Traité élémentaire de la peinture/254

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 205-206).


CHAPITRE CCLIV.

Comment il faut représenter une personne qui parle à plusieurs autres.

Avant que de faire une figure qui ait à parler à plusieurs personnes, il faudra considérer la matière dont elle doit les entretenir, pour lui donner une action conforme au sujet ; c’est-à-dire, s’il est question de les persuader, qu’on le reconnoisse par ses gestes ; et si la matière consiste à déduire diverses raisons, faites que celui qui parle prenne, avec deux doigts de la main droite, un des doigts de sa main gauche, tenant serrés les deux autres de la même main, qu’il ait le visage tourné vers l’assemblée, avec la bouche à demi-ouverte, en sorte qu’on voie qu’il parle ; et s’il est assis, qu’il semble se vouloir lever debout, portant la tête un peu en avant ; et si vous le représentez debout, faites qu’il se courbe un peu, ayant le corps et le visage tournés vers l’assemblée, laquelle doit paroître attentive et dans un grand silence : que tous aient les yeux attachés sur celui qui parle, et qu’ils fassent paroître qu’ils l’admirent. On peut représenter quelque vieillard qui fasse connoître qu’il admire ce qu’il entend, en tenant la bouche fermée et les lèvres serrées, et se formant des rides aux coins de la bouche, au bas des joues et au front, par les sourcils, qu’il élèvera vers le milieu du visage du côté du nez. Que d’autres se tiennent assis, et qu’ayant les doigts des mains entrelacés, ils embrassent leur genou gauche. Que quelque vieillard ait un genou croisé sur l’autre, et que le coude s’appuyant sur le genou, la main soutienne le menton, qui sera couvert d’une barbe vénérable.