que la peau qui devient blanche par maladie, diffère de la peau qui est blanche par nature, de même aussi la blancheur des cheveux, ou par maladie ou par l’âge, n’est pas la même que la blancheur naturelle, parce que la cause est également tout autre. Pour les uns, c’est la chaleur naturelle qui les fait blancs ; pour les autres, c’est une chaleur étrangère ; c’est toujours l’air qui y est renfermé, sous forme de vapeur, qui les rend blancs. § 7[77]. Cette observation explique pourquoi les animaux qui n’ont pas une couleur unique, sont toujours plus blancs sous le ventre ; cela tient à ce qu’en cet endroit ils sont plus chauds qu’ailleurs. C’est là encore ce qui fait qu’en général toutes

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les bêtes blanches sont plus agréables à manger, parce que la coction donne de la douceur à la chair, et que c’est la chaleur qui fait la coction. Par l’effet de la même cause, dans les animaux à une seule couleur, les uns sont noirs, et les autres sont blancs. Toujours, c’est la chaleur et le froid qui font la nature de la peau et des poils ; car chacune des parties du corps a sa chaleur propre.

§ 8[78]. La langue ne diffère pas moins, des animaux de couleur simple aux animaux de couleurs variées ; et parmi ceux dont la couleur est simple, il y a encore une différence entre les blancs et les noirs. La cause de ces variétés est celle que nous avons indiquée déjà plus haut : la peau est variée chez les animaux à couleurs variables. Ceux dont les poils sont blancs ont la peau blanche ; ceux dont les poils sont noirs ont la

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peau noire. La langue doit être considérée comme une des parties extérieures du corps, si ce n’est qu’elle est placée dans la bouche ; mais elle est dans le cas de la main ou du pied ; et comme la peau des animaux à poils variés n’est pas d’une seule couleur, c’est là aussi ce qui modifie la peau qui recouvre la langue.

§ 9[79]. Il y a des oiseaux, et même quelques espèces de quadrupèdes sauvages, qui changent de couleur selon les saisons ; et le même changement que l’âge produit chez les hommes a lieu selon la saison chez ces animaux. Seulement, les modifications qu’amènent les années sont bien plus profondes. Les animaux qui sont omnivores ont en général des couleurs beaucoup

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plus variables ; et par exemple, les abeilles sont d’une seule couleur bien plutôt que les frelons et les guêpes. On le comprend bien ; car, si c’est la nourriture qui cause le changement, il est tout simple que des aliments variés fassent aussi beaucoup varier les mouvements et les sécrétions de la nutrition, d’où viennent les poils, les plumes et la peau.

§ 10[80]. Voilà ce qu’il y avait à dire sur les couleurs de la peau et des poils.

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CHAPITRE VI

Des diversités de la voix chez les animaux ; causes de ces diversités ; influence de l’âge et du sexe sur le timbre de la voix ; les mâles ont en général la voix plus grave que les femelles ; exception de la vache ; citations du Traité de la Sensation et du Traité de l’Âme ; conditions matérielles de la gravité et de l’acuité de la voix ; nature du moteur et du mobile ; il faut distinguer la gravité et l’acuité de la voix de sa force et de sa faiblesse ; erreur de quelques naturalistes ; influence de l’âge sur la voix des animaux ; jeunes, ils l’ont plus grave ; organisation du gosier ; influence de la castration sur la voix ; action particulière des testicules, comparés aux pierres que les tisserands suspendent à leurs fils ; influence de la chaleur et du froid sur l’organe de la voix ; flexibilité, rudesse, douceur de la voix ; exemple de la flûte ; citation nouvelle du Traité de la Sensation et du Traité de l’Âme.


§ 1[81]. Pour ce qui concerne la voix des animaux, on peut observer que les uns ont la voix grave, d’autres la voix aiguë, et d’autres encore une voix harmonieuse, à égale distance de l’un et l’autre excès. Il y en a qui ont une voix puissante ; d’autres, une voix très faible ; et il y a dans toutes ces voix de grandes différences de douceur ou de rudesse, de souplesse ou de roideur. Voyons quelles peuvent être les causes de tant de diversités.

§ 2[82]. D’abord, on doit croire que le timbre aigu ou

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grave de la voix tient à la même cause qui fait que la voix change selon que les animaux sont jeunes ou vieux. Tous les animaux, quand ils sont plus jeunes, ont une voix plus aiguë, excepté les veaux qui ont au contraire la voix plus grave. On peut remarquer la même différence entre les mâles et les femelles. Dans toutes les espèces, la voix de la femelle est plus aiguë que celle du mâle. C’est surtout chez l’homme que cette distinction est sensible. La Nature l’a marquée plus particulièrement dans l’espèce humaine, parce que l’homme est le seul animal qui ait le langage, et que la partie matérielle du langage, c’est la voix. Les bœufs présentent un phénomène tout contraire ; pour cette espèce, c’est la voix des femelles qui est plus grave que celle des taureaux.

§ 3[83]. Pourquoi les animaux ont-ils une voix ? Qu’est-ce

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que la voix, ou plus généralement le bruit ? C’est ce que nous avons étudié, soit dans le Traité de la Sensation, soit dans le Traité de l’Âme. Mais comme le grave tient à la lenteur du mouvement, et l’aigu à sa rapidité, c’est une question de savoir si c’est le moteur, ou le mobile, qui est cause que le mouvement est lent ou rapide. On a bien dit qu’un grand objet se meut lentement et qu’un petit objet se meut vite, et l’on a vu là la cause qui fait la voix grave ou la voix aiguë des animaux. Cette explication est exacte jusqu’à un certain point ; mais elle ne l’est pas toutefois absolument. § 4[84]. D’une manière générale, on a bien raison de croire que la gravité du son dépend d’une certaine longueur du mobile ; et si cela est vrai, il n’est pas plus facile à un petit objet d’avoir un son grave

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qu’à un grand objet d’avoir un son aigu. Le son grave de la voix semble être d’une nature plus relevée ; et dans les chants, la basse semble supérieure aux voix moyennes. La supériorité consiste en une suprématie, et la gravité du son est une suprématie d’un certain genre. § 5[85]. Cependant, le grave et l’aigu dans la voix sont autre chose que la force ou la faiblesse de la voix. Il y a des voix fortes qui sont toujours aiguës, et des voix très faibles qui n’en sont pas moins graves. Il en est de même pour les timbres moyens. Pour toutes ces nuances, et, par là, je veux parler d’une voix forte et d’une voix faible, à quelle cause serait-il possible de les rapporter, si ce n’est à la grosseur ou à la petitesse du mobile ? Si donc l’aigu et le grave sont bien en effet ce que les montre la définition qu’on vient de rappeler, il en résulte que les mêmes animaux pourront avoir une voix grave et une forte

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voix, et que les autres pourront avoir tout à fois une voix aiguë et une voix faible. § 6[86]. Cette théorie nous paraît erronée. Le fait s’explique si l’on se rappelle que le grand et le petit, le peu et le beaucoup, peuvent être pris en un double sens, ou absolument, ou comparativement l’un à l’autre. La force de la voix consiste en ce que le mobile est absolument considérable ; et la faiblesse consiste en ce que le mobile est peu considérable en soi ; mais la gravité ou l’acuité de la voix consiste uniquement dans cette différence de l’un par rapport à l’autre. § 7[87]. Si la force du mobile l’emporte sur la force du moteur, le mouvement doit nécessairement être lent ; si c’est le moteur qui l’emporte, le mouvement doit être rapide. Le moteur, quand il l’emporte, peut par sa force supérieure, s’il meut un grand poids, faire quelquefois que le mouvement soit lent ; et précisément parce qu’il l’emporte, il peut quelquefois aussi le rendre très rapide. Par la

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même raison, les moteurs faibles, ayant à mouvoir un poids au-dessus de leur force, ne peuvent produire qu’un mouvement lent, tandis que les moteurs qui n’ont qu’un petit poids à mouvoir, font un mouvement rapide.

§ 8[88]. Ce sont là les causes de ces oppositions qui font que les animaux jeunes n’ont pas tous une voix aiguë, ni tous une voix grave, ni que tous en vieillissant, soit mâles, soit femelles, ne l’ont pas davantage. C’est là en outre ce qui fait que, dans la maladie, on a la voix aiguë, comme on l’a également quand on se porte bien. C’est ce qui fait aussi qu’en vieillissant on prend de plus en plus une voix aiguë, parce que cet âge est tout l’opposé de celui de la jeunesse. Si d’ordinaire les individus jeunes et les femmes ont une voix

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plus aiguë, c’est à cause de leur faiblesse, qui ne leur permet de mettre en mouvement qu’une petite quantité d’air. Une petite masse d’air se remue vite ; et la vitesse est précisément ce qui fait que la voix est aiguë. § 9[89]. Les veaux et les vaches, les uns à cause de leur âge, les autres par leur sexe femelle, n’ont pas beaucoup de force dans l’organe qui leur sert au mouvement ; et remuant beaucoup d’air, ils ont une voix grave. Car le grave est précisément ce qui a un mouvement lent ; et l’air, quand il est en grande quantité, est mû lentement. Les vaches et les veaux en meuvent beaucoup ; les autres en meuvent peu, parce que le vaisseau par lequel l’air entre tout d’abord, a chez les uns une très grande ouverture, et qu’ils doivent nécessairement mouvoir beaucoup d’air, tandis que chez les autres il est plus mesuré. Avec l’âge, cet organe, qui, dans les uns et les autres, met l’air en mouvement,

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se fortifie de plus en plus ; et ils changent du tout au tout ; ceux qui avaient une voix aiguë la prennent plus grave qu’ils ne l’ont jamais eue ; et ceux qui l’avaient grave, la prennent de plus en plus aiguë. Les taureaux ont une voix plus aiguë que les veaux et les vaches. § 10[90]. Comme, chez tous les animaux, la force est dans les muscles, ce sont ceux qui sont à la fleur de l’âge qui sont les plus forts ; les jeunes ont des membres et des muscles très faibles. Chez les jeunes, la tension des nerfs n’est pas encore suffisamment venue ; chez les vieux, elle se relâche ; et de là vient que les uns et les autres sont également hors d’état de produire le mouvement, à cause de leur faiblesse. Les taureaux sont excessivement musculeux, ainsi que leur cœur ; et, chez eux, cette partie qui leur

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sert à mouvoir l’air est tendue comme une corde à boyau. Ce qui prouve bien que telle est la nature du cœur des bœufs, c’est que parfois on y trouve un os ; et les os ont bien une tendance à être de la même nature que les muscles.

§ 11[91]. Tous les animaux, quand on les châtre, changent et ils inclinent à la nature féminine ; comme la force nerveuse qui est dans le principe vient à se détendre, ils prennent une voix pareille à celle des femelles. Ce relâchement se produit alors comme il se produit dans la corde qu’on a d’abord tendue, et à laquelle on ôte le poids mis pour la tendre. On sait que c’est là ce que font les tisserands ; ils tendent la chaîne qu’ils travaillent en y accrochant des pierres qu’on appelle des laïes. C’est de la même manière que les testicules sont naturellement suspendus, relativement

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aux canaux spermatiques ; et ces vaisseaux dépendent de la veine qui va, du cœur, à l’organe même qui met la voix en mouvement. § 12[92]. Aussi, quand les canaux spermatiques viennent à changer, vers l’âge où ils commencent à pouvoir sécréter le sperme, cet organe change en même temps. Avec le changement de cet organe, survient celui de la voix. Il est plus sensible chez les mâles ; mais il a lieu également chez les femelles, quoiqu’il y soit moins distinct. La voix devient alors ce que quelques naturalistes appellent une voix de bouc, quand elle devient rauque et inégale. A la suite de ce changement, les progrès de l’âge développent et constituent la voix grave ou la voix aiguë. Quand les testicules sont enlevés, la tension des canaux se relâche, à peu près comme la corde et

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la chaîne se détendent quand on en retire le poids. De même, cet organe étant détendu, le principe qui met la voix en mouvement se trouve relâché, dans la même proportion. § 13[93]. C’est là également ce qui fait que les animaux coupés se rapprochent du sexe femelle par le son de leur voix, ainsi que par tout le reste de leur conformation. Le principe qui donne au corps sa vigoureuse tension se détend et se relâche ; mais ce n’est pas du tout, comme le supposent certains naturalistes, que les testicules soient eux-mêmes la connexion de plusieurs principes réunis. Les moindres déplacements peuvent causer de très grands effets ; non pas précisément qu’ils les causent par eux seuls, mais ils les causent quand le principe de la chose vient à changer avec eux. Des principes qui en grandeur matérielle sont peu de chose, peuvent avoir une puissance énorme ; car on doit entendre par principe ce qui peut avoir beaucoup de conséquences, sans avoir rien qui lui soit antérieur et supérieur.

§ 14[94]. Il

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faut ajouter que la chaleur, ou le froid, du milieu contribue aussi à faire naturellement que tels animaux aient la voix grave et que tels autres aient la voix aiguë. L’air chaud, qui est épais, fait que la voix est grave ; l’air froid, qui est plus léger, produit tout le contraire. On peut bien voir cette influence sur les flûtes. Les artistes qui ont une respiration plus chaude et qui l’emploient à la façon des gens qui gémissent, rendent un son plus grave. Ce qui fait que la voix est rude, ou qu’elle est douce, et qu’elle a telle autre irrégularité, c’est que la partie du corps et l’organe par lequel passe la voix est dur ou lisse, ou, en d’autres termes plus généraux, qu’il est égal ou inégal. § 15[95]. On peut bien le voir quand il y a quelque humidité dans la trachée artère, ou qu’il se produit quelque rudesse dans la voix par suite de maladie ; la voix devient alors

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inégale. La flexibilité de la voix dépend de ce que l’organe est moelleux ou dur. Un organe moelleux peut se diviser et prendre mille intonations ; un organe dur ne le peut pas. Un organe moelleux et flexible peut tout à la fois émettre le son doucement ou avec force, et produire ainsi l’aigu et le grave. Il laisse aisément ne passer de l’air que ce qu’il veut, parce qu’il devient lui-même grand ou petit à volonté ; mais la dureté de l’organe mâle empêche que rien ne passe.

§ 16[96]. Voilà ce que nous avions à dire pour suppléer à ce qui n’a pas été dit antérieurement dans le Traité de la Sensation et dans le Traité de l’Âme.

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CHAPITRE VII

Des dents et des fonctions multiples qu’elles ont à remplir ; les incisives poussent plus tôt que les molaires ; erreur de Démocrite ; ce n’est pas le lait, comme il le croit, qui fait tomber les dents ; cause de l’erreur de Démocrite, qui n’a pas assez observé les faits, avant d’émettre une théorie générale ; sagesse prévoyante de la Nature ; cause de la chute des dents ; les molaires ne poussent que très tard, et, parfois, dans l’extrême vieillesse ; Démocrite n’a vu que la nécessité des choses ; il a omis la fin où elles tendent ; habileté merveilleuse de la Nature dans l’emploi de ses procédés. Résumé.


§ 1[97]. Nous avons antérieurement expliqué, en parlant des dents, qu’elles ne sont pas faites pour une seule et unique fonction, et nous avons dit que les animaux ne les ont pas tous pour le même usage ; mais que chez les uns, elles servent à l’alimentation, que chez d’autres, elles servent à leur défense, et, chez d’autres encore, au langage que forme la voix. Que les dents

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de devant poussent les premières et que les molaires poussent en dernier lieu ; que les molaires ne tombent pas, tandis que les autres tombent et repoussent, ce sont là des questions qui nous semblent appartenir à des études sur la génération. § 2[98]. Démocrite a traité aussi de ce sujet ; mais il ne l’a pas très bien exposé. Sans avoir examiné d’assez près l’ensemble des faits, il indique, d’une manière toute générale, la cause de la chute des dents. A l’entendre, les dents des animaux ne tombent que parce qu’elles poussent trop tôt. D’après lui, c’est seulement quand ils sont adultes que la pousse des dents serait naturelle ; et c’est parce que les animaux tètent que les dents leur poussent avant le temps. On peut répondre à Démocrite que le porc, qui tète, ne perd

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pas cependant ses dents. Tous les animaux à dents aiguës tètent et ne perdent pas davantage leurs dents ; quelques-uns, comme le lion, perdent tout au plus leurs canines. Ainsi, Démocrite s’est trompé en se prononçant en général, sans avoir observé suffisamment tous les faits particuliers. § 3[99]. Cette observation des faits est néanmoins indispensable ; et, quand on parle d’une manière générale, il faut nécessairement que la théorie puisse s’appliquer à tous les cas. Comme nous admettrons, en nous fondant sur ce que nous pouvons voir, que la Nature n’est jamais en faute, et que jamais elle ne fait rien en vain, dans tout ce qui est possible pour chaque espèce d’êtres, il y a une nécessité évidente, puisque les animaux doivent prendre de la nourriture après avoir sucé le lait, qu’ils aient des organes pour élaborer leurs aliments. § 4[100]. Si donc les dents ne poussaient qu’au moment de la

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puberté, comme le veut Démocrite, la Nature aurait négligé quelque chose de ce qu’elle pouvait faire ; et alors, cette œuvre prétendue de la Nature serait absolument contre nature. Tout ce qui est violent est contre nature ; et, selon Démocrite, les dents poussent de force et violemment. Ceci suffit pour montrer que sa théorie n’est pas exacte ; et l’on pourrait y opposer encore bien d’autres objections. § 5[101]. Les incisives poussent avant les molaires, pour deux raisons : d’abord, parce que leur fonction est antérieure, puisque diviser précède broyer, et que, si les molaires servent à broyer, les incisives sont chargées de diviser les aliments. En second lieu, ce qui est plus petit, tout en naissant en même temps que quelque chose de plus grand, doit naturellement pousser plus vite. Or, les incisives sont plus petites que les molaires ; et l’os de la mâchoire

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en leur endroit est large, tandis qu’il est étroit près de la bouche. Il y a donc nécessité que, d’un organe plus grand, s’écoule aussi plus de nourriture, et qu’il s’en écoule moins d’un organe plus petit.

§ 6[102]. Téter n’a ici aucune influence directe ; mais il est vrai que la chaleur du lait doit faire pousser les dents plus vite ; la preuve, c’est que les enfants qui tètent un lait plus chaud poussent leurs dents plus rapidement que les autres, parce que la chaleur hâte toujours la croissance. Quelques-unes des dents doivent tomber uniquement en vue du mieux, attendu que la pointe s’émousse ; et pour que la fonction puisse continuer à s’accomplir, il faut que d’autres dents les remplacent. Les molaires, qui sont plates, ne peuvent pas s’émousser ; mais, avec le temps, elles s’usent, et elles deviennent toutes lisses. § 7[103]. Les incisives doivent

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nécessairement tomber, parce que, si les racines des molaires sont placées à la partie la plus large de la mâchoire et dans un os très fort, les racines des dents de devant sont dans un os mince ; ce qui explique leur faiblesse et leur mobilité. Les incisives repoussent, parce que l’os pousse encore quand elles tombent, et qu’il est encore temps que les dents puissent repousser. Ce qui le prouve, c’est que les molaires sont aussi très longues à sortir ; les dernières ne paraissent guère qu’à l’âge de vingt ans ; et les plus retardées de toutes ne poussent, parfois, que dans la vieillesse extrême, parce que la nourriture est longue à s’accumuler dans un os très large. § 8[104]. Au contraire, la partie antérieure de l’os, qui est mince, arrive bien vite à son développement complet ; et il n’y a pas de résidu dans cet os, parce que la nourriture est employée tout entière à la croissance qui lui est propre.

§ 9[105]. Démocrite oublie et néglige la cause finale pour rapporter à une simple nécessité tous les procédés de la Nature. Ces procédés sont nécessaires sans doute ; mais ils n’en ont pas moins un but ; et, en toutes choses, ils cherchent sans cesse à réaliser le meilleur. Rien n’empêche, nous le voulons bien, que les dents ne poussent et ne tombent par suite d’une nécessité ; mais ce n’est point par les motifs indiqués ; et c’est toujours en vue d’une fin qui doit être réalisée effectivement. Les causes alléguées par Démocrite ne sont causes que comme des moteurs, comme des instruments et comme matière. § 10[106]. Ainsi, il y a certainement une foule de cas où la Nature prend pour instrument

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de ses œuvres l’air et le souffle vital ; et de même que, dans les arts, il y a des instruments qui servent à plusieurs fins, par exemple, dans l’art du forgeron, le marteau et l’enclume, de même aussi l’air peut servir à bien des usages dans les êtres que forme la Nature. Rapporter toutes les couses à une pure nécessité, cela reviendrait à peu près au même que de croire que, dans le traitement de l’hydropisie, le liquide sort au profit du bistouri, et non au profit de la santé, en vue de laquelle le bistouri a dû faire une incision.

§ 11 On doit donc voir, par ce qui précède, pourquoi il y a des dents qui tombent et qui repoussent, pourquoi d’autres dents ne repoussent ni ne tombent, et, d’une manière générale, pourquoi les dents sont ce qu’elles sont. Enfin, nous avons également étudié toutes les autres fonctions des organes qui ne sont pas faits

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en vue d’une fin, mais qui résultent d’une simple nécessité et de l’action d’une cause qui les met en mouvement.

  1. Il nous faut étudier maintenant. Il est de toute évidence que les matières traitées dans ce cinquième et dernier livre ne se rapportent en rien à la génération ; et il n’est pas moins clair qu’elles peuvent faire une suite très naturelle aux quatre livres du Traité des Parties des animaux. On en doit conclure que ce cinquième livre appartient à ce dernier ouvrage, et non point à celui-ci. J’ai exposé cette question, et je l’ai discutée tout au long dans la Dissertation spéciale qui suit la Préface, et à laquelle je prie le lecteur de vouloir bien se référer. MM. Aubert et Wimmer ont bien remarqué la différence des matières qui sépare le cinquième livre des quatre précédents ; mais ils n’y ont pas insisté, p. 354. — Les parties diverses des animaux. Les expressions même qu’emploie ici l’auteur indiquent assez que ceci se rattache étroitement au Traité des Parties. — J’entends, par exemple… Les exemples cités ici sont très clairs, et ils annoncent exactement tout ce qui va suivre sur la vision, sur le pelage des animaux, sur leur voix, et sur leurs dents. C’est toujours de la physiologie comparée ; mais la question de la génération n’y apparaît plus.
  2. À des espèces tout entières. La division que propose Aristote est très exacte, et les différences qu’il veut étudier se présentent en effet, soit dans l’espèce, soit dans les individus. — D’autres sont réparties au hasard… surtout… dans l’espèce humaine. Il serait bien difficile certainement de dire pourquoi tel homme a les yeux bleus et pourquoi tel autre les a gris, ou bruns, ou jaunâtres. — Que l’âge amène. L’action du temps se fait sentir sur tous les êtres sans exception ; mais elle agit différemment, selon les circonstances et les individualités. — La voix et la couleur des poils. Ce sont les questions qui rempliront en partie les chapitres suivants.
  3. Immédiatement après la naissance. Cette nouvelle division n’est pas moins exacte que les précédentes ; elle est déjà étudiée, en ce qui concerne le pelage des animaux, dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, §§ 1 et suiv. — Qu’avec l’âge et la vieillesse. Ainsi, la puberté ne vient qu’à une certaine époque ; les cheveux de l’homme blanchissent avec l’âge. — Soit la même. Il est clair que la cause est différente ; mais c’est à la science de constater les effets et d’expliquer la cause, si elle le peut. — Ce n’est pas en vue de quelque fin… qu’elles se produisent. C’est alors ce que l’auteur vient d’appeler le hasard, dans le paragraphe précédent. — L’œil a une fin très précise. C’est la vision qui est la fin de l’œil, quelle que soit sa forme ou sa couleur. — À moins que cette affection ne s’étende à toute une espèce. Cette restriction ne semble pas très bien justifiée ; et la différence s’étendrait à toute une espèce que la cause n’en serait pas plus explicable pour nous, dans bien des cas.
  4. À la définition et à l’essence. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; mais il a les deux sens que je donne dans ma traduction. — Dans la matière et le principe moteur. Ceci aurait peut-être demandé quelque développement. — En commençant ces études. Il serait bien difficile de dire précisément à quoi ceci se rapporte ; il n’y a rien dans le Traité de la Génération qui réponde à cette référence, ni même dans le Traité des Parties des Animaux, si ce n’est peut-être le fameux passage où Aristote réfute l’opinion d’Anaxagore sur la main de l’homme, Traité des Parties, liv. IV, ch. X, § 14. L’homme a des mains, parce qu’il est intelligent ; mais il n’est pas intelligent, parce qu’il a des mains. — Le développement de l’être est la suite de son essence. La science moderne ne saurait mieux dire ; souvent même elle s’écarte de ce principe, qui est le vrai, et qui suppose dans la Nature l’action d’une intelligence infinie et créatrice.
  5. Les anciens Naturalistes. Il s’agit sans doute ici, comme dans bien d’autres passages, de Démocrite, d’Empédocle, d’Anaxagore. Empédocle est nommé particulièrement un peu plus bas, § 14. — Aux deux seules causes. Aristote répète ces mêmes critiques contre ses prédécesseurs, dans la Métaphysique. liv. I, ch. III, §§ 7 et suiv., et ch. VI. § 19. — Ils ne les ont comprises que confusément. Voir la Métaphysique, loc. cit. — De la définition essentielle et de la fin. Ce sont les deux causes auxquelles Aristote a toujours attaché le plus d’importance. — Complètement échappé à leur attention. C’est peut-être exagéré. — C’est par cette cause. Il est évident que tout ce qui précède la fin et la rend possible est moins considérable que la fin elle-même ; elle résume tous les développements antérieurs. — Dans le mouvement et le développement. Ce sont les actes successifs qui tendent au même résultat, c’est-à-dire, à la fin que l’être doit atteindre et représenter. — Ainsi, l’animal… Les exemples cités ne semblent pas très bien choisis, ni assez clairs. — Cette nécessité n’est pas la même. Ceci encore méritait une explication plus nette.
  6. Ces points une fois fixés. Ces points ne sont pas fixés aussi solidement que l’auteur le pense, et les conséquences qu’il en tire ne semblent pas en sortir rigoureusement. — Le plus souvent endormis. La loi indiquée par Aristote est juste, sans être tout à fait générale ; elle souffre des exceptions assez nombreuses ; mais il est vrai que, dans plusieurs espèces, les jeunes naissent avec les yeux fermés. — Même dans le sein de la mère. La vie intra-utérine n’a été bien étudiée que dans ces derniers temps ; mais on voit par ce passage que cette question préoccupait déjà l’Antiquité. Voir le Traité élémentaire de physiologie humaine de M. Béclard, 6e édition, pp. 1182-1192 ; voir aussi M. G. Colin, Traité de Physiologie comparée, 2e édition, tome II, pp. 861 et suiv. — À dormir. Le fait est exact. — Après avoir reçu la sensibilité. Les physiologistes modernes ont observé de très près l’organisation successive du système nerveux dans le foetus ; elle commence de très bonne heure, sans qu’on puisse préciser le moment ; mais le système nerveux semble exercer très peu d’influence sur la vie foetale. C’est après la naissance qu’il tient une si grande place. — On peut se demander. La curiosité des Anciens n’était pas moins vive que la nôtre. — Sont éveillés avant de dormir. C’est là une question que nous pouvons toujours nous poser. D’une manière générale, la vie du foetus est un perpétuel sommeil ; et l’on peut dire que le foetus s’éveille au moment de la naissance. — C’est-à-dire dans le sommeil. L’argument est ingénieux.
  7. Passer par l’état intermédiaire. C’est-à-dire, par un état qui n’est, ni la mort, ni la vie. La pensée est ici incomplètement exprimée ; mais la suite l’éclaircit. — Il est sur les confins de la vie et de la mort. Nous ne pourrions dire mieux. Du reste, la comparaison est tout indiquée, et Homère, en parlant du sommeil, le fait souvent le frère de la mort. Voir l’Iliade, chant XVI, V. 682. — Qu’il n’est pas ou qu’il est. La remarque est frappante. — À cause de la sensibilité qu’elle nous rend. C’est en effet le signe principal de la vie, bien que l’insensibilité ne suppose pas absolument la mort. — Ait essentiellement la faculté de sentir. C’est là, entre l’animal et la plante, la différence essentielle. Aristote a bien des fois insisté sur ce phénomène, qui sépare profondément les deux règnes. — C’est aussi l’état de toutes les plantes. Les plantes ont la vie et l’organisation ; mais elles ne sont pas sensibles, et les mouvements que quelques plantes éprouvent sont purement réflexes ; on ne peut pas dire qu’elles sentent réellement.
  8. Ils ont la vie du végétal. C’est fort exact ; mais la suite l’est moins. — Il est bien impossible que les plantes puissent sommeiller. Au contraire, il est prouvé que les plantes ont un sommeil qui leur est propre ; et bien des faits, qu’il était assez facile d’observer a l’approche de la nuit, pouvaient montrer ce qu’il en est. — Pas de sommeil sans réveil. L’objection est spécieuse : mais les plantes ont leur réveil particulier, comme elles ont leur sommeil. — Les jeunes animaux doivent dormir. Ceci peut se vérifier aisément sur les enfants, bien que l’explication que donne Aristote ne soit peut-être pas très juste. — Dans d’autres ouvrages. Voir le Traité du Sommeil et de la Veille, Opuscules psychologiques, p. 165 de ma traduction, ch. III, § 7. Les explications données dans ce traité, tant sur le sommeil des enfants que sur la différence de la plante et de l’animal, sont tout à fait semblables à celles qu’Aristote donne ici. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. X, et liv. VII, ch. IX, § 7, sur le sommeil des enfants.
  9. Semblent être éveillés. Il paraît prouvé que le foetus n’est jamais éveillé, et que les mouvements qu’il peut avoir dépendent bien plus du point où est arrivé son développement qu’ils ne dépendent de lui-même ; ils sont purement réflexes. — Par l’Anatomie. Nouvelle preuve, entre cent autres, qu’Aristote demandait à l’anatomie exactement ce que nous lui demandons. — Pour les petits des ovipares. Ceci est sans doute une allusion à l’étude qu’Aristote avait faite de l’œuf des gallinacés. — Aussitôt après leur naissance. Ceci n’est peut-être pas très exact. — Et ils s’affaissent de nouveau. On ne voit pas bien à quel phénomène réel ceci se rapporte. — C’est pour cela aussi. La conséquence n’est pas rigoureuse. — Ils dorment presque tout le temps. Le fait est certain. — Les enfants ne rient pas encore. On peut trouver que ces idées ne se suivent pas très bien, quoique en effet les enfants ne rient guère avant six semaines. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. — Même quand ils dorment. Ce sont les rêves, qu’on peut observer sur les animaux, comme chez l’homme. — Qui se lèvent en dormant… C’est le somnambulisme ; voir le Traité des rêves, Opuscules psychologiques, p. 181 de ma traduction. — Sans rêver le moins du monde. Ou plutôt, sans conserver le moindre souvenir de leurs actions.
  10. Se lèvent et marchent. Ce sont surtout les enfants et les personnes très nerveuses qui sont sujettes au somnambulisme. — Les yeux tout grands ouverts. On a pu faire assez souvent ces observations sur des personnes avec qui l’on vit. — Ce qui se passe autour d’eux. Les somnambules évitent en effet bien des obstacles, sans d’ailleurs savoir ce qu’ils font. — Ils ne sont pas éveillés… Toutes ces remarques sont fort exactes, et la science moderne n’a pu que répéter ce qu’Aristote dit ici. — Les enfants semblent en quelque sorte ignorer… Ceci n’est pas moins exact que tout ce qui précède, et cette ignorance fait en grande partie le charme de l’enfance. — De sentir et de vivre en dormant. Ceci est peut-être exagéré. — Grâce à leur croissance. Dans les débuts de la vie, c’est la partie haute du corps qui l’emporte ; mais, avec le temps, la partie inférieure prend le dessus, et elle acquiert assez de force pour que l’homme prenne la station droite, qui est son privilège exclusif. — Pendant plus en plus de temps. Dans la santé ordinaire, l’homme donne un tiers au sommeil et deux tiers à la veille. — Plus endormis que tous les autres animaux. Ceci n’est pas tout à fait exact. — Les plus imparfaits. Il y a beaucoup de jeunes dans les vivipares qui ne naissent pas plus parfaits que l’homme ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch ; III, §§ 9 et 10 ; et liv. VII, §§ 1, 2, 3.
  11. Les yeux sont plus bleus. C’est un fait que tout le monde a pu observer. — Ils changent ensuite. Ceci n’est pas moins exact. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VIII, § 3 ; et Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. VIII. Il est remarquable que, dans ces deux ouvrages, Aristote s’est peu occupé des yeux. La science moderne n’y a pas non plus donné grande attention. — Ne sont pas aussi apparents. L’explication d’Aristote est juste ; mais cela tient aussi à ce que nous observons les animaux beaucoup moins que nos semblables. — Les bœufs ont des yeux noirs. Je ne sais si le fait est absolument exact. — Les moutons… Même remarque. — De la couleur des yeux du bouc. C’est-à-dire, d’un jaune noirâtre.
  12. Chez les hommes. Comme les yeux de l’homme sont plus faciles à observer, ce qu’Aristote en dit est plus exact. — D’autres sont jaunes. Le fait est vrai, quoique les yeux de cette couleur soient assez rares. — Les deux yeux ne diffèrent pas. C’est le cas le plus ordinaire, en ce qui concerne la couleur ; car pour la force de la vision, il n’arrive presque jamais que les yeux soient parfaitement égaux. — Le cheval. Il paraît bien qu’en effet cette disposition des yeux est fréquente dans l’espèce des équidés. Comme le cheval est un animal domestique, il est presque aussi facile à l’observer que d’observer l’homme.
  13. On ne remarque rien de pareil. Le fait n’est peut-être pas aussi général que le dit Aristote ; mais, les animaux sauvages nous fuyant, il est bien difficile de les observer avec la constance nécessaire. — Il y a quelques hommes. Le cas est certainement fort rare ; et pour moi, je n’ai vu qu’une seule personne qui eût les yeux de couleur dissemblable. Cette différence produit un effet singulier sur toute la physionomie. — En cherchant à s’expliquer pourquoi. C’est toujours la recherche de la cause qui préoccupe le philosophe. — Une raison suffisante. Ce n’est pas à dire, par conséquent, que c’est la seule raison ; il peut y en avoir d’autres. Je ne sais pas si la physiologie moderne a fait des études sur ce point curieux. — Que les yeux des enfants soient plus bleus. Chacun de nous a pu faire cette observation. — Cela tient… Est-ce bien la cause véritable ? — La couleur bleue est une sorte de faiblesse. Pour le temps d’Aristote, la remarque peut sembler bien profonde. Dans le spectre solaire, il est certain que la couleur verte, qui est si répandue dans la Nature, tient le milieu, et qu’elle est la plus douce ; le bleu vient immédiatement après.
  14. Rechercher… la cause. C’est pour Aristote la préoccupation essentielle et la plus constante. Il a raison de chercher la cause, bien qu’ici elle nous échappe nécessairement. Il est amené par là à discuter les opinions de ses devanciers. — On ne saurait admettre. L’explication d’Empédocle est insuffisante ; mais celle qu’on essaie d’y substituer ne l’est pas moins. — Les yeux bleus sont ignés. On doit croire tout le contraire ; car en général les yeux bleus sont plus doux, et n’ont pas les éclairs qui peuvent faire penser au feu. — Ont plus d’eau que de feu. C’est une hypothèse purement arbitraire. — Les yeux bleus voient moins bien… les yeux noirs… Il n’y a rien de moins prouvé, et Empédocle semble faire ici une simple supposition. — N’est pas du tout exacte. Aristote a raison, sans que peut-être sa théorie vaille mieux que celle qu’il réfute. — La vue n’est pas du feu, mais de l’eau. Les humeurs de l’œil sont liquides ; et sous ce rapport, l’objection d’Aristote est parfaitement vraie.
  15. Trouver encore une autre cause. Aristote n’est donc pas si satisfait de son explication qu’il ne puisse en admettre une autre. — Dans le Traité des Sensations. Dans le Traité de la Sensation et des choses sensibles, Opuscules psychologiques, ch. II § 4, p. 28, de ma traduction, Aristote réfute l’opinion d’Empédocle et celle de Platon dans le Timée, l’un et l’autre croyant que la vue vient du feu. Dans ce passage, Aristote cite tout au long les vers d’Empédocle, comparant l’œil à une lanterne d’où sort la lumière. Il combat aussi Démocrite, bien qu’il reconnaisse que la vue est de l’eau. — Dans celui de l’Âme. Il n’y a rien de pareil dans le Traité de l’Âme, bien que la théorie de la vision y soit exposée tout au long, liv. II, ch. VII, p. 210 de ma traduction. Aristote y réfute encore Démocrite, § 6, p. 214 ; mais c’est sur un autre point relatif à la vision dans le vide. D’ailleurs, le Traité de l’Âme vient avant le Traité de la Sensation, ainsi que l’indique ce dernier ouvrage lui-même. — C’est là aussi la cause. La conséquence n’a rien de rigoureux ; mais parmi les hypothèses qu’on peut former sur un fait inexplicable, celle d’Aristote est aussi admissible qu’une autre.
  16. Ont plus d’eau. Ce n’est pas impossible. — Sont noirs. L’accumulation de l’eau ne change pas la couleur, et il y a des eaux très profondes qui sont d’une limpidité parfaite. — Sont peu diaphanes. C’est vrai d’une manière générale ; mais il y a bien des exceptions. — Les yeux qui ont peu d’eau sont bleus. L’explication est ingénieuse, si d’ailleurs elle n’est pas fort exacte. — Pour la mer. La couleur de l’eau tient plutôt à sa composition qu’à sa profondeur ; l’Océan n’est jamais bleu comme la Méditerranée, qui cependant n’est pas moins profonde. — Sa profondeur est insondable. Les Anciens avaient essayé de constater les diverses profondeurs des mers, comme nous l’essayons encore nous-mêmes. — Elle est noire. Ce n’est pas à la profondeur qu’est due la couleur noire ; car il y a des eaux qui ont cette couleur tout en étant très peu profondes.
  17. Les yeux bleus… les yeux noirs. Voir plus haut, § 14 ; c’est la réfutation de la théorie d’Empédocle dans sa seconde partie. — Sont plus agités par l’effet de la lumière. La composition de l’œil étant admise telle que l’expose Aristote, il s’ensuit qu’en effet une moindre quantité de liquide doit être plus agitée qu’une quantité plus grande. — Du liquide et du diaphane. Voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. VII, pp. 210 et suiv. de ma traduction ; la théorie du diaphane y est longuement exposée. — En tant que diaphane. Tout ce passage est obscur, et le Traité de l’Âme n’est pas plus clair sur ce point. — À cause de la quantité d’eau… Ceci est bien la conséquence de ce qui précède, et l’explication est fort ingénieuse. — La lumière de la nuit. L’expression n’a rien que de correct ; car il n’y a jamais dans la nuit une obscurité absolue. — A beaucoup de peine à se mouvoir. On comprend que la lumière étant plus faible pendant la nuit, l’œil en reçoit moins d’impression et de mouvement. — Parce qu’un mouvement plus fort. La remarque est juste ; mais on ne voit pas bien comment elle s’applique ici.
  18. On cesse de voir. C’est une observation que chacun a pu faire bien des fois sur lui-même. L’explication n’est pas précisément celle que donne Aristote ; mais le phénomène tient tout entier au jeu de la pupille, qui se rétrécit, ou qui se développe, avec moins de rapidité qu’il ne convient ; au bout de peu de moments, la vision redevient tout ce qu’elle doit être. — Quand on passe de l’éclat du soleil aux ténèbres. C’est au fond le même phénomène, quoique en sens inverse ; la pupille n’est pas immédiatement dans l’état où elle doit être pour que la vision soit complète. — Le mouvement violent qui est dans l’œil. C’est la contraction ou la dilatation de la pupille, qui ne s’accomplit pas aussi vite qu’il le faudrait. — Ni une vue forte ni une vue faible. On ne peut pas assimiler ces deux sortes de vue autant que le fait Aristote ; l’une et l’autre ne se comportent pas également à l’égard des objets lumineux. — La partie liquide de l’œil. Les humeurs de l’œil en forment la partie liquide et y tiennent une place considérable, l’humeur aqueuse, l’humeur vitrée, etc.
  19. Les maladies… Les deux affections dont Aristote va parler sont bien en effet des maladies. — Le glaucome. On entend par glaucome l’épaississement de l’humeur vitrée qui trouble profondément la vue. — La nyctalopie. C’est l’affaiblissement de la vue pendant le jour, et le renouvellement de sa force pendant la nuit. Il n’est pas prouvé que l’une de ces maladies attaque plus particulièrement les yeux bleus, et l’autre les yeux noirs. — Une sécheresse des yeux. Il était possible, dans l’état des connaissances médicales au temps d’Aristote, de trouver que le glaucome était une sécheresse. — Surtout aux vieillards. L’observation est exacte, et il est bien rare qu’avec l’âge la vue ne s’obscurcisse pas. — Cette partie du corps se dessèche. Le phénomène est réel. — La nyctalopie… Je ne sais pas si la nyctalopie est attribuée par la science moderne à la cause qu’Aristote indique. — Le cerveau est chez eux plus liquide. Dans la jeunesse, toutes les sécrétions se font mieux que dans la vieillesse ; et, à mesure qu’on avance en âge, la constitution s’épuise et toutes les fonctions s’affaiblissent. Hippocrate et son école n’ont pas parlé du glaucome ; mais la nyctalopie leur était connue ; voir Hippocrate, tome V, pp. 193 et 333, et tome IX, pp. 65. 67 et 159, édition et traduction E. Littré. Il est difficile de savoir ce qu’Aristote entend par glaucome, ainsi que le remarquent MM. Aubert et Wimmer.
  20. La vue la meilleure… La science moderne aurait peut-être de la peine à se prononcer sur cette question ; la puissance de la vue dépend tout à la fois de la nature des humeurs de l’œil et de sa forme. La combinaison de ces deux éléments est excessivement délicate, et la vision est plus ou moins bonne selon que l’un ou l’autre domine. — Le mouvement des couleurs. Qui viennent du dehors faire impression sur l’organe. — C’est aussi la nature de la peau. C’est là en effet un élément considérable dans tout l’appareil optique. L’anatomie de l’œil n’était pas assez avancée du temps d’Aristote pour qu’il se rendit compte de tous ces détails, comme nous pouvons le faire ; mais il a très bien compris de quelle importance ils pouvaient être. — Cette peau… C’est la cornée transparente, suivie de l’humeur aqueuse et de l’iris, qui colore l’œil de diverses nuances. La cornée est en effet d’une transparence parfaite, ainsi que l’indique Aristote. — Mince, blanche et bien unie. Ce sont bien là en effet les conditions que la cornée doit remplir pour que ses fonctions soient aussi efficaces que possible.
  21. Elle doit être mince. La cornée transparente n’a pas plus d’un millimètre d’épaisseur ; l’humeur aqueuse en a deux fois plus. La rétine et la choroïde, placées au fond de l’appareil, ont à peine un cinquième de millimètre. Le cristallin en a sept, et le corps vitré en a plus de douze ; voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, 6e édition, p. 818. M. Béclard emprunte lui-même ces données à M. Krauser. — En se plissant. Ceci semblerait indiquer qu’au lieu de dire Unie, il vaudrait peut-être mieux de dire Tendue. Il n’y a pas d’ailleurs à supposer que jamais ces parties de l’œil puissent se plisser. — Vient à se rider. Il avait fallu des observations anatomiques bien délicates pour constater ce fait. — Et s’épaissit avec les années. Il est certain que les meilleures vues s’obscurcissent avec les années ; mais il est possible que cet affaiblissement de la vision tienne encore à d’autres causes que l’épaississement des membranes. — Parce que le noir n’est pas diaphane. La raison est excellente, bien qu’Aristote ne connût pas la composition de la lumière. Le noir en effet absorbe tous les rayons lumineux, et c’est ainsi qu’il est la négation de toute lumière. — Les lanternes. On ne sait pas au juste de quelle matière se servaient les Anciens pour rendre leurs lanternes transparentes. C’était, à ce qu’on croit, des vessies ou de la corne ; plus tard, ce fut du verre. Voir le Dictionnaire de Rich, article Laterna. On a trouvé des lanternes dans les fouilles d’Herculanum et de Pompéi.
  22. Toutes ces causes réunies. La cause principale, c’est l’affaiblissement général que l’âge amène toujours avec lui. — Ont au début les yeux bleus. Voir plus haut, § 13. — Il y a peu d’eau dans leurs yeux. C’est la théorie propre d’Aristote ; il n’est pas sûr qu’elle soit la vraie. — Et les chevaux qui ont des yeux bleus. Les observations sur le cheval étaient déjà très nombreuses au temps d’Aristote, comme le prouvent les ouvrages de Xénophon ; voir ma préface à l’Histoire des Animaux, p. LXIX ; mais je ne sais pas si l’observation spéciale que fait ici Aristote est bien exacte. — Qui fait que les hommes blanchissent. Il est peu probable que la cause soit la même de part et d’autre. Le cheval peut blanchir, avec les années, dans une certaine mesure ; mais il ne devient jamais blanc comme l’homme ; et quelle qu’en soit la cause, ce n’est pas elle qui fait que le cheval a parfois des yeux bleus.
  23. Sont un signe de faiblesse. On peut voir que bien des gens, tout en ayant des yeux bleus, sont très forts et de la plus vigoureuse santé ; mais Aristote veut peut-être indiquer une faiblesse topique exclusivement. La suite de ce paragraphe semble le prouver. — Dans l’humidité du cerveau. Il n’est pas à croire que la composition de la masse encéphalique ait une action décisive sur la couleur des yeux. — En la cuisant dans les deux yeux. Cette expression, assez singulière, est bien celle qui convient à la théorie aristotélique sur la coction en général. Cette théorie remonte tout au moins à Hippocrate ; et elle n’est pas tout à fait fausse, en ce sens que les sécrétions peuvent être plus ou moins parfaites, et que les humeurs peuvent avoir plus ou moins de maturité, ou être plus ou moins crues. — L’un des deux yeux. C’est revenir à ce qui a été dit plus haut, § 13, sur la dissemblance de coloration dans les deux yeux ; ce n’est plus de la couleur bleue de l’iris qu’il s’agit.
  24. Certains animaux… les autres. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote parle de la vue perçante de l’aigle de mer, liv. IX, ch. XXIII, § 5 ; et de la vue très mauvaise des cigales, liv. V, ch. XXIV, § 5. — De deux manières. MM. Aubert et Wimmer remarquent que ces distinctions sont fort importantes en ophtalmologie. — Et la différence que nous remarquons. Le texte n’est pas aussi explicite. D’ailleurs, la théorie est parfaitement exacte ; car la vue n’est pas seule à être plus ou moins vive ; l’ouïe l’est également plus ou moins, ainsi que l’odorat. Aristote aurait pu en dire autant du goût et du toucher, en un mot de tous les sens. — Pouvoir distinguer les moindres détails. La vue alors est plutôt fine que perçante ; mais il est probable que, dans la langue grecque, c’était toujours le même mot qui servait à exprimer les deux facultés. — Qui abrite ses yeux avec la main. C’est le sens précis, à ce que je crois, de l’expression peu ordinaire dont se sert le texte. — Regardant par un tube. C’est le premier élément des lunettes, et l’on voit que, dès le temps d’Aristote, on cherchait à rendre la simple vue plus puissante. — Dans des trous ou dans des puits. Qui font en quelque sorte l’office du tuyau de la lunette, et du télescope, inventé plus tard.
  25. Des yeux très proéminents. L’observation est très fine et très juste ; mais le texte peut avoir encore un sens autre que celui que je lui donne dans ma traduction : « Si un animal a devant la vue un abri quelconque ». Il semblerait, d’après la fin de la phrase, que ce second sens serait préférable, quoiqu’un abri se comprenne bien pour l’homme et ne se comprenne guère pour les animaux. — Que l’eau qui est dans la pupille. C’est l’humeur aqueuse surtout, sans compter les autres humeurs, qui ne sont pas moins nécessaires pour la vision. — En rapport avec le mouvement venu du dehors. Il faut que l’organe puisse supporter la lumière, plus ou moins vive, qui lui vient des objets, et qu’il se mette en une certaine relation avec eux. — Si la peau de la surface n’est pas mince. MM. Aubert et Wimmer font remarquer que, dans ces conditions, la vision est impossible, et ils rejettent la petite phrase incidente : « Comme s’il était près ». Sur ce dernier point, je ne saurais partager leur avis. — Et bien recouverte. C’est-à-dire, ayant la peau de la surface très mince, comme Aristote l’indique quelques lignes plus haut.
  26. C’est dans l’œil même… Cette explication est très juste, quoique Aristote ne pût pas savoir sur la constitution de l’organe de la vue tout ce qu’en sait la physiologie moderne ; il est certain que la forme seule de l’œil suffit pour que la vue soit plus ou moins bonne ; et c’est précisément l’altération de cette forme qui affaiblit la vue avec l’âge, bien que d’ailleurs l’œil reste parfaitement sain. — De même que, sur un vêtement… Peut-être eût-il été possible de trouver une comparaison plus frappante. — Dans une vue très pure. C’est sur la rétine, qu’Aristote ne connaissait pas, que se peignent toutes les nuances des objets perçus par la vision. — C’est la position seule des yeux. Ceci n’est pas tout à fait exact. La position des yeux telle que l’entend l’auteur n’est pas indifférente sans doute ; mais c’est surtout la composition même de l’œil qui importe. — Arrive jusqu’à l’œil. Plus précisément : Jusqu’à la rétine. — Ceux qui ont les yeux saillants ne voient pas… Le fait n’est pas aussi général que le croit Aristote, et il y a des yeux très saillants qui voient très bien de loin. — Ne s’égare pas dans la largeur. Le renfoncement des yeux fait alors l’office d’un tube, et le rayon lumineux ne dévie pas. — S’il n’y a rien au devant des yeux. L’expression est trop vague, et l’auteur aurait pu être plus précis. — Le mouvement de la lumière. L’expression du texte est tout à fait indéterminée.
  27. Quelques naturalistes. Il eût été bon de nommer ces naturalistes. — La vision vient de l’œil… par le mouvement venu des choses. Dans le Traité de l’Âme, liv. II, ch. VII, pp. 208 et suiv. de ma traduction, Aristote a fait la théorie générale de la vision : mais il n’a pas parlé des théories opposées à la sienne. Au § 6, loc. cit., p. 214, il réfute une opinion de Démocrite, qui croit qu’on pourrait voir tout aussi bien, et même mieux, dans le vide. Aristote soutient au contraire, et avec raison, qu’il faut un milieu pour que la vision soit possible. — La vue vient toujours d’un mouvement. Ceci est exact. — On verrait le mieux possible… C’est le pressentiment du télescope et des services qu’il peut rendre. C’est là aussi ce qui fait qu’on allonge de plus en plus les télescopes, quelque grandes que soient les difficultés de construction. — Une sorte de tuyau continu. On doit remarquer que ce desideratum remonte jusqu’à l’Antiquité. — Plus les choses seraient loin. C’est la conséquence rigoureuse de ce qui précède ; mais le fait n’est pas exact, et la science de l’optique ne l’admet pas. MM Aubert et Wimmer croient aussi qu’il faudrait ici dire tout le contraire. C’est aux physiciens qu’il appartient de juger.
  28. Pour l’ouïe et pour l’odorat. Voir plus haut, § 24, au chapitre précédent. — Aussi exactement que possible… de loin. C’est toujours la même distinction que pour la vue : la netteté et la portée. Ces différences sont très réelles. — C’est l’organe lui-même… comme pour la vue. Voir plus haut ch. I. § 26. — Si cet organe est sain. C’est-à-dire, s’il remplit toutes les conditions nécessaires à la perception complète. — La méninge. Ou la membrane. J’ai préféré conserver le mot grec, qui est le même pour l’œil et pour l’encéphale, tandis que, dans notre langue, il ne s’applique guère qu’à l’encéphale tout seul.
  29. Dans le Traité des Sensations. C’est le petit Traité de la sensation et des choses sensibles, qui ouvre les Opuscules psychologiques, les Parva naturalia ; voir ma traduction, ch. 12 et 13 ; mais dans ce passage, la théorie n’est pas la même que celle qui est exposée ici. C’est surtout le goût et le toucher qu’Aristote rapporte au cœur, les autres sens se rapportent au cerveau ; l’auteur y fit en propres termes que l’œil est une partie de l’encéphale. — L’organe qui sent l’air. Voir le traité de la Sensation et des choses sensibles, loc. cit., § 11. Dans la théorie d’Aristote, chaque sens semble devoir se rapporter à un des éléments ; mais cette théorie se heurte à cette difficulté qu’il n’y a que quatre éléments, tandis que les sens sont au nombre de cinq. — Le souffle naturel produit le pouls.. C’est seulement quand la physiologie a bien connu les fonctions du cœur qu’on a pu se rendre compte exactement du phénomène du pouls. — C’est par cet organe aussi. Cette petite phrase peut sembler une interpolation, et elle fait presque double emploi avec ce qui suit.
  30. Autant il est entré de mouvement… La pensée est fort ingénieuse, et le fait est rigoureusement vrai ; cela revient à dire qu’on répète ce qu’on a entendu. — Une seule et même impression. C’est un peu exagéré ; mais le phénomène est bien rendu. — Quand on bâille… on entend moins bien. C’est fort exact, et chacun de nous a pu en faire l’épreuve. — Se trouve sur la partie respiratoire. Il ne serait pas possible de justifier anatomiquement cette assertion ; mais il est certain qu’une gêne quelconque dans la circulation agit vivement sur le sens de l’ouïe ; par exemple, quand on éternue, on n’entend plus rien. L’explication que donne Aristote n’est pas admissible ; elle atteste uniquement une vive curiosité, qui cherche à se rendre compte des choses. — Dans les saisons… humides. Le fait est incontestable ; mais on peut l’expliquer autrement ; c’est la nature de l’atmosphère qui est changée ; ce n’est pas l’organe.
  31. Est sain et pur. Il n’y a dans le texte que le dernier adjectif ; j’ai cru devoir ajouter l’autre pour plus de clarté. — Ne sont pas moins manifestes que ceux de la vue. L’observation est très juste ; et, à cet égard, les trois sens se ressemblent absolument ; il y a des ouïes fines ou obtuses, et de même pour les odorats. — Sentir ou ne pas sentir de loin. Tel individu sent les odeurs, ou perçoit les sons, de plus ou moins loin que tel autre individu, de même que la vue varie également, et qu’elle est plus ou moins longue. — Des espèces de canaux. Qui font alors pour l’odoration ce que les tubes peuvent faire pour la vision. — Qui s’étendent loin dans ces parties. Ainsi, les chiens ont le museau plus ou moins allongé, et l’olfaction varie chez eux avec ces conditions mêmes. — Peuvent sentir de très loin. Au lieu de Sentir, on pourrait traduire : Odorer. — Les chiens de Laconie. On en faisait très grand cas dans toute la Grèce, et les chasseurs y tenaient beaucoup. Aristote en parle plusieurs fois dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XX, §§ 1 et suiv. ; liv. VIII, ch. XXVII, § 11 ; et liv. IX, ch. I § 4, n. Voir aussi ma préface, p. LXXI, à propos de l’étude de Xénophon sur les chiens de chasse. — Qui ont de longs nez. C’est l’organisation ordinaire des chiens de chasse. — Mais ils arrivent tout droit. On ne pourrait pas répondre de l’exactitude parfaite de cette explication. — Quand on se fait une ombre. Voir plus haut, ch. I, §§ 24 et suiv.
  32. Qui ont de longues oreilles. L’assimilation des deux sens est fort exacte, et les oreilles jouent, sous ce rapport, à peu près le même rôle que les narines. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote a dit quelques mots seulement des oreilles, liv. I, ch. IX ; et il n’a parlé que des oreilles de l’homme. Dans le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. XI, §§ 1 et suiv., il a dit quelques mots très concis des oreilles des quadrupèdes et de leur position. Les détails qu’il y donne sont exacts ; mais ils ne sont pas aussi développés qu’ici. — Quand ils ont à l’intérieur une longue spirale. Ceci indique évidemment des observations anatomiques et des dissections sur les organes de l’ouïe ; seulement, l’analyse n’a pas été poussée assez loin ; mais on sait qu’aujourd’hui même on a encore beaucoup d’études à faire sur l’organe auditif. — Prennent le mouvement à grande distance. L’image est très juste, et l’on conçoit très bien que de plus longues oreilles doivent recueillir plus de son, quand elles sont droites et larges. — Le moins bien organisé. C’est peut-être exagéré ; mais il est certain que bon nombre d’animaux ont l’ouïe plus fine que nous. — Les différences des choses. Sans doute parce qu’il est le seul à les comprendre. — Le moins terreux. Ceci répond à la théorie des quatre éléments, adoptée par Aristote et par toute l’Antiquité, jusqu’à la Renaissance. — Et le moins matériel. Mot à mot, Corporel. — La peau la plus fine. Ceci peut être exact, avec la réserve qu’y ajoute l’auteur.
  33. La Nature… Ici, comme dans cent autres passages, Aristote admire la sagesse infinie de la Nature. — Le phoque. Tout ce que l’auteur va dire de l’organisation du phoque est exact ; mais il peut sembler que c’est là une digression peu nécessaire. — N’a pas d’oreilles. Il faut sous-entendre : « à l’extérieur », puisque l’animal a les conduits auditifs. On peut voir des détails analogues dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IX, § 5. — N’aurait aucune utilité. On peut approuver complètement toutes ces explications ; et, en ceci, l’intention de l’auteur des choses est de toute évidence.
  34. Voilà ce que nous voulions dire ici. Ce résumé partiel est fort exact ; mais les études sur la vue, l’ouïe et l’odorat, ne se rapportent plus à la question de la génération ; voir la Dissertation préliminaire sur la composition du Traité de la Génération, t. I, à la suite de la Préface.
  35. La chevelure. Aristote a dit quelques mots de la chevelure de l’homme, en même temps qu’il traitait des poils en général, dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, §§ 8 et 9, et aussi liv. I, ch. I, § 9, sur les poils des animaux. Il n’en a dit qu’un mot dans le Traité des Parties, liv. II, ch. XIV, § 5. Ici l’étude est plus complète. — Selon l’âge. La calvitie et la blancheur sont, dans le cours des années, les deux principales affections de la chevelure humaine. — Elle en présente aussi. Dans notre langue, le mot de chevelure s’applique spécialement à l’homme ; dans la langue grecque, au contraire, le mot peut s’appliquer tout à la fois à l’homme et aux animaux. — Presque tous… Il y a en effet des exceptions assez nombreuses. — En guise de poils. L’idée est ingénieuse, et on peut la trouver vraie ; Aristote l’a déjà exprimée dans l’Histoire des Animaux liv. III, ch. X, § 4. — Et de quelques autres vivipares. Ils sont peu nombreux.
  36. Les différences des poils… Toutes ces observations sont exactes ; la science moderne y a donné moins d’attention. — La rudesse ou la douceur. Ces différences peuvent être remarquées dans notre espèce et dans toutes les autres, notamment chez les animaux domestiques, comme les chiens, les chats, etc. — Par les couleurs. La couleur du pelage est la plus frappante de ses qualités. — Simplement de l’âge. Ceci peut se voir surtout chez les enfants, dont la chevelure prend d’année en année une couleur plus foncée.
  37. C’est surtout dans l’homme. Les différences sont sans doute plus marquées dans notre espèce ; mais c’est là aussi qu’on peut les observer le plus aisément. — A mesure que l’homme vieillit. Ou plutôt : « Prend des années » à partir de l’enfance ; car plus tard, quand l’homme vieillit réellement, il perd peu à peu ses cheveux. — Enfant… calvitie… les femmes. Ces observations sont déjà dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 11. — Les cheveux blanchissent. C’est le cas le plus ordinaire de beaucoup ; il y a cependant des exceptions. — Pour ainsi dire. La restriction est nécessaire, et il y a des animaux qui, sans blanchir précisément, perdent leur couleur avec l’âge. — C’est le cheval. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8.
  38. Le devant de la tête… ceux des tempes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 9. — Jamais. C’est peut-être dire trop. Il y a dans ce genre des cas exceptionnels. — Des plumes… des écailles. Dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 8, Aristote rapproche aussi les plumes et les écailles ; ici il fait les écailles et les plumes analogues aux poils. L’idée est profonde ; mais je ne sais pas si la science moderne peut l’accepter. — Subissent également quelques changements. Ces modifications sont évidentes chez les carpes qui vieillissent dans les viviers. — À peu près de même. La réserve que fait ici Aristote est indispensable, parce que, chez les animaux, les changements sont bien moins sensibles.
  39. Antérieurement… en traitant des Parties des Animaux. Dans le Traité des Parties, Aristote n’a consacré que quelques lignes à cette question, et il ne l’a pas étudiée longuement, comme on pourrait le croire d’après cette référence ; voir le Traité des Parties, liv. II, ch. XIV, § 5. Aristote a bien exprimé son admiration pour la sagesse de la Nature dans une foule d’autres passages ; mais ce n’est pas dans celui-là. C’est indirectement qu’il s’y occupe de la chevelure de l’homme, à laquelle il ne s’arrête même pas ; et c’est à propos des cils et de la queue des animaux qu’il en dit quelque chose. — L’objet de la présente étude. Elle semble en effet être annoncée dans le Traité des Parties, loc. cit., § 6.
  40. C’est surtout la peau. Cette même théorie est développée dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 2 ; et là aussi, Aristote fait dépendre la nature des poils de celle de la peau. — La peau. Ces variétés de la peau selon les espèces sont évidentes. — C’est la différence d’humidité. Cette même cause est indiquée d’un mot dans l’Histoire des Animaux, loc. cit. ; elle est très réelle. — Quelque chose de terreux. Ceci se rapporte à la théorie des quatre éléments, où la terre est regardée comme la matière de tout ce qui a quelque solidité. — Solide et terreuse. Même remarque.
  41. Les parties correspondantes. Les plumes et les écailles, d’après ce qui vient d’être dit plus haut ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 8. — Ne viennent pas de la chair… mais de la peau. La distinction est juste ; les poils ne vont pas jusqu’à la chair, et leur bulbe ne dépasse point l’épiderme. — Les poils épais. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 2, où cette explication est déjà donnée. — Les poils s’épaississent. C’est une répétition de ce qui précède. — La largeur des canaux. Il s’agit ici des vaisseaux capillaires, qui nourrissent la racine bulbeuse des poils. — Par l’étroitesse même des vaisseaux. Si l’on repousse cette théorie, il n’en faut pas moins rendre justice aux efforts que fait l’auteur pour bien comprendre les phénomènes.
  42. En général. En posant cette généralité, Aristote voit bien qu’elle souffre beaucoup d’exceptions, et il en indique lui-même une dans ce qui suit. — Les porcs… Dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, §§ 5 et 13, Aristote établit que le porc a des poils répandus sur tout le corps ; mais ces poils sont très peu nombreux. — Relativement aux bœufs. Cette différence est réelle, puisque le bœuf est couvert de poils ; mais elle ne l’est pas relativement à l’éléphant, qui n’a guère plus de poils que le cochon. — La même cause. C’est-à-dire, l’épaisseur de la peau. — Est la plus épaisse. Je ne sais pas si cette observation est parfaitement exacte, et il y a peut-être encore quelques autres parties du corps où la peau est au moins aussi épaisse, si ce n’est même plus épaisse. — Plus poreuse. Même remarque.
  43. Sont longs ou qu’ils sont courts. Il est probable que la dimension des poils tient encore à d’autres causes, notamment à la santé de l’animal. — L’humidité qui se vaporise. Il n’est pas présumable que la physiologie de notre temps accepte cette théorie ; mais je ne sais pas si elle a sur ce point des théories bien arrêtées. — Qui sont les plus longs. C’est parfaitement exact ; mais la cause reste toujours obscure. — L’encéphale, qui est humide et froid. Voir dans le Traité des Parties des Animaux les fonctions du cerveau, liv. II, ch. VII, §§ 14 et 15, et aussi liv. II, ch. X, § 5. Selon Aristote, le cerveau est essentiellement froid, et son rôle principal est de refroidir le corps tout entier, et notamment le cœur.
  44. Selon l’évaporation qu’ils contiennent. Cette théorie n’est pas acceptable. — De nature fumeuse. Voir ces distinctions de l’évaporation, ou exhalaison, dans la Météorologie, liv. I, ch. IV, § 2, et liv. III, ch. VII, § 4 ; voir aussi ma Préface à ce traité, p. VIII. L’exhalaison fumeuse vient de la terre ; l’exhalaison humide vient de l’eau ; c’est l’évaporation proprement dite. — Elle fait friser le poil. Il ne faut pas juger trop sévèrement ces théories ; peut-être aujourd’hui, l’explication de ce phénomène n’est-elle pas plus avancée. — Le terreux se dirige en bas. On ne voit pas trop comment ce mouvement peut se produire. — L’igné se dirige en haut. Ceci se rapporte toujours à la théorie des quatre éléments. Il y a, selon Aristote, de la terre et du feu tout à la fois dans le poil. — C’est là ce qui cause la frisure. L’auteur ne semble pas lui-même très sûr de cette explication, puisqu’il en donne encore une autre dans le paragraphe suivant.
  45. Mais il se peut aussi… Cette seconde explication ne semble pas meilleure que la précédente, et elle se fonde à peu près sur les mêmes arguments. — Par l’air ambiant. Il est certain que l’air ambiant a une grande influence sur les cheveux et sur les poils ; mais il y a des personnes qui ont les cheveux frisés naturellement, et le milieu n’y fait rien ; les cheveux, bien qu’éprouvant certaines impressions, n’en restent pas moins toujours frisés. — Sur un cheveu qu’on brûle. L’expérience est vraie ; mais elle n’explique rien pour la frisure naturelle. — Qui se trouve dans l’air environnant. Ceci n’explique pas la frisure naturelle, qui est cependant la plus importante. — La preuve, c’est que… Cette preuve n’a rien de décisif.
  46. Tous les animaux qui ont beaucoup d’humidité. C’est bien vague, même après tout ce qui précède. Qu’est-ce que l’auteur entend par l’humidité dans les animaux ? Nous dirions aujourd’hui : Lymphatiques. — La liqueur… sort en s’écoulant. L’auteur ne dit pas sur quelles observations s’appuie cette théorie. — Les Scythes du Pont et les Thraces. Ce sont les peuplades cosaques qui habitent encore les bords de la mer d’Azoff et les contrées au nord de la mer Égée, et sur les rives du Danube. Les connaissances des Anciens sur ces régions n’allaient pas plus loin, et elles étaient fort peu précises. Même au temps de Strabon, la Grèce ne paraît pas en savoir plus sur ces peuplades qu’au temps d’Homère, qui nomme les Thraces ; voir Strabon, liv. VII, ch. III, p. 246, 5, édition de Firmin Didot. La Thrace était plus rapprochée de la Grèce, puisqu’elle était en deçà du Danube, et que Philippe, père d’Alexandre, en fit la conquête ; la Scythie était beaucoup plus éloignée, et ses limites étaient encore plus indécises. En général, toutes ces populations étaient nomades, comme elles le sont encore en grande partie. — Ont les cheveux plats. C’est encore aujourd’hui un des signes caractéristiques de ces races. — L’air où ils vivent l’est comme eux. Cette circonstance n’est pas aussi générale que l’auteur semble le croire. — Les Éthiopiens. Ce sont les nègres. — Ont les cheveux crépus. C’est là une observation que tout le monde a pu faire ; mais au temps d’Aristote, les nègres étaient fort peu connus des Grecs ; et c’était par l’Égypte surtout qu’ils pouvaient les connaître. — Leur cerveau est sec. Sans doute par Cerveau il faut entendre le crâne ; car l’encéphale n’a rien à faire ici.
  47. Il y a des pachydermes. C’est le mot même du texte ; mais l’auteur semble un peu plus bas comprendre les moutons parmi les pachydermes ; on les comprend aujourd’hui parmi les ruminants, qui, il est vrai, sont très voisins des pachydermes ; voir Cuvier, Règne animal, t. I, pp. 236 et 254, édit. de 1829. — Un peu plus haut. Voir plus haut, §§ 7 et 8. — Plus leurs vaisseaux sont fins. Il n’est pas probable que cette raison soit la bonne ; voir plus faut, § 7, où déjà cette théorie est annoncée. — De là vient… Ceci implique qu’Aristote avait étudié d’assez près l’anatomie du mouton. — A des poils très fins. Les poils de la laine ne sont pas très fins, du moins dans nos climats. — Par exemple, le lièvre. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 20, où Aristote parle de la disposition particulière des poils chez le lièvre, mais non de leur finesse. Il est certain d’ailleurs que le poil du lièvre est beaucoup plus fin que la laine du mouton. — Qui est le déchet du lin. Je crois que c’est la force du mot grec.
  48. Dans les climats froids… Dans l’Histoire des Animaux, Aristote cite plusieurs faits pour prouver l’influence que le climat exerce sur les moutons, liv. III, ch. I, § 19. — Ont les cheveux doux. Je ne sais pas jusqu’à quel point le fait est exact ; mais il semble assez peu probable. — Sauromates. Les peuples qui portaient ce nom habitaient les bords du Tanaïs, le Don, au nord des Palus Méotides ; les Grecs les connaissaient à peine, comme le remarque Strabon, liv. VII, ch. II, p. 245, 3, édition Firmin Didot, et aussi liv. II, ch. V, p. 106, 33. — Chez tous les animaux sauvages. Cependant, ils ne vivent pas tous dans des climats froids. — Terreux et durs. Voir plus haut, § 10. — Leur vie en plein air. Cette cause est bien plus réelle que l’action spéciale du froid.
  49. Dans les oursins de mer. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. V, §§ 3 et 4. — Qu’on emploie comme remède. Cette petite phrase pourrait bien être une interpolation ; elle interrompt assez inutilement la suite des idées. — À soixante brasses… C’est plus de cent mètres. On voit que les Anciens avaient songé aussi à l’exploration des grands fonds ; seulement, les moyens dont ils disposaient étaient beaucoup moins puissants que les nôtres. — La grandeur des piquants… L’explication n’est guère admissible ; mais elle est tout à fait conforme aux théories habituelles d’Aristote. — Ne proviennent que de résidu. Toutes les matières de sécrétion viennent du sang et des glandes, qui l’élaborent de tant de façons merveilleuses. — Par le froid et la gelée. C’est aller chercher bien loin l’explication d’une cause qui est beaucoup plus simple. L’animal produit ses piquants, comme tout le reste de son organisation, par le travail sécrétoire qui lui est propre.
  50. C’est de la même manière… les plantes. Aristote rapproche la plante et l’animal, toutes les fois qu’il en trouve l’occasion. — Celles des bas-fonds. Ou : Des vallées. — Elles ont… plus froid. Ceci est vrai pour certaines plantes, mais ce n’est pas vrai pour toutes. — La chaleur et le froid durcissent également les choses. L’assimilation est exacte jusqu’à un certain point, non pas seulement pour le durcissement, mais aussi pour d’autres modifications des corps. — Le froid agit indirectement. Ceci n’est pas assez clair, bien que la suite l’explique en partie. L’auteur veut dire sans doute que le froid, avant d’agir, doit d’abord chasser la chaleur. — Condense… dilate. Ces faits sont exacts, et au temps d’Aristote ces observations étaient neuves. Voir la Météorologie. liv. IV, ch. II, p. 280 de ma traduction.
  51. Avec les progrès de l’âge. Le fait est exact en général ; mais la disposition des poils dépend aussi beaucoup de la santé, qui influe au moins autant que l’âge. — Les plumes et les écailles. L’action des années se fait beaucoup moins remarquer sur ces matières, qui sont moins faciles à observer. — La peau devient plus dure. C’est bien là en effet le résultat de l’âge ; chez les enfants, la peau est toujours plus souple et plus douce. — Le mot même de Vieillesse. Il est vrai qu’en grec les deux mots se ressemblent, bien que, selon toute apparence, leurs étymologies n’aient pas le moindre rapport. — En grec. J’ai dû ajouter ces mots — L’humidité lui manque avec elle. Au paragraphe précédent, il a été dit qu’il n’y a pas d’humidité sans chaleur.
  52. C’est évidemment l’homme… On pourrait même dire que l’homme est le seul animal qui devienne chauve. — Parmi les plantes. C’est forcer les choses que de trouver que la chute des feuilles est une calvitie pour les plantes. La métaphore ne serait exacte que si la chevelure repoussait à l’homme chaque année, comme la verdure revient aux arbres. Voir plus bas, § 23. — Perdent également leurs plumes. Ce n’est pas davantage de la calvitie, puisque les plumes repoussent aussi. On peut trouver une admirable étude sur l’hibernation dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XVI à XIX. — Ce n’est que petit à petit… Ceci est comme une atténuation de ce qui vient d’être dit d’excessif. — Qui reviennent au même. C’est exagéré.
  53. Humidité… graisse,… plantes grasses. Il n’est pas nécessaire d’insister sur l’insuffisance de ces théories ; pour les excuser, il ne faut que se rappeler à quelle époque elles appartiennent. Au début de la science, les erreurs sont inévitables, et nous ne devons pas être trop surpris de celles qui sont commises ici. — Le plus souvent. La restriction est justifiée ; car par exemple, toute la famille des cupressinées, qui a des feuilles persistantes, ne présente pas de plantes grasses. — Dans d’autres ouvrages. On ne sait précisément à quels autres ouvrages d’Aristote ceci fait allusion ; mais on peut croire d’après le texte que ce sont des ouvrages de botanique. Aristote s’était occupé aussi de cette science, bien qu’il en eût laissé l’étude à son élève Théophraste. — Il y a aussi d’autres causes. Ceci prouve que l’auteur ne s’abuse pas sur la valeur des théories qu’il vient d’exposer. — Pour les végétaux. Du moins, pour la plupart, si ce n’est pour tous. — Sur les animaux qui hibernent. On peut voir dans l’Histoire des Animaux toute une étude sur l’hibernation des animaux divers, liv. VIII, ch. XVI à XX, de ma traduction. A ce propos, je fais remarquer que le Dictionnaire de l’Académie française n’admet, ni le mot d’hibernation, ni celui d’hiberner ; ce sont cependant des mots indispensables et bien faits. Les mots d’hivernage et d’hiverner n’ont pas le même sens. — Et moins de chaleur naturelle. La température ordinaire de l’homme étant de 37°, beaucoup de mammifères ont plus de chaleur que lui. Quant aux animaux à sang froid, leur chaleur ne s’élève guère au-dessus de celle des milieux où ils vivent. Ainsi, l’on ne peut pas dire que les animaux aient moins de chaleur naturelle que l’homme, même ceux qui hibernent.
  54. Les hommes ont un hiver et un été. La métaphore est très juste si on la prend dans toute sa généralité ; la vie a ses saisons, moins marquées que celles de l’année, mais qui sont encore très sensibles, bien que les limites en soient moins déterminées. — Après avoir joui des plaisirs sexuels. Voir la même remarque dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 11. — Qu’on les goûte davantage. Observation très exacte, qui est banale pour nous, mais qui était neuve au temps d’Aristote. — Le plus froid de tous les organes. La science moderne a fait beaucoup de recherches sur la température des diverses parties du corps ; mais je ne crois pas qu’elle se soit occupée spécialement de l’encéphale, où la température serait en effet très difficile à constater, pour ne pas dire impossible. On ne voit pas sur quel fait réel Aristote pouvait appuyer sa théorie. — L’acte vénérien refroidit. Le fait est incontestable, et l’observation est facile. — C’est le cerveau. Ceci est également fort exact, et il est certain que les passions du corps portent au cerveau et à la raison une atteinte d’autant plus forte qu’elles sont plus immodérées. — Le cerveau lui-même a peu de chaleur. C’est plus une hypothèse qu’un fait. — La peau… les cheveux. Le degré de chaleur est bien difficile à constater pour toutes ces matières. — Les libertins… Cette observation est fort exacte, comme toutes les précédentes. Voir sur la chaleur animale M. G. Colin, Traité de Physiologie comparée, 2e édition, tome II, pp. 904 et suiv.
  55. C’est aussi cette même cause. On ne comprend pas assez clairement quelle cause veut désigner l’auteur. — Que sur le devant de la tête. Voir plus haut, §§ 3 et 4. — C’est là qu’est le cerveau. Anatomiquement, ceci est inexact, et l’on peut dire que l’encéphale remplit tout l’intérieur de la boîte osseuse, puisque le cervelet y tient si peu de place. — Le plus considérable. Proportionnellement à la grandeur de son corps. Voir le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. VII, §, 10-15, de ma traduction. — Les femmes ne deviennent jamais chauves. C’est exact d’une manière générale ; mais il y a des exceptions. — Les unes et les autres… Cette assimilation des femmes aux enfants n’est pas exacte, sous le rapport qu’indique Aristote.
  56. L’eunuque non plus… Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 11, où se trouvent des observations analogues. — Presque changé en femme. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVII, § 3. Ces changements dans l’eunuque sont très réels. — Qui ne sont pas de naissance. Cette distinction est déjà faite dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8. Il n’y a guère de poils qui soient tout à fait de naissance ; mais il y en a qui viennent presque aussitôt après, et d’autres qui ne poussent que plus tard. — La mutilation… d’un homme en femme. Cette petite phrase ne fait que répéter ce qui précède ; et l’on pourrait la prendre pour une interpolation.
  57. Si les animaux qui hibernent… Aristote apporte ici quelques restrictions dans les ressemblances qu’il établit entre l’homme, les animaux et les plantes. Ces restrictions sont justifiées. — Les cheveux des chauves ne repoussent jamais. C’est exact ; et c’est que sans doute l’action qui fait tomber les cheveux, pénètre jusqu’au bulbe capillaire et le détruit. — Les phases. Ou : Les modifications. — Distinguer l’hiver, et l’été. Voir plus haut, § 18, où cette métaphore a été déjà employée. — Les âges divers ne reviennent pas. C’est là dans l’homme la grande différence, qu’on ne peut jamais perdre de vue. — Bien qu’au fond la cause soit la même. On peut le contester.
  58. Sur

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    ces premiers changements du pelage. Dans ce chapitre, en effet, il est parlé de la position et de la nature des poils, de leur chute et de leur persistance. Dans le chapitre suivant, il sera traité de leur couleur. Voir plus haut, § 2, et aussi l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, p. 267, de ma traduction, où il y a déjà une étude assez longue des poils chez les animaux. Tout ceci est très loin de la théorie de la génération, la seule dont il devrait être question dans le présent ouvrage.

  59. Quant aux couleurs. Ce sera le sujet unique de tout ce chapitre. Il est aussi question de la couleur du pelage dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8 ; il n’en est rien dit dans le Traité des Parties, liv. II, ch. XIV. — À la nature de la peau. Il n’est pas probable que ce soit la peau qui, à elle seule, soit cause de la couleur des poils ; il y a sans doute, sous la peau elle-même, un certain pigment qui détermine la nuance. — Ce n’est pas la peau. Le texte est beaucoup plus concis ; mais le sens n’est pas douteux. — Par la vieillesse… à la suite de quelque maladie. La distinction est très exacte, et la cause dans les deux cas est très différente. — La lèpre blanche. Ou : Albinos ; j’ai préféré la première expression, afin de me rapprocher davantage du texte. — Devienne blanche aussi. Comme elle le devient chez les albinos. — Viennent et poussent. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Par cette cause. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — Une maladie du cheveu. Ou plutôt : « du cuir chevelu ».
  60. Un affaiblissement. C’est la défaillance successive que l’âge amène toujours avec lui. — Un défaut de chaleur. Ce n’est pas probable ; la chaleur ne diminue pas, et l’individu qui a des cheveux blancs de très bonne heure, conserve toutes ses forces et tout son calorique. Ce sont souvent des causes morales qui font blanchir la chevelure. — C’est au refroidissement qu’il incline. Il est vrai qu’on dit vulgairement : Le froid de l’âge, les glaces de l’âge ; mais on ne doit pas prendre ces expressions dans le sens strict. La chaleur proprement dite ne diminue pas chez les vieillards ; mais c’est le système nerveux qui s’émousse, et qui moralement les rend plus calmes et plus sages. C’est une froideur d’un tout autre genre. — La chaleur propre à chaque organe. Il est certain que, dans la vieillesse, toutes les fonctions se ralentissent, notamment celles du sexe ; mais ce n’est pas une diminution de chaleur. — Ne peut plus agir. C’est plutôt une atténuation du principe général de la vie. — Dans le Traité de la Croissance et de la Nutrition. Nous n’avons plus ce traité, et c’est une grande perte. Le Traité de la Nutrition ou de l’Alimentation est cité dans le Traité des Parties des Animaux, liv. IV, ch. IV, § 3, et aussi dans le Traité du Sommeil et de la Veille, ch. § 2, de ma traduction. — Alors plus de détails. Parce que l’auteur traiterait spécialement ce sujet. La nutrition est une des fonctions principales qu’étudie la physiologie.
  61. A peu de chaleur. On ne voit pas par quel moyen on pourrait s’assurer du fait. — À la coction. C’est-à-dire, à la parfaite élaboration du produit. — Par la chaleur du lieu. Il est certain que l’afflux trop considérable et trop fréquent du sang au cerveau, échauffe jusqu’au dehors de la tête et contribue à la calvitie. — Toute corruption, toute putréfaction. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Mais non pas de la chaleur naturelle. La restriction est nécessaire ; car la chaleur naturelle doit conserver plutôt que corrompre. — Dans d’autres ouvrages. Peut-être est-ce la Météorologie, liv. IV, ch. I § 7. p. 276, de ma traduction. — La vapeur terreuse. C’est-à-dire, l’évaporation de matières laissant un résidu terreux, au sens où l’entend la théorie des quatre éléments. — La moisissure. Quelle que soit la valeur de cette explication, il faut louer Aristote de la curiosité qui le porte à se rendre compte des moindres faits. — S’y pourrit. Ce n’est peut-être pas exactement le fait ; mais il se passe certainement dans le bulbe capillaire quelque transformation qui l’altère profondément. — Le grisonnement des cheveux. Je n’ai pas trouvé dans notre langue un mot meilleur que celui de Grisonnement ; mais le Dictionnaire de l’Académie ne l’admet pas, bien qu’il se trouve dans nos vieux auteurs, comme Olivier de Serres ; voir, à ce mot, le Dictionnaire de Littré.
  62. La lèpre blanche et la moisissure. Le rapprochement peut sembler un peu inattendu, bien qu’au fond peut-être il ne soit pas tout à fait faux. — Elles contiennent beaucoup d’air. C’est sans doute par une sorte d’assimilation à la mousse et à l’écume, où il y a en effet beaucoup d’air. — Toute vapeur terreuse. Voir la note du paragraphe précédent. — Vient à se congeler. Ceci peut s’appliquer au givre, mais non à la moisissure, qui est tout autre chose. D’ailleurs tous ces phénomènes, quelque fréquents qu’ils soient, sont assez obscurs. — Sont à la surface des corps. Ceci est exact ; mais c’est à peu près le seul rapport entre la moisissure et le givre. — La vapeur n’est jamais que superficielle. Ceci n’est pas exact d’une manière générale. Il ne s’agit, à ce point de vue, que de la vapeur qui s’attache à quelques corps par un refroidissement subit.
  63. Aussi, les poètes. On ne saurait dire à quel poète comique on doit attribuer cette métaphore, qui est en effet assez plaisante. — Le givre de la vieillesse. L’expression est neuve et n’est pas fausse ; on dit souvent : « il a neigé sur sa tête », en parlant de quelqu’un qui a les cheveux blancs. L’image est naturelle. — L’un en genre, l’autre en espèce. La distinction peut paraître subtile, et au fond elle n’est pas très exacte. La moisissure n’est pas une vapeur, et le givre n’est pas une putréfaction. — Ce qui le prouve bien. Cette preuve n’est pas aussi décisive que le croit l’auteur ; mais le fait qu’il rapporte est exact ; et souvent les cheveux repoussent plus noirs, après une maladie qui d’abord les a fait tomber. — Avec le rétablissement de la santé. Ces cas ne sont pas très rares.
  64. Manque de la chaleur naturelle. Ceci n’est pas tout à fait exact, puisque, dans bien des maladies, la fièvre augmente la chaleur, loin de la diminuer. — Souffrent de ce malaise général. Au contraire, ceci est d’une exactitude parfaite ; toutes les parties du corps sont solidaires, et elles souffrent toutes en même temps. — Une masse… de sécrétion. Cet excès de sécrétion se produit dans quelques maladies, mais non pas dans toutes. — Le défaut de coction. Il faut entendre par là un défaut réel d’élaboration, qui rend la fonction insuffisante dans ses résultats. — De vieux, ils redeviennent jeunes. C’est l’effet de la convalescence et de la guérison. — Changent en même temps qu’eux. C’est exact.
  65. On a… raison de dire. C’était sans doute un dicton vulgaire, plutôt qu’une théorie physiologique. — Vieillesse accidentelle… maladie naturelle. Dans certaines limites, le rapprochement n’est pas faux, et le motif que l’auteur en donne est en effet très sérieux. Quelques maladies vieillissent beaucoup les personnes qu’elles atteignent. — Ce sont les tempes… Les idées ne se suivent pas bien ; d’ailleurs, le fait est exact. Ceci a déjà été dit dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. IV, 9. — Il n’y a pas d’encéphale en elles. On dirait qu’Aristote a complètement omis le cervelet ; et même sans le cervelet, le cerveau est au derrière de la tête presque autant qu’au devant. — La fontaine. Ou : Fontanelle, au sommet de la tête ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. III, § 2 ; ch. VIII, § 1 ; et ch. XIII, § 5. — Assez peu d’humide… une assez forte quantité. Le texte n’est pas tout à fait aussi net ; j’ai tâché d’être plus précis dans ma traduction. — En dehors. C’est l’expression même du texte.
  66. Telle est la cause… En résumé, c’est la constitution du cerveau, telle que la comprend Aristote, qui fait que les cheveux de l’homme blanchissent. Je ne sais pas quelle est la théorie actuellement acceptée par la science. — Ce changement aussi sensible. Aristote semble donc admettre qu’il y a toujours changement chez les animaux ; le fait n’est pas absolument exact, et beaucoup d’animaux meurent sans que leur poil ait grisonné ou blanchi. — Les animaux ont peu de cerveau. Dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIII, § 3, il a été établi que c’est l’homme qui, de tous les animaux, a proportionnellement l’encéphale le plus gros. La science moderne admet aussi cette théorie. — N’est pas impuissante… Ceci n’explique pas suffisamment le fait. — C’est le cheval. La même observation est déjà dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8, mais avec moins de détails. — L’os le plus mince. Je ne sais pas si l’anatomie de notre temps a sanctionné le fait ; elle s’est beaucoup occupée des dents du cheval, et beaucoup moins des os de sa tête. — Un coup léger. Il en est de même de l’homme ; un coup léger à la tempe peut lui être fatal, parce que, dans cette partie de la tête, l’os est très mince, comme Aristote le dit du cheval. — Aussi Homère… Iliade, chant VIII, vers 83. — L’humidité s’écoule aisément. Il n’est pas prouvé que les os soient aussi perméables que l’auteur semble le croire.
  67. Les cheveux roux. L’observation pouvait être plus exacte dans le climat de la Grèce que dans le nôtre, où il ne paraît pas que les cheveux roux aient ce désavantage de blanchir plus vite. — En quelque sorte une maladie du cheveu. C’est exagéré, et à ce compte les cheveux noirs seraient seuls en santé. — On dit que les grues. C’est une simple observation populaire, que reproduit Aristote, sans se prononcer lui-même. Le fait paraît assez exact, et il se trouve indiqué déjà dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 18 L’explication que donne Aristote est fort contestable.
  68. D’une sorte de pourriture. Le mot est peut-être trop fort ; mais l’altération est évidente, et il est clair que c’est un affaiblissement dans la sécrétion. — Comme on l’a dit. Il est difficile de savoir à qui l’on doit rapporter cette théorie. — Blanchissent plus vite. Le fait est exact. — L’air. Mot à mot : « Les vents » — Mélange d’eau et d’huile. Chez nous, c’est l’huile seule qu’on emploie, et surtout les pommades. — Préserve et fortifie. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — L’eau refroidit. Ceci dépend beaucoup de la température. — Empêche qu’il se dessèche. Il semblerait qu’il s’agit ici d’une sorte de pommade, où le mélange se maintient plus longtemps. — Poussent blancs tout à coup. Ce n’est pas une raison pour que le changement brusque ne soit pas une dessiccation. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8. — Rien de ce qui est desséché. Il faudrait ajouter : « Et qui est mort de sécheresse ».
  69. C’est par le bout… Même observation consignée dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 8 ; elle paraît exacte. — Il y a moins de chaleur. La sève qui nourrit les cheveux se porte avec moins de force aux extrémités. — Quand les poils blanchissent. Les animaux chez lesquels le poil blanchit sont en petit nombre. — C’est la peau qui détermine les couleurs. Dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, Aristote a étudié les rapports de la peau et des poils ; mais il n’a pas dit que ce c’est la peau qui déterminât les couleurs ; seulement, la peau est ordinairement de la même couleur que le pelage. — Chez l’homme. L’exception est exacte ; mais il est vrai que, sur l’homme, l’observation est plus facile que sur le reste des animaux.
  70. La peau la plus mince. Ceci est dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 5, et presque en termes identiques. Cette observation n’a guère été faite que par Aristote, seul entre tous les naturalistes. — Aucune influence sérieuse. En supposant que l’explication ne soit pas tout à fait exacte, elle doit tout au moins paraître fort ingénieuse. — Parce qu’elle est faible. Cette expression du texte est bien vague. — Le soleil et le vent. C’est une observation que chacun peut faire. — Fait l’effet d’une terre. Le mot dont le texte se sert n’a pas un sens très précis ; l’auteur a sans doute voulu dire, par cette métaphore, que l’épaisseur de la peau nourrit les poils comme un sol gras nourrit les plantes. — Leur peau ne change pas. Peut-être, est-ce faute d’observations suffisantes qu’on suppose que la peau des animaux ne change pas. En y regardant de plus près, on verrait sans doute le contraire.
  71. Certains animaux n’ont qu’une seule couleur. Ceci est vrai des espèces entières, et le naturaliste fait bien de constater tous ces phénomènes, quoiqu’ils soient d’importance secondaire. Il ne semble pas que la physiologie comparée se soit beaucoup occupée de la couleur des animaux. — Les lions, qui sont tous de couleur fauve. Cuvier fait la même remarque, Règne animal, tome I, p. 161, édition de 1829. — Espèces d’oiseaux et de poissons. Où tous les individus sont de la même couleur. — Le bœuf, qui peut être tout blanc. Nos climats ont aussi des espèces de ce genre, comme en avait la Grèce.
  72. Qui ont des couleurs diverses. Les couleurs peuvent être nombreuses dans l’espèce entière et sur chaque individu, comme sur le paon, où elles sont en effet très variées. Elles le sont aussi sur le léopard, qui a des rangées de taches, et sur la panthère, où les taches prennent la forme de roses, Cuvier, Règne animal, tome I, p. 162. On peut voir les mêmes variétés sur nos chats domestiques. — Des thrattes. On n’a pu identifier ce poisson. C’est peut-être une sorte de perche. — Les individus ont cette diversité. C’est ce qui arrive dans la plupart des espèces, comme toutes celles des espèces que cite Aristote.
  73. Les animaux à couleurs entières. C’est-à-dire, les espèces où tous les individus offrent une seule et même couleur ; mais alors ceci se confond avec ce qui suit. Les deux mots du texte sont fort rapprochés l’un de l’autre, et il est difficile de se rendre compte de la distinction qu’Aristote prétend faire. Peut-être, par Couleurs entières, faut-il entendre des couleurs bien prononcées, et le contexte pourrait sembler justifier cette interprétation. D’après le commentaire de Philopon, il faudrait comprendre par Couleurs entières les espèces où tel individu est noir, par exemple, et tel autre blanc, comme le bœuf ; et par Couleur unique, les espèces où tous les individus, sans exception, n’ont qu’une seule et même couleur, comme les lions qui sont tous fauves. — Ils changent du tout au tout. Aristote aurait dû citer expressément quelques espèces, afin de rendre sa pensée plus claire. Dans sa langue, les mots dont il se sert sont composés d’une façon presque identique ; ce qui ne laisse pas que d’obscurcir encore la pensée. — Une seule et unique couleur. Dans tous les individus. — L’espèce alors peut aisément… Un exemple, pris sur une espèce quelconque, aurait rendu tout ce passage beaucoup plus intelligible.
  74. Pour les espèces qui n’ont qu’une seule couleur. La couleur unique se retrouve alors dans tous les individus de l’espèce ; ou plutôt, ce n’est pas une couleur unique, c’est plutôt une couleur uniforme. Les exemples cités à la fin de la phrase justifieraient ce dernier sens ; la perdrix et le moineau ne sont pas d’une seule couleur ; mais tous les individus sont colorés de la même manière. Il est vrai que tous les corbeaux sont noirs. — Un ours de couleur blanche. C’était peut-être un ours blanc amené par quelque hasard en Grèce, où il aurait causé une grande surprise ; mais dans cette hypothèse, ce ne serait plus un ours qui aurait changé de cou-leur ; ce serait un ours qui aurait gardé sa couleur propre. — Ces accidents se produisent. Cette phrase, où l’on revient indirectement au sujet de la génération, pourrait bien avoir été interpolée ; elle ne tient pas suffisamment, soit à ce qui précède, soit à ce qui suit.
  75. Une couleur entière. Il y a des manuscrits qui disent : « une seule couleur » au lieu de « couleur entière ». J’ai conservé la première variante comme l’ont fait MM. Aubert et Wimmer, p. 390. — À cause des eaux qu’ils boivent. Cette influence prétendue des eaux, sur la couleur des animaux, est signalée dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 19, où l’auteur cite quelques cas singuliers, et même tout à fait impossibles. Ici, il va moins loin ; mais les propriétés qu’il attribue à l’eau, selon qu’elle est chaude ou froide, ne sont pas plus réelles. — Fait devenir le poil blanc. Voir la note dans l’Histoire des Animaux, loc. cit., p. 280, de ma traduction. Ces idées étranges sur l’action des eaux subsistaient encore dans toute leur force du temps de Strabon, qui semble les partager, malgré son bon sens ordinaire. — Même aux végétaux. Le fait n’a rien d’exact. — L’eau chaude contient plus d’air. Peut-être pourrait-on traduire : « Les corps chauds », au lieu de l’eau chaude ; l’expression du texte est indéterminée ; et, grammaticalement, elle semble se rapporter aux eaux plutôt qu’aux corps en général ; mais il est bien singulier de dire que l’eau chaude contient plus d’air que d’eau. Ce qui est vrai, c’est que le liquide se vaporise par l’action de la chaleur.
  76. Par maladie… par nature. La distinction est très réelle, et la différence est considérable dans ses effets, comme dans son but. — La cause est également tout autre. C’est là la vraie raison. Dans un cas, la nature est dans son action régulière et pleine ; dans l’autre cas, elle est altérée. — L’air qui y est renfermé. C’est, sans doute, le fait de l’écume qui a donné lieu à cette théorie ; dans l’écume, il y a en effet beaucoup d’air ; mais dans la vapeur sortie de l’eau chaude, il y a de plus la chaleur qui cause le phénomène.
  77. Cette observation explique. Cette explication n’est pas aussi décisive que l’auteur semble le croire, puisque les animaux sont blancs sur le dos presque aussi souvent que sous le ventre ; mais l’observation n’en prouve pas moins une grande attention à constater les faits. — Toutes les bêtes blanches. L’expression du texte est encore plus générale, et il dit : « Toutes les choses blanches ». — La coction donne de la douceur. C’est pour cela que l’on fait cuire les viandes, au lieu de les manger crues. — C’est la chaleur et le froid. Ce n’est pas prouvé, et il y a évidemment bien d’autres causes que la température. — Chacune des parties du corps a sa chaleur propre. Le fait est exact, et il est facile de l’observer. La science moderne s’est occupée de ces différences, et elle a poussé ses analyses beaucoup plus loin que les Anciens n’avaient pu le faire. Le thermomètre a été porté jusque dans les parties intérieures du corps, et appliqué aux diverses parties extérieures. La chaleur diminue toujours du centre à la périphérie. La différence peut s’élever parfois de quatre, cinq et même six degrés. On sait que le sang artériel est plus chaud que le sang veineux, que l’abdomen est plus chaud que le cœur, que le cœur gauche est plus chaud que le cœur droit, etc., etc. Voir le Traité de Physiologie comparée de M. G. Colin, 2e édition, tome pp. 906 et suiv., où cette étude est approfondie.
  78. La langue. Par la Langue, il faut sans doute entendre, non pas seulement la langue proprement dite, mais encore le palais, dont les couleurs varient également selon les espèces et selon les races, comme on le voit chez les chiens. — Comme une des parties extérieures du corps. Cette remarque est ingénieuse et juste. — Dans le cas de la main ou du pied. Ceci aurait demandé un peu plus d’explication ; mais on voit suffisamment ce que l’auteur a voulu dire. — La peau qui recouvre la langue. Et l’on pourrait ajouter : « Et le Palais ». Dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IX, § 13, il a été dit quelques mots de la langue de l’homme ; et dans bon nombre d’autres passages, il y a des détails sur la langue des divers animaux ; mais il n’y est pas question de la couleur de la langue, non plus que dans le Traité des Parties des Animaux, bien que ce dernier traité s’occupe assez longuement de la langue, notamment liv. II, ch. XVI et XVII.
  79. Qui changent de couleur selon les saisons. Ces changements sont très réels, et Aristote les a signalés dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, §§ 18 et 19 ; il a indiqué aussi les illusions que causent parfois ces changements, liv. IX, ch. XXXVIII, §§ 3 et 5. On croit à de nouvelles espèces, tandis que c’est le plumage seul qui est changé. — L’âge… selon la saison. L’assimilation n’est pas très exacte, et l’auteur lui-même l’atténue dans ce qui suit. La saison n’a qu’une influence passagère, tandis que celle de l’âge est constante. — Sont bien plus profondes. Voilà le vrai. — Qui sont omnivores. Ceci semblerait donner à la nourriture des animaux une influence que sans doute elle n’a pas. — Abeilles… frelons… guêpes. La nourriture de ces insectes n’est pas aussi variée que ce passage pourrait le faire croire ; l’abeille, en particulier, se nourrit toujours des mêmes fleurs. — Si c’est la nourriture qui cause le changement. C’est là précisément la question ; on ne peut pas nier d’ailleurs que les aliments n’exercent une action considérable sur tout l’organisme ; mais ils ne changent pas la couleur.
  80. Sur les couleurs de la peau et des poils. Cette étude ne paraît pas avoir été reprise sur une large échelle par la science moderne ; elle n’est pas cependant sans intérêt, et il doit y avoir de secrètes harmonies entre la couleur des animaux et le milieu où ils vivent, et leur organisation générale. Ces études sont à faire.
  81. La voix des animaux. L’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, contient une admirable étude sur la voix des animaux ; le présent chapitre ne fait guère que répéter ce que l’auteur a déjà dit, tout en le complétant par des développements nouveaux. — De tant de diversités. Ces diversités ont été énumérées avec concision dans ce paragraphe ; mais les principales y sont indiquées ; et cela prépare ce qui suit.
  82. Tient à la même cause. Cette théorie n’est peut-être pas très exacte ; il est bien vrai que l’âge a une grande influence sur la voix ; mais l’âge ne suffit pas pour expliquer à lui seul tous les changements. Au même âge, sur des individus de même espèce, le timbre de la voix peut être fort différent. — Une voix plus aiguë. Le fait est certain ; ce qui n’empêche pas que les voix sont toujours très diverses. — Excepté les veaux. L’observation peut paraître exacte, bien que le beuglement des bœufs et des vaches soit aussi bien grave. — Entre les mâles et les femelles. Cette différence est très sensible dans l’espèce humaine, comme Aristote le remarque très bien, quoique l’explication qu’il en donne ne soit pas fort juste. — Le seul animal qui ait le langage. Aristote a déjà dit dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 15, que le langage est le privilège exclusif de l’homme ; je crois qu’il est le premier à avoir fait cette remarque essentielle. — La voix des femelles qui est plus grave. J’ai conservé la formule du texte ; j’aurais pu dire : « Des vaches ». Voir la même observation dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 9 ; cette observation est d’ailleurs exacte.
  83. Pourquoi les animaux ont-ils une voix ? La question peut sembler assez singulière au premier abord ; mais cependant, elle est assez naturelle, et bien qu’il ne soit pas facile d’y répondre d’une manière générale, il y a des espèces, et notamment l’espèce humaine, où l’objet de la voix est manifeste ; elle est chargée de communiquer la pensée d’un individu à un autre. Mais chez les animaux ce but est moins évident, bien qu’il le soit encore dans certains cas. — Le bruit. Aristote a distingué avec grand soin le bruit et la voix ; Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 1. Il a même distingué le langage du bruit et de la voix. — Dans le Traité de la Sensation. Voir ce traité dans les Opuscules psychologiques, ch. I, § 10, p. 24, de ma traduction. — Dans le Traité de l’Âme. Voir ce traité, liv. III, ch. XIII, § 3, p. 351, de ma traduction. Du reste, dans ces deux ouvrages, la question n’a été touchée que très incidemment.
  84. La gravité du son… longueur du mobile. Cette théorie est fort exacte, et c’est un des principes fondamentaux de l’acoustique. Les cordes de la lyre, chez les Anciens, suffisaient pour le faire comprendre. Il faut se rappeler en outre, que dans l’École d’Aristote, on avait fait beaucoup de musique théorique, qu’Aristote lui-même avait fait un livre sur la musique, Catalogue de Diogène Laërce, n° 116 ; et qu’Aristoxène était un de ses élèves. Il est vrai qu’il y a loin des cordes de la lyre aux cordes vocales de l’organisme humain. — Il n’est pas plus facile… C’est une conséquence rigoureuse du principe qui vient d’être posé. J’ai adopté la correction de MM. Aubert et Wimmer. — Le son grave de la voix… Il n’est pas sûr que tous les auditeurs soient de cet avis, et il y en a beaucoup qui préfèrent le ténor au baryton. — Semble supérieure. C’est la suite de ce qui précède ; mais il semble résulter de ce passage que les Anciens ont connu l’harmonie, au moins dans l’accord des voix chantant sur des tonalités différentes. — Est une suprématie. On pourrait, à l’inverse, en dire tout autant du son aigu.
  85. Autre chose que la force ou la faiblesse. Ce principe n’est pas moins vrai que les précédents, et il mérite aussi d’être remarqué. — Fortes… très faibles. Toutes ces observations sont très justes. — Pour les timbres moyens. Le principe en effet s’applique tout aussi bien aux tons médians qu’aux tons extrêmes, en haut et en bas. — Grosseur… petitesse du mobile. Ceci répète ce qui vient d’être dit au paragraphe précédent ; mais la petitesse et la grosseur du mobile, ou de la corde qui vibre, a moins d’importance que sa longueur plus ou moins grande. — Une voix grave et une forte voix… Une voix aiguë et une voix faible. Cette théorie paraît irréprochable, bien qu’Aristote la combatte dans ce qui suit.
  86. Cette théorie nous paraît erronée. La distinction que fait l’auteur ne paraît pas décisive, pour démontrer l’erreur qu’il réfute. — Peuvent être pris en un double sens. C’est exact, puisqu’on peut considérer la chose en elle-même et isolément, ou dans son rapport à d’autres choses. — Consiste uniquement. Ceci n’est peut-être pas très vrai ; il est bien certain que la comparaison fait ressortir la différence ; mais les choses ont en elles un caractère propre, indépendamment de leurs relations.
  87. Si la force du mobile… C’est la traduction exacte ; mais peut-être vaudrait-il mieux dire : « la masse ». De toute façon, l’expression du texte n’est pas très juste ; car si le mobile l’emporte sur le moteur, il n’y a pas de mouvement, et le mobile ne reçoit aucune impulsion. — Le moteur, quand il l’emporte. Le texte n’est pas aussi net ; mais le sens ne peut être douteux. D’ailleurs, tous ces principes sont vrais, et les lois du mouvement indiquées ici ne peuvent être que le résultat de longues études. — Un poids au-dessus de leur force. Ceci ne doit pas être pris à la lettre ; car autrement, si la résistance dépasse le mouvement, il n’y a qu’immobilité. Mais il est certain qu’à force égale, si le mobile est léger, le moteur, tout faible qu’il est, peut déterminer un mouvement très rapide.
  88. Ce sont là les causes. Aristote essaie d’appliquer les principes qu’il vient de poser à la diversité des organes ; mais ces causes ne sont pas aussi évidentes qu’il le croit, et les variétés de la voix tiennent à la constitution du gosier et de tout l’appareil respiratoire. — Les animaux jeunes… Selon les espèces, la tonalité de la voix est différente ; mais en général la voix devient plus grave avec l’âge. La vieillesse agit fortement sur la voix ; mais elle ne va jamais jusqu’à en changer le timbre. — Dans la maladie, on a la voix aiguë. Je ne crois pas que cette observation soit très exacte ; mais comme la diète est une conséquence assez générale de la maladie, la voix devient plus claire, parce que l’estomac n’est pas surcharge d’aliments, et que tout l’appareil respiratoire se ressent de cette disposition de l’organe voisin. Il se peut que le mot d’Aiguë doive avoir ici le sens de Claire. Mais le mot grec n’exprime bien que l’acuité. — Quand on se porte bien. La voix est alors plus claire en effet ; mais elle n’est pas plus aiguë. — On prend de plus en plus une voix aiguë. Il arrive souvent qu’avec l’âge la voix devient moins forte et moins grave, surtout elle est moins assurée. — C’est à cause de leur faiblesse. Cette cause n’est pas la seule, et la conformation générale des organes y est pour beaucoup. — La vitesse est précisément… Cette théorie est juste, biens qu’Aristote ne connût pas les vibrations dont le larynx est le siège.
  89. Les veaux et les vaches. Dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 9, Aristote a remarqué que la voix des vaches est plus grave que celle des bœufs. — Remuant beaucoup d’air. Sans doute à cause du volume de leur corps ; mais l’organisation vocale de l’espèce bovine est très imparfaite, et c’est là ce qui fait que le bœuf n’a qu’un beuglement. — Les autres. L’expression est insuffisante ; mais je n’ai pu la préciser davantage. Il s’agit sans doute ici des autres animaux d’une manière générale. — Le vaisseau par lequel l’air entre. C’est le larynx et la trachée artère. — Se fortifie de plus en plus. C’est exact ; mais ce n’est pas l’âge seul qui fortifie les organes ; c’est l’exercice général du corps, et plus particulièrement l’exercice spécial à tel organe déterminé. — Ils changent du tout au tout. C’est exagéré ; le changement est sensible ; mais il n’est pas aussi grand que l’auteur semble le croire. — Les taureaux ont une voix plus aiguë. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 9, où la même observation est déjà faite.
  90. Dans les muscles. Le texte dit précisément Nerfs ; mais j’ai cru pouvoir adopter le mot de Muscles, parce que celui dont se sert Aristote signifie également nerfs, muscles, tendons. Il est certain qu’au temps d’Aristote l’anatomie ne distinguait pas encore ces trois sortes d’éléments physiologiques ; elle les confondait sous une appellation commune ; voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. V, § 1, n. — Ceux qui sont à la fleur de l’âge. L’observation est très exacte, et elle est, du reste, de toute évidence. — La tension des nerfs. Ou, Des muscles. J’ai repris ici le mot de Nerfs, pour reproduire la confusion que fait Aristote. — Chez les vieux, elle se relâche. L’image est très juste ; mais l’affaiblissement spécial des muscles tient à l’affaiblissement général que l’âge amène toujours. — Hors d’état de produire le mouvement. L’expression est trop vague, et elle devrait se rapporter plus précisément à l’organe de la voix ; le sens d’ailleurs est très clair. — Excessivement musculeux. Mot à mot, Nerveux. — Tendue comme une corde à boyau. Ceci exprime très bien la réalité, et la métaphore est si naturelle que la physiologie moderne parle aussi de cordes vocales. Ce passage, malgré les erreurs qu’il contient, prouve qu’Aristote avait disséqué des bœufs. — On y trouve un os. Le même fait est rappelé dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XI, § 4, n. Il est exact, quoique très rare.
  91. Quand on les châtre. Aristote a étudié cette question en général dans l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXXVII. L’influence de la castration était trop considérable pour que le physiologiste pût l’oublier. — Ils inclinent à la nature féminine. De là, le singulier aspect des eunuques ; et aussi, l’horrible pratique des castrats, qu’on mutile pour leur conserver la voix féminine de soprano. — Ce relâchement se produit alors… dans la corde… La comparaison est ingénieuse ; mais il est bien difficile de savoir précisément ce qui se passe alors dans les muscles. — Les tisserands… C’est encore la pratique de nos tisserands dans la campagne. Le texte ne dit pas précisément : Tisserands, mais : « les femmes qui tissent les toiles ». Il paraîtrait par là que, dans l’Antiquité, c’étaient plutôt des femmes qui faisaient le métier de tisserands. — Des laïes. J’ai dû conserver le mot grec, parce que notre langue n’a pas de mot spécial. — Suspendus, relativement aux canaux spermatiques. Je ne crois pas que l’anatomie de nos jours ratifie ces théories ; et surtout, les organes génitaux ne sont pas en rapport « avec la veine qui va du cœur au larynx » ; mais quelle que soit l’erreur anatomique qui est commise ici, la relation des organes génitaux avec la voix n’en est pas moins certaine, de quelque manière qu’elle soit établie. — Qui met la voix en mouvement. C’est le larynx et la trachée artère.
  92. Vers l’âge… Cette question est déjà traitée dans l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, §§ 4 et suiv. — Cet organe change en même temps. Le changement est frappant, même pour les gens les moins attentifs, et la mue de la voix des enfants n’échappe à personne. — Une voix de bouc. J’ai dû rendre le mot grec tel qu’il est dans le texte ; peut-être est-ce l’expression de voix chevrotante qu’il aurait fallu adopter. Ce mot de notre langue se rapproche du mot grec. — Rauque et inégale. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. I, §§ 2 et suiv. Le fait est représenté assez, exactement. — A la suite de ce changement. C’est, en effet, après la mue que la voix prend définitivement le timbre qu’elle doit garder toute la vie. — À peu près comme la corde. Ceci ne fait guère que répéter ce qui vient d’être dit au paragraphe précédent ; on peut croire que c’est une interpolation, une glose, qui de la marge sera passée dans le texte.
  93. Se rapprochent du sexe femelle. Autre répétition du § 11 ci-dessus. — Par le son de la voix… leur conformation. Ceci est surtout vrai des eunuques. — Sa vigoureuse tension. C’est la virilité, qui se fait sentir dans tous les organes, et qui imprime au corps entier une allure particulière. — Certains naturalistes. Il est à regretter qu’Aristote ne les ait pas nommés. — La connexion de plusieurs principes réunis. Cette expression n’est pas assez claire. — Les moindres déplacements. Toutes ces théories sont très justes ; le plus léger changement dans le principe peut entraîner les plus graves conséquences. Voir plus haut, liv. 1, ch. § 7, les mêmes idées. — Peuvent avoir une puissance énorme. Ceci peut s’appliquer spécialement à la génération ; le principe n’est rien comme grandeur matérielle, et il donne naissance à des développements considérables. — Entendre par principe. Voir pour la définition du principe la Métaphysique, liv. V, ch. I, p. 84, de ma traduction.
  94. Du milieu. Le texte dit précisément : Du lieu. La suite prouve qu’il s’agit uniquement de l’influence de l’air ambiant, et non pas de l’organe, comme quelques traducteurs ont pu le croire. Outre l’influence exercée directement sur l’organe, il est certain que l’air, selon sa composition, ne transmet pas toujours le son de la même manière. La voix semble varier, et c’est alors bien plutôt l’air qui varie. — Qui ont une respiration plus chaude. Peut-être vaudrait mieux dire : Une haleine. On sait que la flûte était un des instruments les plus cultivés par les Anciens. — À la façon des gens qui gémissent. MM. Aubert et Wimmer, p. 400, rapprochent de ce passage un passage de l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 19, où est employée la même expression. — L’organe par lequel passe la voix… Ceci semble indiquer des observations fort attentives sur la constitution du larynx et de la trachée-artère. On en peut dire autant des observations qui suivent.
  95. Quelque humidité. Ou peut-être mieux : « Quelque liquide ». — Par suite de maladie. L’influence de la maladie sur la voix est aussi incontestable que celle de l’air ambiant. — Inégale. On peut remarquer que, quand il fait froid, les articulations de la voix sont beaucoup plus difficiles. — De ce que l’organe est moelleux ou dur. Cette action est certaine ; mais il faut tenir encore plus de compte de la volonté, qui agit davantage encore, comme le prouve le talent de quelques chanteurs habiles. — Prendre mille intonations. Les artistes grecs devaient être, à ce qu’il paraît, aussi habiles que les nôtres. Cette culture de la voix humaine peut être, dès l’origine, poussée très loin. — Moelleux et flexible. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Passer de l’air que ce qu’il veut. Les modulations du chant tiennent en effet au rétrécissement et à l’élargissement alternatifs du larynx ; mais la nature de l’organe n’agit pas seule, et il y a toujours l’intervention plus ou moins complète d’une volonté intelligente.
  96. Dans le Traité de la Sensation et des choses sensibles… Voir ce traité, ch. VI, §§ 9 et 10, de ma traduction, où il n’est dit que quelques mots, et le Traité de l’Âme, liv. II, ch. VIII, §§ 9 et suiv., où la théorie est plus développée. Pour savoir où en sont aujourd’hui ces questions dans notre physiologie, il faut lire le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, 6e édition, pp. 755 et suiv., sur la voix et la parole, et pp. 800 et suiv., sur la voix dans la série animale ; voir aussi le Traité de Physiologie comparée de M. G. Colin, 2e édition, tome I, pp. 482 et suiv., sur la phonation des mammifères et des oiseaux. Au reste, ce qu’Aristote a déjà dit dans l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, et ce qu’il dit ici, doit être considéré comme le début véritable de la science. On a eu tort quelquefois de ne vouloir remonter qu’à Galien, et de ne point regarder à ce qu’avait fait son prédécesseur, cinq siècles auparavant. Galien, malgré tout son mérite, n’a été qu’un écho et un continuateur, ainsi que nous le sommes nous-mêmes.
  97. Antérieurement. Ceci peut se rapporter à la fois, soit au liv. II, ch. VIII, § 35, soit à l’Histoire des Animaux, où il a été traité tout au long des dents et de leurs usages, liv. II, ch. III, §§ 12 et suiv. et passim ; soit enfin au Traité des Parties, liv. II, ch. III et IX, et liv. III, ch. I et passim, de ma traduction. — Nous avons dit… Ces questions diverses ont été discutées en effet plus haut, liv. II, ch. VIII, §§ 35 et suiv., et dans les ouvrages que nous venons de citer. — Pour le même usage. Le fait est évident, et la denture du lion ne doit pas avoir la même destination que celle des ruminants ; les carnassiers ne peuvent pas avoir les mêmes dents que les herbivores. — Chez d’autres encore. Le langage n’appartient qu’à l’homme et est son privilège, Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 15. — Appartenir à des études sur la génération. Il semble, au contraire, que la question des dents n’a aucun rapport avec la théorie de la génération. Je croirais donc que ce passage n’est qu’une interpolation, à l’aide de laquelle on essaie de rattacher le cinquième livre à ceux qui le précèdent. Mais ce lien est très insuffisant ; il est clair que les sujets sont parfaitement différents.
  98. Démocrite. Avant Aristote, Démocrite était le philosophe qui s’était occupé le plus d’histoire naturelle ; son témoignage est fréquemment invoqué et discuté dans l’Histoire des Animaux ; voir ma Préface, pp. LXI et suiv. — La chute des dents. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 16, de ma traduction. — A l’entendre… Le texte a cette nuance de critique, parce qu’Aristote reproche à Démocrite de n’avoir pas su observer les faits assez attentivement ; voir la Préface à l’Histoire des Animaux, pp. CXIV et suiv., et aussi Traité des Parties des Animaux, liv. I, et ma Préface à ce traité, p. VIII. — Parce qu’elles poussent trop tôt. L’explication est tout à fait fausse. — Parce que les animaux tètent. Même remarque ; loin de blâmer la Nature de faire téter les animaux et de leur donner le lait pour première nourriture, il faudrait au contraire l’admirer, pour cette prévoyance tutélaire. — Que le porc, qui tète, ne perd pas cependant ses dents. Voir la même observation dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 16 et 19. — À dents aiguës. Ceci sans doute se rapporte surtout aux incisives et aux canines. — Comme le lion. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 13, et liv. VI, ch. XXVIII, §§ 1 et suiv. — Sans avoir observé suffisamment. Aristote n’a cessé de recommander avant tout l’observation des faits.
  99. Est néanmoins indispensable. Il faut remarquer cette insistance.— Et, quand on parle d’une manière générale… Il serait impossible à toute notre science de dire mieux, et de poser des règles plus rigoureuses et plus pratiques. — La Nature n’est jamais en faute. C’est un des principes les plus vrais et les plus nécessaires. Voir dans la Préface au Traité des Parties des Animaux, p. CXI, les théories d’Agassiz sur la pensée divine, qui éclate dans le monde ; voir aussi dans ce même Traité, liv. II, ch. VII, § 2, n. et passim. Sur ce point fondamental, Aristote n’a jamais varié. — Après avoir sucé le lait. C’est cette succession nécessaire des phénomènes que Démocrite paraît n’avoir pas bien comprise. — Des organes pour élaborer leurs aliments. C’est l’évidence même.
  100. Comme le veut Démocrite. Ceci nous fait connaître un peu plus précisément quelles étaient les théories de Démocrite. — Aurait négligé quelque chose. C’est ce qu’Aristote ne peut admettre, à aucun prix. C’est l’homme qui est en défaut ; ce n’est pas Dieu ; mais l’orgueil humain ne se rend pas toujours ; et l’homme substitue trop souvent son infirmité à la puissance infinie, qu’il ne comprend pas. — Serait absolument contre nature. Cet argument est invincible. — Y opposer bien d’autres objections. Celles-ci suffisent ; mais il eût été bon cependant de ne pas taire les autres.
  101. Pour deux raisons. Les deux raisons que donne Aristote ne sont peut-être pas aussi décisives qu’il le suppose. Les incisives poussent, il est vrai, plus tôt que les molaires ; mais elles restent seules pendant quelque temps, quoique l’office des molaires ne soit guère moins nécessaire que le leur ; broyer les aliments n’est pas moins utile et hygiénique que les diviser. — Diviser précède broyer. Sans doute, mais c’est dans la position des unes et des autres ; la pousse des incisives pourrait coïncider dans le temps avec celle des molaires, puisque plus tard la fonction de toutes les deux doit être connexe. — En second lieu, ce qui est plus petit. Cette explication est toute logique. — S’écoule aussi plus de nourriture. Ceci aurait demandé un peu plus de développement ; ce n’est pas assez clair.
  102. Téter n’a ici aucune influence. Aristote a en ceci toute raison contre Démocrite, dont l’erreur est manifeste. — La chaleur du lait… Il ne semble pas que cette cause assignée par Aristote soit beaucoup plus exacte que celles qu’indique Démocrite. — Les enfants qui tètent un lait plus chaud. Je ne sais pas si la science moderne a justifié cette observation ; mais le fait n’a rien d’impossible ; et la chaleur, amollissant les gencives, peut faciliter l’éruption des dents. Il est probable que cette remarque physiologique venait des nourrices. — En vue du mieux. C’est le premier des principes qu’Aristote applique a l’étude de la Nature ; c’est le fondement de l’optimisme. A l’idée du mieux, est opposée celle de la nécessité ; mais dans les théories d’Aristote, la nécessité est purement hypothétique. — Attendu que la pointe s’émousse. Ce n’est pas là la vraie raison qui fait tomber les premières dents ; le fait réel, c’est qu’elles sont chassées par celles qui les remplacent. — S’émousser… s’usent. Ceci revient à peu près au même ; mais il est certain que les molaires ne s’émoussent point, en ce sens qu’elles n’ont pas de pointe. — Toutes lisses… Les protubérances disparaissent peu à peu, et la surface devient plus unie.
  103. Doivent nécessairement tomber… L’explication n’est pas bonne ; car les incisives qui repoussent ne tombent pas comme les premières, bien qu’elles soient placées de même sur la mâchoire. Il y a donc une autre raison ; mais il est peut-être bien difficile de la trouver. — Parce que l’os pousse encore. On peut objecter que l’os où sont insérées les molaires ne pousse pas moins. — Ce qui le prouve. La preuve n’est pas évidente. — Les dernières. Il s’agit sans doute de celles qu’on appelle dents de sagesse. — À l’âge de vingt ans. Le plus souvent, c’est même plus tard. — Parce que la nourriture… Cette explication aussi peut paraître contestable.
  104. Au contraire. Ceci répète en partie ce qui vient d’être dit, au paragraphe précédent, et n’y ajoute presque rien. — À la croissance qui lui est propre. Cette généralité est exacte ; mais pour voir quels progrès a faits la science depuis Aristote, il faut lire dans Cuvier, Anatomie comparée, tome III, XVIIe leçon, 1ère édition, toute l’étude sur les dents, leur structure, leur développement, les diverses sortes de dents chez les mammifères, chez les reptiles et chez les poissons, la substance qui remplace les dents chez les oiseaux et les tortues, et quelques autres parties qui font l’office de dents. Depuis Cuvier, la question n’a pas été, je crois, traitée d’une manière plus complète. D’ailleurs, il serait juste de joindre à ce qu’Aristote dit ici ce qu’il a déjà dit des dents dans toute la série animale, Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, IX et XII ; liv. III, ch. VII et IX ; liv. IV, ch. II, IV et V ; liv. VI, ch. XXI, XII et XXVIII ; liv. VII, ch. IX ; et liv. IX, ch. XXXVII. Au fond, la vue d’Aristote est aussi large que celle du naturaliste français ; mais Cuvier a l’avantage de venir deux mille ans après.
  105. Oublie

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    et néglige. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — À une simple nécessité. Aristote a toute raison ici contre Démocrite. Il a autre chose que la nécessite dans la Nature ; il y a une intelligence, que notre esprit fini et borné ne comprend pas toujours, mais qui doit avoir les attributs essentiels d’une intelligence, c’est-à-dire, le libre choix de ses buts et de ses moyens. — À réaliser le meilleur. C’est le fondement de l’optimisme. — Par les motifs indiqués. J’ai conservé en partie l’indécision du texte, qui est plus grande encore que celle de ma traduction. — Alléguées par Démocrite. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté ; le sens ne peut être douteux, et c’est bien aux théories de Démocrite que se rapporte le pronom indéterminé dont le texte se sert dans ce passage.

  106. L’air et le souffle vital. Il n’y a dans le texte qu’un seul mot, qui peut avoir les deux sens. D’ailleurs, la pensée de l’auteur n’est pas très nette, et l’expression en est trop vague. Il aurait fallu spécifier quelques-unes des œuvres de la Nature où le souffle vital joue un rôle. — Qui servent à plusieurs fins. On ne voit pas que les exemples cités soient très justes ; le marteau et l’enclume ont des usages déterminés, et ils n’en ont pas plusieurs ; l’un sert à frapper, et l’autre à recevoir les coups. — L’air peut servir à bien des usages. Il aurait fallu indiquer précisément ces usages. — À une pure nécessité. J’ai ajouté l’épithète. — Au profit du bistouri. On peut trouver la comparaison un peu bizarre. Au fond, l’auteur veut dire que c’est commettre une grande erreur que de ne voir dans la Nature que la matérialité du fait, sans remonter jusqu’à la cause.