s. é. (p. 138-140).

CHAPITRE XI

Le grand souvenir du temps et de l’éternité



DU Noviciat de Lachine, près Montréal, je fus envoyé au scholasticat d’Ottawa pour y poursuivre mes études théologiques et m’y préparer à la prêtrise.

Un jour mille fois béni, un évêque consécrateur imposa ses mains chargées de l’Esprit-Saint sur ma tête ; il mit l’hostie et le calice du sacrifice entre mes mains consacrées et je pus aussitôt dire la messe en union avec Jésus-Christ, le Grand Prêtre sacrificateur, seul Dieu en trois personnes. Quel moment de profond mystère ! Dieu daigne choisir un homme pour offrir l’auguste sacrifice du Calvaire, fonction qu’il refuse à ses anges. Renouveler le grand sacrifice du rachat complet de nos âmes ! Même prêtre, même Victime, mêmes mérites, même acceptation de la part de Dieu. Et cela par le ministère de l’homme prêtre.

Que j’ai bien pensé à mes bons parents en ce jour de grâce ! Leur fils dont ils ont eu tant de soin, pour qui ils ont tant prié, à qui ils ont donné tant de bons exemples et de bons conseils est prêtre pour l’éternité ! Que valent les titres de gloire des grands conquérants de ce monde près de celui de votre fils, ma bonne mère ? Que je suis fier de votre gloire ! Vous avez un fils dans l’âme duquel a été imprimé un signe, une marque ineffaçable devant les rayons de laquelle pâlit l’éclat passager des couronnes royales et toutes les décorations des potentats de ce monde.

Avoir un prêtre dans sa famille ! C’est bien là la glorieuse ambition de nos mères chrétiennes. Quand ce désir s’éteint dans la famille, c’est un signe que la foi perd de son élan. Continuez donc, bons parents, à entretenir bien vivace ce désir dans la famille ; priez pour que Dieu vous donne les moyens de faire instruire un de vos enfants qui a de l’attrait pour servir Dieu. Un désir si pieux est une semence déposée dans l’âme d’une famille. N’oubliez pas de protéger la jeune plante par la rosée quotidienne de la prière et cette plante parviendra à maturité et donnera d’abondants fruits de salut pour toute la famille. Une mère de famille canadienne qui consacrait ses enfants à la sainte Vierge lors de leur naissance, priait souvent Dieu de lui accorder la grâce d’avoir un prêtre dans sa famille. Elle en a eu trois. Deux de ses filles se firent religieuses. Elle mourut en odeur de sainteté après une longue vieillesse passée au presbytère de l’un de ses fils devenu curé. Elle eut le bonheur d’entendre la messe tous les jours de sa vieillesse et de communier de la main de son fils.

Le lendemain de mon ordination, je reçus avec beaucoup de joie l’ordre de partir pour les missions sauvages du golfe Saint-Laurent et de m’arrêter à Saint-Jacques de Montcalm, offrir le saint sacrifice de la messe à l’intention de mes bons parents.

D’abondantes larmes de bonheur coulèrent des yeux de mon père et de ma mère quand ils reçurent l’Hostie Sainte présentée par leur fils pour qui ils avaient tant prié et qui avait reçu d’eux tant de bons conseils et de si salutaires exemples.

Dieu tout-puissant ! je vous remercie de m’avoir donné des parents chrétiens dont la grande préoccupation était de me conserver en état de grâce !