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LIVRE QUATRIÈME



CHAPITRE PREMIER.

De la formation originelle des sexes femelle et mâle ; théories d’Anaxagore, d’Empédocle et de Démocrite d’Abdère ; discussion spéciale sur l’opinion d’Empédocle et sur l’opinion de Démocrite ; réfutation de l’une et de l’autre, et aussi de la théorie d’Anaxagore, qui fait venir les mâles de la droite et les femelles de la gauche, selon que la matrice est plus ou moins chaude ; singulière pratique de la ligature de l’un des testicules avant la copulation ; la théorie qui attribue la différence des sexes à la chaleur et au froid est plus soutenable ; théorie personnelle de l’auteur ; différence de température dans le mâle et la femelle ; puissance de l’un, impuissance de l’autre à faire la coction complète et définitive de la nourriture ; différence des organes chargés de la coction ; modifications importantes dans ces organes ; exemple des eunuques ; action du cœur dans la formation des sexes ; fonction essentielle du mâle dans la copulation ; c’est lui qui donne le mouvement ; la femelle ne donne que la matière ; lutte des deux principes ; prédominance de l’un ; défaite de l’autre ; nécessité d’organes spéciaux ayant une forme différente.


§ 1[1]. Nous venons d’étudier la génération de tous les animaux, en la considérant tour à tour dans ce qu’elle a de commun et dans ce qu’elle a de spécial. Mais

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comme dans les plus parfaits des animaux, la femelle et le mâle sont séparés, et que nous avons trouvé dans les puissances de l’un et de l’autre les principes de tous les êtres, animaux ou plantes, chez lesquels ils sont tantôt unis et tantôt séparés, notre premier soin maintenant doit être de nous expliquer sur la génération du mâle et de la femelle. § 2[2]. Les animaux sont encore incomplets, dans le genre auquel ils appartiennent, que déjà la femelle et le mâle sont parfaitement distincts. Y a-t-il femelle et mâle avant même que cette différence ne soit sensible et évidente pour nous ? Est-elle reçue dans le sein de la mère ? Ou bien cette différence est-elle encore antérieure ? C’est là une question douteuse ; car les uns prétendent que cette opposition du sexe se trouve, dès le premier moment, dans les germes eux-mêmes ; et cette opinion est celle d’Anaxagore et de quelques autres naturalistes. Selon eux, le mâle fournit la liqueur spermatique ;

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la femelle fournit la place ; le mâle vient de droite ; la femelle vient de gauche ; et, dans la matrice, les mâles sont aussi à droite, tandis que c’est à gauche que sont les femelles. § 3[3]. D’autres naturalistes, tels qu’Empédocle, prétendent également que le mâle et la femelle sont dans la matrice, et que tels germes, s’ils sont dans une matrice chaude, y deviennent des mâles, et que s’ils sont dans une matrice froide, ils y deviennent des femelles. C’est l’écoulement des menstrues qui est cause de la chaleur et du froid, suivant que cet écoulement est plus froid ou plus chaud, plus ancien ou plus récent. § 4[4]. Démocrite d’Abdère prétend bien aussi que la distinction de la femelle et du mâle a lieu dans la mère ; mais d’après lui, ce n’est pas la chaleur ni le froid qui fait de l’un une femelle et de l’autre un mâle ; c’est seulement la prédominance de l’un des deux spermes indifféremment, venant de l’organe qui constitue la différence entre la femelle et le mâle.

§ 5[5]. A

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vrai dire, l’hypothèse d’Empédocle est la moins fondée de toutes, quand il suppose que le mâle et la femelle ne diffèrent entre eux que par le degré de froid et de chaleur, bien qu’il voie cependant qu’il y a une différence très grande entre les organes qui forment ou les verges ou les matrices. En effet, si les animaux étant déjà tout formés, et l’un ayant tous les organes d’une femelle, l’autre tous les organes d’un mâle, on venait à les mettre dans la matrice comme dans un four, l’un qui aurait une matrice dans une matrice chaude, et l’autre qui n’aurait pas de matrice dans une matrice froide, il devrait arriver que la femelle fût celui qui n’aurait pas de matrice, et que le mâle fut celui qui en aurait une. Mais c’est là une impossibilité évidente. § 6[6]. À cet égard, Démocrite a peut-être mieux vu les choses. Il cherche la différence de cette génération, et il s’efforce de l’expliquer. A-t-il raison, a-t-il tort ? c’est une autre question. Mais en admettant même que ce soient la chaleur et le froid

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qui amènent cette différence des organes, encore fallait-il le dire, quand on soutient cette opinion ; car cela revient à peu près à étudier la génération du mâle et de la femelle, qui, sous ce rapport, diffèrent de la manière la plus frappante. Certes ce n’est pas une petite affaire que d’expliquer, à l’aide de ce principe, comment ces parties peuvent s’organiser telles qu’elles sont, et comment il y a cette conséquence nécessaire que, en se refroidissant, l’embryon prenne cette partie spéciale qu’on appelle la matrice, et qu’il ne la prenne pas s’il s’échauffe. § 7[7]. On peut en dire encore tout autant des organes qui concourent à la copulation, et qui diffèrent comme nous l’avons déjà montré. Et puis, on a observé bien souvent que des jumeaux, femelle et mâle, se forment dans la même partie de la matrice et tout à la fois, ainsi que nous avons vérifié le fait par l’anatomie dans tous les vivipares,

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soit terrestres, soit aquatiques. Si Démocrite n’a pas vu ces faits, il est tout simple qu’il se trompe sur la cause qu’il leur attribue ; mais s’il les a observés, alors il est absurde de croire encore que c’est la chaleur ou le froid de la matrice qui est la cause des sexes ; car les deux jumeaux devraient être, ou tous deux femelles, ou tous deux mâles ; et nous ne voyons pas du tout que ce soit le cas. § 8[8]. Démocrite dit encore que les organes se développent à mesure que l’animal se forme, et qu’ils sont ici dans le mâle ; et là, dans la femelle ; ce qui provoque en eux le désir de leur union. Mais il n’en est pas moins nécessaire d’admettre que ces organes sont divisés et différents dans leurs dimensions même, et que c’est ainsi que la copulation peut avoir lieu, sans que ce soit du tout par l’action prétendue du froid et de la chaleur. Du reste il y aurait beaucoup trop à dire sur cette action du sperme ainsi comprise ; et, en général, on peut affirmer qu’en expliquant

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ainsi comment le sperme agit, on ne fait qu’une pure rêverie. § 9[9]. Si ce que nous avons dit nous-mêmes sur le sperme est bien exact ; s’il n’est pas vrai que le sperme vienne du corps tout entier, et si l’action du mâle n’apporte au fœtus aucune espèce de matière, on peut opposer cet argument à Empédocle, à Démocrite et à tous ceux qui partageraient leurs opinions. Il ne se peut pas que le corps du sperme se partage, ici dans la femelle, là dans le mâle, comme l’avance Empédocle, quand il dit : « La nature des membres s’est partagée ; tantôt celle de l’homme », etc. Mais il ne se peut pas davantage que le sperme venu de l’un et de l’autre des parents fasse tantôt une femelle, tantôt un mâle, selon qu’une partie l’emporterait sur l’autre. § 10[10]. Toutefois, supposer que la prédominance de la partie qui l’emporte produit une femelle, ou un mâle, vaut encore mieux que d’attribuer, sans

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plus de réflexion, à la chaleur toute seule, la différence des sexes. Mais pour admettre que la forme des parties génitales devienne en même temps différente, il faudrait prouver que ces phénomènes de la chaleur et de la forme se suivent toujours réciproquement ; car, si c’est parce que les parties se rapprochent, il faudrait aussi que la même conséquence se produisît pour tous les autres organes, puisque l’un des parents se rapproche toujours de l’autre parent, de telle sorte qu’il faudrait que le fœtus, en même temps qu’il est femelle, ressemblât à la mère, ou qu’étant mâle il ressemblât au père.

§ 11[11]. Il n’est pas plus raisonnable de croire que ce sont ces parties seules qui doivent subir un changement, et que le reste du corps entier ne changerait pas, principalement et tout d’abord les veines, autour desquelles, comme autour d’une esquisse, vient se

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ranger et se modeler le corps des chairs. La raison nous dit que ce n’est pas la matrice qui peut les modifier, en leur donnant certaines qualités ; et que c’est bien plutôt elles qui modifient la matrice. La matrice et les veines sont bien le réceptacle du sang d’un certain genre ; mais les veines le sont avant la matrice. C’est une nécessité inévitable que le principe moteur soit toujours le premier, et qu’il donne à la génération les qualités particulières qu’il peut lui-même avoir. § 12[12]. Il est bien certain que ces organes présentent une grande différence dans les femelles et dans les mâles. Mais la cause n’en est pas celle qu’on indique ; cette cause est tout autre, puisque, même dans le cas où il n’y a pas sécrétion de sperme, ni de la femelle ni du mâle, le germe ne s’en produit pas moins, de quelque façon que ce puisse être.

§ 13[13]. Quant à l’opinion qui fait venir le mâle de la droite et la femelle de la gauche, on peut lui opposer les mêmes arguments qu’à Empédocle et à Démocrite. Si, en effet, le mâle ne contribue matériellement en rien à la génération, cette opinion n’a plus le moindre fondement ; et s’il y contribue comme on le prétend, il faut également repousser ce système, tout aussi bien qu’on repousse celui d’Empédocle, qui rapporte la distinction de la femelle et du mâle à la chaleur et au froid de la matrice. § 14[14]. C’est précisément la même erreur que commettent ceux qui déterminent les sexes en les faisant venir de la droite et de la gauche, bien que cependant ils puissent voir que la femelle et le mâle diffèrent par des organes entiers. Puis, quant à ces organes, comment se fait-il que le corps de la matrice se trouve dans ceux qui viennent de la gauche, et qu’il ne se trouve pas dans ceux qui viennent de la droite ? Nous répétons d’ailleurs, ainsi que nous

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l’avons dit, qu’on a déjà observé une femelle dans la partie droite de la matrice, et un mâle dans la partie gauche ; qu’on les a vus tous deux dans la même partie ; que ce n’est pas une fois seulement qu’on a observé le fait, mais plus fréquemment que le mâle à droite, et la femelle à gauche ; enfin que tous les deux naissent non moins souvent à droite.

§ 15[15]. C’est à peu près ce que disent certaines gens qui, se laissant persuader par ces fausses théories, prétendent qu’en se liant le testicule droit ou le testicule gauche, on est sûr, dans la copulation, de faire ou un enfant mâle ou une fille. Du moins, c’est ce qu’assurait Léophane. D’autres prétendent que, sur les animaux qu’on châtre, on obtient le même résultat en leur ôtant un des deux testicules. Cela n’est pas plus exact que le reste. Seulement, on se risque, d’après les apparences, à deviner ce qui devrait être, et l’on voit

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à l’avance ce qui n’est pas comme si c’était déjà, parce qu’on ne réfléchit pas que les testicules ne sont absolument pour rien dans la production, soit des mâles soit des femelles. Ce qui le prouve, c’est qu’il y a beaucoup d’espèces où il y a des femelles et des mâles, qui engendrent des femelles et des mâles sans avoir de testicules, comme tous les animaux apodes, tels que les poissons et les reptiles.

§ 16[16]. Il faut convenir cependant qu’il y a peut-être quelque raison de voir dans la chaleur et le froid la cause qui produit le mâle et la femelle, et de croire que la distinction des sexes vient de la droite ou de la gauche. La partie droite du corps est plus chaude que la partie gauche ; le sperme, quand il est bien cuit, est plus chaud ; ce qui est bien cuit est plus compact ; et le plus compact est aussi le plus capable de féconder. Mais en poussant ces théories à l’excès, on s’éloigne beaucoup de l’explication de la cause ; et

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l’on doit, autant que possible, tirer des faits que l’on peut connaître les conclusions qui se rapprochent des premières causes.

§ 17[17]. Antérieurement et dans d’autres ouvrages, nous avons étudié l’ensemble et les parties du corps, en expliquant ce qu’est chacune de ces parties et la fonction qu’elle remplit ; et nous avons dit alors que la distinction du mâle et de la femelle est fondée sur une certaine puissance, ou impuissance, qui est en eux. Le mâle est l’être capable de cuire, de coaguler et d’émettre le sperme, qui contient le principe de l’espèce. Par là, je n’entends pas parler du principe d’où vient matériellement, et comme issu de sa totalité, l’être semblable au parent qui l’engendre ; mais j’entends parler seulement du principe qui donne le mouvement initial, soit que l’être puisse imprimer à lui-même ce mouvement, soit qu’il le transmette à un autre. Or, la femelle est l’être qui reçoit le sperme, mais qui

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est impuissant à le coaguler et à remettre. § 18[18]. D’autre part, si toute coction ne peut agir que par la chaleur, il en résulte nécessairement que les animaux mâles doivent être plus chauds que les animaux femelles. Par suite de la froideur et de l’impuissance, la femelle a beaucoup plus de sang que le mâle, dans certains lieux de son corps. § 19[19]. C’est là une preuve tout à fait contraire à l’opinion de ceux qui s’imaginent que la femelle a plus de chaleur, et qui voient la cause de cette chaleur plus forte dans l’éruption des menstrues. Le sang est chaud, disent-ils, et l’être qui a le plus de sang est aussi le plus chaud des deux. Ils supposent que le phénomène des menstrues ne tient qu’à la surabondance du sang et de la chaleur, comme si toute matière indifféremment pouvait être du sang, par cela seul qu’elle est liquide et de couleur sanguine, et comme si le sang n’était pas aussi abondant et plus pur dans les corps bien nourris. Ils s’imaginent que,

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de même que pour les excrétions du ventre, ici aussi une excrétion plus grande atteste plus de chaleur qu’une excrétion moindre ; or, c’est précisément tout le contraire. De même que, dans les opérations naturelles qui produisent les fruits, il n’est sécrété de la nourriture première fort abondante qu’une très petite quantité qui seule peut être utile à la maturation, et qu’à la fin la portion qui reste n’est rien à côté de la masse primitive, de même, dans le corps de l’animal, après toutes les élaborations successives des organes, il ne reste presque plus qu’un résidu insignifiant de la première nourriture. § 20[20]. Pour tels animaux, ce résidu est le sang ; pour d’autres, c’est le fluide qui y correspond. Tel animal peut sécréter ce résidu tout à fait pur ; tel autre ne le peut pas. Toute puissance doit avoir un organe pour agir ; et cet organe est le même pour la puissance qui opère moins bien, comme pour la puissance qui opère mieux. Mais les mots de Puissance et d’Impuissance ayant plusieurs sens, il faut que la femelle et le mâle soient opposés à ce point de vue ; et, par une suite nécessaire, la femelle et le mâle ont un organe spécial qui est, dans l’un, la matrice ; dans l’autre, le périnée, c’est-à-dire les testicules et la verge.

§ 21[21]. La Nature leur a donné tout ensemble à l’un et à l’autre, la puissance

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et l’instrument, parce qu’il est mieux que les choses soient ainsi disposées. Aussi, ce sont les mêmes lieux qui servent tout à la fois aux excrétions et aux deux puissances. Et de même que la vision n’est complète qu’avec l’œil et que l’œil n’est complet qu’avec la vision, de même le ventre et la

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vessie ne sont dans leur nature complète que quand les résidus peuvent s’y produire simultanément. Comme le principe qui donne naissance à l’être et qui le fait grandir, c’est-à-dire la nourriture, est un même et seul principe, chaque organe ne peut venir que de la matière spéciale et du résidu spécial qu’il est en état de recevoir. § 22[22]. On peut ajouter que c’est, en quelque sorte, du contraire que l’être vient, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, et qu’outre ces deux principes, un troisième principe qu’il faut admettre, c’est que, la destruction n’étant que le passage au contraire, il faut nécessairement que ce qui n’est plus dominé par le principe formateur, change et passe à son contraire. Ceci posé, on verra peut-être un peu plus clairement la cause qui produit ici la femelle, là le

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mâle. Quand le principe formateur ne l’emporte pas et qu’il ne peut opérer la coction, par défaut de chaleur ; et quand il ne peut amener l’être à sa propre espèce et qu’il est dominé par la chaleur, il doit nécessairement changer en son contraire. Or le contraire du mâle, c’est la femelle ; et le changement a lieu en ceci que l’un est mâle, et que l’autre est femelle. § 23[23]. Mais comme il existe une différence dans leur faculté et leur force, ils ont aussi un organe différent ; et ils éprouvent le changement dans cet organe. En effet, il suffit qu’une seule partie spéciale et essentielle vienne à changer, pour que la constitution entière de l’animal éprouve aussi un changement de forme considérable. On peut observer cette modification chez les eunuques, qui, par la mutilation d’un seul organe, perdent si complètement leur ancienne forme, et dont la tournure diffère si peu de celle d’une femme. Ceci ne s’explique qu’en admettant que certains organes sont des principes ; et quand le principe

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est modifié, il est nécessaire qu’une foule de ses conséquences soient également changées avec lui.

§ 24[24]. Ainsi donc, le mâle est un principe de certain genre et une cause. L’être est mâle parce qu’il peut faire tel ou tel acte, et il est femelle parce qu’il ne peut pas le faire. Ici, la puissance et l’impuissance se réduisent à pouvoir et à ne pas pouvoir opérer la coction de cette nourriture définitive, qui, dans les animaux pourvus de sang, est le sang proprement dit ; et dans les autres animaux, le fluide correspondant au sang. Si l’origine du sang est dans le principe de la chaleur vitale et dans l’organe qui contient ce principe de chaleur, il y a nécessité que, dans les animaux qui ont du sang, il se forme un cœur, et que ce qui se produit soit ou mâle ou femelle. Dans les espèces qui n’ont pas de sang, ce qui devient le mâle et la femelle est ce qui remplace le cœur. § 25[25]. C’est donc bien là le principe de la femelle et du mâle ;

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c’en est là la cause ; et elle est là tout entière. Il y a femelle et mâle dès que l’embryon a les organes qui distinguent la femelle du mâle ; car ce n’est pas indifféremment, et par un organe quelconque, que l’être est mâle ou femelle, pas plus que ce n’est par un organe quelconque que l’on voit ou que l’on entend.

§ 26[26]. Mais en reprenant ce que nous avons déjà dit, répétons que, selon nous, le sperme est le résidu dernier de la nutrition ; et j’entends par Dernier le fluide porté à chaque organe du corps. C’est là ce qui fait que le fœtus engendré ressemble à l’être qui l’engendre. Du reste, il importe fort peu de dire que le sperme vient de toutes les parties, ou de dire qu’il y va ; seulement, cette dernière expression est plus exacte. Le sperme du mâle a ce caractère particulier qu’il porte en lui-même un principe capable de mouvoir, et que, dans l’animal, il imprime à la nourriture dernière sa coction, tandis que le sperme de la

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femelle ne fournit que la matière. § 27[27]. Si le sperme masculin l’emporte, il attire l’embryon à lui et le fait à son image ; si à l’inverse, il est vaincu et dominé, ou il change en son contraire, ou il est détruit. C’est la femelle qui est l’opposé du mâle ; et l’être n’est femelle que parce que la nourriture sanguine n’est pas digérée en lui et qu’elle reste froide. La Nature assure à chaque espèce de résidu l’organe qui est propre à le recevoir ; or le sperme n’est qu’un résidu et une excrétion. Il est en quantité considérable dans les animaux qui sont plus chauds, et dans les mâles des espèces pourvues de sang. Aussi, les organes destinés

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à recevoir cette excrétion sont-ils des canaux dans les mâles de ces espèces. Pour les femelles, comme la coction n’a pas lieu chez elles, la masse sanguine est très forte ; mais elle n’est pas élaborée. Il leur faut bien aussi un organe pour la recevoir ; mais cet organe doit être différent de celui du mâle, et il doit avoir la grandeur nécessaire. C’est là précisément la nature de la matrice ; et c’est cet organe spécial qui fait la différence de la femelle au mâle.


CHAPITRE II

De la génération de mâles ou de femelles selon l’âge des parents ; influence de la chaleur, soit dans les individus, soit selon les saisons ; influence des phases de la lune sur les menstrues, à la fin des mois ; remarques des bergers sur l’influence des vents du nord et du midi, et sur la position des bêtes au moment de l’accouplement ; des rapports proportionnels entre les parents ; influence des climats, de la nourriture et des eaux sur la production en général, et spécialement sur celle des sexes.


§ 1[28]. On vient d’expliquer par quelle cause l’un est femelle, et l’autre est mâle. Les faits sont la confirmation

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de cette théorie. Ainsi, les animaux, quand ils sont jeunes, font plus de femelles que dans leur pleine vigueur ; de même dans un âge plus avancé, ils en font aussi davantage. C’est que, dans les premiers, la chaleur n’est pas encore complète ; et que, dans les autres, elle n’est plus suffisante. Les corps qui sont plus humides et plus féminins produisent également plus de femelles ; et les spermes liquides en font plus que les spermes compacts et épais. Toutes ces différences tiennent au défaut de chaleur naturelle. § 2[29]. Il y a plus de mâles quand le vent souffle du nord que quand il souffle du midi. Dans ce dernier cas, les organes élaborent plus d’excrétions ; et plus l’excrétion est considérable, plus la coction en est difficile. Le sperme des mâles devient alors plus liquide ; et chez les femmes, l’excrétion mensuelle subit cette altération. C’est encore par la même cause que les menstrues régulières sont plus abondantes à

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la fin des mois ; car cette époque du mois est plus froide et plus humide, par suite de la décroissance et de la disparition de la lune. Durant l’année entière, c’est le soleil qui produit l’hiver et l’été ; c’est la lune qui les produit dans le cours d’un même mois. Ces changements ne tiennent pas à ses phases, mais à la lumière, qui tantôt augmente et tantôt diminue. § 3[30]. Les bergers assurent aussi que ce qui influe sur la production des femelles et celle des mâles, ce n’est pas seulement que l’accouplement ait lieu par un vent du nord ou un vent du midi, mais encore que les animaux accouplés regardent vers le midi ou vers le nord. Le moindre déplacement de ce genre modifie le degré de chaleur et de froid ; et ce sont le froid et la chaleur qui déterminent la génération et le sexe.

§ 4[31]. Le mâle et la femelle présentent donc de très

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grandes différences selon qu’ils produisent des mâles ou des femelles ; et nous avons expliqué d’où ces différences peuvent venir. Mais quelles qu’elles soient, il n’en faut pas moins aussi qu’il y ait entre l’un et l’autre parents un certain rapport proportionnel. Toutes les choses, qu’elles viennent de l’art ou de la Nature, ont un rapport de ce genre. La chaleur, si elle est en excès, dessèche les liquides ; si elle fait par trop défaut, elle ne solidifie pas ; tandis que, pour le produit qui doit être formé, il serait besoin d’une proportion moyenne. § 5[32]. Parfois, cette proportion entre les parents n’existe pas ; et alors, de même que pour la préparation des mets un feu trop fort les brûle, qu’un feu trop faible ne les cuit pas assez, et que des deux façons le résultat ainsi obtenu n’est pas complètement ce qu’il doit être, de même il faut entre les parents une

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proportion convenable pour la copulation du mâle et de la femelle. De là vient certainement que bien des hommes et bien des femmes qui ne peuvent engendrer l’un avec l’autre, engendrent néanmoins en s’unissant à d’autres personnes. Souvent aussi, la jeunesse et la vieillesse offrent de ces oppositions pour la fécondité ou l’infécondité, et pour la production des garçons ou des filles.

§ 6[33]. Pour ces variations, il n’y a pas moins de différence d’un pays à un autre pays ; de même qu’une eau diffère aussi beaucoup d’une autre eau pour les mêmes causes. La qualité de la nourriture et la disposition du corps tiennent essentiellement, soit à la composition de l’air ambiant, soit aux aliments ingérés, et surtout à la nourriture que fournit l’eau qu’on boit. C’est l’eau que l’on absorbe en plus grande quantité que tout le reste ; et c’est elle qui nourrit tout, et qu’on retrouve même dans les aliments les

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plus secs. De là vient que les eaux trop dures et trop froides font qu’il n’y a pas d’enfants, ou qu’il n’y a que des femelles.

CHAPITRE ΙΙΙ


CHAPITRE ΙΙΙ

De la ressemblance des enfants aux parents ; des divers éléments dont cette ressemblance doit se composer ; influence du père et de la mère, de la race, des ascendants de degré en degré ; le changement quel qu’il soit passe toujours à son opposé, dans la mesure des forces qui le produisent et qui coagissent ; ressemblances du corps entier ou de quelques parties seulement ; ressemblances alternatives ; hypothèses indispensables ; citation du Traité de l’Action et de la Passion ; changements singuliers dans le corps des athlètes et dans la figure de certaines gens ; des théories d’Empédocle et de Démocrite ; réfutation ; théories des monstruosités ; exagérations des opinions vulgaires ; limites des monstruosités ; erreur de Démocrite sur la formation des monstres ; explication de diverses espèces de monstruosités ; fréquence des monstruosités chez les oiseaux et les poules ; les monstres ne sont pas absolument en dehors de la nature.


§ 1[34]. C’est encore par les mêmes causes qu’on peut s’expliquer comment les enfants, tantôt ressemblent à leurs parents, et tantôt ne leur ressemblent pas ;

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comment ils ressemblent, tantôt au père, et tantôt à la mère ; comment ils leur ressemblent dans toute leur personne, et tantôt seulement dans une partie du corps ; comment ils ressemblent plus à leurs parents qu’aux ascendants, et plus à ces ancêtres qu’aux premiers venus ; comment les enfants mâles ressemblent davantage au père, et les filles à la mère ; comment parfois ils ne ressemblent à personne de la famille, mais qu’ils ressemblent toutefois à l’homme en général, tandis qu’il y en a d’autres qui n’ont plus forme humaine et qui sont plutôt des monstres. § 2[35]. Ne pas ressembler à ses parents, c’est bien déjà une sorte de monstruosité ; car, dans ce cas, la nature a dévié de l’espèce en une mesure quelconque. La première déviation, c’est d’abord la production d’une femelle, au lieu de celle d’un mâle. Mais cette déviation est de toute nécessité, et elle est indispensable à la Nature ; car, il faut, sous peine de périr, que

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la race continue à se diviser en femelle et en mule. Du moment que le mâle ne l’emporte pas dans la copulation, soit à cause de sa jeunesse, soit à cause de sa vieillesse, soit pour toute autre raison de ce genre, il faut bien qu’il se produise une femelle chez les animaux. § 3[36]. Mais le monstre n’a rien de nécessaire relativement à la cause finale et au but poursuivi ; il n’est nécessaire qu’au point de vue du hasard, puisque c’est dans le hasard qu’il faut chercher la cause des monstruosités. Quand l’excrétion spermatique a reçu dans les menstrues la coction complète, le mouvement communiqué par le mâle produira l’embryon conforme au mâle lui-même ; car, parler de semence, c’est, sans la moindre différence,

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parler du mouvement qui fait développer toutes les parties du corps, de même que la force qui développe l’embryon se confond absolument avec celle qui le constitue originairement ; car, c’est toujours de mouvement qu’il s’agit. § 4[37]. Si c’est le mâle qui l’emporte, il fera un mâle et non une femelle, ressemblant à son père, et non à sa mère. Si le mâle ne l’emporte pas, de quelque côté que la puissance lui ait manqué, c’est de ce côté-là qu’il défaillira. Voici ce que j’entends par la puissance, quelle qu’elle soit, dont il est question ici. Le mâle qui engendre n’est pas seulement un mâle ; il est en outre tel individu mâle, Coriscus ou Socrate ; et même, il n’est pas seulement Coriscus ; de plus, il est homme.

§ 5[38]. Les enfants engendrés sont aussi, de cette même manière, plus près ou plus loin du père qui les engendre, en tant qu’il a la faculté d’engendrer, et non

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point en tant qu’il a telle autre qualité accidentelle, par exemple, d’être instruit en grammaire, ou d’être le voisin de quelqu’un. En ce qui regarde la génération, c’est toujours la qualité propre et purement individuelle qui est le point capital. Coriscus est, en effet, tout ensemble homme et animal ; mais la qualité qui le fait homme est plus rapprochée de l’individuel que la qualité qui le fait animal. C’est bien à la fois l’individuel et l’espèce qui engendrent ; mais c’est encore davantage l’individuel, qui est, en effet, l’essence même de l’être. L’être qui est produit a bien telle pu telle qualité ; mais il est en outre un être d’une certaine espèce ; et c’est là ce qui fait son essence propre. § 6[39]. Aussi est-ce de ces forces et de ces puissances que viennent les mouvements qui sont dans les spermes de tous ces animaux ; et même, bien qu’en simple puissance, c’est de là que viennent les mouvements des ancêtres, mais plus particulièrement ceux de l’être qui se rapproche toujours davantage de l’individuel ; j’entends par l’individuel l’être qui est Coriscus ou Socrate. Rien, en sortant de son état naturel, ne va à un changement indéterminé ; tout va à son opposé. Ce qui, dans la génération, n’est pas dominé par le mâle doit nécessairement sortir de sa nature spéciale et passer à son contraire, dans l’espèce de puissance où le générateur et le moteur n’a pas pu l’emporter. § 7[40]. En tant que l’être vaincu était mâle, il devient femelle ; si c’est en tant que Coriscus ou Socrate qu’il est vaincu, le produit ne ressemble pas au père, mais à la mère. De même que, d’une manière générale, la mère est l’opposé du père, de même au père considéré individuellement, c’est une mère individuelle qui lui est opposée. Il en est encore ainsi pour toutes les puissances subséquentes ;

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toujours l’être passe davantage à celui des ancêtres qui est le plus rapproché, soit du côté paternel, soit du côté maternel.

§ 8[41]. Quant aux mouvements, ils diffèrent entre eux en ce que les uns sont actuels, et que les autres sont simplement en puissance. Les mouvements du générateur et des universaux, tels par exemple qu’homme et animal, sont en acte ; mais les mouvements de la femelle et ceux des ancêtres sont simplement possibles. Si donc l’être sort de son état naturel et qu’il passe aux états opposés, les mouvements destinés à engendrer le nouvel être se résolvent dans les mouvements voisins ; et, en supposant que ce soit le mouvement du générateur qui se résout ainsi, il passe par la différence la plus petite possible, au mouvement du père de celui qui a engendré, puis, en second lieu, au mouvement de son grand-père. Comme ceci s’applique aux femelles aussi bien qu’aux mâles, le mouvement de celle qui a engendré passe au mouvement de sa mère ; et si ce mouvement ne passe pas à

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la grand’mère, il va jusqu’à l’arrière-grand-mère ; et ainsi de suite, dans les ascendants. § 9[42]. Ce qu’il y a donc de plus naturel, c’est que ce soit tout ensemble en tant que mâle et père que l’engendreur soit vainqueur ou vaincu. La différence est si petite qu’il n’est pas difficile que les deux conditions se produisent à la fois ; car, Socrate est bien tel être individuel. Mais c’est là ce qui fait qu’en général les garçons ressemblent au père, et les filles à la mère. Le déplacement de nature s’est produit dans les deux simultanément, la femelle s’opposant au mâle et la mère s’opposant au père, puisque tout déplacement de nature passe dans les opposés. § 10[43]. Si le mouvement venu du mâle

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l’emporte, mais que celui qui vient de Socrate ne l’emporte pas, ou bien que ce soit ce dernier qui soit vainqueur et l’autre vaincu, alors il se produit des garçons ressemblants à la mère, et des filles ressemblantes au père. Si les mouvements sont rompus, et que pourtant le mâle demeure vainqueur, et que le mouvement de Socrate passe à celui de son père, il se produira un garçon ressemblant au grand-père, ou à quelque autre des ascendants, par la même raison. Si, au contraire, le mâle est vaincu en tant que mâle, c’est une fille qui naîtra ressemblante surtout à la mère ; et si ce même mouvement se rompt, la fille ressemblera à la mère de la mère ou à quelque autre ascendante ; et ce sera encore par la même raison.

§ 11[44]. Il en sera tout à lait de même pour les différentes parties du corps. Il arrive bien souvent que telles parties du jeune ressemblent à celles du père, ou à celles de la mère, ou à celles de quelque autre ; car, nous pouvons répéter ce que nous avons déjà dit plus

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d’une fois, c’est que les parties ont des mouvements en acte et des mouvements en puissance. § 12[45]. Mais il faut faire ici quelques hypothèses générales : d’abord l’une que nous venons d’indiquer, à savoir que les mouvements sont tantôt en puissance et tantôt en acte ; puis, deux autres, que l’être qui est vaincu sort de son état naturel et passe à son opposé ; qu’affaibli seulement, il passe au mouvement suivant ; qu’avec un peu moins d’affaiblissement, il passe au mouvement le plus proche, et qu’avec plus d’affaiblissement encore il passe au mouvement le plus éloigné. La dernière hypothèse que nous ferons, c’est que parfois les mouvements se confondent à ce point que l’enfant ne ressemble plus à personne de sa famille ni de sa race, et qu’il ne lui reste plus que la qualité commune, c’est-à-dire qu’il est simplement homme. § 13[46]. Ceci tient à ce que la qualité d’homme appartient à tous les individus. L’homme est un terme général, un universel ;

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et Socrate qui était le père, et la mère quelle qu’elle soit, sont des êtres individuels. Mais ce qui peut faire que les mouvements ne soient pas rompus, c’est que l’agent lui-même souffre quelque chose de la part du patient, de même que le coupant est émoussé par l’objet coupé, que ce qui échauffe est refroidi par l’objet échauffé. On peut donc dire d’une manière absolue que tout moteur, excepté le moteur premier, subit lui-même un certain mouvement contraire à celui qu’il imprime ; par exemple, ce qui pousse est poussé à son tour, et ce qui frappe éprouve un contrecoup. § 14[47]. Parfois même, il arrive que l’agent souffre plus qu’il n’agit, que réchauffant, par exemple, soit refroidi, et que le refroidissant soit échauffé. D’autres fois encore, l’agent n’agit pas, ou il agit moins qu’il ne souffre. Toutes ces questions ont été étudiées dans le Traité sur l’Action et la Passion, où nous avons exposé quels sont les êtres qui sont susceptibles

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d’agir et de souffrir. Le patient sort de son état naturel, sans d’ailleurs être vaincu, soit par défaut de force dans l’être qui doit le faire mûrir et le mouvoir, soit par la grosseur ou la froideur de la masse qui est à mûrir et à déterminer. § 15[48]. Selon que l’agent domine ou ne domine pas, il donne des formes diverses à son produit. C’est à peu près l’effet que cause aux athlètes une alimentation excessive. Comme la Nature ne peut dominer et employer la nourriture surabondante qu’ils prennent, dans la mesure où il le faudrait pour augmenter et maintenir à leurs membres une forme toujours pareille, il y a des parties de leur corps qui deviennent tout autres, et qui changent même quelquefois à ce point d’en être méconnaissables, par rapport à leur état antérieur. C’est encore à peu près ce qui se passe dans la maladie qu’on appelle le Mal du Satyre.

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Dans cette affection, l’afflux est si considérable, ou l’air sans coction s’accumule tellement sur certaines parties du visage, que la figure devient celle d’un autre animal et d’un satyre.

§ 16[49]. Ainsi donc, nous venons d’expliquer quelle est la cause qui produit les femelles et les mâles ; comment les enfants ressemblent à leurs parents ; les femelles aux femelles, les mâles aux mâles ; ou, à l’inverse, comment les femelles ressemblent au père, et les mâles à la mère ; comment même tantôt ils ressemblent aux ascendants, et tantôt ils ne ressemblent à personne ; comment enfin la ressemblance s’étend au corps tout entier, ou seulement à quelques-unes de ses parties. Toutes ces questions ont été suffisamment éclaircies par nous.

§ 17[50]. Mais il y a des naturalistes qui ont expliqué tout autrement la ressemblance, ou la dissemblance, des enfants aux parents ; et ils ont deux façons d’exposer la cause de ces différences. Selon les uns, si le sperme d’un des deux parents est plus considérable,

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c’est à ce parent-là que l’enfant ressemble davantage ; et c’est également, ou le tout qui ressemble au tout, ou bien la partie qui ressemble à la partie, comme si le sperme venait de toutes les parties du corps. Si, au contraire, le sperme vient en quantité égale des deux parents, l’enfant ne ressemble ni à l’un ni à l’autre. Or, s’il n’est pas exact que le sperme vienne de toutes les parties du corps et si cette erreur est évidente, il est clair aussi que la cause indiquée par ces naturalistes n’est pas celle qui fait la ressemblance et la dissemblance. Et puis, comment peuvent-ils expliquer de cette façon la ressemblance de la fille au père, ou du garçon à la mère ? § 18[51]. Les autres naturalistes, qui adoptent l’opinion d’Empédocle et de Démocrite sur la production de la femelle et du mâle, se trompent non moins gravement, quoique d’une autre manière, et leur système est également insoutenable. Quand on prétend que c’est la quantité plus ou moins grande du liquide venant du mâle ou de la femelle qui produit les femelles ou les mâles, on doit

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être fort embarrassé de démontrer comment la fille ressemble à son père, et le fils à sa mère ; car il est impossible que le fluide vienne en plus grande quantité des deux à la fois.

§ 19[52]. Et puis encore, qu’est-ce qui fait que l’enfant ressemble très fréquemment à ses ascendants, et même à des ascendants très éloignés ? Assurément, il n’est rien venu du sperme de ceux-là. Mais, sur ce point comme sur d’autres, ceux qui donnent de la ressemblance l’explication qui nous reste à examiner, sont beaucoup plus près de la vérité. En effet, il y a des naturalistes qui soutiennent que la liqueur séminale, bien qu’elle soit simple, produit cependant une foule de germes de toute sorte. § 20[53]. Si l’on mêle des sucs divers dans un seul liquide, et qu’ensuite on puise à ce mélange, on pourra bien ne pas prendre toujours de chacun des sucs une quantité égale ; et l’on aura tantôt plus de l’un, tantôt plus de l’autre ; tantôt aussi, on pourra bien avoir quelque chose de l’un ou n’avoir de l’autre rien du tout. Les choses, disent-ils, se passent de même pour la semence, où beaucoup de matières sont mélangées. Selon que la

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quantité venue de l’un des parents est plus forte, la forme de l’enfant ressemble à ce parent-là. § 21[54]. Cette explication n’est pas des plus claires, et bien souvent elle se trouve fausse à plus d’un égard. Tout ce qu’elle a de plus vrai, c’est qu’elle suppose que cette multiplicité indéfinie des germes dont on parle, n’est pas en acte dans le sperme, mais qu’elle y est en simple puissance. En l’un de ces deux sens, cette théorie est impossible ; mais elle est possible dans l’autre. Il n’est pas aisé, si l’on se borne à une seule espèce de cause, de se rendre compte de tous les phénomènes que nous citions tout à l’heure, et de savoir d’où vient qu’il y a des femelles et des mâles, comment il se fait souvent que la fille ressemble au père, et le fils à la mère ;

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comment l’enfant ressemble de nouveau à ses ancêtres ; comment il est simplement homme, sans ressembler à qui que ce soit de ses parents ; et comment sur cette pente, il en arrive même enfin à n’être plus un homme, et à n’être qu’un animal du genre de ceux qu’on appelle des monstres.

§ 22[55]. Il nous paraît que la suite de tout ce que nous venons de dire, ce serait de rechercher la cause des monstruosités. Quand les mouvements sont rompus et qu’ils s’affaissent, et que la matière n’est pas dominée, il ne reste que ce qu’il y a de plus général, c’est-à-dire l’animal. On assure bien qu’alors le fœtus humain a une tête de bélier ou de bœuf, que le même fait se produit dans les autres espèces, et qu’ainsi un veau a une tête d’enfant, ou un mouton une tête de bœuf. On peut expliquer tous ces faits extraordinaires par les causes que nous venons d’indiquer.

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Mais il n’y a rien de réel dans ce que croient ces naturalistes ; et ce ne sont là que de simples ressemblances, qui se produisent sans même que, pour cela, les êtres soient vraiment contrefaits. § 23[56]. Ainsi, bien souvent, c’est en plaisantant qu’en parlant d’hommes laids, on assimile leur visage à un bouc soufflant le feu, ou à un bélier donnant un coup de corne. Il suffit qu’un physiognomiste rapporte les traits de personnes laides à deux ou trois types d’animaux, pour qu’à force de le répéter, il finisse par persuader les gens. Mais ce qui prouve bien qu’une telle monstruosité d’un animal se changeant en un autre animal est impossible, c’est l’énorme différence des temps de la gestation pour

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un homme, pour un mouton, pour un chien ou pour un bœuf. Il n’y a pas moyen qu’aucun de ces animaux puisse jamais naître en dehors des temps réguliers qui leur sont naturels.

§ 24[57]. Telle est une des formes de monstruosités, dont on a parlé. Mais on dit encore de quelques animaux qu’ils sont des monstres, par cela seul qu’ils ont des membres en surnombre ; par exemple, plusieurs pieds ou plusieurs têtes. Les explications qu’on peut donner des causes de ces phénomènes se rapprochent beaucoup et se confondent presque, et pour ces prétendus monstres, et pour les animaux qui ne sont que contrefaits et difformes ; car la monstruosité n’est guère qu’une difformité.

§ 25[58]. Démocrite a soutenu que les monstres se produisent, parce que deux semences spermatiques se rencontrent

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dans la matrice, l’une qui y a été lancée la première, l’autre qui ne vient qu’ensuite. Selon lui cette seconde semence, entrant après l’autre, se joint à elle dans la matrice et y trouble tout l’ordre des membres. Il cite les oiseaux, où l’accouplement est si rapide, et où les œufs et la couleur changent si aisément. Mais si, d’un seul sperme et d’un seul accouplement, il peut naître plusieurs fœtus, ce qui se voit souvent, il vaut mieux ne pas faire le détour que fait Démocrite, en négligeant le plus court chemin. § 26[59]. Nécessairement, le phénomènes produit dans les animaux quand les spermes, loin de se séparer, se réunissent simultanément. C’est la l’explication qu’il faudrait donner, si l’on voit dans la semence du mâle la cause des monstruosités. Mais il est bien plus probable que la cause est dans la matière et dans les fœtus qui se forment. Aussi, les monstres sont-ils excessivement rares dans les animaux qui ne font qu’un seul petit ; le fait se produit plus souvent dans les animaux multipares. Mais il est surtout fréquent chez les oiseaux ; et, parmi les oiseaux, chez les poules. En effet, elles ne sont pas fécondes uniquement parce qu’elles pondent souvent, comme le font aussi les pigeons, mais encore parce qu’elles ont plusieurs germes à la fois, et qu’elles cochent en tout temps ; aussi font-elles fréquemment des œufs doubles.

§ 27[60]. Comme les germes sont fort rapprochés les uns des autres, ils se soudent, ainsi qu’il arrive très souvent aux fruits des végétaux. Toutes les fois que les jaunes sont séparés par la membrane, il se produit deux poussins qui n’ont rien d’extraordinaire ; mais quand les jaunes se touchent et que rien ne les isole, il se produit des poussins monstrueux, qui, tout en n’ayant qu’un seul corps et une seule tête, ont quatre pattes et quatre ailes, parce que les parties supérieures

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se sont formées du blanc, et parce que la nourriture venue de ce blanc leur a été d’abord répartie, tandis que la partie inférieure n’a paru que plus tard, et que la nourriture est unique et indivisible.

§ 28[61]. On a pu observer aussi un serpent à deux têtes ; et cette monstruosité s’explique de même. Le serpent est ovipare également et également fécond ; et si les monstres sont plus rares chez le serpent, cela tient uniquement à la forme de sa matrice ; car à cause de sa longueur, les œufs y sont rangés à la suite les uns des autres. Pour les abeilles et les guêpes, il ne se passe rien de pareil ; leur couvain est déposé dans des alvéoles séparées. Pour les poules, c’est tout le contraire. Ceci montre bien encore que c’est dans la matière qu’il faut chercher la cause des monstruosités, puisqu’elles sont plus fréquentes dans les espèces

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qui font beaucoup de petits. § 29[62]. C’est là aussi ce qui fait que les monstruosités se produisent moins souvent chez l’homme. En général, la femme n’a qu’un seul enfant ; et ce jeune est complet. Bien plus, dans les pays où les femmes sont très fécondes, comme en Egypte, les monstres sont bien plus fréquents. C’est encore ainsi que chez les chèvres et les moutons, les monstruosités sont plus nombreuses, parce que ces animaux sont plus féconds. Elles sont encore plus multipliées chez les fissipèdes, où l’espèce fait plusieurs petits à la fois, et où les petits ne sont pas complets, comme, par exemple, ceux de la chienne. Presque toutes ces espèces font des petits qui naissent aveugles. Nous expliquerons plus tard pourquoi il en est ainsi, et pourquoi ces espèces produisent tant.

§ 30[63]. La Nature prépare en quelque sorte la voie aux monstruosités, en faisant que ces animaux ne produisent que des petits qui ne leur ressemblent pas, puis qu’ils sont incomplets, et les monstruosités aussi peuvent bien être considérées comme des dissemblances. Voilà comment cet accident se montre chez les animaux qui ont la nature de ceux dont nous venons de parler. Et c’est encore chez eux que l’on voit le plus fréquemment ce qu’on appelle des arrière-porcs, qui, à certains égards, sont une sorte de monstres ; car c’est un genre de monstruosité d’avoir quelque chose de trop ou quelque chose de moins. § 31[64]. Le monstrueux est contre nature, non pas contre la Nature prise absolument, mais contre le cours le plus ordinaire de la Nature. Rien ne peut se produire en effet contre la Nature éternelle et nécessaire ; il ne se

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produit quelque phénomène contre nature que dans les choses qui sont ordinairement de telle façon, mais qui pourraient aussi être d’une façon tout autre. Comme, même dans les cas où il survient quelque accident qui contrarie l’ordre établi, ce n’est jamais au hasard que cet accident arrive, le monstre, à ce point de vue, paraît moins monstrueux, parce que ce qui est contre nature est encore naturel jusqu’à un certain point, quand la nature qui fait l’espèce et la forme ne l’emporte pas sur la nature qui fait la matière. § 32[65]. Aussi, ne regarde-t-on pas précisément comme des monstres les animaux dont nous venons de parler, ni les autres cas où il se produit quelque accident analogue à ce qu’on voit dans le péricarpe des fruits. Il y a, par exemple, une espèce de vigne qu’on appelle quelquefois la « Fumeuse », pour laquelle on ne

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regarde pas que ce soit une monstruosité de produire des raisins noirs, parce que c’est là le fruit qu’elle produit le plus habituellement. C’est que la nature de cette vigne tient le milieu entre le raisin blanc et le raisin noir, de telle sorte que la déviation n’est pas très éloignée, ni par conséquent tout à fait contre nature ; car le changement ne va pas jusqu’à une nature toute différente. Les monstruosités sont fréquentes dans les espèces qui ont beaucoup de petits, à cause de cette fécondité même ; car cette fécondité fait que les petits se gênent les uns les autres, dans leur complète formation ; et elle empêche les mouvements générateurs.

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CHAPITRE IV

Des difformités et des monstruosités de tout ordre ; recherche de la cause qui produit ces phénomènes étranges ; de la fécondité plus ou moins grande des animaux, en raison inverse de leur grosseur ; de l’action du sperme sur le nombre plus ou moins grand des embryons ; citation des Descriptions Ànatomiques ; de la quantité et de la division du sperme ; sa chaleur comparée à celle de l’eau ; sa coagulation comparée à celle du lait ; variété dans le nombre des petits ; des conditions spéciales de l’homme, qui en général ne produit qu’un enfant, mais qui peut en produire plusieurs ; citation des Problèmes ; les jumeaux ; les membres en surnombre ; les hermaphrodites ; explication de cette monstruosité ; cas divers de difformités ; occlusion de certains canaux indispensables ; tentatives inutiles des médecins pour les rouvrir ; exemple des moutons ; vache de Périnthe. — Résumé.


§ 1[66]. On peut se demander d’où vient la fécondité de quelques espèces qui font beaucoup de petits, pourquoi il y a parfois des membres en surnombre, pourquoi telle espèce fait peu de petits et telle autre n’en fait qu’un, et enfin pourquoi des membres entiers font défaut. Ainsi, il y a des enfants qui ont plus de doigts qu’il ne faudrait ; d’autres n’en ont qu’un seul ;

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de même pour des parties du corps autres que les doigts, ou il y a surnombre, ou bien nombre incomplet. § 2[67]. On a vu des enfants nés avec des parties honteuses des deux sexes, l’une mâle, l’autre femelle. Cette observation a pu être faite sur les hommes, mais surtout dans l’espèce des chèvres, où celles qu’on appelle des Tragœnes ont à la fois l’organe femelle et l’organe mâle. On a vu aussi une chèvre dont la corne était placée sur la jambe. Ces changements et ces difformités se rencontrent également à l’intérieur du corps, où certains viscères viennent à manquer, ou bien à être difformes, ou ils sont en surnombre et ou ils sont changés de place. Si l’on n’a jamais vu d’animal qui n’eût pas de cœur, il y en a qui n’ont pas de rate, ou qui en ont deux ; et d’autres qui n’ont qu’un seul rognon. Le foie ne manque jamais ; mais il est parfois

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incomplet. § 3[68]. Tous ces phénomènes se présentent chez des animaux très bien formés d’ailleurs, et qui n’en vivent pas moins. On a vu des animaux ne pas avoir de vésicule biliaire, bien qu’ils dussent naturellement en avoir une ; d’autres en avaient plusieurs, au lieu d’une seule. On a observé aussi des déplacements ; le foie était à gauche et la rate à droite ; et cette singularité se présentait chez des animaux d’ailleurs bien constitués, comme on vient de le dire ; mais elle apporte toujours dans les fonctions, dès qu’ils sont nés, un grand trouble, qui revêt les formes les plus diverses. § 4[69]. Quand la déviation reste encore assez faible, les petits peuvent habituellement vivre ; mais quand elle est plus marquée, ils ne vivent pas, si la difformité contre nature intéresse les organes essentiels à la vie. Pour tous ces phénomènes, il s’agit de savoir si c’est une seule et même cause qui fait qu’il n’y a qu’un seul

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petit, que des organes viennent à manquer, ou qu’il y a plus d’organes qu’il n’en faut, ou enfin que les petits sont nombreux. Ou bien, est-ce une cause différente, au lieu d’une cause unique ?

§ 5[70]. En premier lieu, on a bien raison de s’étonner que tels animaux ne fassent qu’un seul petit, tandis que d’autres en font plusieurs. Les animaux les plus grands ne font qu’un petit uniquement ; par exemple, l’éléphant, le chameau, le cheval et les solipèdes, tous animaux qui tantôt sont plus gros que les autres, ou qui tantôt sont, du moins relativement, beaucoup plus grands. Le chien, le loup et presque tous les fissipèdes ont beaucoup de petits, ainsi qu’en ont les races de ce genre les moins grosses, tels que les rats. Les animaux à pieds fourchus font en général peu de petits, si ce n’est le porc, qui en fait au contraire un très grand nombre. § 6[71]. Il serait tout simple que les plus gros animaux pussent faire le plus de petits, et qu’ils sécrétassent plus de sperme ; mais c’est

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précisément parce qu’on s’en est étonné qu’on ne s’en étonne plus ; car c’est leur grosseur précisément qui les empêche de produire beaucoup. Dans ces sortes d’animaux, la nourriture est utilisée tout entière pour la croissance de leur corps, tandis que, chez les plus petits, la Nature fait profiter la sécrétion spermatique de tout ce qu’elle leur ôte en grosseur. § 7[72]. Il y a nécessité, d’ailleurs, que le sperme qui doit créer l’être plus grand soit aussi en plus grande quantité, et que chez les petits êtres il soit en quantité très faible. Le nombre et la petitesse peuvent se réunir dans le même être ; mais il est bien difficile que le nombre et la grosseur se réunissent. La Nature a mis la fécondité moyenne dans les moyennes grandeurs. Nous avons antérieurement essayé d’expliquer

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pourquoi tels animaux sont grands, tels autres plus petits, et tels autres encore de moyenne taille. Telle espèce n’a qu’un petit ; telle autre en a fort peu ; telle autre en a beaucoup. Les solipèdes n’ont en général qu’un petit unique ; les pieds fourchus n’en ont que très peu ; les fissipèdes en ont beaucoup. § 8[73]. Le plus ordinairement, c’est sur ces différences de fécondité que se règle la grandeur des corps ; cependant la règle n’est pas constante. C’est la grandeur et la petitesse des corps qui déterminent la fécondité plus ou moins grande, et cette fécondité ne dépend pas de ce que l’espèce est solipède, ou fissipède, ou à pieds fourchus. Ce qui le prouve bien, c’est que l’éléphant, le plus grand de tous les animaux, est fissipède, et que le

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chameau, qui, après lui, est le plus grand entre les autres animaux, a le pied fourchu. C’est par la même raison que non seulement chez les quadrupèdes, mais en outre chez les oiseaux, et chez les poissons, les plus grands ont peu de progéniture, et que les petits en ont beaucoup. Le même phénomène se retrouve dans les végétaux, où ce ne sont pas les plus grands qui donnent le plus de fruits.

§ 9[74]. Voilà donc, selon nous, pourquoi tels animaux ont des petits en grand nombre ; comment d’autres en ont très peu ; et comment d’autres enfin n’en ont même qu’un seul. Mais si cette question est intéressante, celle-ci l’est davantage encore. Comment, chez les animaux qui font des petits très nombreux, suffit-il d’un seul accouplement pour produire tant d’embryons ?

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Comment se fait-il que, soit que le sperme du mâle contribue matériellement à apporter sa part du fœtus en se mêlant au sperme de la femelle, soit qu’il n’agisse pas de cette façon, et que, selon notre théorie, il coagule et anime la matière qui est dans la femelle et dans la sécrétion spermatique, comme la présure agit sur le lait liquide, comment se fait-il qu’il ne produise pas un seul et unique fœtus, ayant la grandeur voulue ? § 10[75]. Pourquoi le sperme n’agit-il pas comme la présure, qui ne sépare pas le lait en parties diverses pour coaguler telle ou telle quantité de lait, mais qui, y étant mise de plus en plus, rend proportionnellement la masse du lait de plus en plus compacte ? Dire que ce sont les différentes portions de la matrice qui attirent le sperme, et que c’est là ce qui multiplie les fœtus, parce que ces portions diverses de la matrice sont en grand nombre et que

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les cotylédons sont plus d’un, c’est ne rien dire absolument ; car parfois dans la même place de la matrice, il y a deux fœtus ; et dans les espèces qui ont des petits très nombreux, lorsque les matrices sont pleines d’embryons, ils y sont déposés à la suite les uns des autres. C’est ce dont on peut se convaincre par l’Anatomie.

§ 11[76]. De même que, pour les animaux qui arrivent à toute leur croissance, il y a un développement régulier qui ne peut être, ni plus grand, ni plus petit, dans l’une ou l’autre de ces dimensions, et que c’est toujours dans ces limites de grandeur moyenne que les animaux ont, par rapport les uns aux autres, des différences en plus et en moins, et par exemple qu’un homme ou tout autre animal est plus ou moins grand,

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de même l’embryon qui sort de la matière spermatique, n’est pas sans limites précises, soit en plus, soit en moins, de telle sorte qu’il puisse se former d’une quantité quelconque de cette matière. § 12[77]. Il en résulte que, quand les animaux émettent plus de sperme qu’il n’en faut pour le principe d’un seul être, il ne se peut pas, par la cause qu’on vient d’expliquer, qu’il ne naisse de toute cette matière qu’un seul animal ; mais il doit en sortir autant d’animaux que le comportent les grandeurs régulières. Le sperme émis par le mâle, ou la puissance contenue dans le sperme, ne formera ni plus ni moins que ce qui a été réglé par la Nature. Il en est encore de même si le mâle émet plus de sperme qu’il ne faut, ou si les puissances dispersées dans le sperme divisé sont plus nombreuses qu’il ne convient. Alors le surplus, loin de produire plus d’effet, sera, tout au contraire, nuisible

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en se desséchant. § 13[78]. C’est ainsi que le feu n’échauffe pas l’eau de plus en plus, parce qu’il est plus considérable ; mais il y a une limite à la chaleur ; et cette limite une fois atteinte, on a beau accroître le feu, l’eau n’en devient pas plus chaude ; mais bien plutôt elle s’évapore, pour disparaître peu à peu, et, à la fin, se dessécher entièrement. Il semble donc qu’il est besoin d’une certaine proportion entre l’excrétion de la femelle et l’excrétion qui vient du mâle. Par suite, dans toutes les espèces multipares, les mâles qui émettent du sperme le lancent en un instant, le sperme mâle pouvant par sa division suffire à former plusieurs embryons, et le sperme femelle étant en quantité suffisante pour les nourrir.

§ 14[79]. Cependant la comparaison, indiquée plus haut, du lait et du sperme, n’est pas très exacte. La chaleur du sperme ne produit pas seulement un embryon d’un

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certain volume, mais aussi d’une certaine qualité, tandis qu’il n’y a dans le petit lait et la présure qu’une pure et simple quantité. Ce qui fait que, dans les espèces multipares, les embryons sont nombreux et qu’ils ne se réunissent pas pour n’en former qu’un seul, c’est que le germe ne peut pas venir d’une quantité quelconque, et qu’il ne peut exister s’il y en a trop peu, ou s’il y en a trop, parce qu’il y a une limite à la puissance du patient aussi bien qu’à celle de la chaleur productive. § 15[80]. De même encore, dans les animaux unipares et de grande dimension, il n’y a pas beaucoup de germes, bien que l’excrétion soit abondante, parce que, dans ces animaux aussi, le produit qui vient d’une certaine quantité est d’une certaine quantité également. Ils n’émettent donc pas plus qu’il ne faut de cette matière, par les raisons que nous en

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avons données ; et la matière qu’ils émettent est calculée par la Nature de manière à ne produire qu’un seul embryon. S’il y en a plus qu’il n’en faut, il y a alors double produit. Mais ces cas passent plutôt pour des monstruosités, parce qu’ils sont exceptionnels et contre l’ordinaire.

§ 16[81]. Quant à l’homme, il présente toutes ces variétés. Il est unipare, et parfois multipare ; en somme, il a peu d’enfants. Mais, par nature, il est essentiellement unipare ; il ne devient multipare que quand le corps est humide et chaud ; car la nature du sperme est liquide et chaude. Mais par suite de ses dimensions corporelles, l’homme a peu de progéniture, et il ne procrée qu’un seul petit. C’est là encore ce qui fait qu’il est le seul des animaux chez lequel les temps de la gestation soient irréguliers. Les autres animaux n’ont absolument qu’un seul temps ; l’homme en a plusieurs. Ainsi, l’enfant peut naître de sept mois à dix mois, ou à des époques intermédiaires ; car les enfants

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vivent à huit mois, bien qu’ils vivent moins souvent. § 17[82]. Ce que nous venons de dire suffît pour faire voir la cause de ces variations. Mais il en a été parlé aussi dans les Problèmes ; et nous n’avons pas à nous étendre davantage sur ce sujet.

§ 18[83]. La cause qui produit les jumeaux est la même aussi qui produit les membres en surnombre. Cette cause se trouve dans les germes, quand il s’accumule plus de matière qu’il n’en faut pour la dimension naturelle de la partie dont il s’agit. Il arrive alors que l’embryon a une partie plus grande que les autres ; par exemple, le doigt, la main, le pied, ou telle autre

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extrémité, ou tel autre membre. § 19[84]. Ou bien encore, c’est la division du sperme qui produit plusieurs embryons, tout comme dans les cours d’eau il se forme des tourbillons. Si le liquide qui coule et qui est en mouvement rencontre un obstacle, il se forme deux courants au lieu d’un seul, ayant l’un et l’autre le même mouvement. Il en est tout à fait ainsi pour les embryons. Quand ils sont près l’un de l’autre, ils se soudent plus aisément ; mais ils se soudent encore quelquefois, même quand ils sont éloignés, à cause du mouvement qui a lieu dans le germe, surtout quand la matière revient s’accumuler au point d’où elle a été enlevée, et qu’elle a la forme de l’organe d’où elle sortait en trop grande abondance.

§ 20[85]. Dans les cas où les organes des deux sexes sont réunis, l’un du mâle, l’autre de la femelle, l’un des deux organes en surcroît est toujours bien conformé, l’autre est incomplet, parce qu’il reçoit toujours une nourriture moins abondante, attendu qu’il est contre nature, et qu’il ne vit que comme les plantes parasites,

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qui prennent leur part d’alimentation, quoiqu’elles soient venues plus tard que les autres et quoiqu’elles ne soient pas naturelles. Les deux organes pareils se produisent quand le principe de formation est absolument vainqueur, ou quand il est absolument vaincu ; mais si ce n’est qu’en partie qu’il triomphe, ou en partie qu’il succombe, l’un des organes est femelle, et l’autre est mâle. § 21[86]. La cause à laquelle on rapporte le sexe femelle de l’un et le sexe mâle de l’autre, peut s’appliquer aussi bien à tout l’animal qu’à ses parties. Quant à celles des parties qui viennent à manquer, par exemple, une extrémité ou tel autre membre, on doit supposer à ce phénomène la même cause qu’à

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l’avortement complet de l’embryon ; car les avortements des fœtus sont très fréquents.

§ 22[87]. Le surnombre des membres se distingue du surnombre des petits, ainsi qu’on vient de le dire. Mais les monstruosités diffèrent de ces deux phénomènes en ce que, la plupart du temps, ce ne sont que des soudures ou symphyses. Parfois des monstruosités se rencontrent dans des organes plus grands et plus importants ; par exemple, certains animaux ont deux rates, ou ont des rognons en surnombre. Les déplacements d’organes tiennent aussi à des mouvements irréguliers, allant en sens contraire, et à une matière qui change de lieu. Pour juger si l’animal monstrueux est un seul animal, ou s’il est composé de plusieurs animaux soudés ensemble, c’est au principe qu’il faut remonter. Si par exemple, le cœur est la partie dont il s’agit, l’animal qui a cet organe unique est un

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seul animal ; et les parties en surnombre sont des produits contre nature ; mais quand il y a plusieurs cœurs, c’est qu’il y a deux animaux, qui se sont soudés par le contact irrégulier des germes. § 23[88]. Souvent il arrive, dans des animaux qui d’ailleurs ne paraissent pas contrefaits, qu’après leur développement complet certains canaux se bouchent, et que d’autres canaux se dérangent tout à fait. On a observé des femmes chez qui l’orifice de la matrice, resté constamment fermé depuis longtemps, s’était spontanément ouvert, à l’époque des menstrues et après de grandes douleurs, ou bien avait dû être fendu par les médecins. D’autres femmes sont mortes quand la rupture a été par trop violente, ou qu’elle n’a pas pu se faire. § 24[89]. On a vu des enfants chez qui le bout de la verge et le canal par où sort l’excrétion de la vessie, n’étaient pas placés au même endroit, mais plus bas. Il en résulte qu’ils s’accroupissent pour uriner, et qu’en leur relevant

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les testicules, il semble, quand on les voit de loin, qu’ils aient tout à la fois un organe femelle et un organe viril. Sur quelques animaux, les moutons par exemple et d’autres encore, on a vu le canal pour les excréments secs être tout à fait bouché. A Périnthe, il y avait une vache chez laquelle la vessie laissait suinter l’excrément sec en un léger filet ; et bien qu’on lui eût ouvert le fondement par une incision, il se referma bientôt, et l’on ne put parvenir à le tenir ouvert par l’incision renouvelée.

§ 25[90]. Voilà tout ce que nous avions à dire sur la fécondité plus ou moins grande des animaux, sur les phénomènes contre nature de membres en surnombre ou de membres qui font défaut, et, enfin, sur les monstruosités.

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CHAPITRE V

De la superfétation ; ses variétés selon les espèces ; elle est presque impossible chez les grands animaux unipares ; cause de la superfétation chez les unipares et les multipares ; cas particulier de la femme ; cas de la jument ; explication de la nature lascive de la jument ; les femmes sont moins ardentes après avoir eu plusieurs enfants ; nature lascive des oiseaux mâles ; développement des embryons de superfétation selon les espèces ; continuation des menstrues durant la grossesse ; le lièvre est très sujet aux superfétations ; singularités de son poil ; abondance des poils, signe de lascivité.


§ 1[91]. Il y a des animaux chez lesquels il n’y a jamais de superfétation : chez d’autres au contraire, il y en a. Parmi ceux où la superfétation est possible, les uns peuvent amener à terme leurs fœtus, tandis que les autres, tantôt le peuvent, et tantôt ne le peuvent pas. Ce qui empêche la superfétation, c’est que les animaux sont unipares. Chez les solipèdes, il n’y a pas de superfétation, non plus que chez les animaux

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encore plus grands, où à cause de leur grosseur même, toute l’excrétion est employée à développer l’embryon. § 2[92]. Car tous les animaux de cet ordre ont des corps très grands ; et les embryons des grands animaux doivent être grands comme eux, toute proportion gardée. Aussi, le petit de l’éléphant est-il de la grosseur d’un veau. Mais les animaux multipares sont capables de superfétation, parce que, du moment qu’au lieu d’un seul fœtus il y en a plusieurs, un de ces fœtus vient s’ajouter en surcroît à l’autre fœtus. Dans les animaux qui ont une certaine grosseur, comme l’homme, si une seconde copulation vient presque immédiatement après la première, l’embryon en surnombre peut se développer et se nourrir ; et

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l’on a vu plus d’une fois ce cas se produire. § 3[93]. La cause en est celle que nous avons indiquée. Ainsi, dans la première copulation, le sperme a été plus abondant ; et il rend possible en se divisant la formation de plusieurs fœtus, parmi lesquels l’un vient toujours en dernier lieu après les autres. Mais quand la copulation a lieu lorsque déjà le premier embryon a pris quelque croissance, il y a parfois superfétation ; cependant le fait est rare, parce que la matrice se referme chez la plupart des femmes jusqu’au temps de l’accouchement. Toutefois si le fait se produit, comme on l’a déjà vu, l’embryon ne peut venir à bien ; et alors il est rejeté, comme il arrive dans ce qu’on appelle les fausses-couches. § 4[94]. De même que, dans les unipares qui ont une certaine grandeur, l’excrétion spermatique tourne tout entière au développement

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du premier embryon, de même, dans les multipares, le fait se produit également, à cette différence près que, chez les uns, c’est tout d’un coup qu’il se produit, et que, chez les autres, c’est seulement quand l’embryon a déjà pris quelque croissance. C’est ce qui a lieu chez l’homme, qui naturellement pourrait être multipare, si l’on regarde à la grandeur de la matrice et à l’abondance de la sécrétion, sans que d’ailleurs ni l’une ni l’autre ne puissent nourrir un second embryon. Il en résulte que seules, parmi les animaux, la femme et la jument, même quand elles ont déjà conçu, reçoivent encore les approches du mâle. § 5[95]. Pour la femme, c’est la raison qu’on vient de dire ; mais la jument les souffre à cause de la rigidité de sa nature, et parce que sa matrice est assez grande

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pour recevoir plus d’un embryon, bien qu’elle ne le soit pas assez pour en recevoir encore un autre complètement. La jument est de sa nature très lascive, parce qu’elle est soumise à la même condition que tous les autres animaux dont la peau est épaisse comme du cuir. Cette disposition tient chez ces animaux à ce qu’ils n’ont point d’évacuation purifiante ; pour eux, cette évacuation est ce que le rut est pour les mâles ; et les juments n’ont presque pas d’évacuation de ce genre. Dans tous les vivipares, les femelles à tissu rigide sont très portées à l’acte vénérien, parce qu’elles sont dans un état fort semblable à celui des mâles, quand leur sperme est accumulé et qu’il n’est pas encore expulsé. Dans les femelles, l’évacuation purgative des menstrues est une sortie de sperme ;

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car les menstrues, ainsi qu’on l’a déjà dit, ne sont que du sperme dont la coction est imparfaite. § 6[96]. Aussi, les femmes qui sont ardentes au rapprochement sexuel, perdent-elles cette excitation quand elles ont eu plusieurs enfants, parce que la sécrétion spermatique qui a été expulsée ne leur donne plus ces désirs, qu’elles ne pouvaient dominer. Chez les oiseaux, les femelles sont moins portées que les mâles à l’accouplement, parce qu’elles ont la matrice placée sous le diaphragme, tandis que les mâles sont organisés tout autrement ; car leurs testicules sont suspendus à l’intérieur, de telle sorte que, quand une espèce de ces oiseaux a beaucoup de sperme, les mâles ne cessent pas d’avoir besoin d’accouplement. Chez les femelles, c’est parce que les matrices descendent, et chez les mâles parce que les testicules s’élèvent, que cette disposition facilite le rapprochement et y pousse.

§ 7[97]. D’après ce qui précède, on doit comprendre pourquoi certains animaux n’ont jamais de superfétation ;

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et pourquoi d’autres en ont, tantôt amenant leurs fœtus à terme, tantôt ne pouvant les y amener. On doit voir aussi pourquoi telles espèces sont lascives, et pourquoi telles autres ne le sont pas.

§ 8[98]. Quelques-unes de celles où la superfétation est possible peuvent amener leurs germes à bien, si la seconde copulation a eu lieu longtemps après la première ; ce sont les espèces qui, ayant du sperme, n’ont pas le corps trop gros et qui peuvent avoir plusieurs petits. Précisément, parce qu’elles peuvent en avoir plusieurs à la fois, la matrice a de grandes dimensions ; et comme ces espèces ont du sperme, l’évacuation purgative sort en grande abondance. Mais comme leur corps n’est pas très gros, et que l’évacuation est plus considérable qu’il ne faut pour nourrir l’embryon, ces espèces peuvent concevoir de nouveaux embryons et les amener à terme régulièrement. § 9[99]. Les matrices, dans ces animaux, ne se ferment

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pas, parce que la sécrétion purifiante surabonde toujours en elles. Ce curieux phénomène a été observé même sur des femmes. On en a vu qui étaient enceintes avoir leur évacuation et la conserver jusqu’à la fin de la grossesse. Mais chez les femmes, c’est là un accident contre nature, et le fœtus en souffre, tandis que, dans les espèces dont on vient de parler, le fait est tout naturel. C’est que leur corps est originairement ainsi organisé, comme on le voit chez les lièvres, qui présentent toujours des superfétations. Cet animal ne compte pas parmi les plus grands animaux ; mais il fait beaucoup de petits ; il est fissipède, et les fissipèdes sont en général très féconds. § 10[100]. En outre, il a beaucoup de sperme. Ce qui le prouve bien, c’est l’abondance de son poil, qui est vraiment extraordinaire. Il est le seul animal qui ait des poils sous les

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pieds et même en dedans des mâchoires. Cette abondance des poils indique toujours une sécrétion abondante ; c’est si vrai que, parmi les hommes, ceux qui sont velus sont portés aux plaisirs du sexe ; et ils ont beaucoup plus de sperme que les hommes dépourvus de poils. Le lièvre a bien souvent des fœtus incomplets, en même temps qu’il a des petits très bien conformés.


De la formation des petits, qui sont complets ou incomplets, au moment de leur naissance ; variations selon les espèces ; petits qui naissent aveugles ; exemple de la laie, qui fait des petits complets et en grand nombre ; exemple des oiseaux ; exemple des enfants nés à sept mois ; dans l’espèce humaine, il y a plus de mâles déformés que de femelles ; comparaison du développement du fœtus mâle et du fœtus femelle ; le mâle se forme plus vite ; après la naissance, c’est le contraire ; de la santé des animaux pendant la gestation ; cause de la facilité de l’accouchement ou de sa difficulté selon la vie que mènent les femmes ; effets de la grossesse chez les femmes.


§ 1[101]. Parmi les animaux vivipares, il y en a qui produisent des petits incomplets, tandis que les autres en produisent de complets. Les solipèdes et les fissipèdes

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ont des petits complètement formés ; mais presque tous les animaux à pieds fourchus n’ont que des petits incomplets. Cela tient à ce que les solipèdes sont unipares, tandis que les fissipèdes, ou sont unipares, ou le plus souvent font deux petits. Il est plus facile de mener à terme des petits moins nombreux. Mais tous les pieds fourchus qui font des petits incomplets sont multipares. Tant que les embryons sont tout jeunes, ils peuvent les alimenter ; mais quand les embryons ont grossi et que le corps ne peut plus les nourrir, ces animaux les rejettent, comme

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le font aussi les animaux qui pondent des larves. § 2[102]. En effet, de ces animaux, les uns font des petits dont les membres sont à peine indiqués, comme le renard, l’ours, le lion ; et d’autres espèces aussi sont à peu près dans ce cas. Presque toutes, ainsi que celles-là, font des petits qui naissent aveugles, tels que le chien, le loup, le lynx. De tous les animaux qui font beaucoup de petits, la laie est seule à les faire complets ; elle est une exception. Elle a beaucoup de petits, comme en général en ont les fissipèdes ; car le porc a deux pinces, et il est solipède également, du moins dans quelques contrées. § 3[103]. Le porc a beaucoup de petits, parce que la nourriture qu’exige la grosseur de son corps tourne à une sécrétion de sperme abondante. En tant que solipède, il n’est pas fort gros ;

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et en même temps, il est plutôt fissipède, parce que sa nature de solipède est assez équivoque. Aussi, la truie n’a quelquefois qu’un seul petit ; tantôt elle en a deux ; mais le plus ordinairement, elle en a un grand nombre, qu’elle amène à terme, à cause de l’embonpoint de son corps ; car il est comme une terre grasse, fournissant aux plantes toute la nourriture dont elles ont besoin.

§ 4[104]. Il y a aussi des oiseaux qui font des jeunes incomplets et aveugles ; ce sont ceux qui font beaucoup de petits, sans avoir le corps très gros, comme la corneille, la pie, le moineau, les hirondelles ; et aussi, parmi les oiseaux qui font peu de petits, tous ceux qui ne fournissent pas à leurs embryons une alimentation abondante, comme le ramier, la tourterelle, le pigeon. C’est là ce qui explique comment il se fait que, si l’on crève les yeux à de jeunes hirondelles, leurs yeux repoussent.

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Si on les détruit quand l’animal grandit encore, et avant qu’il ne soit formé tout à fait, les yeux alors reprennent, et se développent comme au début. § 5[105]. En général, si les animaux produisent leurs petits par anticipation, avant qu’ils ne soient complètement formés, c’est par l’impossibilité ou ils sont de les sustenter ; et leurs petits sont imparfaits, parce qu’ils viennent avant terme. C’est ce dont on peut se convaincre en observant les enfants qui naissent à sept mois. Précisément parce qu’ils sont incomplets, beaucoup d’entre eux naissent sans avoir certains canaux ouverts, par exemple, les conduits des oreilles et des narines ; mais à mesure que l’enfant se développe, les canaux s’ouvrent ; et, dans ces conditions, bon nombre de ces enfants peuvent vivre. § 6[106]. Dans l’espèce humaine, il y a plus de mâles contrefaits que de femelles ; dans les autres espèces, il n’y en a pas plus. Cela tient à ce que, dans l’espèce humaine, le

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mâle diffère beaucoup de la femelle par sa chaleur naturelle ; les fœtus mâles s’agitent beaucoup plus que les fœtus femelles : et ce mouvement amène des accidents plus fréquents. La faiblesse du fœtus, quand il est tout jeune, fait qu’il périt aisément. § 7[107]. C’est encore la même cause qui fait que, dans le sein des femmes, les fœtus femelles ne se développent pas comme les mâles, tandis que, dans les autres animaux, ils se développent également, et que la femelle ne se forme pas plus lentement en eux que le mâle, comme il arrive chez les femmes. Dans les entrailles de la mère, il faut plus de temps à la femelle qu’au mâle pour se former distinctement ; mais une fois que l’enfant est sorti, tout arrive chez les femelles plus tôt

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que chez les hommes, puberté, maturité vigoureuse, vieillesse. Les femelles sont naturellement plus faibles et plus froides ; et l’on peut croire que c’est une sorte d’infériorité de nature que d’être du sexe féminin. § 8[108]. Tant que le fœtus est intra-utérin, il se forme plus lentement à cause de sa froideur ; car la formation successive est une sorte de coction ; or, c’est la chaleur qui fait cuire ; et ce qui est plus chaud cuit plus aisément. Mais une fois dehors, la femelle arrive bien vite, à cause de sa faiblesse même, à atteindre toute sa floraison et la vieillesse ; car tout ce qui est plus petit parvient à son complément beaucoup plus tôt. Ceci se remarque dans les œuvres que l’art produit, aussi

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bien que dans les organismes que crée la Nature. § 9[109]. C’est là aussi ce qui explique que, dans l’espèce humaine, les jumeaux mâle et femelle vivent plus rarement, tandis que, dans les autres espèces, ils n’en viennent pas moins bien. Pour les uns, la simultanéité de naissance est contre nature, puisque leur formation ne s’accomplit pas dans la même période de temps, et qu’il y a nécessité que le mâle vienne plus tard, ou que la femelle vienne plus tôt ; mais, dans les autres espèces, ce phénomène n’est pas contre nature.

§ 10[110]. D’ailleurs, entre l’homme et les autres animaux, il y a une différence bien marquée pour ce qui regarde la gestation. Pendant presque tout ce temps, le corps des animaux est en parfaite santé ; au contraire, il arrive bien souvent que les femmes se portent

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mal durant leur grossesse. Cela peut bien tenir aussi, du moins en partie, à leur vie habituelle. Comme elles sont sédentaires, elles ont des sécrétions plus abondantes ; au contraire, chez les nations où la vie des femmes est laborieuse, leur grossesse est moins apparente, et elles accouchent plus aisément. Du reste, si ce fait se reproduit chez ces nations, il se reproduit aussi dans tous les pays pour les femmes qui travaillent et qui fatiguent. La fatigue dissout les sécrétions ; mais quand les femmes sont trop sédentaires, les sécrétions s’accumulent en elles, à cause même de leur inactivité. Les sécrétions s’amassent aussi aux époques où les menstrues, qui purgent les femmes, n’ont plus lieu parce qu’elles sont enceintes ; chez elles alors, l’accouchement avec toutes ses douleurs est excessivement pénible. Mais la douleur exerce la respiration ; et selon qu’on peut la retenir, l’enfantement est, ou facile, ou douloureux.

§ 11[111]. Ce sont bien là, ainsi qu’on l’a dit, des circonstances qui concourent à former cette différence de douleur entre les autres animaux et les femmes, pour ce qui concerne cette fonction. Mais la circonstance principale, c’est que, dans les animaux, l’évacuation menstruelle, ou est très faible, ou même ne se montre pas du tout, tandis que la femme est de toutes les femelles celle qui a l’évacuation la plus abondante. Il en résulte que, quand l’expulsion n’a plus lieu par suite de la grossesse, les femmes éprouvent un grand trouble ; lors même que la femme n’est pas enceinte, elle tombe malade, si les évacuations régulières viennent à cesser. Le plus ordinairement, les femmes sont troublées surtout dans les premiers temps de la conception. C’est que déjà le fœtus peut empêcher les évacuations purifiantes ; mais comme alors il est très

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petit, il n’absorbe pas encore une grande quantité de sécrétion, tandis que plus tard, quand il en prend davantage, il allège d’autant la mère qui le nourrit. § 12[112]. Dans les autres animaux, la sécrétion, étant peu de chose, est tout à fait en rapport avec le développement des embryons ; et les sécrétions qui empêchaient la nutrition régulière étant employées entièrement, le corps se porte beaucoup mieux. Les choses se passent de la même façon chez les animaux aquatiques et chez les oiseaux. Si, après que les fœtus sont déjà grands, le corps ne prend plus d’embonpoint, c’est la preuve que le fœtus a besoin pour sa croissance de plus de nourriture que ne lui en donne la sécrétion ordinaire. Il y a peu de femmes qui aient plus de santé lorsqu’elles sont enceintes ; ce sont celles qui ont dans le

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corps assez peu d’excrétions pour que le tout soit employé exclusivement à nourrir l’embryon qu’elles portent.


CHAPITRE VII

De la môle ; les femmes parfois y sont sujettes ; cas particulier d’une môle qui dure quatre ans ; la môle vieillit avec la malade ; son extrême dureté ; cause de la môle et de sa nature spéciale ; c’est le défaut de coclion de menstrues abondantes ; les animaux autres que l’homme ne sont pas sujets à la môle ; les femmes seules sont exposées à cet accident.


§ 1[113]. Maintenant disons quelques mots de ce qu’on appelle une môle, et qui se produit quelquefois chez les femmes ; il arrive même que cet accident a lieu chez des femmes qui sont enceintes, et qui accouchent

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de ce qu’on appelle une môle. On a observé le cas d’une femme qui, ayant eu commerce avec un homme et se croyant grosse, vit d’abord enfler le volume de son ventre, et qui eut tous les symptômes d’une gestation régulière ; mais, à l’époque de l’accouchement, elle n’enfanta pas et le volume du corps ne diminua pas. Elle resta trois ou quatre ans en cet état ; et à la suite d’une douleur d’entrailles, qui mit sa vie en danger, elle rendit, d’elle seule, un morceau de chair, qu’on désigne sous le nom de môle. § 2[114]. On a même observé que cette affection vieillit avec la personne qui en est atteinte, et qu’elle ne meurt qu’avec elle. Les matières qui sont expulsées et rendues de cette façon deviennent tellement dures qu’on a peine à les couper avec le fer. Nous avons expliqué la cause de cette maladie dans les Problèmes. C’est que l’embryon éprouve dans la matrice la même transformation que nos mets et nos aliments quand ils sont à moitié crus. Ce n’est pas un effet de la chaleur, comme on le dit parfois ; c’est bien plutôt une insuffisance de chaleur. Il semble que, dans ce cas, la Nature, réduite à l’impuissance, n’a pu achever son œuvre, ni compléter et parfaire la génération. De là

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vient que la môle vieillit avec la malade et qu’elle dure si longtemps ; car, par sa nature, elle n’est pas entièrement achevée, et elle n’est pas non plus un corps absolument étranger. C’est le défaut de coction qui produit sa dureté, parce que la coction incomplète est une sorte de crudité. § 3[115]. Mais on peut se demander pourquoi la môle ne se montre jamais dans les animaux autres que l’homme, si toutefois le fait ne nous a pas échappé, faute d’observations. La cause qu’on peut supposer, c’est que

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la femme est plus sujette aux maladies de matrice que les autres femelles, et que l’abondance de ses évacuations purifiantes est telle qu’elle ne peut leur donner la coction nécessaire. C’est donc quand le germe s’alimente d’un liquide imparfaitement cuit, que se forme ce singulier produit qu’on appelle la môle ; dès lors il est tout simple qu’il se forme surtout dans les femmes, ou même chez elles uniquement.

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CHAPITRE VIII

Du lait et de son usage ; c’est la nourriture extérieure du jeune qui vient de naître ; époque de la formation du lait propre à nourrir ; le lait est déjà bon à sept mois chez la femme ; éléments dont le lait se compose ; il se rapporte à la sécrétion du sperme et des menstrues, et il vient également du sang ; influence de la puberté dans les deux sexes ; mue de la voix ; changements dans les mamelles ; abondance des sécrétions chez la femme ; erreur d’Empédode, comparant le lait à du pus ; cessation des règles pendant l’allaitement ; sagesse de la Nature ; époque régulière qu’elle a déterminée pour la sortie du fœtus ; le cordon ombilical ne suffisant plus à le nourrir, le lait devient la nourriture extérieure ; le fœtus sort le plus habituellement par la tête chez tous les animaux.


§ 1[116]. Le lait ne se produit que dans les femelles des animaux qui sont vivipares en eux-mêmes ; et le lait n’est utile qu’à l’époque de la parturition. Car la Nature ne l’a donné aux animaux qu’en vue de la nourriture qu’ils reçoivent de l’extérieur ; elle s’arrange de façon que le lait ne manque jamais à ce moment, et qu’il ne soit pas non plus jamais en retard.

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La coïncidence est régulière, à moins de quelque accident contre nature. § 2[117]. Dans les autres animaux, comme il n’y a qu’un seul temps pour la gestation, la coction du lait se rencontre toujours avec ce temps-là ; mais comme chez l’homme, la durée de la gestation peut avoir plus ou moins de durée, il faut nécessairement qu’il y ait du lait dès le premier moment. Aussi, le lait ne peut pas être utile chez les femmes avant le septième mois ; mais il est déjà bon et nourrissant dès cette époque. On comprend bien que le lait soit alors arrivé à une coction parfaite, parce qu’il est absolument nécessaire qu’il l’ait vers les derniers temps. § 3[118]. D’abord, l’élaboration de cette sécrétion est employée tout entière à développer le

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fœtus. La nourriture est toujours ce qu’il y a de plus doux et de mieux digéré ; et une fois que ces deux qualités disparaissent, il y a nécessité que le reste devienne salé, et de mauvais goût. Quand les embryons sont complètement développés, la sécrétion surabondante est de plus en plus grande ; alors, la partie employée à nourrir se réduit d’autant et devient plus douce, puisque la partie dont la coction est facile n’est plus retranchée. La dépense nécessaire pour former l’embryon ne continue plus, et le développement n’est presque plus rien, comme si l’embryon en était arrivé déjà à être achevé ; car il y a un terme au progrès du fœtus. § 4[119]. Aussi, est-ce à cet instant qu’il sort du sein maternel ; il change de vie,

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parce qu’il a tout ce qu’il doit avoir par lui-même, et qu’il ne reçoit plus rien qui ne vienne de lui, au moment précis où le lait lui devient bon. Le lait remonte alors en haut et dans les mamelles, où il s’accumule, selon l’ordre primitif de l’organisme. La partie principale de l’animal est celle qui est au-dessus du diaphragme ; la partie qui est au-dessous ne concerne que la nourriture et les sécrétions, afin que les animaux capables de marcher, portant en eux-mêmes une nourriture suffisante et une provision, puissent changer de lieu à leur gré. § 5[120]. C’est, en outre, dans cette partie inférieure que s’élabore la sécrétion spermatique, comme nous l’avons expliqué dans nos études préliminaires. Le résidu spermatique chez les mâles

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et les menstrues chez les femelles sont de la nature du sang. L’origine du sang et des veines, c’est le cœur, qui se trouve de même dans les parties supérieures du corps. C’est encore en elles que se manifeste tout d’abord le changement que produit cette sécrétion. La voix des mâles et des femelles mue du moment qu’ils commencent à avoir de la liqueur spermatique ; car c’est de là que procède le principe de la voix, qui devient nécessairement autre quand son moteur devient autre avant elle. § 6[121]. A cette époque, la région des mamelles se gonfle ; et ce gonflement est sensible chez les mâles, mais bien plus encore chez les femelles. Comme l’excrétion se porte abondamment

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en bas, le lieu des mamelles se vide chez elles et devient spongieux ; c’est également ce qui se passe dans les femelles dont les mamelles sont placées en bas. Ce changement de la voix et de la région mamellaire se remarque dans tous les autres animaux, et les connaisseurs dans chaque espèce ne s’y trompent pas. Mais c’est surtout chez l’homme qu’on est frappé de ce changement évident. § 7[122]. Cela tient à ce que, dans l’espèce humaine, les individus femelles ont plus de sécrétions que les femelles de toutes les autres espèces, et que les mâles en ont plus que tous les autres mâles, proportionnellement à leur grandeur. Chez les femmes, cette sécrétion est le flux menstruel ; chez les hommes, c’est le sperme. Lors donc

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que l’embryon ne reçoit plus cette sécrétion, et qu’il l’empêche néanmoins de sortir au dehors, il y a nécessité que ce résidu tout entier s’accumule dans les lieux qui sont vides, et qui se trouvent placés sur les mêmes canaux. § 8[123]. La région des mamelles est précisément dans ce cas pour les espèces diverses d’animaux. Il y a deux causes à ceci : c’est que ce lieu est ainsi disposé, parce que le mieux possible c’est qu’il en soit ainsi ; et secondement, il y a là une nécessité ; car c’est en ce point d’abord que la nourriture destinée aux animaux se concentre, et qu’elle reçoit toute sa coction. On peut expliquer la coction par la cause qu’on vient d’indiquer ; mais on peut l’expliquer aussi par une cause contraire. Il est tout simple que l’embryon, en

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devenant plus grand, prenne plus de nourriture, de telle sorte qu’à ce moment il en reste moins ; et la coction est d’autant plus rapide que la matière est en moindre quantité. § 9[124]. Que le lait soit de la même nature que l’excrétion d’où il vient, c’est ce qui est de toute évidence ; et nous l’avons déjà dit ; car c’est d’une seule et même matière que l’embryon est nourri, et que la Nature produit la génération. Dans les animaux qui ont du sang, cette matière est le liquide sanguin. Le lait est donc du sang qui a reçu toute sa coction, et non pas du sang corrompu. Aussi, Empédocle a-t-il émis une idée qui n’est pas juste, ou tout au moins a-t-il fait, dans ses vers, une métaphore assez fausse, quand il dit que « Le lait devient du pus de couleur blanche, au dixième jour du huitième mois ».

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La putréfaction et la coction sont choses toutes contraires ; le pus est une putréfaction, tandis que le lait est une matière dont la coction est parfaite.

§ 10[125]. Pendant que les femmes allaitent les enfants, elles n’ont pas d’évacuations purifiantes, du moins selon l’ordre de la Nature. Elles ne conçoivent pas non plus durant l’allaitement. Quand, par hasard, elles conçoivent à cette époque, le lait s’arrête sur-le-champ, parce que la nature du lait et celle des menstrues est au fond la même. La Nature ne peut pas faire les choses avec une telle abondance qu’elle suffise à deux fonctions à la fois ; et si la sécrétion se porte d’un côté, il faut nécessairement qu’elle manque de l’autre, à moins qu’il ne se produise quelque violence contre le cours ordinaire des choses. § 11[126]. C’est alors

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un accident contre nature ; car pour les choses qui ne sont pas dans l’impossibilité d’être autrement qu’elles ne sont, et qui peuvent en effet être autrement, ce qui est contre le cours ordinaire des choses est contre nature. La naissance des animaux a des temps parfaitement déterminés. Lorsque, par le développement qu’a pris le fœtus, la nourriture qui lui arrive par le cordon ombilical ne lui suffit plus, le lait est destiné à fournir la nourriture nouvelle ; mais la nourriture n’arrivant plus au fœtus par l’ombilic, les veines, dont ce qu’on appelle le cordon ombilical est le revêtement, viennent à s’atrophier ; et c’est à ce moment que le fœtus sort du sein de la mère.

§ 12[127]. Chez tous les animaux, la sortie naturelle du fœtus est par la tête, parce que les parties du corps qui sont au-dessus du cordon sont plus fortes que celles qui sont au-dessous ; et, alors, de même que cela

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se voit dans une balance, le fléau penche du côté où est le poids ; car les parties qui sont plus grandes ont aussi plus de poids que les autres.


CHAPITRE IX

Variétés dans les durées de la gestation ; elles sont en rapport avec la durée même de la vie ; exemples de l’homme et de l’éléphant ; rapport étroit de la durée de la gestation à la grosseur définitive du fœtus ; influence du soleil et de la lune, comme foyers de chaleur ; périodes solaires et lunaires, semblables dans une certaine mesure ; influence de l’air ambiant sur tous les êtres ; tendance générale de la Nature en ce qui regarde la durée des créatures. — Résumé partiel.


§ 1[128]. Pour chaque espèce d’animal, la durée régulière de la gestation est le plus ordinairement en rapport avec la durée de la vie. Il est tout simple que, dans les animaux qui vivent plus de temps, les développements soient aussi plus longs à se faire. Mais ce n’est

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pas là précisément la cause de la durée de la gestation ; c’est seulement le fait dans la plupart des cas. Les plus grands et les plus parfaits des animaux, qui ont du sang, vivent longtemps, sans que cependant ce soit une règle générale que la vie des plus grands soit la plus longue. § 2[129]. Si l’on en excepte l’éléphant, l’homme est de tous les êtres celui qui a la plus longue vie, du moins de tous ceux que nous avons pu observer sérieusement. Cependant, l’espèce humaine est plus petite que les animaux à queue, et plus petite que bien d’autres espèces encore. Ce qui fait qu’un animal quelconque peut avoir une longue existence, c’est que sa constitution réponde à l’air ambiant où il vit. Ce sont en outre certaines circonstances naturelles, dont nous nous réservons de parler plus tard. § 3[130]. Ce qui détermine les durées diverses de la gestation, c’est

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la grosseur des produits qui doivent naître. Il n’est pas possible que, dans un temps très court, les grandes organisations puissent prendre tout leur développement ; c’est là une impossibilité pour les êtres animés aussi bien que pour toute autre chose. Voilà comment les chevaux et les espèces congénères, tout en vivant moins longtemps, ont cependant une gestation plus longue. Pour les uns, la gestation dure un an entier ; pour les autres, elle est de dix mois au moins. § 4[131]. C’est par une cause toute semblable que, pour l’éléphant, la gestation ne dure pas moins de deux ans ; ce qui est une bien longue durée ; mais c’est sa grosseur prodigieuse qui l’exige.

§ 5[132]. On a eu bien raison d’essayer de mesurer par des périodes naturelles les temps de toutes choses, et les temps de la gestation,

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des naissances, et des existences. J’entends par les périodes naturelles le jour et la nuit, le mois, l’année, et les intervalles de temps auxquels on applique ces mesures. Mais par là, j’entends également les périodes de la lune. Les périodes lunaires sont les pleines lunes, les lunes nouvelles, et les quartiers intermédiaires. Car ce sont là les périodes par lesquelles la lune est en relations avec le soleil, puisque le mois est une période commune à l’un et à l’autre. § 6[133]. La lune n’est un principe de grande influence qu’à cause de ce qu’elle a de commun avec le soleil, de qui elle emprunte sa lumière ; elle est en quelque sorte un soleil plus petit. C’est en ce sens qu’elle agit aussi sur la production et le développement de tous les êtres. Car ce sont les variations de la chaleur et du froid qui, jusqu’à un certain point

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d’équilibre, déterminent les naissances et ensuite les morts ; et ce sont les mouvements de ces deux astres qui marquent les limites du commencement et de la fin. § 7[134]. De même qu’on voit la mer, et toute la masse des eaux qui sont dans la Nature, tranquilles ou agitées selon que les vents soufflent ou sont en repos, et de même que l’air et les vents sont soumis à la période où se trouvent le soleil et la lune, de même les produits qui en viennent doivent nécessairement aussi ressentir ce qui se passe dans ces astres. On comprend de reste que les périodes des choses inférieures soient la conséquence des périodes que les choses supérieures peuvent subir ; et le vent a bien aussi une sorte de vie, puisqu’il naît et qu’il s’éteint. § 8[135]. Il est possible, d’ailleurs, qu’il y ait encore d’autres

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principes qui causent la révolution circulaire de ces astres. La Nature tend toujours à régler, par les nombres qui les régissent, les nombres des générations et des extinctions ; mais elle ne le fait pas toujours aussi exactement quelle le voudrait, à cause de l’indétermination de la matière, et, en outre, à cause de la multiplicité des principes qui, en empêchant les générations et les destructions naturelles, sont trop souvent causes des accidents contre nature.

§ 9[136]. Voilà tout ce que nous avions à dire sur la nutrition intra-utérine des animaux, et sur leur naissance au dehors ; et nous avons également traité séparément de ce qu’ils ont chacun de particulier et de ce qu’ils ont tous de commun entre eux.

  1. De tous les animaux. L’expression est peut-être trop générale, même en se bornant aux animaux qui étaient connus d’Aristote. — De commun… de spécial. C’est la distinction qu’Aristote a toujours faite, soit dans l’Histoire des Animaux, soit dans le Traité des Parties. — Les plus parfaits des animaux. L’espèce humaine et les quadrupèdes. — Animaux ou plantes. Il semblerait résulter de ce passage qu’Aristote connaissait et admettait des sexes dans les végétaux. — Du mâle et de la femelle. Le texte n’emploie qu’un pronom indéterminé ; mais le sens ne peut faire de doute.
  2. Les animaux sont encore incomplets. C’est-à-dire, à l’état de fœtus. — Sont parfaitement distincts. Ceci est exact, et prouve que les observations sur les fœtus avaient été poussées fort loin. — Dans le sein de la mère… encore antérieure. Même remarque. — C’est là une question douteuse. La difficulté est pour nous la même que pour les Anciens ; seulement la question nous préoccupe moins, tout intéressante qu’elle est, — D’Anaxagore, dont Aristote a toujours fait la plus grande estime. — Et de quelques autres naturalistes. Anstote ne les nomme pas, parce qu’il n’en tient pas autant de compte. Dans les paragraphes suivants, il nomme Empédocle et Démocrite. — La liqueur spermatique… la place. C’est exact ; mais ce n’est pas tout. — Le mâle vient de droite… Ce ne sont là que des conjectures sans fondement.
  3. Tels qu’Empédocle. Aristote n’a pas parlé d’Empédorle dans l’Histoire des Animaux ; mais il en parle plusieurs fois dans le Traité des Parties, liv. I. ch. I, §§ 15. 18, 36 ; liv. II, ch. I, § 2, n.; ch. II, § 8 ; liv. III. ch. I, § 9 ; et presque toujours pour le réfuter. — Dans une matrice chaude… froide. Hypothèse pour hypothèse, celle-là n’est pas la plus invraisemblable. — C’est l’écoulement des menstrues. C’est là encore une pure supposition ; et dans ce cas, on ne saurait comment constater le degré de chaleur plus ou moins forte.
  4. Démocrite d’Abdère. Aristote en parle peu dans l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVI, § 7, à propos du fil des araignées ; mais il en parle très souvent dans le Traité des Parties des Animaux, et le plus ordinairement, avec grande estime. — La prédominance de l’un des deux spermes. L’hypothèse a pour elle la vraisemblance.
  5. La moins fondée. On voit qu’Aristote prend ces théories pour ce qu’elles valent — Une différence très grande entre les organes. La chaleur plus ou moins grande ne saurait en effet expliquer cette différence essentielle. — Comme dans un four. Aristote fait cette hypothèse irréalisable pour démontrer encore plus clairement la fausseté de cette théorie ; et comme il le dit lui-même un peu plus bas : « C’est une impossibilité évidente ».
  6. Démocrite a peut-être mieux vu les choses. Même aujourd’hui, ce sont encore là pour nous des mystères à peu près impénétrables. — C’est une autre question. Aristote aurait du se prononcer pour ou contre la solution donnée par Démocrite, et ne pas laisser la question en suspens. — En admettant même… C’est la théorie d’Empédocle ; ce n’est plus celle de Démocrite, si on l’applique à la différence des sexes ; mais c’est celle de Démocrite, si on l’applique à la différence des organes. Il y a d’ailleurs dans le texte l’espèce d’obscurité que j’ai dû conserver dans ma traduction. — La génération du mâle… Et non plus la simple production des organes différents. — Ce n’est pas une petite affaire. Il y a cette nuance de familiarité dans l’original. En somme, il semble qu’Aristote blâme Démocrite de n’avoir pas dit que la différence des organes sexuels provient uniquement, dans son système, de la différence de température.
  7. En dire encore autant. En d’autres termes, la différence des organes sexuels tient, comme la différence même des sexes, au degré de chaleur qu’éprouve le germe. — Comme nous l’avons déjà montré. Voir plus haut, liv. I, ch. II, § 4, et passim. — On a observé bien souvent. L’argument est ici d’autant plus fort qu’il est tiré d’observations plusieurs fois répétées. — Vérifié le fait par l’anatomie. Ceci prouve de la manière la plus péremptoire qu’Aristote disséquait, et il est clair que, pour ces travaux délicats, il recherchait les occasions les plus favorables, comme peuvent le faire les anatomistes les plus habiles de notre temps. — Soit terrestres, soit aquatiques. Ainsi, les dissections d’Aristote avaient bien pour objet la physiologie comparée. — Si Démocrite n’a pas vu ces faits. C’est la supposition la plus probable. — Mais s’il les a observés. C’est toujours à l’observation des faits qu’Aristote veut s’en tenir, et qu’il ramène ses adversaires, qu’il réfute. — Il est absurde de croire. L’expression du texte n’est pas moins forte.
  8. Démocrite dit encore. Le mot dont se sert le texte pour exprimer « le développement des organes sexuels » n’est pas très précis ; ma traduction n’a pas pu l’être davantage. — À mesure que l’animal se forme. Ceci semble se rapporter à l’époque de la puberté. — Divisés et différents. Il n’y a qu’un mot dans l’original. — Dans leurs dimensions même. L’auteur veut sans doute indiquer l’accroissement de grosseur des organes au moment du rapprochement sexuel. — Beaucoup trop à dire. Il est regrettable qu’Aristote n’ait pas exposé sa propre théorie sur ce point obscur. — Qu’une pure rêverie. Il était d’autant plus nécessaire de s’expliquer soi-même, pour dissiper les erreurs d’autrui. Voir plus haut, liv. I, ch. II, § 6, et passim.
  9. Nous avons dit nous-mêmes. Voir plus haut, liv. I, ch. II et suiv. — Vienne du corps tout entier. Aristote s’est appliqué à réfuter longuement cette théorie, id., ibid. — À Empédocle, à Démocrite. On ne voit pas très bien comment cette objection peut s’adresser a ces deux systèmes. — Qui partageraient leurs opinions. Qu’Aristote vient de combattre. — Empédocle, quand il dit… La citation que fait Aristote est tronquée ; et telle qu’il la donne, elle ne semble pas porter la conséquence qu’il en tire. Mais peut-être faut-il entendre par Membres les organes sexuels. Ce qui porte à le croire, c’est que, dans ce fragment que d’autres auteurs citent plus complètement qu’Aristote ne le fait ici, la femme est opposée à l’homme ; voir les Fragments d’Empédocle, édition Firmin-Didot, p. 10, vers 326 et 327. — Selon qu’une partie l’emporterait sur l’autre. Voir plus haut, § 4, cette théorie de Démocrite.
  10. Vaut encore mieux. Aristote donne encore ici la préférence à la théorie de Démocrite contre celle d’Empédocle. — Sans plus de réflexion. L’original a aussi cette nuance de critique et de dédain. — À la chaleur toute seule. Voir plus haut, § 3, cette théorie d’Empédocle. — De la chaleur et de la forme. J’ai ajouté ces mots pour que la pensée fut plus claire ; mais le sens ne peut être douteux, quoique l’expression du texte soit très générale et très indéterminée. — Parce que les parties se rapprochent. Tout ce passage reste obscur, et l’original lui-même est trop peu précis pour qu’on puisse voir très clairement la pensée. — L’un des parents. On pourrait également traduire : « L’une des parties », en d’autres termes, un des organes sexuels.
  11. Il n’est pas plus raisonnable de croire. Si les organes sexuels peuvent changer ainsi, pourquoi le reste du corps ne changerait-il pas de même ? — Et tout d’abord les veines. On ne comprend pas bien l’importance qu’Aristote donne ici aux veines ; les os du squelette forment, sous ce rapport, une base bien plus solide pour supporter les chairs. — Autour d’une esquisse. Aristote s’est déjà servi de cette comparaison, Histoire des Animaux, liv. III, ch. V. § 2, n. — La raison nous dit… Après l’observation des faits, c’est à la raison de les comprendre et de les juger. — Qui modifient la matrice. Le fait est exact, et la menstruation suffirait à elle seule pour le prouver. — Les veines le sont avant la matrice. C’est évident, quoique Aristote ne fît pas de distinction entre les artères et les veines. Le sang est porté par les artères du cœur à tous les organes. — C’est une nécessité inévitable. Toute cette phrase peut paraître une addition faite après coup, si ce n’est une interpolation. La pensée d’ailleurs est bien aristotélique.
  12. Il est bien certain. L’examen le plus superficiel et la simple vue suffisent pour constater le fait. — Le germe ne s’en produit pas moins. J’ai adopté ici la correction de MM. Aubert et Wimmer, et qui consiste à remplacer la leçon ordinaire de sperme par celle de produit ou de fœtus. Mais on doit avouer que cette correction même ne dissipe pas les obscurités de ce passage. Aristote y veut sans doute faire allusion aux œufs clairs de gallinacés, qui se forment dans la femelle sans que le mâle l’ait cochée ; si c’est bien là sa pensée, elle aurait dû être exprimée plus nettement.
  13. Quant

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    à l’opinion. C’est l’opinion d’Anaxagore et de quelques autres naturalistes ; voir plus haut, § 2. — Les mêmes arguments. Quoi qu’en dise l’auteur, les arguments ne sont pas les mêmes, comme le prouve la suite de ce paragraphe. — Matériellement. C’est la femelle qui, dans ces théories, fournit à elle seule la matière ; le mâle ne communique que le mouvement. — N’a plus le moindre fondement. Ici encore, l’argument peut ne pas sembler péremptoire. — Comme on le prétend. Il est difficile de savoir quel rôle était attribué au mâle dans les systèmes que combat Aristote ; il faudrait ici plus de détails qu’il n’en donne. — Celui d’Empédocle. Voir plus haut, § 3.

  14. La même erreur. La réfutation pèche toujours ici par une concision excessive ; pour la bien comprendre, il faudrait avoir sous les yeux les ouvrages auxquels elle s’applique, comme sans doute Aristote les avait lui-même. — De la droite et de la gauche. Voir plus haut, § 2. — Ils puissent voir. En observant les faits avec quelque attention. — Ainsi que nous l’avons dit. Voir plus haut, § 7, où est cité l’exemple de deux jumeaux se trouvant dans la même partie de l’utérus. — On a déjà observé. Ce n’est qu’en disséquant qu’on pouvait faire cette observation difficile. — Ce n’est pas une fois seulement. Ainsi, l’on ne se liait pas à une observation unique ; on répétait les observations jusqu’à ce qu’on se crût sûr d’avoir obtenu la vérité.
  15. Certaines gens. Il n’est pas nécessaire de les désigner autrement, tant la théorie elle-même est singulière et fausse. — Léophane. Ce naturaliste n’est nommé que cette seule fois ; et sans cette citation d’Aristote, il serait parfaitement inconnu ; voir la préface à l’Histoire des Animaux, p. LIV. — D’autres prétendent. Ce sont là des expériences douteuses, que la science moderne n’a pas confirmées. — N’est pas plus exact que le reste. C’est-à-dire, les théories diverses qui viennent d’être réfutées. — On se risque, d’après les apparences. Nous ne pourrions pas aujourd’hui critiquer plus sévèrement des observations mal faites. — L’on voit à l’avance ce qui n’est pas. C’est l’imagination qui se substitue à l’observation patiente et réfléchie. — Ne sont absolument pour rien. Ceci est de toute évidence, puisque le même individu, dont les organes ne changent pas, produit tantôt un mâle, ou tantôt une femelle. — Sans avoir de testicules… les poissons et les reptiles. Voir Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 4, n.; et aussi liv. V, ch. IV, § 5. Contrairement à ce que dit Aristote, les poissons et les reptiles ont des testicules.
  16. Il faut convenir cependant. Il semble qu’Aristote veut revenir sur ce qu’il a dit un peu plus haut, et atténuer la sévérité de ses critiques. Il est possible aussi que tout ce paragraphe soit une addition faite par quelque main étrangère. — La partie droite du corps est plus chaude. C’est une théorie indiquée déjà plus haut, dans divers passages. — Le plus capable de féconder. Le fait paraît certain ; et la liqueur séminale dans l’homme est d’autant plus féconde qu’elle est plus épaisse. — En poussant ces théories à l’excès. Le texte n’est pas plus précis. — Tirer des faits… les conclusions. C’est la méthode d’observation dans toute sa rigueur et son utilité. — Qui se rapprochent des premières causes. La science humaine ne peut pas aller au delà ; elle se rapproche des causes premières, sans pouvoir les comprendre absolument. La modestie lui sied bien.
  17. Antérieurement et dans d’autres ouvrages. Il semblerait d’abord que c’est le Traité des Parties des Animaux qu’Aristote veut désigner ; mais il n’y a rien dans ce traité qui se rapporte à ce qui est dit ici ; c’est bien plutôt de l’Histoire des Animaux qu’il s’agit, liv. I, ch. II, § 3 ; liv. IV, ch. XI. Les autres ouvrages auxquels Aristote fait allusion ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Voir dans ce traité même de la Génération, plus haut, liv. I, ch. II, § 5. — Le principe de l’espèce. Je crois que les théories les plus récentes ne sont pas en désaccord avec celle-ci. — Du principe qui donne le mouvement initial. Il est bien possible que l’action du mâle n’aille pas plus loin. — L’être qui reçoit le sperme. Voir plus haut, liv. I, ch. II, § 4, la définition de la femelle et du mâle.
  18. Les animaux mâles. Il ne paraît pas que la différence des sexes fasse une différence sensible dans la chaleur animale ; du moins, n’a-t-on pas fait cette distinction dans la science actuelle. Cependant, ou a reconnu que le sexe n’est pas sans influence sur la température de Tanimal ; voir le Traité de Physiologie comparée de M. G. Colin, 2e édition, tome II, p. 915, où il s’agit surtout de l’action du sexe au moment du rut. — Dans certains lieux de son corps. Ce sont les divers organes où le sang s’accumule, avant de sortir par les menstrues.
  19. La femelle a plus de chaleur. D’une manière générale, ce n’est pas exact. Le sang est chaud. Cette première vue des sources de la chaleur animale était plausible ; et ce n’est que par les expériences de Lavoisier, il y a un siècle, qu’on a su qu’il se produisait dans le poumon une véritable combustion, par le contact de l’oxygène de l’air avec l’hydrogène et le carbone ; la chaleur est produite par l’action chimique des éléments organiques et de l’oxygène. Il paraît d’ailleurs que la chaleur se produit, non pas seulement dans le poumon, mais dans toutes les parties du corps où il y a nutrition et sécrétion ; voir M. G. Colin, loc. cit. y p. 933 et 934. — Pour les excrétions du ventre. Ceci n’est pas assez clair, faute de développements. Les selles peuvent avoir une certaine influence sur la température du corps ; mais ces détails n’ont pas été suffisamment observés. — Une excrétion plus grande. Très souvent, la surabondance de l’excrétion tient à un état pathologique. — De même que, dans les opérations naturelles. On ne sait pas très bien même aujourd’hui comment les fruits mûrissent ; au temps d’Aristote, on l’ignorait bien davantage encore. — Qu’un résidu insignifiant. Ceci n’est pas faux ; mais on ne voit pas bien comment cette théorie se rapporte à la chaleur animale.
  20. Ce résidu est le sang. On peut bien dire en effet que le sang est un résidu ; mais le sang lui-même fournit les matériaux à une foule de sécrétions, et spécialement à la liqueur séminale, qui importe seule à la génération. — C’est le fluide qui y correspond. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I. ch. III, § 2, p. 23, de ma traduction. — Tout à fait pur. On peut voir de longues considérations sur le sang des divers animaux. Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIV ; voir surtout la théorie et l’analyse du sang, Traité des Parties des Animaux, liv. II, chapp. III, IV, V p. 98, de ma traduction. — Tel autre ne le peut pas. Aristote fait allusion sans doute aux animaux qu’il appelait exsangues, et que nous nommons plus justement Animaux à sang blanc. — Un organe. On pourrait dire aussi d’une manière plus générale : « un instrument ». — De Puissance et d’Impuissance Voir la Métaphysique, liv. V, ch. XII, §§ 1 et suiv. — Il faut. C’est une nécessité purement logique. — Le périnée. J’ai conservé le mot du texte, et je l’ai expliqué par une addition que je me suis permise, pour plus de clarté. Le périnée est précisément l’espace compris entre l’anus et les parties sexuelles, les seules qu’Aristote veuille désigner dans ce passage.
  21. La Nature… il est mieux. C’est toujours l’admiration d’Aristote pour la Nature, et l’optimisme du philosophe. — Les mêmes lieux. J’ai conservé l’expression du texte, bien qu’elle ne soit pas très juste ; c’est plutôt : « les même organes » qu’il aurait fallu dire. — De même que la vision… le ventre. La comparaison n’a rien de bien frappant ; et elle ne sert pas à éclaircir les phénomènes. — La vessie. Quelques commentateurs ont pensé qu’ici Aristote voulait attribuer la sécrétion de l’urine à la vessie ; je ne crois pas qu’il ait jamais commis cette erreur ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, §§ 13 et suiv. Ces passages ne laissent presque aucun doute, p. 94 de ma traduction. Voir surtout le Traité des Parties des Animaux, liv. III, ch. VII, § 13, où la sécrétion de l’urine est formellement attribuée aux reins. — Ne peut venir que de la matière. C’est la traduction exacte du texte ; mais il est évident que l’expression est impropre.
  22. On peut ajouter. C’est là une digression peu nécessaire. — Ainsi que nous l’avons déjà expliqué. Cette indication est bien vague ; mais une théorie de ce genre se retrouve très souvent dans la Métaphysique, liv. V, ch. VII tout entier ; et liv. IX, ch. III, § 7. L’être, passant de la simple puissance à la réalité, vient en quelque sorte du contraire, comme le dit ici Aristote. — Outre ces deux principes. Le texte n’est pas aussi précis. — Le passage au contraire. Du blanc au noir, par exemple ; ou d’une manière plus générale, de l’être au non-être. — Ce qui n’est plus dominé. Ma traduction est littérale ; mais elle a dû rester aussi vague que le texte lui-même. — On verra peut-être un peu plus clairement. On voit qu’Aristote sent aussi le besoin de sortir de ces obscurités. — Le principe formateur. C’est l’action du mâle qui donne la vie. — Amener l’être à sa propre espèce. Cette théorie revient à celle qu’Aristote a critiquée plus haut, § 4, dans Démocrite, attribuant la différence du sexe à la prédominance de l’un des deux spermes.
  23. Leur faculté et leur force. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Un organe différent. Voir plus haut, § 20. — Il suffit. Voir la même pensée plus haut, liv. I, ch. II, § 7. — Spéciale et essentielle. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — Chez les eunuques. Déjà Aristote a exprime des considérations analogues, Histoire des Animaux, liv. III, ch. X, § 11, et liv. IX. ch. XXXVII. § 3. — De celle d’une femme. C’est là une observation qui a été bien souvent répétée depuis Aristote. — Certains organes sont des principes. L’expression, tout insuffisante qu’elle est, ne laisse pas de doute sur le sens. — Une foule de ses conséquences… L’assertion est incontestable, et l’exemple auquel Aristote l’applique est décisif.
  24. Est un principe d’un certain genre. On pourrait en dire autant de la femelle, puisque, sans elle, le mâle ne peut rien non plus. — Opérer la coction de cette nourriture définitive. Il semble qu’ici la coction dont il s’agit, est celle de la liqueur spermatique, et non pas simplement celle du sang, comme il est dit un peu plus bas. — De la chaleur vitale. Le texte dit précisément : de la chaleur psychique, ou de la chaleur de l’âme. — Il y a nécessité. Le mot est peut-être trop fort. — Et que ce qui se produit. Il est bien singulier de faire venir la différence des sexes de l’influence du cœur ; c’est une théorie qui ne s’appuie sur aucun fait démontrable.
  25. Le principe de la femelle et du mâle. L’explication est bien insuffisante ; mais on excuse aisément de telles erreurs, au début de la science. — Il y a femelle et mâle. Cette explication n’en est pas une ; car elle résout la question par la question. — Par un organe quelconque. C’est évident ; mais cela ne sert pas à résoudre la difficulté.
  26. Ce que nous avons déjà dit. Voir plus haut, liv. I, ch. X, XI et XII, toute une longue étude sur la liqueur séminale, sa nature, son origine et son action. — Le résidu dernier de la nutrition. Voir liv. I, ch. XII, § 13. — Le fluide porté à chaque organe du corps. Ce fluide ne peut être que le sang, sécrété à son tour par certains organes, pour devenir du sperme, fluide indispensable à la génération. — Le fœtus engendré ressemble… Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, § 7. — Il importe fort peu. Au contraire, plus haut, ch. I, ch. II, Aristote attache grande importance à prouver que le sperme ne vient pas de toutes les parties du corps. — De dire que le sperme… Le texte est indécis, et l’on pourrait croire qu’il s’agit du sang aussi bien que de la liqueur séminale, si l’on ne se rappelait les théories formelles qui viennent d’être citées. — Le sperme du mâle. Ici le texte est précis. — Le sperme de la femelle. Le sens ne peut pas faire de doute ; et par « le sperme de la femelle », il faut entendre le flux menstruel.
  27. Si le sperme masculin l’emporte. Cette théorie est purement logique ; et elle ne peut s’appuyer sur aucun fait. — Il attire l’embryon à lui. C’est supposer que l’embryon est déjà dans la femelle ; mais Aristote ne pouvait savoir combien cette supposition était juste ; il ne connaissait pas les ovaires ni les spermatozoïdes, que le microscope seul pouvait révéler, avec les progrès de l’anatomie. — Et le fait à son image. J’ai ajouté ces mots pour rendre toute la force de l’expression grecque, et aussi pour me conformer aux théories d’Aristote sur les causes de la ressemblance des enfants aux parents. — Vaincu et dominé. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — En son contraire. Alors, l’embryon est femelle. — Et l’être n’est femelle… Toutes ces explications, qui ne sont pas acceptables, prouvent seulement la sollicitude d’Aristote pour ces grandes questions. — La Nature assure. Il n’y a pas de phénomènes où la sagesse de la Nature se montre plus visiblement que dans tous ceux qui concernent la génération. — Or le sperme n’est qu’un résidu. Ces idées ne se suivent pas très bien, quoique l’observation soit exacte. — Un résidu et une excrétion. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — En quantité considérable. Aristote remarque dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII ch. II, § 8, que c’est l’homme qui, proportionnellement à son corps, a le plus de liqueur séminale. — Aussi, les organes… Cette conséquence n’est pas rigoureuse. — Comme la coction n’a pas lieu chez elles. Il n’y a pas de différence appréciable entre la température des femmes et celle des hommes ; la coction se fait tout aussi bien chez elles ; seulement elle est autre. — Elle n’est pas élaborée. La coction qui produit le lait est aussi complète que celle qui produit le sperme chez le mâle. — De la matrice. Nous dirions plutôt : L’utérus. — C’est cet organe spécial. Le fait est tellement évident qu’il était à peine besoin de l’énoncer.
  28. On vient d’expliquer. Ces théories pouvaient suffire à l’Antiquité ; aujourd’hui elles sembleraient tout à fait superficielles. — Les faits sont la confirmation. Aristote croit rester fidèle à la méthode d’observation, qu’il a recommandée sans cesse. — Quand ils sont jeunes. Je ne crois pas que la science moderne regarde ces faits comme avérés. — Dans un âge plus avancé. Même remarque. — Plus humides et plus féminins. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. X, §§ 1 et 3, et passim. — Au défaut de chaleur naturelle. Cette cause ne peut être vraie, puisque les températures ne diffèrent pas sensiblement.
  29. Quand le vent souffle du nord. C’était là une opinion vulgaire, dont rien ne prouve l’exactitude ; mais ces détails ne laissent pas que d’être curieux. — Les organes élaborent plus d’excrétions. Le fait n’est pas tout à fait faux ; mais la conséquence qu’en tire Aristote n’est pas exacte. — Plus la coction en est difficile. Ceci est plus vrai. Il n’y a pas à douter d’ailleurs que le milieu ambiant n’exerce une grande influence sur l’organisation entière des animaux. — Plus abondantes à la fin des mois. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II, §§ 1 et suiv., Aristote semble ne pas partager la crédulité populaire. — Par suite de la décroissance… La lune a très peu d’influence sur la température de l’air, précisément parce qu’elle emprunte sa chaleur au soleil, et qu’elle n’en a pas par elle-même. — Durant l’année entière… dans le cours d’un même mois. Le rapprochement est ingénieux ; mais il n’est pas exact. — Mais à la lumière. Qui vient du soleil, ainsi que la chaleur.
  30. Les bergers assurent. Ainsi, Aristote laisse aux bergers toute la responsabilité de ces observations. Il est toujours bon d’écouter les gens du métier, sauf à contrôler leurs assertions. — Regardent vers le midi. Il semble bien que ceci doit être un conte populaire, et il est très possible qu’un calcul d’intérêt se mêlât à ces dires des bergers ; ils trouvaient sans doute moyen d’exploiter par là la crédulité de leurs dupes. — Le moindre déplacement. Ceci est exagéré, sans être faux ; car il est certain que la température varie selon qu’on est à l’ombre ou au soleil ; le moindre déplacement suffit alors comme l’auteur le dit. — Qui déterminent la génération et le sexe. Rien n’est moins prouvé.
  31. De très grandes différences selon… Dans ces limites, le fait est vrai ; il y a des hommes qui n’ont que des filles, et d’autres qui n’ont que des garçons. — Nous avons expliqué. Beaucoup moins que l’auteur ne le croit, et pas plus ici que dans l’Histoire des Animaux. Il n’y a du reste rien qui doive nous étonner ; le mystère est profond, et la science humaine, qui l’étudié depuis tant de siècles, ne le pénétrera sans doute jamais. — Un certain rapport proportionnel. Ne serait-ce que le rapport de l’espèce, sans parler de tant d’autres rapports. — De l’art ou de la Nature. C’est un rapprochement qu’Aristote se plaît à faire bien souvent. — Si elle est en excès… par trop défaut. Toutes ces remarques sont parfaitement justes. — D’une proportion moyenne. L’expression est bien vague.
  32. Parfois, cette proportion… Le texte n’est pas aussi formel ; mais le sens n’est pas douteux ; j’ai cru pouvoir rendre ma traduction plus précise. — De même. Le fait qui sert de comparaison est très exact ; mais il est bien difficile de comparer la vie à quoi que ce soit ; elle n’est comparable qu’à elle-même, parce qu’elle est essentiellement Sui generis. — Une proportion convenable pour la copulation. Le point difficile serait de déterminer cette proportion elle-même. — En s’unissant à d’autres. Ce fait est incontestable, et il a été vérifié bien des fois. — La jeunesse et la vieillesse. Ceci n’est pas moins exact. Selon l’âge des parents, le sexe des enfants peut varier. — Des garçons ou des filles. Le texte dit d’une manière plus générale : « des mâles ou des femelles ».
  33. D’un pays à un autre pays. L’observation est exacte. — Une autre eau… Il est également certain que le liquide absorbé a une grande influence ; et c’est ainsi que l’instinct des animaux les pousse à préférer une eau à telle autre, qu’il repousse invinciblement. — La qualité de la nourriture. Cette influence est encore plus manifeste. — Air ambiant… aliments ingérés… l’eau qu’on boit. Nous ne saurions aujourd’hui mieux dire qu’Aristote. Il est vrai qu’Hippocrate avait déjà exposé des théories analogues dans le fameux Traité des Airs, des eaux et des lieux ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liν. VIII, ch. XXVIII, §§ 1 et suiv. — Et qu’on retrouve. Cet aperçu, je crois, ne serait guère contredit par la science moderne. — Les eaux trop dures et trop froides. Ceci est sans doute fort exagéré ; mais la nature de l’eau qu’on boit influe beaucoup sur toute l’organisation.
  34. C’est… par les mêmes causes. Cette formule est bien concise ; et il ne serait pas facile de montrer comment les explications qui précèdent éclaircissent la question des ressemblances. D’ailleurs, les détails dans lesquels entre Aristote sont exacts et très finement observés. — Ressemblent à leurs parents. La ressemblance aux parents est peut-être le fait le plus ordinaire ; mais elle n’est pas constante. — Leur personne… une partie du corps. Parfois, c’est l’allure entière qui ressemble, tantôt le geste, le regard, etc. — Aux premiers venus. Parfois, la ressemblance est toute fortuite, et il faut de bien longues années pour rencontrer la personne à qui l’on ressemble, sans avoir avec elle le moindre degré de parenté. — Ressemblent davantage au père. Ceci n’est pas aussi fréquent que l’auteur le pense ; et, tout au contraire, les fils tiennent généralement de leur mère, et les filles tiennent de leur père. — À personne de la famille. Cela se voit en effet ; mais c’est assez rare. — À l’homme en général. J’ai ajouté les deux derniers mots, pour préciser davantage la pensée. — Des monstres. La question des monstres n’était pas aussi neuve, au début de notre siècle, que le croyaient ceux qui l’ont agitée, du reste au grand profit de la science. Sur les ressemblances des enfants aux parents, voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, §§ 6 et suiv.
  35. Une sorte de monstruosité. C’est exagéré. — A dévié de l’espèce. Il est évident qu’on peut être très naturellement de la même espèce, sans se ressembler du tout. — La première déviation… L’idée n’est pas très juste, puisqu’il faut des femelles aussi bien que des mâles pour perpétuer l’espèce ; mais il est vrai que les Modernes doivent avouer que la question est aussi obscure pour eux que pour les Anciens. — Cette déviation est de toute nécessité. Ce n’est donc pas une déviation proprement dite. — Que la race se continue. Aristote se contredit un peu lui-même ; et il aurait pu voir par là qu’il était allé trop loin en parlant de déviation. C’est simplement une différence naturelle et indispensable. — Ne l’emporte pas. Voir plus haut, ch. II § 27. — Sa jeunesse… sa vieillesse. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, §§ 6 et suiv. — Qu’il se produise une femelle. Ce n’est là qu’une théorie, qui n’est appuyée sur aucun fait observable.
  36. Le monstre n’a rien de nécessaire. La science moderne ne saurait dire mieux. — Au point de vue du hasard. C’est seulement ainsi que nous pouvons nous expliquer les monstres ; mais au fond, ce n’est qu’un aveu d’ignorance ; car le hasard n’explique rien. — L’excrétion spermatique. Sous-entendu : « venue du mâle ». — La coction complète. C’est la traduction littérale du texte ; mais ces théories, qui ont prévalu dans l’Antiquité, sont aujourd’hui tout à fait abandonnées. — Conforme au mâle lui-même. Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens ne semble pas douteux. — Sans la moindre différence. C’est trop dire. — Qui fait développer. Cette théorie est exacte ; et c’est toujours la force vitale, transmise par le mâle originairement, qui provoque tous les développements successifs, comme il est dit quelques lignes plus bas. — C’est toujours de mouvement qu’il s’agit. Les choses peuvent très bien être considérées sous ce point de vue.
  37. Si c’est le mâle qui l’emporte. Voir plus haut, § 2. — Il fera un mâle. Il n’y a rien de moins sûr que cette théorie, dont Aristote semble ne pas faire le moindre doute. — Ressemblant à son père. Plus haut, § 1, il a été dit que l’enfant peut très bien ne ressembler à aucun des parents. Le père engendre un fils ; et en ce sens, le mâle l’emporte ; et cependant le fils ne ressemble en rien à celui de qui il a reçu la vie. — Voici ce que j’entends. Cette explication n’était peut-être pas nécessaire ; car la pensée est assez claire par elle-même. — Coriscus. C’est un nom banal dont Aristote a l’habitude de se servir, ainsi que de celui de Socrate ; voir ma traduction de la Métaphysique, t. I, p. CCLXVIII. — De plus, il est homme. A côté de l’individualité, il y a toujours l’espèce.
  38. De cette même manière. Ici encore, l’expression est bien vague. — En tant qu’il a la faculté d’engendrer. Et de faire un nouvel être de la même espèce que lui. — Telle autre qualité accidentelle. Qui peut ne pas venir de la Nature, et qui est acquise, ou même fortuite. — D’être instruit en grammaire. L’observation est exacte ; la science des parents ne se transmet pas ; et les enfants ont à l’acquérir par eux-mêmes, avec plus ou moins d’efforts. — En ce qui regarde la génération. La suite fait bien comprendre ce que l’auteur veut dire. — La qualité propre. Qui distingue le père, ou la mère, de tous ses semblables. — Homme et animal. Homme est l’espèce ; Animal est le genre, plus étendu que l’espèce. Toutes les explications qui suivent sont excellentes, et nous ne saurions guère aujourd’hui y ajouter quelque chose de vraiment essentiel.
  39. De ces forces et de ces puissances. Il n’y a qu’un mot dans le texte. Ces forces sont les différents degrés de parenté ou les différentes générations, père, grand-père, arrrière-grand-père, etc. ; ce sont aussi les degrés de généralité des êtres engendrés, individuel, spécifique, générique : Coriscus, homme, animal. — Les mouvements qui sont dans les spermes. C’est une simple

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    hypothèse, qu’il serait impossible de vérifier. — Les mouvements des ancêtres. C’est la suite très logique de la même hypothèse ; et il est bien certain qu’il doit rester dans le père quelque chose du grand-père, pour que l’enfant ressemble à ce grand-père, par-dessus lequel la génération paraît avoir sauté. Le naturaliste fait bien d’essayer de pénétrer ces mystères ; mais ils n’en restent pas moins obscurs à la science humaine. — Coriscus ou Socrate. Dans la Métaphysique, liv. I, ch. I, §§ 6 et 9, c’est Callias au lieu de Coriscus, accouplé au nom de Socrate. — Tout va à son opposé. En passant le plus ordinairement par des nuances récessives, la Nature ne faisant pas de saut. — Passer à son contraire. Qui est la femelle ; ici, il n’y a pas d’intermédiaire possible. — Le générateur et le moteur. Les deux mots sont dans le texte.

  40. Vaincu. J’ai ajouté ce mot, qui est en accord avec tout ce qui précède. — Qu’il est vaincu. Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens est très clair. — Mais à la mère. C’est une conséquence régulière de toutes les théories précédentes ; mais elle ne vaut pas plus qu’elles. — C’est une mère individuelle qui lui est opposée. La formule est assez obscure ; mais elle se comprend fort bien. — Toutes les puissances subséquentes. Voir plus haut, § 4, et aussi la note du § 6. Ce sont les degrés ascendants de parenté. — Qui est le plus rapproché. D’abord, le père du père ou de la mère, c’est-à-dire, le grand-père et la grand-mère ; puis, l’arrière-grand-père, etc.
  41. Actuels… en puissance. On connaît trop ces formules aristotéliques pour qu’il soit utile d’y insister. — Des universaux. C’est la traduction littérale de l’expression grecque. — Les mouvements de la femelle. On ne comprend pas bien cette exception ; il semble que la coopération de la femelle, quelle qu’elle soit d’ailleurs, est aussi actuelle et aussi indispensable que celle du mâle ; l’un des deux ne peut rien sans l’autre. — Ceux des ancêtres. Ceci du moins est exact. — Se résolvent dans les mouvements voisins. Cette conséquence ressort de toutes les théories précédentes ; et la suite le prouve bien. — Et ainsi de suite, dans les ascendants. Ce sont là des observations faciles, qu’on peut faire très fréquemment.
  42. L’engendreur. Ce mot n’est pas admis par l’Académie française ; mais Voltaire l’a employé, et il répond ici parfaitement à l’expression grecque. — Vainqueur ou vaincu. Vainqueur, s’il reproduit son propre sexe ; vaincu, s’il produit l’autre. Le texte ordinaire est : Vainqueur et vaincu. MM. Aubert et Wimmer ont mit ou ou lieu de et ; la correction me paraît indispensable. — Car, Socrate est bien tel être individuel. MM. Aubert et Wimmer regardent cette phrase comme une interpolation ; il est certain qu’elle ne se comprend pas bien et qu’elle interrompt la pensée ; mais je croirais plutôt à une lacune, et il semble qu’il faudrait la remplir en disant : « et en même temps, Socrate est homme ». De toute façon, le texte est insuffisant tel qu’il est. — Mais c’est là ce qui fait. La conséquence n’a rien de fondé ; et ce n’est pas là expliquer la ressemblance des enfants aux parents. — En général. Avec cette restriction, on peut admettre avec Aristote que les garçons ressemblent aux pères. — Le déplacement de nature. C’est la traduction littérale du mot grec ; mais on pourrait dire aussi : « Le changement ou la modification de nature ».
  43. Si le mouvement venu du mâle l’emporte. Toute la théorie qui est exposée ici n’est qu’une hypothèse ; l’explication peut être ingénieuse ; mais rien ne la justifie, non plus que toutes les explications qui suivent. Ce qui peut excuser celles que donne Aristote, c’est qu’aujourd’hui même il est impossible de bien expliquer ces variations dans les ressemblances. — Si les mouvements sont rompus. La suite fait comprendre ce que ceci signifie. Le mouvement est direct quand la ressemblance passe du père à l’enfant ; le mouvement est rompu quand la ressemblance vient du grand-père, et saute une génération. — Si ce même mouvement se rompt. Pour la mère, au lieu du père.
  44. Pour les différentes parties du corps. Si la théorie était vraie pour la personne entière, elle ne le serait pas moins pour les parties du corps. Il est bien certain que la ressemblance est souvent partielle, et que, par exemple, elle se borne aux yeux, au regard, à la main, au pied : mais l’explication est aussi impossible pour la partie que pour le tout. — Déjà dit plus d’une fois. Aristote fait ici la distinction qu’il fait toujours entre l’acte et la puissance, la réalité et la simple possibilité ; il n’y a pas à citer une référence particulière.
  45. Quelques hypothèses générales. L’auteur sent lui-même que, dans un tel sujet, l’hypothèse tient la plus grande place. D’ailleurs, celles qu’Aristote se permet ici sont dignes de sa profonde sagacité, et elles seraient soutenantes sous plus d’un rapport. — L’être qui est vaincu. Soit le père, soit la mère, le mâle ou la femelle, procréant un jeune d’un sexe différent. — Au mouvement le plus éloigné. C’est-à-dire, à la ressemblance du grand-père, de l’arrière-grand-père, de la grand’mère, de l’arrière-grand’mère, etc. — Se confondent à ce point. Cette dernière hypothèse est la conséquence régulière de toutes les autres, et elle explique comment la ressemblance vient à cesser. — Il est simplement homme. Ce qui au fond est la ressemblance essentielle, pour la perpétuité de la race. Les autres sont purement superficielles.
  46. La qualité d’homme. C’est la qualité qui constitue la race. — Un terme général, un universel. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Que les mouvements ne soient pas rompus. Voir plus haut, § 10. — C’est que l’agent… L’argument ne semble pas décisif, bien qu’il soit vrai de dire que toujours l’agent subit quelque influence de la part du patient, comme le montre la suite du contexte. — Le moteur premier. Qui est lui-même immobile, et qui donne le mouvement qu’il porte en lui. — Ce qui pousse est poussé. Ce sont des principes incontestables.
  47. Parfois même, il arrive… Ces détails peuvent paraître un peu prolixes, parce qu’ils ne tiennent pas d’assez près à la question de la génération. L’auteur s’en aperçoit lui-même, puisqu’il les renvoie à un autre de ses ouvrages. — Dans le traité de l’Action et de la passion. Dans le catalogue de Diogène Laërce, il y a un ouvrage qui porte ce titre, en un livre ; il est possible que ce soit celui-là qu’Aristote désigne ici ; voir M. Valentin Rose, Aristoteles pseudepigraphus, p. 12, n° 25 ; voir aussi les Catégories, ch. IV, § 2, p. 59, de ma traduction, et ch. IX,§ 1, p. 107 ; et la Métaphysique, liv. V, ch. XXI. — Quels sont les êtres. Cette indication, qui est sans doute unique, est précieuse en ce qu’elle rappelle une des théories particulières de cet ouvrage perdu. — Le patient sort de son état naturel. On peut supposer que ceci est un résumé de l’ouvrage qu’Aristote vient de citer.
  48. Selon que l’agent domine. On peut croire encore que ces pensées sont une réminiscence de l’ouvrage précité ; mais on peut trouver aussi que la digression se prolonge beaucoup, bien qu’elle ne soit pas sans intérêt ; elle ne tient pas assez directement à la question. — Aux athlètes. La digression s’éloigne de plus en plus du sujet. Les détails donnés sur l’alimentation excessive des athlètes sont curieux et vrais ; mais ils ne sont point à leur place ici, puisqu’ils ne se rapportent en rien à la question de la génération. — Une forme toujours pareille. Ce sont les parties les plus exercées qui se développent davantage. — Qui deviennent tout autres. C’est exagéré ; elles se déforment ; mais elles ne deviennent pas autres. — D’en être méconnaissables. C’est également trop dire. — Le Mal du satyre. Il est bien probable que ceci se rapporte surtout aux traits de la physionomie, qui peut en effet devenir presque bestiale. — D’un autre animal C’est la leçon que donnent quelques manuscrits, et que j’adopte avec MM. Aubert et Wimmer. D’ailleurs, la leçon ordinaire « De Fanimal » est fort acceptable. C’est la bestialité qui domine dans ces physionomies abruties par l’excès des efforts et de l’alimentation.
  49. Nous venons d’expliquer. Résumé assez exact de tout ce qui précède, §§ 1 à 12.
  50. Il y a des naturalistes. Ce sont sans doute ceux dont Aristote a déjà parlé, Démocrite, Anaxagore, Empédocle ; il les nomme de nouveau, un peu plus bas. — Deux façons d’exposer. La première est résumée dans ce paragraphe ; la seconde le sera dans les §§ 19 et 20. — Le sperme… est plus considérable. Cette explication se présente tout d’abord ; mais elle n’est pas exacte, parce que la qualité de la liqueur séminale importe beaucoup plus que sa quantité. Sur ce point, la physiologie moderne n’a plus le moindre doute. — Venait de toutes les parties du corps. Théorie qu’Aristote s’est appliqué à réfuter ; voir plus haut, liv. I, ch. II. — S’il n’est pas exact. C’est l’opinion qu’Aristote a toujours soutenue. — Cette erreur est évidente. L’évidence n’est pas aussi grande que l’auteur le pense. — Il est clair aussi. La conséquence est rigoureuse en partant des principes qu’Aristote a posés. — Et puis… Cet argument est décisif.
  51. L’opinion d’Empédocle et de Démocrite. Voir plus haut, ch. I, §§ 3, 4 et suiv. — Quand on prétend. Même remarque. Ainsi, le sexe peut paraître expliqué suffisamment ; mais la ressemblance ne l’est pas. — Comment la fille ressemble à son père. Ceci semble une répétition de ce qui vient d’être dit au paragraphe précédent. — Des deux à la fois. C’est de toute évidence.
  52. Très fréquemment à ses ascendants. Voir plus haut, § 8. — Sur ce point comme sur d’autres. Le texte n’est pas moins général ; il aurait été bon de spécifier ces autres points. — L’explication qui nous reste à examiner. Dans les paragraphes suivants, 20 et 21. — Beaucoup plus près de la vérité. Sans être encore tout a fait vraie, selon Aristote, qui la contredit en partie au § 21. — Il y a des naturalistes. Ici non plus, Aristote ne les nomme pas. Est-ce Anaxagore, Démocrite, Empédocle ?
  53. Si l’on mêle des sucs divers. Il est probable que c’était là le raisonnement de ces naturalistes, non désignés spécialement. Ceci, du reste, constitue une véritable expérience ; elle n’est pas difficile sans doute ; mais c’est un phénomène que l’on prépare à son gré pour arriver à éclaircir un phénomène naturel, qu’on ne comprend pas par la simple observation. — Les choses, disent-ils. Ainsi Aristote entend bien reproduire la pensée de ses prédécesseurs, et peut-être même les termes par lesquels ils l’exprimaient — Se passent de même pour la semence. On conçoit que cette explication ne satisfasse pas le philosophe ; l’analyse du sperme n’était pas à cette époque assez avancée pour justifier de semblables théories. — Venue de l’un des parents. C’était une simple hypothèse.
  54. N’est pas des plus claires. Il y a cette nuance d’ironie et de familiarité dans l’original, dont l’expression est peut-être plus forte que ma traduction. — Cette multiplicité indéfinie des germes. Le mot grec est précisément : « Panspermie ». — En l’un de ces deux sens. Aristote admet sans doute ici l’explication par la simple puissance, et il repousse l’idée d’acte. — Cette théorie est impossible. C’est-à-dire que les germes ne sont pas actuellement et effectivement dans la liqueur séminale, à l’état de sexes définis, ou de ressemblances avec les parents. — À une seule espèce de cause. Soit l’acte, soit la puissance, considérés séparément. — Que nous citions tout à l’heure. Voir plus haut, § 16.
  55. Il nous paraît. Cette nuance de doute n’est pas précisément dans l’expression grecque ; mais elle ressort de tout le contexte, où Aristote semble ne pas croire, et, avec toute raison, aux prétendues monstruosités qu’on allègue si légèrement. — Quand les mouvements sont rompus. Voir plus haut, § 12. — Et qu’ils s’affaissent. J’ai ajouté ces mots, — Que la matière n’est pas dominée. Sous cette formule obscure, Aristote veut sans doute indiquer la matière venue de la femelle et de ses menstrues, aussi bien que de la liqueur séminale venue du mâle. La matière n’est pas dominée en ce sens que les parents ne peuvent transmettre, ni leur ressemblance personnelle, ni leur sexe, ni la ressemblance des ascendants. Il ne reste absolument que l’espèce, ou l’animal. — On assure bien… Mais c’est une énorme exagération ; et la réalité se réduit à une similitude plus ou moins éloignée. — Une tête de bélier ou de bœuf… Aristote se garde bien de partager en ceci la crédulité vulgaire. — Que nous venons d’indiquer. C’est-à-dire, par de simples analogies. — Il n’y a rien de réel. La réprobation est aussi formelle que possible ; mais quoiqu’elle vînt d’Aristote, elle n’a pas empêché Pline de répéter et d’accueillir bon nombre de ces fables ; voir Pline, Histoire naturelle, liv. VII, ch. III, p. 284, édition E. Littré. — Que de simples ressemblances. Voilà le vrai.
  56. Ainsi, bien souvent… Ces exemples sont très bien choisis ; et chacun peut les vérifier. — Il suffit qu’un physiognomiste. On sait que, dans les œuvres d’Aristote, on a conservé un traité de Physiognomie, qui contient des théories tout à fait pareilles à celles qui sont exposées ici ; voir Aristote, édition de l’Académie de Berlin, p. 805, b, 15 et suiv. — A force de le répéter… On peut voir par ce passage que la crédulité humaine a toujours été ce que nous la voyons de nos jours. Il est certain que la répétition des choses les plus étranges suffit à persuader bien des gens. — Un animal se changeant en un autre animal. C’est cependant ce que Pline affirme sans hésiter, en assurant que l’on a bien des exemples d’hommes changés en femmes, et réciproquement, Histoire naturelle, liv. VII, ch. IV, p. 285, édition E. Littré. C’est là aussi ce qu’affirment nos transformistes contemporains ; voir ma préface au Traité des Parties des animaux, p. CLXI et suiv. — L’énorme différence des temps de la gestation. L’argument est décisif ; mais les Darwinistes essaieraient d’y échapper par les évolutions qu’ils prêtent à la Cellule. Aristote a fait une étude fort intéressante des temps de la gestation chez les diverses espèces, Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVI à XXIX.
  57. Telle est une des formes. Cette première forme de monstruosités est d’espèce à espèce ; et Aristote la déclare absolument impossible. La seconde forme est au contraire réelle, et elle est même assez fréquente ; mais c’est plutôt une difformité qu’une monstruosité proprement dite. — Des membres en surnombre. Vulgairement, ce surnombre s’appelle aussi une monstruosité. — Plusieurs pieds ou plusieurs têtes. Ce ne sont que des cas rares ; mais ils sont très réels. — Les explications… Ainsi les Anciens avaient à cet égard, comme à bien d’autres, autant de curiosité que nous. — Qui ne sont que contrefaits. Les deux questions en effet se tiennent d’assez près. — N’est guère qu’une difformité. C’est, je crois, la théorie qui est aujourd’hui généralement admise.
  58. Démocrite… MM. Aubert et Wimmer pensent que tout ce passage est corrompu ; et ils ont l’air de douter que Démocrite ait jamais adopté cette théorie. Le témoignage d’Aristote serait irrécusable cependant, à moins qu’on ne nie l’authenticité de ce paragraphe. Pour ma part, je n’y vois pas de sérieux motif. — Se rencontrant dans la matrice. Ce n’est là qu’une conjecture, qui marque bien néanmoins le désir qu’on avait d’éclaircir cette question des monstres. — Y trouble tout l’ordre des membres. L’explication ne laisse pas que d’être ingénieuse, toute hypothétique qu’elle est. — Il cite les oiseaux. Quel que soit l’auteur de ce passage, il est clair qu’il devait avoir sous les yeux le livre de Démocrite. — Le plus court chemin. On peut traduire encore : « la ligne droite ».
  59. Se réunissent simultanément. Cette explication, qui paraît personnelle à Aristote, ne vaut pas mieux que celles qu’il réfute. — Dans la semence du mâle. Voir plus haut, §§ 20 et 21. — Bien plus probable. Il faut louer cette circonspection dans une question aussi obscure. — Dans la matière. Ceci désigne peut-être le flux menstruel, qui, selon les théories du philosophe, fournit la partie matérielle, tandis que le mâle apporte la vie

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    et le mouvement. — Qui ne font qu’un seul petit. Le motif est fort plausible ; mais je ne sais si la science moderne est de cet avis. — Surtout fréquent chez les oiseaux. Peut-être e fait paraît-il être plus fréquent par cette unique raison qu’il est plus facile d’observer les oiseaux domestiques, par exemple les gallinacés. — Chez les poules. Ceci confirme la conjecture précédente. — Des œufs doubles. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III, § 16, où Aristote parle d’une poule qui faisait constamment des œufs doubles.

  60. Ils se soudent… aux fruits des végétaux. Ces explications sont fort ingénieuses, et les observations sont fort exactes ; car il y a très souvent des monstruosités végétales. Ces questions de botanique ont été reprises au début de notre siècle, et particulièrement par M. de Candolle. — Toutes les fois que les jaunes… Tous les faits rapportés dans ce paragraphe sont exacts, et les explications données sont parfaitement plausibles. De notre temps, on a cru trop généralement que la question des monstres était toute neuve. On voit ici que les Anciens l’avaient aussi agitée longtemps avant nous. — Ont quatre pattes et quatre ailes. Ces monstruosités ne sont pas très rares. — N’a paru que plus tard. Ceci est bien vague et n’explique pas d’assez près la monstruosité dont l’auteur vient de parler.
  61. Un serpent à deux têtes. Ce phénomène n’a rien d’impossible, à l’état de monstruosité ; mais le reptile ainsi constitué n’a pas dû vivre. — Le serpent est ovipare également. Et l’on en conclut que, dans cette espèce, il peut se produire des monstruosités pareilles à celles qu’on observe chez les oiseaux. — À la forme de sa matrice. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 23. — À la suite les uns des autres. Il en est bien à peu près ainsi même chez les oiseaux, où les œufs forment en général un chapelet. — Pour les abeilles… des alvéoles séparées. On pourrait croire que toute cette phrase est une interpolation ; et ceci est d’autant plus probable que l’auteur se hâte de revenir à l’exemple des poules, qu’il citait avant de parler des serpents. — C’est tout le contraire. Ceci n’est pas assez clair, et il aurait fallu indiquer plus précisément la différence des gallinacés comparés aux reptiles. — Dans la matière. Voir plus haut, § 26 et la note. — Beaucoup de petits. Même remarque.
  62. Moins souvent chez l’homme. Le fait est exact ; mais l’explication qu’en donne Aristote n’est peut-être pas suffisante ; je ne sais si la science contemporaine la ratifierait. — La femme… ce jeune. Le texte est moins précis, et il se sert d’expressions indéterminées. — Les femmes sont très fécondes… en Egypte. La même observation est consignée dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IV, § 9, p. 425, de ma traduction. — Sont plus féconds. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XIX, §§ 1 et suiv. — Fissipèdes. C’est la traduction littérale du mot grec. La science moderne admet aussi ce caractère ; mais elle le modifie quelque peu, et au lieu des fissipèdes, elle reconnaît les digitigrades, tels que les chiens, les chats, etc. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 142 et 149, édition de 1829. — Ceux de la chienne. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XX, § 6, sur les portées des chiennes. — Qui naissent aveugles. L’expression est peut-être trop forte ; les petits chiens ont seulement les yeux fermés ; mais ils ne sont pas aveugles. — Plus tard. Voir plus loin, ch. VI, § 2, ce qu’Aristote dit encore des petits naissant aveugles, et § 3. sur les porcs.
  63. La

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    Nature prépare en quelque sorte… Ceci fait exception à l’habitude d’Aristote qui en général admire la Nature presque sans restriction ; et l’accusation ne paraît pas très bien justifiée. La dissemblance ne peut à aucun degré être confondue avec la monstruosité. — Comme des dissemblances. L’idée n’est pas juste autant que l’auteur le croit ; car tout alors serait monstrueux dans la Nature, puisqu’il n’y a rien d’identique. — Dont nous venons de parler. Les fissipèdes, au paragraphe précédent. — Des arrière-porcs. Voir sur cette expression l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVIII, § 3, p. 351, de ma traduction. — Une sorte de monstres. Dans l’Histoire des Animaux, c’est plutôt un accident qu’une monstruosité ; mais il est vrai que souvent la monstruosité est causée par un accident. — Quelque chose de trop ou quelque chose de moins. Il ne paraît pas que ce soit le cas des petits pourceaux ; seulement, ils sont faibles et mal venus.

  64. Contre la Nature prise absolument. La distinction est fort juste ; on ne peut pas dire que le monstre ne soit pas dans la Nature ; car il n’est que là comme tout le reste ; seulement, il est contre ses lois les plus ordinaires ; et c’est en cela qu’il nous étonne comme extraordinaire. — La Nature éternelle et nécessaire. Reflet de Dieu lui-même, ou de l’Être infini, que l’homme essaie de comprendre. — De telle façon… d’une façon tout autre. La distinction est profonde, et Aristote l’a faite bien des fois ; c’est l’éternel opposé au périssable. — Ce n’est jamais au hasard. La science moderne a cru, comme Aristote le croit ici, qu’on peut soumettre à des règles la production même des monstres. — Contre nature… encore naturel. C’est une répétition ; mais le fait n’en est pas moins exact. — Qui fait l’espèce et la forme. Il n’y a dans le texte qu’un seul mot, qui a les deux sens.
  65. Précisément comme des monstres. Cette restriction est nécessaire. — Dont nous venons de parler. Voir plus haut le § 30 et la note. — Le péricarpe des fruits. Voir plus haut, § 27. Les monstruosités de ce genre se forment plus aisément dans les plantes que chez les animaux. — La Fumeuse. J’ai traduit le mot du texte au lieu de le reproduire simplement, comme l’ont fait plusieurs traducteurs. Kapnéos est très près de Kapnos, et je ne doute pas que l’étymologie ne soit la même. L’orthographe varie, Kapnéos, Kapnéos, Kapnios ; voir le Thésaurus d’Henri Etienne. Théophraste, Histoire des Plantes, liv. II, ch. III, § 2, édition Firmin Didot, dit à peu près la même chose qu’Aristote ; et comme lui, il trouve qu’il n’y a rien là de monstrueux. Dans le traité des Causes des Plantes, liv. V, ch. IIII, § 1, Théophrasle répète les mêmes considérations, et il ajoute que les devins eux-mêmes ne voient plus là de monstrueux présages, « attendu que ce qui est habituel n’est plus monstrueux ». On remarquera combien sont rapprochées les théories du maître et du disciple. C’est une preuve de l’authenticité parfaite des deux ouvrages. — Le plus habituellement. Je ne connais pas dans nos climats de vigne qui présente ces alternatives. — Tout à fait contre nature. Dans ce cas particulier, le phénomène ne serait en rien contre nature, puisqu’il est ordinaire. — À cause de cette fécondité même. La raison donnée par Aristote est très solide, et elle paraît vraisemblable. — Elle empêche les mouvements générateurs. C’est la traduction littérale ; mais on peut trouver que l’expression est bien vague, quoique la pensée soit assez claire. Voir plus haut, paragraphe 8.
  66. D’où vient la fécondité. Il serait bien difficile de découvrir la cause de ce phénomène ; il faut se borner à le constater. Sur ces variations dans la fécondité, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. X, XI et XII ; liv. VI, ch. I, IV et XIX. — Des membres en surnombre. C’est un cas assez fréquent, même dans les espèces unipares. — Telle espèce fait peu de petits. Cette question spéciale rentre dans la question générale des variétés dans la fécondité plus ou moins grande, selon les genres et même selon les individus. — Des membres entiers font défaut. On voit qu’Aristote n’avait négligé aucune des nuances de la monstruosité. — Plus de doigts qu’il ne faudrait. Cette difformité n’est pas très rare.
  67. Des deux sexes. Des exemples de ce genre se présentent toujours, bien qu’ils soient peu nombreux. — Tragœnes. J’ai reproduit le mot grec ; mais on pourrait traduire aussi : Les chèvres-boucs, ou les boucs-chèvres. — La corne était placée sur la jambe. Il n’y a rien là d’impossible ; il s’agit seulement de savoir si le fait est certain. — À l’intérieur du corps. Ainsi, Aristote poursuit cette étude des monstruosités aussi loin qu’on peut le faire ; et ces nouvelles observations sont essentiellement anatomiques. Aristote a du disséquer beaucoup. — Manquer… difformes… surnombre… changés de place. Voilà bien à peu près toutes les nuances des difformités plus ou moins monstrueuses. — Qui n’eût pas de cœur. Sous-entendu : « Dans les espèces qui doivent en avoir un ». La chose est de toute évidence, et si le cœur ne peut manquer, c’est qu’il est indispensable à la vie. — Qui n’ont pas de rate. Parce qu’en effet la rate ne semble pas aussi nécessaire que le cœur. — Qu’un seul rognon. Il est parlé aussi de ces déplacements monstrueux dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 6. — Le foie ne manque jamais. Parce que, selon Aristote, le foie est aussi indispensable que le cœur. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, § 10 ; et Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. VII, § 8, et liv. IV, ch. II, § 8.
  68. Très bien formés d’ailleurs. Et qui n’ont que cette difformité. — Qui n’en vivent pas moins. Par exemple, des doigts en surnombre, soit aux pieds, soit aux mains. — De vésicule biliaire. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, § 7, où cette observation est déjà consignée. — Des déplacements… Tous ces faits sont réels ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 6. — Comme on vient de le dire. Cette répétition à quelques lignes de distance paraît bien inutile ; c’est peut-être une glose qui, de la marge, sera passée dans le texte. — Un grand trouble, qui revêt les formes les plus diverses. C’est une observation profonde et très vraie.
  69. Reste encore assez faible. Suite d’observations excellentes. — Les organes essentiels à la vie. La science actuelle ne saurait mieux dire. — Une seule et même cause. La question est en effet fort obscure ; et elle n’est pas plus éclaircie pour nous qu’elle ne l’était dans l’Antiquité.
  70. Qu’un seul petit. Il n’y a rien en cela que de régulier et de naturel, tandis que les autres cas cités par Aristote sont de réelles monstruosités ; il est donc à croire que les causes sont différentes, et que la cause ne saurait être unique. — Les animaux les plus grands. L’observation est très juste ; mais l’homme, qui est beaucoup plus petit, est aussi en général unipare. — Les fissipèdes. Ou digitigrades ; voir plus haut, ch. III, § 29. — Si ce n’est le porc. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVII et ch. XVIII, §§ 2 et suiv. ; et aussi liv. II, ch. III, § 3. — Un très grand nombre. Il n’est pas rare qu’une truie ait jusqu’à douze petits.
  71. Il serait tout simple. Ces secrets de la Nature sont à peu près impénétrables pour l’homme. — Ils sécrétassent plus de sperme. Ceci est vrai ; mais la quantité n’importe guère. Pour que le nombre des petits fût plus considérable, il faudrait que l’organisation de la femelle fût tout autre. — C’est précisément… on ne s’en étonne plus. La remarque, qui peut être exacte dans bien des cas, ne l’est pas ici ; car l’étonnement peut toujours durer, et le philosophe le partage, puisqu’il pose la question. — C’est leur grosseur précisément. Voilà le vrai motif. — Est utilisée… pour la croissance. Et aussi, pour la production plus abondante de la liqueur spermatique, d’après ce qui vient d’être dit. — Fait profiter la sécrétion spermatique. La liqueur séminale n’est peut-être pas plus abondante ; mais le nombre des petits est beaucoup plus grand, comme Àristote le remarque au paragraphe qui suit.
  72. En plus grande quantité. La conséquence n’est pas rigoureuse, et il ne paraît pas que cette proportion existe dans la Nature. Ce n’est donc là qu’une hypothèse. — Le nombre et la petitesse. La réunion de ces deux conditions peut s’observer surtout chez les insectes. — Le nombre et la grosseur… La remarque est très juste, et la raison en a été donnée plus haut. L’organisation de la femelle s’oppose, quand elle est grande, à ce qu’elle ait plusieurs petits à la fois. — La fécondité moyenne dans les moyennes grandeurs. Cette loi paraît en effet assez fréquente ; mais elle n’est pas sans exception, comme le prouve l’exemple du porc, cite plus haut. — Antérieurement. Je ne trouve rien dans les autres ouvrages d’Aristote où cette question ait été traitée avec quelque développement. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote se contente de dire que les dimensions des êtres animés sont différentes, liv. I, ch. I, § 5 ; et ch. V, § 13, il compare les animaux privés de sang avec ceux qui ont du sang, les animaux aquatiques et les animaux terrestres, sous le rapport de la grandeur. C’est peut-être à ce dernier passage qu’il est fait allusion ici. — Telle espèce… les solipèdes. Toutes ces observations sont exactes.
  73. De fécondité. J’ai ajouté ces mots pour plus de précision. Le texte est plus vague. Peut-être ici faudrait-il renverser les pensées, et dire que les différences de fécondité se règlent sur la grandeur des corps. L’auteur le sent bien lui-même ; et, dans la phrase qui suit, il revient à la pensée que nous indiquons. — Et cette fécondité ne dépend pas… Il serait possible que tout ce passage ne fut qu’une interpolation et une critique passée de la marge dans le texte, comme il est arrivé plus d’une fois. — L’éléphant… est fissipède. La science moderne n’admettrait pas cette classification. L’éléphant a cinq doigts à chaque pied ; ces doigts sont parfaitement distincts dans le squelette ; mais sur l’être vivant, ils sont tellement encroûtés dans la peau calleuse qui entoure le pied qu’ils n’apparaissent au dehors que par les ongles, attachés sur le bord de cette espèce de sabot ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 237, édit. de 1829 ; voir aussi Histoire des Animaux, liv. III, ch. IX, § 6. — Le chameau… a le pied fourchu. Comme les autres ruminants ; mais l’organisation de son pied est un peu différente ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 256. — C’est par la même raison. Cette raison n’a pas été donnée très clairement. — Les plus grands ont peu de progéniture. Voir plus haut, § 6. — Dans les végétaux. On doit remarquer cette habitude d’Aristote de rapprocher les végétaux et les animaux, aussi souvent qu’il le peut. C’est déjà de la biologie. Ce point de vue se trouve développé dans le Traité de l’Ame, qui n’est qu’une théorie du principe vital, exposé depuis la plante jusqu’à l’homme. — Qui donnent le plus de fruits. Ceci n’est peut-être pas très exact.
  74. Voilà donc… Aristote a plutôt constaté les faits qu’il ne les a expliqués ; il n’y a point à lui en faire un reproche ; car ici comme partout les causes sont fort obscures. — Celle-ci l’est davantage encore. On doit reconnaître dans ces questions la curiosité ardente dont le philosophe était animé. — Suffit-il d’un seul accouplement. La réponse à cette question est aujourd’hui plus facile, du moment qu’on sait ce que renferment les ovaires des femelles et les testicules des mâles. Mais ces découvertes sont même pour nous fort récentes ; et les Anciens n’ont pas pu connaître les faits qu’elles nous révèlent. — Le sperme du mâle… Cette théorie, qu’Aristote réfute, a prévalu jusque dans ces derniers temps ; et elle a peut-être même encore de nombreux partisans. — Il coagule et anime. Cette théorie se rapproche beaucoup des théories nouvelles, dont on peut dire qu’Aristote a eu le pressentiment. — Comme la présure agit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, § 11 ; voir aussi plus haut, liv. I, ch. II et suiv., sur le sperme et son action. — Un seul et unique fœtus. L’organisation, aujourd’hui bien connue, des ovaires, répond en partie à cette question.
  75. N’agit-il pas comme la présure. Ceci aurait dû avertir e naturaliste que la comparaison n’est pas très juste, et que la liqueur séminale est tout autre chose que la présure, dont l’action est purement matérielle et chimique. Voir plus loin, § 14. — Dire que ce sont… Ces théories, réfutées ici par Aristote, étaient peut-être celles de Démocrite, d’Empédocle ou d’Anaxagore. — Les cotylédons. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 25, et liv. VII, ch. VII, § 3. Il est difficile, dans cette partie si compliquée de l’organisation humaine, de savoir précisément ce qu’Aristote entend par les cotylédons de la matrice ou de l’utérus. Pour la physiologie actuelle, les cotylédons sont les lobes charnus du placenta, formé dans l’épaisseur de la membrane caduque ; ils s’y engrènent et s’y développent aux dépens du chorion. Mais quel que soit le sens qu’Aristote peut donner au mot de Cotylédon, il est évident qu’il avait poussé fort loin l’anatomie de ces parties, que l’on a aujourd’hui encore tant de peine à bien connaître. — Sont plus d’un. Ces mots sont déclarés inintelligibles par MM. Aubert et Wimmer. — Il y a deux fœtus. L’argument présenté comme il l’est ici n’est pas assez clair ; et voilà sans doute pourquoi l’auteur renvoie ses lecteurs à ses dessins anatomiques. — Se convaincre par l’Anatomie. C’est une preuve, après cent autres, de l’attention qu’Aristote apportait à ses dissections ; il cherchait à les fixer par des dessins, comme nous fixons aujourd’hui les nôtres par la photographie.
  76. Un développement régulier. On peut dire en effet que c’est là une loi de l’animalité ; le développement a des limites précises ; mais cependant il semble que, dans quelques espèces de zoophytes, la croissance n’a pas de bornes. — L’embryon qui sort de la matière spermatique. Ceci semblerait indiquer que les investigations d’Aristote le mettaient sur la voie de la découverte des spermatozoïdes. — Qu’il puisse se former d’une quantité quelconque. La quantité en ce sens n’est pas indéfiniment petite ; mais elle est tellement ténue qu’il est très difficile de l’apprécier.
  77. Il en résulte… Le sujet, au point de vue où se place Aristote, ne comporte évidemment que des conjectures ; mais il ne paraît pas que la quantité plus ou moins grande de liqueur séminale soit la cause de la multiplicité des fœtus. C’est la première solution qui se présente à l’esprit ; mais ce n’est pas la plus vraie. — Que le comportent les grandeurs régulières, que les fœtus doivent prendre dans le sein de la mère. — Que ce qui a été réglé par la Nature. Aristote s’en rapporte ici, comme il le fait partout, à la sagesse de la Nature. C’est ce que l’on peut faire de mieux, en suivant son exemple ; mais il reste toujours bien des obscurités impénétrables. — Il en est encore de même… plus de sperme. Toutes ces théories sont purement hypothétiques ; elles font voir seulement l’ardent désir qu’a l’auteur de percer ces ténèbres.
  78. N’échauffe pas l’eau de plus en plus. Au contraire, puisqu’il réchauffe jusqu’à la vaporiser. — Il y a une limite à la chaleur. Les Anciens pouvaient le croire, parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’observation que nous possédons ; mais aujourd’hui on peut affirmer que la chaleur n’a pas de limites, comme Aristote le suppose ; par suite, la comparaison qu’il établit ici n’a rien de solide et de démonstratif. — Elle s’évapore. C’est exact, et ceci aurait dû prouver au philosophe que la chaleur est sans borne. — Il semble donc… La conséquence n’a rien de rigoureux. — D’une certaine proportion. C’est bien vague, quoique au fond l’idée ne soit pas fausse. — Par suite. Ici encore, la conséquence ne paraît pas du tout rigoureuse. — Le lancent en un instant. Il ne paraît pas non plus que ceci soit exact d’une manière générale ; car bien des espèces font exception, ne serait-ce que l’espèce canine, qui est multipare.
  79. Indiquée plus haut. Voir § 10. — N’est pas très exacte. Il faut louer Aristote de revenir avec tant de soin sur ses propres théories et de les rectifier par un nouvel examen. — Certain volume… certaine qualité. La distinction est très juste. La qualité, c’est ici l’espèce et le sexe. — Une pure et simple quantité. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Aristote sent bien que, dans le phénomène de la génération, il y a le principe de la vie, qui n’apparaît pas dans l’action de la présure. La comparaison n’est donc pas possible.—D’une quantité quelconque. Ceci est hypothétique, et il n’y a aucun moyen de vérifier le fait. — À la puissance du patient. L’idée de Patient semble se rapporter au germe qui est dans la femelle, et qui reçoit la vie de l’action du mâle. J’ai du traduire le texte littéralement, sans être sûr de l’éclaircir.
  80. Dans les animaux unipares. C’est-à-dire l’espèce humaine particulièrement, et en général les quadrupèdes les plus grands. — Bien que l’excrétion soit abondante. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII. ch. II, § 8. — Qui vient d’une certaine quantité est d’une certaine quantité également. Le texte est tout aussi obscur que ma traduction. — Pas plus qu’il ne faut. Il semble au contraire que la liqueur séminale est surabondante, et que la moindre partie de cette liqueur suffit à la fécondation. — Les raisons que nous en avons données. Voir plus haut, § 11. — Est calculée par la Nature. Ce n’est pas la quantité de sperme qui détermine l’uniparité ; c’est la constitution même de la femelle, qui ne pourrait se prêter à la conception multipare, du moins dans la plupart des cas, comme Aristote lui-même le remarque, à la fin de ce paragraphe. — Pour des monstruosités. Ce ne sont pas des monstres précisément ; mais ce sont des cas extraordinaires.
  81. Quant à l’homme… Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IV, § 7, où des considérations de ce genre sont déjà présentées. — Que quand le corps est humide et chaud. Rien ne prouve l’exactitude de cette théorie. — Par suite de ses dimensions corporelles. Cette observation est exacte. — Il ne procrée qu’un seul petit. Dans la presque totalité des cas. — Les temps de la gestation soient irréguliers. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. — Qu’un seul temps. Le fait est très exact. — Bien qu’ils vivent moins souvent. Toutes ces observations sont vraies. Dans le traité hippocratique, intitulé : « Des chairs », l’auteur dit que les enfants nés à huit mois ne vivent jamais, édition Littré, tome VIII, p. 613. Dans l’Histoire des Animaux, loc. cit., § 9, Aristote dit que c’est sur-tout en Egypte que les enfants nés à huit mois peuvent vivre, comme les autres ; en Grèce, il était plus difficile de les conserver.
  82. Les Problèmes. Voir les Problèmes, inédits, édition Firmin-Didot, section II, prob. 85, p. 307 ; Aristote ne parle dans ce passage que des enfants de sept, neuf et dix mois ; mais il ne s’occupe pas de ces variations particulières, et il ne parle que de la voix des nouveau-nés.
  83. Qui produit les jumeaux… les membres en surnombre. Peut-être le rapport qu’Aristote établit entre la génération gémellaire et les membres en surnombre, n’est-il pas très fondé. La science actuelle a d’autres théories, qui reposent sur des faits exacts. La génération gémellaire paraît tenir à ce que plusieurs vésicules de Graaf sont mûres en même temps, et que plusieurs ovules s’engagent simultanément dans les trompes. On peut supposer aussi qu’il y a plusieurs ovules contenus irrégulièrement dans une seule vésicule ; voir le traité élémentaire de Physiologie humaine, par M. Béclard, sixième édition, p. 1158. — Cette cause se trouve dans les germes. Il ne faut pas trop s’étonner de ces erreurs, et l’on doit se rappeler que les Anciens n’avaient pas le secours du microscope, qui nous a appris tant de choses, sans nous apprendre encore tout ce que nous désirons savoir. — Il arrive alors. Peut-être valait-il mieux constater simplement les faits, et ne pas chercher à les expliquer.
  84. C’est la division du sperme. Ce n’est là encore qu’une hypothèse, assez ingénieuse sans doute, mais que rien ne prouve. — Dans les cours d’eau. La comparaison est très claire ; mais il reste à montrer qu’elle s’applique aussi à la liqueur séminale. — Il en est tout à fait ainsi pour les embryons. C’est ce qu’il aurait fallu démontrer par l’anatomie ; mais les recherches de dissection n’étaient pas assez avancées du temps d’Aristote. Aujourd’hui même, notre science a les plus grandes peines à se rendre compte de toutes les évolutions que peut subir le sperme, ou que subissent les vésicules de Graaf et les ovules sortis des ovaires. — Ils se soudent plus aisément. Le fait est incontestable ; mais comment les embryons se sont-ils multipliés et sont-ils si près les uns des autres ? — Surtout quand la matière… Tous ces détails sont fort obscurs, et il est bien difficile de voir à quoi ils se rapportent dans la réalité. Je n’ai pas pu rendre ma traduction plus claire.
  85. Dans les cas… sont réunis. C’est l’hermaphrodisme, qui est toujours fort rare. — Est toujours bien conformé. Ce n’est pas toujours le cas, et il paraît qu’en général ni l’un ni l’autre de ces organes ne sont ce qu’ils devraient être, selon l’ordre naturel. — Que comme les plantes parasites. La comparaison n’est pas exacte de tous points ; la plante parasite est dans la Nature, tandis que l’organe dépareillé n’y est pas. — Quoiqu’elles ne soient pas naturelles. Au contraire, la nature de ces plantes est d’être parasites, et elles ne vivent pas séparément. — Les deux organes pareils. Deux organes mâles ou deux organes femelles. Mais il semble qu’il y a ici quelque confusion ; car alors les organes ne sont pas réunis, et ils sont sur des individus isolés. — Est absolument vainqueur. C’est-à-dire que le mâle produit un mâle. — Absolument vaincu. Quand le mâle produit une femelle. — L’un des organes est femelle. Ici au contraire, l’auteur semble parler d’organes différents, qui sont réunis irrégulièrement dans le même individu.
  86. La cause… peut s’appliquer… à tout l’animal. La pensée n’est pas assez développée pour être parfaitement intelligible ; mais il est certain que l’animal tout entier peut être affecté de monstruosité, comme l’est une de ses parties. Ce sont là les vrais monstres. — Une extrémité. Un pied, une main, déformations qui sont encore assez fréquentes. — La même cause qu’à l’avortement. Ceci ne saurait être exact, et les causes de l’avortement ne sont pas du tout les mêmes.
  87. Le surnombre des membres. C’est une monstruosité, tandis que le surnombre des petits est loin d’être aussi anormal. — Les monstruosités diffèrent. Aristote a bien raison de faire ces distinctions ; mais la science actuelle ne croit pas que les monstruosités tiennent généralement à de simples soudures. Il est une foule de phénomènes qui ne peuvent pas s’expliquer par là. — Ou symphyses. J’ai ajouté ce mot, qui n’est que la reproduction du mot grec. — Dans des organes plus grands et plus importants. Il n’a pas été question d’organes plus petits, et on ne voit pas assez nettement sur quoi porte la comparaison. — Les déplacements d’organes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 6. — À des mouvements… à une matière. Ce sont là des explications bien vagues. — C’est au principe qu’il faut remonter. Ici, le principe n’est pas autre que le cœur. S’il n’y a qu’un cœur, c’est que l’animal est unique ; s’il y a deux cœurs, c’est qu’il y a plusieurs animaux.
  88. Souvent il arrive… Ces difformités ne sont pas précisément des monstruosités, puisque parfois on peut les guérir, comme l’indiquent les exemples cités plus bas. — Certains canaux. L’expression est bien vague ; mais la suite la précise davantage. — Se dérangent. Ou, Dévient. — On a observé des femmes. Preuve nouvelle de l’exactitude qu’Aristote apportait dans ses observations. — Spontanément ouvert… fendu par les médecins. Ces cas de difformité, soit congénère, soit adventice, ne sont pas très rares. — D’autres femmes sont mortes. Il est probable qu’Aristote avait été lui-même témoin de quelques-unes de ces catastrophes. Hippocrate, qui a fait un traité spécial sur les maladies des femmes, n’a pas parlé de ces difformités, et il ne s’est occupé que de pathologie ; voir Hippocrate, édition Littré, t. VIII, p. 339. L’opération dont parle Aristote est toujours fort délicate, et bien souvent elle est dangereuse, en cas d’atrésie.
  89. Mais plus bas. Cette difformité est très réelle, quoique assez rare. — Ils s’accroupissent. Comme le font toutes les femelles. Par Enfants, il faut entendre des Garçons — Les moutons par exemple. Il n’est pas sûr que cette affection morbide soit plus spéciale à la race ovine qu’à tout autre ; mais l’observation est plus facile sur des animaux domestiques. — A Périnthe. Ville de Thrace, sur la Propontide, ou mer de Marmara.
  90. Voilà… sur les monstruosités. Résumé exact des deux chapitres III et IV. Toutes ces théories sur les monstres sont sans doute critiquables dans bien des détails ; mais on ne saurait trop admirer l’étendue des observations d’Aristote ; il n’a omis aucune des parties de son sujet. La question de la génération comprend évidemment l’étude des monstres. On a cru de nos jours que cette étude était toute neuve ; on voit qu’il n’en était rien, et que les Anciens nous avaient tracé la route, à cet égard comme a bien d’autres. Voir ma Préface sur cette grande controverse.
  91. Il n’y a jamais de superfétation. Cette assertion est peut-être trop générale ; mais quoi qu’il en soit, cette nouvelle étude prouve qu’Aristote n’a négligé aucune partie de son sujet, traitant de la superfétation après la monstruosité. La science moderne s’est peu occupée de la superfétation, bien que quelques observateurs se soient consacrés à l’étude spéciale de ces phénomènes. MM. Aubert et Wimmer citent avec grand éloge l’ouvrage de M. Kussmaul (1859) ; ils citent aussi celui de M. Cassan, Paris, 1826. La superfétation tient peu de place dans les traités ordinaires de physiologie comparée. — Sont unipares. C’est là en effet la cause la plus générale, parce que l’animal étant organisé pour n’avoir habituellement qu’un seul petit, la superfétation devient fort difficile. — Chez les solipèdes. Les chevaux et les ânes, par exemple. — Toute l’excrétion est employée. Cette explication est toute logique. Sur la superfétation dans l’espèce humaine, voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. V, §§ 4 et suiv.
  92. De la grosseur d’un veau. L’observation est très vraie ; mais il faut sous-entendre, comparativement au veau, qu’il ne s’agit pas d’un veau qui vient de naître, mais d’un veau parvenu à toute sa croissance spéciale ; car autrement le petit de l’éléphant est beaucoup plus gros que le veau, au moment où le veau sort de la vache. — Parce que, du moment. Cette explication n’en est pas une à proprement parler ; et ici Aristote résout la question par la question. — Comme l’homme. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. — Une seconde copulation. Il paraît bien que les causes de la superfétation sont encore différentes de celle-là, et elles tiennent surtout à la disposition des ovules. En général, la superfétation s’explique par une copulation multiple ; mais il est des cas où cette explication n’est pas admissible, par exemple le cas où, après avoir accouché régulièrement, une femme accouche encore à trois, quatre ou cinq mois, d’un enfant à terme comme le premier. On suppose alors que la femme avait un double utérus, ou qu’il y a eu dans un des fœtus un arrêt de développement ; voir M. Béclard, Traité élémentaire de physiologie humaine, 6e édition, p. 1159. — Plus d’une fois. Ces cas sont toujours très rares.
  93. Est celle que nous avons indiquée. C’est-à-dire, une seconde copulation. — A été plus abondant. Ce ne peut être là qu’une simple conjecture. — En se divisant. Même remarque ; mais ces erreurs sont bien excusables, quand on songe aux obscurités du sujet. — En dernier lieu après les autres. Le fait est exact ; mais ce n’est pas une explication du phénomène. — Le premier embryon a pris quelque croissance. C’est le cas supposé dans la note du paragraphe qui précède. — La matrice se referme. L’expression dont Aristote se sert ici n’est peut-être pas fort exacte. Mais le fait est exactement indiqué ; la matrice subit des changements considérables après la copulation. Cependant ces changements de l’utérus et de la matrice ne constituent pas une fermeture, surtout « jusqu’au temps de l’accouchement ». La matrice s’élève et refoule les organes contenus dans le ventre et la masse intestinale ; voir M. Béclard, loc. cit., p. 1197. — Si le fait se produit. L’expression est bien vague, et l’auteur veut sans doute parler d’une seconde copulation. — Les fausses-couches. Il est difficile de comprendre ce passage, qui aurait dû être plus développé ; on ne voit pas quelle est la différence entre ι fausse-couche et le phénomène qu’indique Aristote.
  94. Tourne tout entière au développement du premier embryon. Ceci n’est pas exact, à ce qu’il semble ; et dans les unipares, les deux jumeaux peuvent être également forts ; le second est tout aussi bien nourri que le premier. — Le fait se produit également. C’est-à-dire, sans doute, que l’excrétion spermatique tourne tout entière au développement du premier embryon ; du moins, c’est là le seul sens que présente le texte ; mais la pensée reste obscure, et l’on ne se rend pas compte assez nettement de la différence que l’auteur prétend établir entre les unipares et les multipares. — A déjà pris quelque croissance. Ceci est encore plus obscur que ce qui précède. — Qui naturellement pourrait être multipare. Ceci ne paraît pas du tout exact, et l’homme est au contraire essentiellement unipare. La génération gémellaire, sans être contre nature, est toujours très rare. — Ne puissent nourrir un second embryon. Ceci contredit la supposition de la multiparité humaine, dont l’auteur vient de parler. — Il en résulte… La conséquence n’a rien d’évident. Voir dans l’Histoire des Animaux. Ην. IX, ch. I, § 7, le portrait peu flatteur qu’Aristote fait de la femme.
  95. C’est la raison qu’on vient de dire. L’auteur n’a pas donné la raison de la prétendue lascivité de la femme ; peut-être veut-il seulement faire allusion à l’uniparité dans l’espèce humaine ; mais la jument est également unipare. — La rigidité de sa nature. Ceci aurait eu besoin de plus d’explication. Le mot dont se sert Aristote est assez obscur, et le commentaire qu’en donne Philopon ne l’éclaircit pas beaucoup ; il comprend que la matrice des juments est tellement épaisse que le flux menstruel a de la peine à passer. — Plus d’un embryon… un autre complètement. Ces théories sur la matrice de la jument supposent des observations anatomiques fort attentives. Aristote paraît en avoir tiré cette conséquence que la matrice de la jument, tout en pouvant contenir plus d’un embryon, ne peut pas cependant en contenir deux. — Très lascive. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXII, §§ 2 et suiv. — Parce qu’elle est soumise… Il n’est pas probable que ce soit là la vraie cause des ardeurs de la jument ; l’ânesse, qui a un cuir tout à fait analogue à celui de la jument, n’a pas les mêmes excitations sexuelles. — N’ont point d’évacuation purifiante. Le fait n’est pas faux ; mais il n’est pas non plus parfaitement exact, comme l’auteur lui-même le fait entendre, quelques lignes plus loin. — Ce que le rut est pour les mâles. Je ne crois pas que la science moderne puisse accepter cette assimilation. — À tissu rigide. Ceci s’explique par ce qui a été dit un peu plus haut. — Dans un état fort semblable à celui des mâles. Ceci est exagéré. — Une sortie de sperme. Même remarque. — Ainsi qu’on l’a déjà dit. Voir plus haut, liv. I, ch. X, § 3, et ch. XIII, § 9 ; liv. II, ch. V, § 6.
  96. Aussi, les femmes… L’observation consignée dans ce paragraphe est très juste. — La sécrétion spermatique. Peut-être cette expression appliquée à la femme n’est-elle pas exacte. — Ces désirs, qu’elles ne pouvaient dominer. La physiologie actuelle ne pourrait que confirmer ces théories. — Parce qu’elles ont la matrice placée sous le diaphragme. Cette explication ne semble guère admissible. Voir sur la position des matrices l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 18. — Leurs testicules. Sur les testicules des oiseaux et des ovipares, voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 8, et liv. VI, ch. VIII, § 5. — Les matrices descendent… les testicules s’élèvent. Sur l’accouplement des oiseaux, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. II, § 3, et liv. VI, ch. I, § 5.
  97. On doit comprendre… on doit voir. Le résumé est exact ; mais les questions qu’agite l’auteur ne sont pas résolues aussi complètement qu’il semble le croire. Il n’y a pas d’ailleurs à s’en étonner, quand on se rappelle combien ces questions sont encore obscures.
  98. La superfétation est possible. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. V, § 4. — La seconde copulation… Ce cas se présente quelquefois dans l’espèce humaine. Après un premier accouchement régulier, il peut y en avoir un second non moins régulier, à trois, quatre ou cinq mois de distance. Il est évident que c’est le résultat d’un second rapprochement. — Et qui peuvent avoir plusieurs petits. Ceci est applicable aussi à notre espèce, bien que ce soit par exception. — Elles peuvent en avoir plusieurs à la fois. Bien que d’ordinaire elles n’en aient qu’un seul. — Leur corps n’est pas très gros. C’est encore le cas de l’espèce humaine. — Pour nourrir l’embryon. Il serait plus exact de dire ? « Un seul embryon ». — Peuvent concevoir de nouveaux embryons. Sans d’ailleurs les concevoir nécessairement.
  99. Ne se ferment pas. Il n’est pas facile de voir à quel fait réel ceci peut faire allusion. Aristote veut sans doute parler de la continuation des menstrues, même après la cohabitation. — Ce curieux phénomène. J’ai ajouté l’épithète, dont l’idée est implicitement comprise dans les mots du texte. — On en a vu… Le fait n’est pas très rare ; mais il se produit toujours aux dépens du fœtus, comme Aristote le dit, — Les espèces dont on vient de parler. C’est-à-dire, dans celles qui sont multipares ; voir le paragraphe précédent. — Chez les lièvres. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. II, § 2. — Qui présentent toujours des superfétations. Le fait n’est pas toujours constant ; mais il est très fréquent. — Il fait beaucoup de petits. Buffon, t. XIV, p. 427, édition de 1830, insiste aussi sur cette fécondité extraordinaire du lièvre. — Les fissipèdes sont en général très féconds. La science moderne n’est peut-être pas d’accord sur ce point avec le naturaliste grec.
  100. Il a beaucoup de sperme. C’est pour cela qu’il est si fécond. — Qui est vraiment extraordinaire. Il est très exact que l’organisation du lièvre a des singularités très remarquables. — Il est le seul animal… Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 217, édition de 1829, qui fait la même remarque : « L’intérieur de leur bouche et le dessous de leurs pieds sont garnis de poils, comme le reste de leur corps. » Buffon dit la même chose, loc. cit., p. 429 ; mais Aristote a la priorité sur Buffon et Cuvier. — Une sécrétion abondante. Je ne sais si physiologiquement ceci est bien exact. — Parmi les hommes… C’est une opinion assez répandue ; mais elle n’en est pas peut-être plus exacte. — Bien souvent des fœtus incomplets. Ceci tient sans doute à la lascivité des femelles et des mâles. Buffon, loc. cit, y a beaucoup insisté, en décrivant l’étrange organisation de cet animal.
  101. Des petits incomplets. L’expression est bien vague ; mais a suite montre qu’Aristote entend surtout par là que les petits naissent avec les yeux fermés ; voir le § 2. — De complets. Qui non seulement ont les yeux ouverts, mais dont tous les membres sont bien formés dès l’origine. — Les solipèdes. La zoologie actuelle a fait une famille des solipèdes sous le nom d’Equidés ; les sous-genres sont le cheval et l’âne, avec l’hémione, l’onagre, le zèbre, etc. Les équidés marchent sur l’extrémité du doigt du milieu, qui est entouré d’un large sabot ; voir M. Claus, Zoologie française, trad. franc., p. 1016. Le rhinocéros et le tapir sont du même ordre. — À pieds fourchus. Comme les cochons et les sangliers qui ont à tous leurs pieds deux doigts mitoyens, longs et armés de forts sabots, et deux latéraux, beaucoup plus courts, et ne touchant presque pas terre. Ce sont aussi les ruminants dont les quatre pieds sont terminés par deux doigts et deux sabots, qui se regardent par une face aplatie, en sorte qu’ils ont l’air d’un sabot unique qui aurait été fendu ; de là, le nom de pieds fourchus, ou bifurques ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 254, édition de 1829. — Le plus souvent font deux petits. C’est particulièrement le cas des chèvres. — Il est plus facile. Le fait est évident, bien que la Nature ait assuré presque aussi bien l’existence des petits très nombreux des multipares. — Ces animaux les rejettent. Il ne semble pas que cette observation s’applique plus spécialement aux pieds fourchus. Chez tous les vivipares sans exception, le jeune sort du sein de la mère, quand il y a pris tout son développement, et qu’il ne peut plus y demeurer. — Qui pondent des larves. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, §§ 3 et 7 ; et liv. IV, ch. II, § 7.
  102. Sont à peine indiqués. C’est exagéré. — Qui naissent aveugles. Les petits ne sont pas précisément aveugles, puisqu’ils ont tous les organes de la vue ; mais leurs yeux sont fermés, et le restent plus ou moins longtemps. — La laie… elle a beaucoup de petits. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XVIII, § 2, p. 350, de ma traduction, Aristote dit que la truie fait jusqu’à vingt petits, mais qu’elle ne peut les élever tous. La laie doit être dans le même cas, puisque le sanglier est l’origine de notre cochon domestique. Pour le temps de la gestation et le nombre des petits, Aristote assimile tout à fait la laie et la truie ; Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXV, § 3. — Il est solipède également, du moins dans quelques contrées. Le fait est tout au moins extraordinaire, et Aristote aurait dû nommer les contrées où il se produisait.
  103. Le porc a beaucoup de petits. Voir la note du paragraphe précédent. — Parce que la nourriture… La raison n’est pas très bonne ; car beaucoup d’autres animaux ont besoin aussi d’une nourriture très abondante, et ils n’ont pas autant de petits. — En tant que solipède. En supposant qu’en effet il y ait des cochons et des sangliers solipèdes. — Est assez équivoque. Ainsi, l’auteur lui-même reconnaît qu’il est bien douteux que le cochon soit un solipède. — Qu’un seul petit… Le cas doit être excessivement rare, et Aristote aurait dû le préciser davantage. — Le plus ordinairement. C’est en effet aux phénomènes les plus ordinaires qu’il faut s’attacher, pour en tirer des caractères vraiment scientifiques. — Qu’elle amène à terme. Ceci contredit en partie ce que dit Aristote dans l’Histoire des Animaux, au passage cite dans la note précédente, liv. VI, ch. XVIII, § 2. — Comme une terre grasse. La comparaison est assez juste. Cette forme de style est d’ailleurs fort rare dans Aristote.
  104. Et aveugles. En ce sens qu’au moment de la naissance les yeux ne sont pas ouverts, et qu’ils restent fermés quelque temps encore après. — La pie. Pour la pie en particulier, Aristote dit qu’elle fait jusqu’à neuf œufs, Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XIV, § 1. Je suppose que la Kitta des Grecs est notre pie. — C’est là ce qui explique… Les idées ne semblent pas se suivre très bien. — Si l’on crève les yeux à de jeunes hirondelles. On retrouve la même assertion dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. V, § 2. Je ne sais pas jusqu’à quel point le fait est exact.
  105. En général. L’explication est certainement ingénieuse, si elle n’est pas absolument exacte. — De les sustenter. J’ai pris le mot le plus indéfini possible ; mais il est clair qu’il s’agit de la nutrition intra-utérine. — En observant les enfants qui naissent à sept mois. La comparaison n’est pas tout à fait juste, en ce que la naissance à sept mois est contre nature, tandis que la difformité de certains jeunes à leur naissance est tout à fait naturelle. — Sans avoir certains canaux ouverts. Ceci prouve une grande curiosité d’observation ; mais il n’est pas sûr que les faits aient été bien observés. Il est douteux que les oreilles et les narines soient fermées, comme le croit Aristote.
  106. Il y a plus de mâles contrefaits. J’ignore si les statistiques médicales de notre temps confirment le fait énoncé ici ; dans l’Antiquité, il était bien plus difficile de recueillir ces renseignements ; et l’on ne devrait pas être trop surpris qu’Aristote se fût trompé, comme le croient MM. Aubert et Wimmer, note de la page 338. — Le mâle diffère beaucoup de la femelle. Le fait n’est pas exact ; et la chaleur naturelle des femmes est sensiblement égale à celle des hommes. J’ai conservé les mots de Mâle et de Femelle, pour me rapprocher davantage du texte. — Les fœtus mâles s’agitent beaucoup plus. C’est en général vers le cinquième mois que la mère sent remuer son enfant, parce qu’à ce moment les muscles du fœtus ont pris la force nécessaire au mouvement. Ce mouvement est d’ailleurs tout à fait automatique ; mais les physiologistes modernes n’ont pas remarqué que les fœtus mâles remuassent plus que les autres. Il est probable cependant qu’Aristote a raison, les garçons étant habituellement plus forts.
  107. C’est encore la même cause. C’est la différence des sexes qui, selon Aristote, cause cette différence de développement, — Ne se développent pas comme les mâles. C’est là un point que la science moderne paraît n’avoir point étudié ; il méritait cependant de l’être, et Aristote a eu grande raison de s’en occuper. Pour constater ce fait, il avait fallu faire beaucoup d’observations anatomiques, aux diverses époques de la grossesse. — Il faut plus de temps à la femelle qu’au mâle. Le phénomène est important, et il ne serait pas difficile de le vérifier. Je n’ai rien trouvé à ce sujet dans les ouvrages de physiologie que j’ai pu consulter. — Tout arrive chez les femelles. Il est certain que les petites filles sont toujours plus avancées que les garçons, à âge égal, — Plus faibles et plus froides. C’est incontestable qu’elles sont plus faibles ; mais elles ne sont pas plus froides. — Une infériorité. On pourrait traduire encore : « Une infirmité » ; et cette traduction serait peut-être plus exacte.
  108. Tant que le fœtus. Sous-entendu « Femelle » — À cause de sa froideur. Il n’est pas exact que la chaleur animale soit moindre chez les femmes que chez les hommes. L’assertion d’Aristote est donc purement hypothétique, et il ne dit pas sur quoi il prétendait la fonder. — Une sorte de coction. Cette comparaison n’est pas absolument fausse, puisque la vie est entretenue par une combustion continuelle d’oxygène. — La chaleur qui fait cuire. Le fait est exact ; mais il aurait fallu dire comment il s’applique à l’organisation humaine. — Ce qui est plus chaud cuit plus aisément. Même remarque. — Toute sa floraison. Le mot de Floraison ne répond pas tout à fait à l’expression grecque, qui signifie plutôt Pointe, Sommet. — La vieillesse. Ceci ne fait que répéter en partie le paragraphe précédent. — Parvient à son complément beaucoup plus tôt. Aristote a sans doute en vue les insectes et les animaux les plus petits, qui se forment en effet plus vite, parce qu’ils vivent moins longtemps. — Dans les œuvres que l’art produit. La comparaison est exacte d’une manière générale ; mais l’artiste, qui recherche la perfection et la beauté, peut aussi mettre plus de temps à des œuvres plus petites.
  109. C’est là aussi ce qui explique… La physiologie actuelle n’accepterait pas cette théorie ; mais elle est la conséquence de celles qui précèdent, sur la différence de chaleur entre le mâle et la femelle. — Les jumeaux mâle et femelle vivent plus rarement. Les Anciens, et Aristote en particulier, faisaient donc de la statistique médicale, moins exacte que la nôtre sans doute, mais analogue à la nôtre, dans son but et ses traits essentiels. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. V, § 3. — Dans les autres espèces. Il faut ajouter : Multipares. — Leur formation. Dans le sein de la mère ; voir les deux paragraphes précédents. — Ce phénomène n’est pas contre nature. Dans les multipares en effet, le nombre des mâles et des femelles est généralement à peu près le même. D’après des statistiques citées par MM. Aubert et Wimmer, le nombre des jumeaux des deux sexes n’est tout au plus que le tiers de celui des jumeaux d’un seul sexe.
  110. Est en parfaite santé. Il est bon de remarquer aussi que l’on observe les animaux de moins près que les hommes ; mais il est vrai que les bêtes de somme ne travaillent pas moins énergiquement pendant la gestation ; on emploie les juments et les ânesses jusqu’au dernier jour ; ce qui ne veut pas dire qu’elles ne souffrent pas. — À leur vie habituelle. L’observation est profondément vraie, et les femmes de la campagne accouchent d’ordinaire beaucoup plus aisément que celles des villes, précisément à cause du travail auquel elles se livrent. — Est moins apparente. Le fait est facile à vérifier. — La fatigue dissout les sécrétions. On peut facilement observer cet effet sur les changements que cause la gymnastique dans le tempérament de ceux qui s’y livrent. — Sont trop sédentaires. La même cause est indiquée dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VIII, § 3. — Les sécrétions s’amassent aussi. Ceci n’est peut-être qu’une interpolation, qui ne tient pas assez directement à ce qui précède. — La douleur exerce la respiration. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit., p. 443 de ma traduction. Au moment de l’accouchement, la femme peut seconder la Nature par l’effort qu’elle fait sur elle-même, pour expulser son fruit. La respiration joue son rôle dans cet effort ; mais ce rôle n’est pas aussi important qu’Aristote semble le croire.
  111. Ainsi

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    qu’on l’a dit. Ceci se rapporte sans doute au passage de l’Histoire des Animaux qui vient d’être cité. — De douleur. J’ai précisé l’idée un peu plus que ne le fait le texte. — Pour ce qui concerne cette fonction. Même remarque. — Très faible… l’évacuation la plus abondante. Déjà, dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II, §§ 6 et 7, Aristote a consigné des observations toutes semblables, quoique moins développées. Elles sont fort exactes ; et depuis lors, presque tous les auteurs les ont répétées. — Éprouvent un grand trouble. Tous les physiologistes ont constaté les mêmes faits, qui sont incontestables. — Elle tombe malade. On sait ce que sont les pâles couleurs chez les jeunes filles. — Surtout dans les premiers temps. C’est surtout un trouble nerveux, qui annonce les commencements de la grossesse ; puis viennent les nausées et les vomissements, le défaut d’appétit, la répugnance pour certains aliments, des perversions de goût, etc. Voir M. Béclard, Traité élémentaire de Physiologie, 6e édition, p. 1196. — Peut empêcher les évacuations. Ceci n’est pas faux ; mais la présence et l’accroissement du fœtus agissent surtout sur l’utérus, qui se développée ! qui gêne tous les organes voisins. La suppression des règles est en général le premier symptôme de la grossesse. — Il allège d’autant la mère. Sous le rapport qui est indiqué ici, on peut dire en effet que le fœtus allège la mère ; mais sous plusieurs autres, il rend sa situation de plus en plus pénible. Dans les dernières semaines de la gestation, les femmes sont fatiguées et presque épuisées, parce que les globules du sang ont, à ce qu’il paraît, beaucoup diminué en nombre.

  112. Dans les autres animaux. Cette comparaison de l’espèce humaine aux autres espèces constitue bien ce que nous appelons la physiologie comparée. — Tout à fait en rapport. C’est une simple conjecture ; mais elle est fort ingénieuse. — Les choses se passent… les oiseaux. Cette petite phrase pourrait bien être une interpolation ; peut-être, une note passée de la marge dans le texte. — Si, après que les fœtus sont déjà grands… L’explication peut paraître très plausible, et il est évident que la nutrition du fœtus doit empiéter de plus en plus sur celle de la mère. — La sécrétion ordinaire. C’est-à-dire, venue du flux menstruel. — Il y a peu de femmes. Ceci est parfaitement exact, bien que d’ailleurs les femmes soient plus ou moins troublées par la grossesse selon leur tempérament. — Ce sont celles… Cette explication est plausible, comme les précédentes. Dans l’édition d’Hippocrate donnée par Littré, le huitième volume presque entier est consacré à un Traité des Maladies des femmes ; une partie du septième est remplie du même sujet. Mais ces deux ouvrages ne sont pas d’Hippocrate ; ils ne sont pas même de l’école de Cos ; et le savant éditeur et traducteur les croit plutôt Cnidiens ; ils sont du reste fort curieux. Voir l’exposé de la doctrine hippocratique sur la génération, dans ma préface, t. I.
  113. Une môle. Dans le Traité hippocratique des Maladies des femmes, il est deux fois, et dans les mêmes termes, question de la môle, tome VIII, pp. 148 et 446, édition Έ. Littré. L’auteur attribue cette affection à l’accumulation des menstrues, et il regarde ce cas comme excessivement dangereux. Il ne paraît pas d’ailleurs qui ait poussé l’étude de ce singulier phénomène aussi loin qu’Aristote le fait dans ce chapitre. — Se produit quelquefois. Le cas est effectivement assez rare ; mais il vient toujours d’un rapprochement des sexes. — De ce qu’on nomme une môle. Cette formule, répétée deux fois dans ce paragraphe, semble indiquer que l’observation était alors peu connue. L’étymologie du mot dans les trois langues se rapproche beaucoup, et est presque identique ; il serait assez difficile de la justifier, puisqu’elle fait allusion à la forme d’une meule de moulin. — On a observé. Aristote ne dit pas que cette observation lui soit personnelle. — Trois ou quatre ans. Hippocrate, loc. cit., ne parle que de deux ou trois ans. — Un morceau de chair. Il y a une sorte d’organisation dans les môles et comme une végétation ; mais elles restent toujours informes, et les fœtus n’y ont jamais de membres distincts.
  114. On a même observé… Il n’y a rien d’impossible dans le fait qui est rapporté ici ; et du moment que le temps de la gestation a été dépassé, il n’y a pas de raison pour qu’il cesse. Les auteurs citent des exemples de môles portées pendant trente et quarante ans ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, édition et traduction du Traité de la Génération, p. 342 ; voir aussi leur Introduction, p. 20. — On a peine à les couper avec le fer. D’après des observations récentes, cette assertion n’aurait rien d’exagéré. — Dans les Problèmes. On ne trouve pas dans les Problèmes de passage qui confirme cette référence ; mais tout ce qui est dit ici de la môle est répété, presque mot pour mot, dans le Xe livre (apocryphe) de l’Histoire des Animaux, chapitre dernier, p. 216 et p. 410 de l’édition Firmin-Didot, troisième volume d’Aristote. — Que nos mets et nos aliments. La comparaison, sans être absolument fausse, est au moins singulière. — Une insuffisance de chaleur. La comparaison une fois admise, cette restriction peut sembler assez motivée. — Réduite à l’impuissance. C’est évident, et en effet l’œuvre est inachevée. — De là vient. La conséquence n’est pas nécessaire. — Vieillit avec la malade. La durée des môles n’a rien de régulier. — Entièrement achevée… absolument étranger. Cette description est ingénieuse, et elle fait assez bien comprendre la nature de la môle. — Une sorte de crudité. La crudité ne peut pas se confondre avec la dureté.
  115. On peut se demander. La question est en effet assez naturelle ; mais, comme le dit Aristote, elle est insoluble, non par elle-même, mais faute d’observations. Je ne sais pas si la science moderne a suppléé à cette lacune, que le philosophe signalait déjà, il y a plus de deux mille ans. — Faute d’observations. Il faut remarquer ce passage, appuyant une fois de plus les recommandations constantes d’Aristote. — La cause qu’on peut supposer. A défaut des observations qui manquent, Aristote essaie d’y suppléer par une hypothèse, dont il ne s’exagère pas la valeur. Cette hypothèse est très spécieuse, et elle incline à la négative, comme on le voit dans la fin de ce paragraphe. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II, §§ 6 et 7, Aristote avance que, proportion gardée, la femme a des menstrues plus abondantes qu’aucune autre femelle. — Ce singulier produit. Le texte est moins précis. — Qu’on appelle la môle. Voir plus haut § 1 et la note. — Uniquement. Le fait n’est pas certain. La môle, d’ailleurs, se distingue chez la femme des grossesses extra-utérines. Ces grossesses sont généralement fatales ; mais il arrive aussi quelquefois, quoique très rarement, qu’on peut extraire l’enfant vivant du sein de la mère, par une opération chirurgicale.
  116. Le lait. Ce sujet nouveau ne tient pas directement à ce qui précède, et il est probable qu’il y aura eu ici quelque désordre dans le texte. On peut trouver que ce désordre se continue dans le cinquième livre jusqu’à la fin de l’ouvrage. Voir la Dissertation sur l’authenticité du traité de la Génération. La question du lait a été déjà exposée tout au long dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI ; liv. VI, ch. XVIII à XXVIII ; et liv. VII, ch. VI et X. — Vivipares en eux-mêmes. Voir, sur cette distinction entre les vivipares, l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, § 2. — Qu’à l’époque de la parturition. Le fait est de toute évidence. — De l’extérieur. C’est-à-dire, de leur mère. — Elle s’arrange de façon… Nouvel éloge de la sagesse de la Nature. — Et qu’il ne soit pas non plus jamais en retard. Si c’est bien là le sens du texte, on peut dire que le fait n’est pas aussi constant qu’Aristote semblerait le croire. Le lait est quelquefois en retard, et alors il est fort gênant. — La coïncidence est régulière. Le phénomène est exactement décrit, et ceci confirme le sens que j’ai adopté ; quelques commentateurs ont cru qu’il s’agissait d’une surabondance de lait et non d’un retard. Parfois, le lait de la mère est de deux ou trois jours en retard sur la naissance de l’enfant ; et c’est là, selon moi, ce qu’Aristote veut indiquer.
  117. Il n’y a qu’un seul temps pour la gestation. Le fait est certain, tandis que, dans l’espèce humaine, il y a trois ou quatre époques, sept mois, huit mois, neuf mois et même dix mois ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IV, § 8. — Dès le premier moment. En général, la différence est tout au plus de quelques jours, comme je viens de le dire. — Avant le septième mois. Parce que les enfants qui naissent au-dessous de sept mois ne sont pas viables. — Bon et nourrissant. Le texte dit simplement : Utile, — On comprend bien. C’est là une nécessité, puisque autrement l’enfant périrait dans presque tous les cas. Il ne semble pas, d’après tout ceci, que les Grecs aient employé l’allaitement factice pour les enfants, quoique la mythologie ait fait de la chèvre Amalthée la nourrice de Jupiter, dans l’île de Crète,
  118. Employée tout entière à développer le fœtus. Il faut entendre ici non pas la sécrétion proprement dite du lait, qui ne vient que plus tard, mais les menstrues qui, supprimées au dehors, doivent nourrir le fœtus au dedans. Elles ont un grand rapport avec le lait, puisqu’elles ne paraissent plus durant tout le temps de la lactation. Quand la mère n’allaite pas, le lait diminue peu à peu et disparaît en six semaines ; le flux menstruel recommence alors ; voir M. Béclard, Traité élémentaire de Physiologie humaine, 6e édition, p. 1204. — Devienne salé, et de mauvais goût. En effet, le premier lait de la femme, ou colostrum, n’a pas toutes les qualités qu’il acquiert plus tard, et au bout d’un mois ; il a quelque chose d’acide et de purgatif, qui aide à la santé du nouveau-né. La chimie de nos jours a exactement analysé le lait, qui contient neuf dixièmes d’eau à peu près, du sucre, du beurre, du caséum et des sels insolubles. C’est un aliment complet, avec des éléments azotés et non azotés. — La sécrétion surabondante. La portion des menstrues employée à nourrir le fœtus se réduit de plus en plus, et le lait commence à s’élaborer pour sustenter l’enfant, dès qu’il est né, et qu’il peut sucer le sein maternel. — N’est plus retranchée. Parce quelle ne va plus à l’embryon. — Il y a un terme au progrès du fœtus. Ce terme est le moment de la parturition.
  119. À cet instant qu’il sort du sein maternel. Autrement, la vie de la mère serait en danger. Ainsi, la Nature a tout combiné admirablement. — Il change de vie. Le changement est considérable de la vie intra-utérine à la vie extérieure ; mais Aristote ne pouvait savoir combien ce changement est étendu. Ce n’est que dans des temps récents que la science a pu faire, si ce n’est achever, les études nécessaires. Tous nos physiologistes décrivent longuement ces transformations merveilleuses, qui permettent au nouveau-né, sortant du sein maternel, de s’accommoder de l’air extérieur. — Selon l’ordre primitif de l’organisme. C’est-à-dire que le flux menstruel réparait dans ses conditions normales de régularité, pour que la mère retrouve toute sa santé. — La partie principale… changer de lieu à leur gré. Toutes ces observations sont très exactes ; mais elles ne paraissent pas être très bien à leur place dans ce passage. — Puissent changer de lieu. C’est là une pensée très profonde, qui, depuis Aristote, a été répétée bien des fois par les plus grands naturalistes ; c’est la différence essentielle des animaux et des plantes ; voir Cuvier, Introduction au Règne animal, tome I, p. 18, édition de 1829 : « Leurs racines, ne pénétrant « point la terre, ils devaient pouvoir placer en eux-mêmes des provisions d’aliments et en porter le réservoir avec eux. » C’est toute la théorie aristotélique.
  120. C’est, en outre,… La digression continue, sans profit pour la pensée principale ; et l’auteur ne fait que se répéter, comme il le remarque lui-même, en se référant à ses études antérieures. — Dans nos études préliminaires. Voir liv. I, ch. X et suiv. — Le résidu spermatique… les menstrues. Aristote a déjà fait plusieurs fois ce rapprochement entre le sperme et les menstrues. Cette relation n’est pas fausse ; mais elle n’est pas aussi grande que l’auteur semble le croire. — De la nature du sang. C’est de toute évidence pour le flux menstruel ; mais si la liqueur séminale vient en effet du sang, comme tout le reste des sécrétions, elle subit une élaboration spéciale qui l’en distingue absolument. — L’origine du sang et des veines… Voir dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIV, et aussi même livre, ch. II, toute la théorie d’Aristote sur le sang et les veines. — Qui se trouve de même… Le cœur est en effet placé dans la partie thoracique du corps, entre les deux poumons, et cette partie est supérieure à la partie abdominale. — Le changement que produit cette sécrétion. Toutes les observations qui vont suivre sont d’une exactitude frappante. Sans doute, elles ne sont pas difficiles à faire ; mais Aristote semble être le premier qui les ait faites. Depuis lui, elles ont été répétées par tous les physiologistes qui se sont occupés du même sujet. — Le principe de la voix. Ces relations sont étroites, et Aristote les a déjà signalées en traitant de la castration, Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, § 8. — Son moteur… J’ai conservé la formule du texte, qui, d’ailleurs, est très claire, quoique un peu étrange.
  121. Se gonfle… Comme le dit l’auteur, le gonflement est sensible chez les garçons ; mais il l’est bien davantage chez les filles. Il n’est personne d’entre nous qui ne se rappelle les sensations douloureuses qui, à cette époque, se produisent dans les seins. — L’excrétion se porte abondamment en bas. L’explication est tout au moins très plausible ; mais il ne s’ensuit pas que le lieu des mamelles se vide. Il est vrai qu’Aristote peut répondre que ce lieu, tout en se vidant, se gonfle cependant en devenant spongieux. L’organisation des mamelles chez la femme est très compliquée et excessivement délicate : voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, p. 1203, 6e édition. Voir aussi des observations du même genre que toutes celles-ci dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. I, §§ 2 et suiv. — Dont les mamelles sont placées en bas. C’est-à-dire, sous le ventre, comme dans la plupart des mammifères quadrupèdes. — Se remarque dans tous les autres animaux. Ceci est de la physiologie comparée, et ces observations sont fort exactes. — Les connaisseurs dans chaque espèce. Il est assez probable qu’il y avait en Grèce des éleveurs, comme il y en a chez nous, et qu’ils étaient déjà fort habiles. — Surtout chez l’homme… Parce que l’observation est plus facile et plus sûre ; voir Histoire des Animaux, loc. cit.
  122. Cela tient… On peut admettre qu’il y a aussi d’autres causes que l’abondance des sécrétions ; mais, les théories d’Aristote étant données, l’explication est conséquente et presque nécessaire. Je ne sais pas d’ailleurs si la comparaison entre l’espèce humaine et les autres espèces est bien exacte, et si la science moderne peut l’accepter, par la vérification des faits. — Est le flux menstruel… c’est le sperme… Assimilation qu’Aristote fait toujours ; voir plus haut, § 5. — Ne reçoit plus… l’empêche.. de sortir. Il semble qu’il y a dans ceci quelque contradiction. — Qui sont vides. Voir le paragraphe précèdent. — Placés sur les mêmes canaux. Sans doute, ceci fait allusion aux canaux galactophores et aux canalicules qui s’y rendent ; Aristote ne les connaissait pas ; mais il pouvait les soupçonner. Les menstrues ne sortant pas, elles se reportaient et remontaient jusqu’aux mamelles. Cette anatomie physiologique n’est peut-être pas très exacte ; mais elle est fort ingénieuse, et il y a certainement des communications entre les mamelles et tout l’appareil génital.
  123. Est précisément dans ce cas. Ceci est trop vague ; mais j’ai du laisser ma traduction dans la même indécision. — Il y a deux causes. Les deux causes qu’Aristote indique ici, comme dans bien d’autres passages, c’est d’une part l’idée du mieux, et l’idée de la nécessité d’autre part. Il insiste, d’ailleurs, uniquement sur la seconde de ces idées. — En ce point. Ici encore l’expression est trop générale, et elle reste obscure. Il s’agit toujours des mamelles. — Toute sa coction. C’est-à-dire, son élaboration définitive, qui est bien, si l’on veut, une sorte de cuisson, portant les choses à toute leur maturité. Voir la théorie de la coction dans Hippocrate, Traité de l’Ancienne médecine, pp. 615 et 617, édition et traduction de Littré. — Une cause contraire. C’est-à-dire, par la diminution de la sécrétion, au lieu de son augmentation. — Prenne plus de nourriture. C’est un fait évident et de toute nécessité. — La coction est d’autant plus rapide. Il semble qu’il faudrait plutôt dire : « plus parfaite ».
  124. Que le lait… nous l’avons déjà dit. Voir toute la théorie du lait dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, §§ 1 et suiv., et aussi liv. VI, ch. XVII et suiv.; liv. VII, ch. VI, § 1, et ch. X, §§ 1 et 2. — D’une seule et même matière. Cette théorie est trop générale, et l’expression n’est pas suffisamment exacte. C’est bien le sang qui sert à toutes les sécrétions sans exception ; mais selon les organes et les parties, l’élaboration est essentiellement différente. Ainsi, le sang forme les parties solides aussi bien que les parties fluides, les os aussi bien que le lait, etc. — Le liquide sanguin. Appelé par excellence le fluide nourricier ; voir le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. II, III et IV ; et aussi ma préface à ce traité, p. XIII. — Qui a reçu toute sa coction. Il semble que ceci n’est pas spécial au lait, et qu’on pourrait en dire autant de toutes les autres sécrétions. — Et non pas du sang corrompu. Aristote a ici absolument raison dans sa critique contre Empédocle. — Du pus de couleur blanche. L’erreur est de toute évidence, et le pus ne serait qu’un poison, au lieu d’être une nourriture. — Au dixième jour du huitième mois. Cette indication, donnée par Empédocle, sans doute d’après ses observations propres, est assez exacte ; mais elle ne remonte peut-être pas assez haut. Dès la seconde moitié de la grossesse, vers le cinquième mois, il se produit un changement notable dans les mamelles ; voir les Fragments d’Empédocle, p. 10, v. 336, édition Mullach, Firmin-Didot. — Sont choses toutes contraires. C’est évident. — Dont la coction est parfaite. La preuve, c’est qu’il nourrit l’enfant.
  125. Pendant que les femmes allaitent. Toutes ces observations sont exactes, et elles n’ont rien de particulièrement difficile. — Elles ne conçoivent pas non plus. Ceci n’est pas parfaitement exact, si on prend cette assertion dans toute sa généralité ; et l’auteur le sent si bien qu’il la corrige dans ce qui suit. Si la conception a lieu, le lait cesse. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. X, § 2. — Est au fond la même. Le texte dit simplement : La même. J’ai fait une légère addition pour plus de clarté. — La Nature ne peut pas… La plupart du temps, au contraire, Aristote loue la Nature de sa fécondité, qu’il admire. Il a, d’ailleurs, ici parfaitement raison, et la lactation ne peut se faire en même temps que le flux menstruel a lieu. — Quelque violence. Qui vicie et détruit les lois posées par la Nature.
  126. Un accident contre nature. Dans le genre des monstres, dont Aristote s’est occupé précédemment. — A des temps parfaitement déterminés. C’est à une question qui est traitée tout au long dans l’Histoire des Animaux, liv. VI. Il n’y a que pour l’espèce humaine que l’époque de la naissance peut varier. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IV, §§ 8 et 9. — À fournir la nourriture nouvelle. Quand l’enfant est sorti du sein maternel. — Dont ce qu’on appelle le cordon ombilical. Voir, sur l’organisation du cordon ombilical, l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VII, §§ 1 et suiv. — C’est à ce moment… Cette description est exacte dans ses grandes lignes.
  127. La sortie naturelle du fœtus est par la tête. Cette disposition est surtout visible dans l’espèce humaine, et tous les physiologistes la décrivent de la même manière ; voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, p. 1196, 6e édition. — Au-dessus du cordon. C’est tout le thorax, terminé par le cou et la tête ; les parties au-dessous du cordon sont l’abdomen et les jambes. — Dans une balance. La comparaison est fort claire, et il est possible que ce soit le poids qui détermine la position du fœtus. Mais le poids n’en est pas la seule cause, et la dimension y est sans doute aussi pour beaucoup. Une fois que la tête de l’enfant a passé, tout le reste passe aisément, par l’ouverture vulvaire, qui s’est agrandie à mesure que les ligaments de la symphyse pubienne se relâchaient. Quand l’enfant se présente par les pieds, l’accouchement est excessivement pénible. Il faut faire alors la version de l’enfant, ce qui exige des mains fort habiles dans l’opérateur.
  128. Le plus ordinairement. C’est une réserve fort sage que le naturaliste doit toujours faire, parce qu’il n’y a pas de loi sans exception. — En rapport avec la durée de la vie. La question a été bien souvent agitée par la science moderne. — Les développements. Le grec dit précisément : Les générations. — La cause de la durée de la gestation. Le texte n’est pas aussi explicite ; j’ai cru devoir être plus clair dans la traduction, et il me semble que le contexte indique le sens que j’ai adopté : voir plus bas, § 3. Peut-être ne s’agit-il que de la durée de la vie. — Vivent longtemps. C’est vrai d’une manière générale, sans que ce soit vrai dans tous les cas.
  129. Si l’on en excepte l’éléphant. Voir plus bas, § 4, ce qui est dit de la durée de la gestation de l’éléphant. — Sérieusement. Le texte dit exactement : « D’une manière digne de foi ». Ceci prouve une fois de plus avec quelle attention Aristote observait les faits. — Que les animaux à queue. Il me semble que c’est la meilleure traduction de l’expression grecque ; certains traducteurs n’ont fait que la reproduire sans l’interpréter. — Bien d’autres espèces encore. Par exemple, parmi les animaux marins, qui sont les plus grands de tous. — L’air ambiant. C’est la traduction exacte ; j’aurais pu dire aussi : « Le milieu ». — De parler plus tard. Je ne sais pas dans quel ouvrage Aristote a pu revenir sur ce sujet. Dans le liv. VIII de l’Histoire des Animaux, il a traité, ch. XX, de l’influence des saisons sur les animaux, et ch. XVIII, de l’influence des lieux.
  130. C’est la grosseur des produits. L’explication est excellente ; et en effet, plus le produit est gros, plus il lui faut de temps pour se former. — Pour les êtres animés. Que sans doute Aristote compare, dans sa pensée, à la croissance des plantes, qui est aussi d’autant plus longue que la plante est plus grande. — Les chevaux. Qui font partie des animaux à queue, dont il est parlé au paragraphe précédent. — Les espèces congénères. La science moderne a fait une famille des équidés. — Une gestation plus longue. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXII, § 7, et liv. V, ch. XII, § 13. — Un an entier. Par exemple, la chamelle ; mais Aristote se contredit sur elle, lui donnant une gestation tantôt de douze mois, tantôt de dix. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, § 22, et liv. VI, ch. XXV, § 1. En fait, la chamelle porte un an.
  131. Pour l’éléphant. Il paraît certain que l’éléphant porte deux ans ; voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, § 28. Dans le liv. VI, ch. XXV, § 2. Aristote semble moins sûr de la durée de la gestation de l’éléphant, puisqu’il parle de dix-huit mois ou de trois ans. Il y a des naturalistes modernes qui croient que l’éléphant porte vingt mois et demi. L’observation est très difficile dans nos climats ; elle ne devrait pas l’être dans l’Inde et en Afrique, et l’on devrait savoir très exactement ce qu’il en est. — C’est sa grosseur prodigieuse qui l’exige. L’explication est très plausible.
  132. De la gestation, des naissances, et des existences. Dans l’Antiquité, on ne pouvait tenir des statistiques bien exactes, qu’aujourd’hui même nous avons tant de peine à obtenir ; mais c’était déjà beaucoup que d’en sentir le besoin. — Les périodes de la lune. Les périodes lunaires sont beaucoup plus frappantes que celles du soleil, et voilà comment, chez les Grecs et chez bien d’autres peuples, elles ont servi à mesurer le temps. — Le mois est une période commune. C’est-à-dire que le mois est employé de part et d’autre ; mais il n’a pas la même durée. Les relations des deux astres n’ont pas été bien connues par l’Antiquité.
  133. De qui elle emprunte sa lumière. On sait de reste que le fait est exact, et que la lumière de la lune n’est qu’un reflet de celle du soleil ; mais cette notion devait être encore bien neuve au temps d’Aristote. On ne la trouve pas dans son Traité du Ciel ; voir ma traduction, liv. II, ch. XI, XII et XIII. — Un soleil plus petit. La comparaison n’est pas absolument juste ; car si la lune est en effet plus petite, elle n’a pas de lumière, ni de chaleur, par elle-même, comme le soleil. — Elle agit. L’action de la lune n’est pas nulle sans doute ; mais elle n’a pas toute l’influence que l’auteur semble lui attribuer ici. — Déterminent les naissances et ensuite les morts. Ceci serait évidemment fort exagéré, si l’on prenait ces expressions du texte au pied de la lettre ; mais il s’agit uniquement de la mesure du temps par les périodes de ces deux astres, ainsi qu’Aristote le dit lui-même, dans la fin de ce paragraphe. Mais dans le paragraphe suivant, il semble revenir aux superstitions vulgaires sur l’influence des astres.
  134. De même qu’on voit la mer… Cette comparaison est dénuée de toute justesse, et l’on peut s’étonner qu’Aristote se la soit permise. — Que les vents soufflent ou sont en repos. Ce sont bien les vents en effet qui soulèvent les flots ; mais il ne paraît pas aussi exact que les vents soient soumis à l’action du soleil et de la lune. Ils tiennent à d’autres causes qui ne sont pas encore très bien étudiées. — Qui en viennent. Ceci est obscur ; mais c’est la traduction exacte du texte. — Ressentir ce qui se passe dans ces astres. C’est le sens le plus probable ; mais l’expression du texte est équivoque. — Les périodes des choses inférieures. C’est-à-dire, tous les phénomènes qui se passent sur la terre, regardée comme inférieure à la lune et au soleil. — Une sorte de vie. Avec cette réserve, la métaphore n’est pas trop fausse.
  135. Il est possible… Non seulement le philosophe devait trouver la chose possible ; mais il pouvait la trouver nécessaire. — La révolution circulaire. C’est le sens du mot grec, décomposé selon son étymologie. — La Nature tend toujours… Une paraît pas que la pensée soit très juste ; c’est l’homme qui mesure par les révolutions des astres la durée plus ou moins longue de tous les êtres ; mais la Nature n’intervient pas dans ces supputations, qui ne sont qu’à nous. — L’indétermination de la matière. Ceci n’est peut-être pas très aristotélique, et le philosophe n’a jamais compris ainsi l’indétermination de la matière ; elle n’est pour lui que l’aptitude à recevoir indifféremment toutes les formes. — De la multiplicité des principes. Même remarque. — D’accidents contre nature. Les monstres, par exemple, sans parler de bien d’autres phénomènes, oui sont contraires au cours habituel des choses.
  136. Voilà tout ce que nous avions à dire. C’est un résumé assez fidèle de tout ce traité qui semble finir ici. Voir la Dissertation préliminaire sur la composition et l’authenticité du Traité de la Génération des animaux. Le cinquième livre ne tient pas à celui-ci.