Une visite de Mgr de Maupas du Tour à l’église de Brioude


UNE VISITE
de
Mgr DE MAUPAS DU TOUR
À L’ÉGLISE DE BRIOUDE
1647



En vertu de la bulle d’exemption accordée, en 1120, au chapitre de Brioude par le pape Callixte II, et confirmée par ses successeurs, malgré l’opposition des évêques de Clermont, ce chapitre avait le droit de faire conférer, dans les limites de sa juridiction, les sacrements de l’ordre et de la confirmation, bénir les saintes huiles, et consacrer les autels par tout évêque catholique qu’il lui plairait d’en prier.

Cette prérogative ne lui conférait pas seulement un droit, elle lui imposait également l’obligation de ne pas priver trop longtemps ses sujets spirituels des grâces attachées à ces sacrements. Il paraît que le noble chapitre laissait quelquefois passer un assez long temps sans songer à la remplir, puisqu’il intervint, en 1633, un arrêt du parlement pour l’obliger à y être plus fidèle à l’avenir. Aux termes de l’art. 38 de cet arrêt, « pour le regard des sacrements de confirmation et d’ordre, lesdits prévôt et doyen, chanoines et chapitre étaient tenus de supplier un évêque, au moins de sept ans en sept ans, de se transporter en la dite ville pour yceux administrer. » C’est en exécution de cet arrêt qu’eut lieu la visite épiscopale du révérendissime évêque du Puy, dont on va lire les détails.

Le texte latin du procès-verbal de cette visite se trouve en tête de chaque partie du « Bréviaire » de Brioude, imprimé à Clermont, N. Jacquard, 1654, 4 vol. in-8, avec fig. de Ganière. Nous devons la traduction de ce document à l’obligeance de M. l’abbé Souligoux, de Brioude.

A. Vernière.

S’ensuit le procès-verbal de l’exécution du 38e article de l’arrêt du Parlement, en date du 18 juin 1633, portant règlement pour l’église de Brioude.

Henri de Maupas du Tour, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique, évêque et seigneur du Puy, comte du Velay, et à ce titre comte de Brioude, suffragant spécial de l’Église Romaine et son sujet immédiat, abbé de S.-Denys de Rheims, conseiller du conseil-privé de Sa Majesté, et premier aumônier de la reine trés-chrétienne, à tous ceux qui les présentes verront, salut.

Vu la bulle apostolique du pape Callixte, second de ce nom, datée de l’an de l’incarnation 1120, par laquelle les chanoines (aujourd’hui comtes) de S.-Julien de Brioude sont déclarés exempts, et sujets immédiats de l’Église Romaine, et qui leur accorde de pouvoir faire bénir le Saint-Chrême et l’huile des infirmes, consacrer leurs autels ou églises, ordonner leurs clercs par l’évêque qu’il leur plaira de choisir ;

Une bulle du pape Innocent, 3e du nom, datée de l’an 1213 de l’incarnation, et scellée du sceau de plomb, qui confirme les privilèges accordés aux dits chanoines par le pape Callixte, et notamment celui de pouvoir faire bénir les saintes huiles, consacrer les autels et les églises, ordonner leurs clercs, par tout évêque catholique qu’il leur plaira de choisir ;

Les bulles de Clément IV et d’Alexandre IV qui reconnaissent expressément l’immunité dudit chapitre, et son exemption de la juridiction de l’ordinaire ;

Une autre bulle du même pape Clément IV, datée de Pérouse, le XIV des Kal. de juin, l’an I de son pontificat, confirmant les libertés, immunités, exemptions et les privilèges accordés jusque là par les souverains pontifes au chapitre de Brioude, immédiatement soumis à l’Église Romaine ;

Une déclaration d’Hugues, évêque de Tabarie, contenant que, l’an du Seigneur mil trois cent vingt, de la volonté et à la requête du dit chapitre de Brioude, il a consacré deux autels dans l’église de S.-Jean de Brioude, l’un en l’honneur de la Bienheureuse Marie et l’autre en l’honneur de S.-Georges, ainsi qu’il conste, de la dite déclaration et attestation, par un ancien titre en parchemin revêtu du sceau du dit évêque ;

Une autre déclaration d’Henri, évêque de Laodicée, et vicaire général de l’archevêque de Lyon, certifiant qu’il a, du consentement et permission du dit chapitre, conféré, dans la ville de Brioude, les ordres, majeurs et mineurs, l’an du Seigneur 1324, et le samedi après la Pentecôte ;

Une autre déclaration d’Étienne, évêque de Vence, portant qu’il a, du consentement et licence du dit chapitre, conféré à plusieurs les saints ordres dans la ville de Brioude, l’an du Seigneur 1382 ;

Un autre acte de Jean, évêque de Troie, déclarant qu’il a célébré pontificalement la messe à l’autel de S.-Julien, et consacré les saintes huiles le jeudi saint, 13 avril 1503, dans l’église de Brioude ;

Une autre déclaration de Christophe d’Alzon, évêque de Troie, et suffragant de l’évêque du Puy, reconnaissant qu’il a donné la tonsure cléricale dans la ville de Brioude, et dans l’église de S.-Julien, de consentement du chapitre, le 6 février, 1548 ;

Différents actes d’Antoine de Sennectaire, évêque du Puy, déclarant que, d’après la volonté et permission du susdit chapitre, il a pareillement donné la tonsure dans la dite ville de Brioude, le 1 septembre, 1588 ;

Une supplique présentée par la dame prieure de la Vau Dieu au vénérable chapitre de Brioude, le 14 juillet 1617, pour qu’il lui fût accordé, par le dit chapitre, de faire recevoir à la profession religieuse, et ce dans la ville de Brioude, neuf novices du dit prieuré de la Vau Dieu par Me Robert de Barthelot, évêque de Damas et suffragant du diocèse de Lyon ;

La permission accordée par le dit chapitre à la dite prieure, les jour et an que dessus, pour que le dit évêque de Damas pût recevoir à la profession religieuse les susdites novices dans l’église de S.-Julien de Brioude ;

Vu pareillement les lettres dudit seigneur de Barthelot, évêque, reconnaissant que c’est du consentement, et de la permission du dit chapitre, qu’il a conféré, dans l’église de S.-Julien, la tonsure cléricale le 25 juillet, 1617 ;

Une déclaration de révérend seigneur Pierre de Vissac, évêque de S. Flour, faite au sujet d’un procès mû entre ledit évêque et ledit chapitre de Brioude, comme quoi il n’est pas permis audit évêque de donner la bénédiction épiscopale dans la ville de Brioude, ni d’y faire les autres fonctions de son ordre sans le consentement et licence du chapitre ; ensemble l’aveu fait par ledit evêque qu’il a demandé au susdit chapitre l’autorisation de donner cette bénédiction ; de plus que, toutes les fois qu’il lui arrivera de le faire, il ne prétend pas que ce soit en vertu d’aucun droit, mais uniquement du consentement et de la volonté du chapitre à qui il n’entend pas porter, par là, aucun préjudice, ainsi qu’il conste de sa déclaration du 8 septembre, 1383 ;

Une sentence rendue par l’official dudit chapitre contre le vice-official de S. Flour, le procureur fiscal et greffier de l’officialité dudit S. Flour, le 3 juin 1503, par laquelle les curiaux et officiers dudit diocèse de S. Flour sont condamnés, chacun d’eux, à une amende de dix livres pour avoir, au préjudice de la juridiction contentieuse et de l’exemption acquise audit chapitre, cité en justice le nommé Vauzelles, prêtre de Brioude, et prononcé contre lui, avec défense aux curiaux dudit diocèse de S. Flour de récidiver ;

Une autre sentence rendue par le bailli de Montferrand, dans un procès qui s’ctait élevé entre ledit chapitre et Me André Tyssier, évêque de Rose et suffragant de Saint Flour, qui défend à tout évêque d’exercer les fonctions épiscopales ou de conférer les ordres dans la ville de Brioude, sinon de la permission et exprès consentement du dit chapitre ; comme il appert par la dite sentence rendue le 8 janvier, 1544 ;

Un arrêt du conseil privé du roi, rendu entre le seigneur prévôt, les comtes et chanoines de Brioude, contre Me Gibrat, syndic du diocèse de S. Flour, portant que, quoique ledit chapitre ait été condamné à contribuer à la restauration de la cour commune et générale du clergé de S. Flour pour une somme de cent vingt livres tournois, il n’a été pour cela nullement dérogé à ses autres privilèges, ainsi qu’on le voit plus au long dans ledit arrêt en date du 7 août 1643 ;

Un autre arrêt du Parlement de Paris, rendu le 18 juin, 1633, entre les prévôt et doyen, d’une part, et ledit chapitre de l’autre, auquel arrêt l’art. 38 porte que les dits prévôt, doyen, chanoines et chapitre de Brioude, seront tenus à l’avenir d’inviter un évêque à se rendre de temps en temps à Brioude pour y conférer le sacrement de la confirmation et celui de l’ordre ;

L’enrégistrement[sic] fait par le susdit Parlement de Paris, le 4 octobre 1646, des privilèges accordés au chapitre de Brioude par les papes et les rois, et aussi de la lettre royale obtenue par ledit chapitre du roi très chrétien, Louis XIV, l’an dernier 1646 ;

La concession d’une prébende de l’église de Brioude faite au seigneur Guy, évêque du Puy, et dans sa personne à tous ses successeurs, avec la plénitude des droits attachés au canonicat, par Foulques de Montaigu, prévôt, et tout le chapitre de Brioude à l’unanimité, l’an du Seigneur 1259, le lendemain de la Nativité de la Bienheureuse Marie.

La bulle de Clément VI, donnée à Avignon, le jour des cal. de juillet, et la première année de son pontificat, qui déclare que l’évêque du Puy doit être tenu pour le premier comte de Brioude ;

Vu enfin une supplique à nous présentée, dans notre palais épiscopal, le 24 mai de la présente année 1647, par Me de la Chassagne, prévôt, et Me de Colonges, comte et doyen démissionnaire dudit noble et vénérable chapitre de Brioude, tant en leur nom qu’en celui dudit chapitre, laquelle supplique contenait que nous voulussions bien acquiescer à leur pressante et humble requête, et, conformément aux privilèges susmentionnés à eux accordés par les souverains pontifes, et dont ils nous ont montré les originaux, ainsi que plusieurs autres actes concernant les droits du chapitre, nous rendre du Puy à Brioude, le jour de la Pentecôte prochaine, pour y conférer le sacrement de la confirmation et les ordres sacrés, consacrer l’église des religieuses de l’Annonciation, et exercer, dans les limites de leur juridiction, d’autres fonctions de l’ordre épiscopal. Nous susdit Henri de Maupas du Tour, évêque du Puy et comte du Velay, et, à ce titre, comte de Brioude, qui honorons beaucoup le dit noble et vénérable chapitre, et qui vénérons sincèrement les dits seigneurs comtes et chanoines à cause de leur noblesse et de leur mérite, et qui n’appartenons pas seulement à l’église de Brioude, mais qui en avons été proclamé, il y a déjà plusieurs siècles, premier comte et premier chanoine par divers souverains pontifes, à raison de notre dignité épiscopale ;

Vu d’abord les bulles apostoliques et les autres documents susmentionnés à nous présentés par les dits seigneurs et qu’ils ont laissés entre nos mains, et après y avoir mûrement réfléchi, nous rendant aux instances des dits Mes de la Chassagne, prévôt, de Colonges, ancien doyen, et de tout le chapitre, nous partîmes du Puy, le 8 juin, veille de la Pentecôte de l’année 1647, accompagné de Me Desroys, dit des Bordes, comte et chanoine de la même église, que le dit chapitre nous avait député, et nous arrivâmes à Paulhaguet, suivi de vénérables personnes Guillaume Valentin et Antoine André, docteurs en théologie et ès droits, prêtres et chanoines de notre église cathédrale du Puy, Jean Coquebert et Jean Fodereau, aussi prêtres et nos aumôniers.

Le jour de la Pentecôte, nous nous mîmes, de grand matin, en marche pour Brioude où nous fûmes reçu, avec cordialité, par les dits seigneurs comtes, les notables de la ville, un grand nombre d’habitants de tous les ordres qui étaient venus à notre rencontre. Vers les dix heures, nous célébrâmes solennellement, et en habits pontificaux, la messe dans l’église de S.-Julien ; dans l’après-midi, nous officiâmes, à vêpres, avec la même solennité : les vêpres terminées, nous adressâmes au clergé et au peuple présent, ainsi qu’à une multitude nombreuse accourue de toutes les parties du voisinage, un sermon sur les dons et effusions du Saint-Esprit, sur les dispositions qu’il faut apporter au sacrement de la confirmation, et nous terminâmes la cérémonie par la bénédiction solennelle que nous donnâmes à l’assistance. Le lundi, nous dîmes la messe dans la chapelle des religieuses de S. Joseph (sœurs de Fontevraud) ; le mardi, dans la chapelle des religieuses de Sainte-Marie ; le mercredi, dans le couvent de S.-François, situé dans les faubourgs de Brioude : chacun de ces trois jours, soit avant, soit après midi, après avoir fait une instruction sur les mystères de notre religion, et sur la préparation requise pour le sacrement de la confirmation, nous conférâmes à un peuple nombreux ledit sacrement de la confirmation. Le jeudi, 13 juin, à la requête et du consentement du dit chapitre, et à l’humble prière des religieuses de Sainte-Marie, nous consacrâmes, sous le titre et en l’honneur de l’Annonciation de Sainte Marie, l’église des dites religieuses située dans la dite ville et tout nouvellement construite ; nous consacrâmes en même temps le grand autel sous le vocable de Sainte-Marie, et le petit sous celui de S.-Joseph, et nous mîmes, dans l’un et l’autre, des reliques de S. Julien et de S. Blaise, martyrs, de Sainte Marthe, vierge, et de Sainte Marie Magdeleine, et nous accordâmes aux assistants une année d’indulgence, et quarante jours à ceux qui visiteront la dite église, le jour anniversaire de sa dédicace, conformément au droit que nous en avons dans semblable occasion : la messe terminée, nous donnâmes la bénédiction au peuple. Dans l’après-midi, nous donnâmes, dans l’église de S.-Julien, le sacrement de la confirmation à plusieurs personnes qui nous en prièrent. Le vendredi après la Pentecôte, qui fut le 14 juin, comme le grand autel de l’église de S.-Julien avait perdu sa consécration par la rupture du sceau et la violation du sépulcre qui renfermait les Saintes Reliques, nous le consacrâmes de nouveau, et nous y plaçâmes des reliques du bois de la vraie croix, des ossements de S. Julien, martyr, et de Sainte Catherine, vierge, et nous dîmes la messe à ce même grand autel consacré par nous, sous le titre et vocable de S. Étienne, premier martyr ; et afin qu’il n’y eût aucune journée qui ne fût bien remplie, nous donnâmes, l’après-midi, et dans la même église de S.-Julien, le sacrement de la confirmation à quelques personnes qui ne l’avaient pas encore reçu, et nous prêchâmes sur le respect dû aux lieux saints, et sur les raisons pour lesquelles on consâcre les églises et les autels. Sur le soir, nous donnâmes la tonsure cléricale, l’acolythat et les autres ordres mineurs à quelques jeunes gens de Brioude, à plusieurs autres de notre diocèse, et à divers autres étrangers munis d’un dimissoire, après les avoir préalablement examinés, et nous terminâmes par la bénédiction épiscopale. Le samedi des IV temps de la Pentecôte, qui fut le 15 juin, nous conférâmes les ordres majeurs du sous-diaconât, du diaconât et de la prêtrise, à des clercs de Brioude, de notre diocèse, et à des étrangers munis d’un dimissoire en règle, auxquels nous avions fait subir un sérieux examen, la veille ou le jour de l’ordination ; la cérémonie terminée, après avoir reçu, soit du chapitre, soit des plus notables habitants de la ville de Brioude, des témoignages de leur reconnaissance pour les fatigues que nous avions endurées pendant notre séjour, et leur avoir donné, en retour, des marques de notre dévouement et de notre bienveillance, nous repartîmes de la dite ville de Brioude, accompagné de notre escorte ; et, en témoignage de tout ce que dessus, nous signâmes auparavant ces présentes, ainsi que plusieurs chanoines-comtes du dit chapitre, et nous les fîmes sceller de notre sceau par vénérable personne maître Antoine André, docteur en théologie et en droits, prêtre et chanoine de notre église Cathédrale, archiprêtre de Solignac et notaire apostolique, ainsi que par maître Jean Gérardin, notre secrétaire ; nous les fîmes pareillement sceller du sceau du noble et vénérable chapitre de Brioude.

Donné à Brioude, le samedi des IV Temps de la Pentecôte qui fut le 15 juin, l’an du Seigneur mil six cent quarante-sept.

Et au bas sont signés :

Henri, évêque du Puy.
F. de la Chassaigne, prévôt ; H. de Colonges ; F. de Sereys ; N. Doyen ; J. du Pouget ; G. de Lespinasse ; C. de la Farge ; G. de Chambeuil ; André, chanoine du Puy, notaire apostolique ; du Chariol de Bordelles ; de la Roque ; Gerardin, secrétaire du susdit seigneur evêque ; M. de Reyroles, secrétaire du susdit noble chapitre.