Théorie analytique de la chaleur/Discours préliminaire

Firmin Didot (p. i-xxii).

DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
Séparateur



Les causes primordiales ne nous sont point connues ; mais elles sont assujetties à des lois simples et constantes, que l’on peut découvrir par l’observation, et dont l’étude est l’objet de la philosophie naturelle.

La chaleur pénètre, comme la gravité, toutes les substances de l’univers, ses rayons occupent toutes les parties de l’espace. Le but de notre ouvrage est d’exposer les lois mathématiques que suit cet élément. Cette théorie formera désormais une des branches les plus importantes de la physique générale.

Les connaissances que les plus anciens peuples avaient pu acquérir dans la mécanique rationnelle ne nous sont point parvenues, et l’histoire de cette science, si l’on excepte les premiers théorèmes sur l’harmonie, ne remonte point au-delà des découvertes d’Archimède. Ce grand géomètre expliqua les principes mathématiques de l’équilibre des solides et des fluides. Il s’écoula environ dix-huit siècles avant que Galilée, premier inventeur des théories dynamiques, découvrit les lois du mouvement des corps graves. Newton embrassa dans cette science nouvelle tout le système de l’univers. Les successeurs de ces philosophes ont donné à ces théories une étendue et une perfection admirables ; ils nous ont appris que les phénomènes les plus divers sont soumis à un petit nombre de lois fondamentales, qui se reproduisent dans tous les actes de la nature. On a reconnu que les mêmes principes règlent tous les mouvements des astres, leur forme, les inégalités de leurs cours, l’équilibre et les oscillations des mers, les vibrations harmoniques de l’air et des corps sonores, la transmission de la lumière, les actions capillaires, les ondulations des liquides, enfin les effets les plus composés de toutes les forces naturelles, et l’on a confirmé cette pensée de Newton : Quod tam paucis tam multa prœstet geometria gloriatur.

Mais quelle que soit l’étendue des théories mécaniques, elles ne s’appliquent point aux effets de la chaleur. Ils composent un ordre spécial de phénomènes qui ne peuvent s’expliquer par les principes du mouvement et de l’équilibre. On possède depuis long-temps des instruments ingénieux, propres à mesurer plusieurs de ces effets ; on a recueilli des observations précieuses ; mais on ne connait ainsi que des résultats partiels, et non la démonstration mathématique des lois qui les comprennent tous.

J’ai déduit ces lois d’une longue étude et de la comparaison attentive des faits connus jusqu’à ce jour ; je les ai tous observés de nouveau dans le cours de plusieurs années, avec les instruments les plus précis dont on ait encor fait usage.

Pour fonder cette théorie, il était d’abord nécessaire de distinguer et de définir avec précision les propriétés élémentaires qui déterminent l’action de la chaleur. J’ai reconnu ensuite que tous les phénomènes qui dépendent de cette action, se résolvent en un très-petit nombre de faits généraux et simples ; et par là toute question physique de ce genre est ramenée à une recherche d’analyse mathématique. J’en ai conclu que pour déterminer en nombre les mouvements les plus variés de la chaleur, il suffit de soumettre chaque substance à trois observations fondamentales. En effet, les différents corps ne possèdent point au même degré la faculté de contenir la chaleur, de la recevoir, ou de la transmettre à travers leur superficie, et de la conduire dans l’intérieur de la masse. Ce sont trois qualités spécifiques que notre théorie distingue clairement, et qu’elle apprend à mesurer.

Il est facile de juger combien ces recherches intéressent les sciences physiques et l’économie civile, et quelle peut être leur influence sur les progrès des arts qui exigent l’emploi et la distribution du feu. Elles ont aussi une relation nécessaire avec le système du monde, et l’on connait ces rapports, si l’on considère les grands phénomènes qui s’accomplissent près de la surface du globe terrestre.

En effet, le rayon du soleil dans lequel cette planète est incessamment plongée, pénètre l’air, la terre et les eaux ; ses éléments se divisent, changent de directions dans tous les sens, et pénétrant dans la masse du globe, ils en élèveraient de plus en plus la température moyenne, si cette chaleur ajoutée n’était pas exactement compensée par celle qui s’échappe en rayons de tous les points de la superficie, et se répand dans les cieux.

Les divers climats, inégalement exposés à l’action de la chaleur solaire, ont acquis après un temps immense des températures propres à leur situation. Cet effet est modifié par plusieurs causes accessoires, telles que l’élévation et la figure du sol, le voisinage et l’étendue des continents et des mers, l’état de la surface, la direction des vents.

L’intermittence des jours et des nuits, les alternatives des saisons occasionnent, dans la terre solide, des variations périodiques qui se renouvellent chaque jour ou chaque année ; mais ces changements sont d’autant moins sensibles, que le point où on les mesure est plus distant de la surface. On ne peut remarquer aucune variation diurne à la profondeur d’environ trois mètres ; et les variations annuelles cessent d’être appréciables à une profondeur beaucoup moindre que 60 mètres. La température des lieux profonds est donc sensiblement fixe, dans un lieu donné ; mais elle n’est pas la même pour tous les points d’un même parallèle ; en général, elle s’élève lorsqu’on s’approche de l’équateur.

La chaleur que le soleil a communiquée au globe terrestre, et qui a produit la diversité des climats, est assujettie maintenant à un mouvement devenu uniforme. Elle s’avance dans l’intérieur de la masse qu’elle pénètre toute entière, et en même temps elle s’éloigne du plan de l’équateur, et va se perdre dans l’espace à travers les contrées polaires.

Dans les hautes régions de l’atmosphère, l’air très-rare et diaphane ne retient qu’une faible partie de la chaleur des rayons solaires ; c’est la cause principale du froid excessif des lieux élevés. Les couches inférieures, plus denses et plus échauffées par la terre et les eaux, se dilatent, et s’élèvent ; elles se refroidissent par l’effet même de la dilatation. Les grands mouvements de l’air, comme les vents alizés qui soufflent entre les tropiques, ne sont point déterminés par les forces attractives de la lune et du soleil. L’action de ces astres ne produit sur un fluide aussi rare, à une aussi grande distance, que des oscillations très-peu sensibles. Ce sont les changements des températures qui déplacent périodiquement toutes les parties de l’atmosphère.

Les eaux de l’Océan sont différemment exposées par leur surface aux rayons du soleil ; et le fond du bassin qui les renferme est échauffé très-inégalement, depuis les pôles jusqu’à l’équateur. Ces deux causes, toujours présentes, et combinées avec la gravité et la force centrifuge, entretiennent des mouvements immenses dans l’intérieur des mers. Elles en déplacent et en mêlent toutes les parties, et produisent ces courants réguliers et généraux que les navigateurs ont observés.

La chaleur rayonnante qui s’échappe de la superficie de tous les corps, et traverse les milieux élastiques, ou les espaces vides d’air, a des lois spéciales, et elle concourt aux phénomènes les plus variés. On connaissait déjà l’explication physique de plusieurs de ces faits ; la théorie mathématique que j’ai formée en donne la mesure exacte. Elle consiste en quelque sorte dans une seconde catoptrique qui a ses théorèmes propres, et sert à déterminer par le calcul tous les effets de la chaleur directe ou réfléchie.

Cette énumération des objets principaux de la théorie, fait assez connaitre la nature des questions que je me suis proposées. Quelles sont ces qualités élémentaires que dans chaque substance il est nécessaire d’observer, et quelles expériences sont les plus propres à les déterminer exactement ? Si des lois constantes règlent la distribution de la chaleur dans la matière solide, quelle est l’expression mathématique de ces lois ? et par quelle analyse peut-on déduire de cette expression la solution complète des questions principales ?

Pourquoi les températures terrestres cessent-elles d’être variables à une profondeur si petite par rapport au rayon du globe ? Chaque inégalité du mouvement de cette planète devant occasionner au-dessous de la surface une oscillation de la chaleur solaire, quelle relation y a-t-il entre la durée de la période et la profondeur où les températures deviennent constantes ?

Quel temps a dû s’écouler pour que les climats pussent acquérir les températures diverses qu’ils conservent aujourd’hui ; et quelles causes peuvent faire varier maintenant leur chaleur moyenne ? Pourquoi les seuls changements annuels de la distance du soleil à la terre, ne causent-ils pas à la surface de cette planète des changements très-considérables dans les températures ?

À quel caractère pourrait-on reconnaître que le globe terrestre n’a pas entièrement perdu sa chaleur d’origine ; et quelles sont les lois exactes de la déperdition ?

Si cette chaleur fondamentale n’est point totalement dissipée, comme l’indiquent plusieurs observations, elle peut être immense à de grandes profondeurs, et toutefois elle n’a plus aujourd’hui aucune influence sensible sur la température moyenne des climats. Les effets que l’on y observe sont dus à l’action des rayons solaires. Mais indépendamment de ces deux sources de chaleur, l’une fondamentale et primitive, propre au globe terrestre, l’autre due à la présence du soleil, n’y a-t-il point une cause plus universelle, qui détermine la température du ciel, dans la partie de l’espace qu’occupe maintenant le système solaire ? Puisque les faits observés rendent cette cause nécessaire, quelles sont dans cette question entièrement nouvelle les conséquences d’une théorie exacte ? comment pourra-t-on déterminer cette valeur constante de la température de l’espace, et en déduire celle qui convient à chaque planète ?

Il faut ajouter à ces questions celles qui dépendent des propriétés de la chaleur rayonnante. On connait très-distinctement la cause physique de la réflexion du froid, c’est-à-dire de la réflexion d’une moindre chaleur ; mais quelle est l’expression mathématique de cet effet ?

De quels principes généraux dépendent les températures atmosphériques, soit que le thermomètre qui les mesure reçoive immédiatement les rayons du soleil, sur une surface métallique ou dépolie, soit que cet instrument demeure exposé, durant la nuit, sous un ciel exempt de nuages, au contact de l’air, au rayonnement des corps terrestres, et à celui des parties de l’atmosphère les plus éloignées et les plus froides.

L’intensité des rayons qui s’échappent d’un point de la superficie des corps échauffés variant avec leur inclinaison suivant une loi que les expériences ont indiquée, n’y a-t-il pas un rapport mathématique nécessaire entre cette loi et le fait général de l’équilibre de la chaleur ; et quelle est la cause physique de cette inégale intensité ?

Enfin, lorsque la chaleur pénètre les masses fluides, et y détermine des mouvements intérieurs, par les changements continuels de température et de densité de chaque molécule, peut-on encore exprimer, par des équations différentielles, les lois d’un effet aussi composé ; et quel changement en résulte-t-il dans les équations générales de l’hydrodynamique ?

Telles sont les questions principales que j’ai résolues, et qui n’avaient point encore été soumises au calcul. Si l’on considère de plus les rapports multipliés de cette théorie mathématique avec les usages civils et les arts techniques, on reconnaitra toute l’étendue de ses applications. Il est manifeste qu’elle comprend une série entière de phénomènes distincts, et qu’on ne pourrait en omettre l’étude, sans retrancher une partie notable de la science de la nature.

Les principes de cette théorie sont déduits, comme ceux de la mécanique rationnelle, d’un très-petit nombre de faits primordiaux, dont les géomètres ne considèrent point la cause, mais qu’ils admettent comme résultant des observations communes et confirmés par toutes les expériences.

Les équations différentielles de la propagation de la chaleur expriment les conditions les plus générales, et ramènent les questions physiques à des problèmes d’analyse pure, ce qui est proprement l’objet de la théorie. Elles ne sont pas moins rigoureusement démontrées que les équations générales de l’équilibre et du mouvement. C’est pour rendre cette comparaison plus sensible, que nous avons toujours préféré des démonstrations analogues à celles des théorèmes qui servent de fondement à la statique et à la dynamique. Ces équations subsistent encore, mais elles reçoivent une forme différente, si elles expriment la distribution de la chaleur lumineuse dans les corps diaphanes, ou les mouvements que les changements de température et de densité occasionnent dans l’intérieur des fluides. Les coëfficients qu’elles renferment sont sujets à des variations dont la mesure exacte n’est pas encore connue ; mais dans toutes les questions naturelles qu’il nous importe le plus de considérer, les limites des températures sont assez peu différentes, pour que l’on puisse omettre ces variations des coëfficients.

Les équations du mouvement de la chaleur, comme celles qui expriment les vibrations des corps sonores, ou les dernières oscillations des liquides, appartiennent à une des branches de la science du calcul les plus récemment découvertes, et qu’il importait beaucoup de perfectionner. Après avoir établi ces équations différentielles, il fallait en obtenir les intégrales ; ce qui consiste à passer d’une expression commune, à une solution propre assujettie à toutes les conditions données. Cette recherche difficile exigeait une analyse spéciale, fondée sur des théorèmes nouveaux dont nous ne pourrions ici faire connaître l’objet. La méthode qui en dérive ne laisse rien de vague et d’indéterminé dans les solutions ; elle les conduit jusqu’aux dernières applications numériques, condition nécessaire de toute recherche, et sans laquelle on n’arriverait qu’à des transformations inutiles.

Ces mêmes théorèmes qui nous ont fait connaître les intégrales des équations du mouvement de la chaleur, s’appliquent immédiatement à des questions d’analyse générale et de dynamique, dont on désirait depuis long-temps la solution.

L’étude approfondie de la nature est la source la plus féconde des découvertes mathématiques. Non-seulement cette étude, en offrant aux recherches un but déterminé, a l’avantage d’exclure les questions vagues et les calculs sans issue ; elle est encore un moyen assuré de former l’analyse elle-même, et d’en découvrir les éléments qu’il nous importe le plus de connaître, et que cette science doit toujours conserver : ces éléments fondamentaux sont ceux qui se reproduisent dans tous les effets naturels.

On voit, par exemple, qu’une même expression, dont les géomètres avaient considéré les propriétés abstraites, et qui sous ce rapport appartient à l’analyse générale, représente aussi le mouvement de la lumière dans l’atmosphère, qu’elle détermine les lois de la diffusion de la chaleur dans la matière solide, et qu’elle entre dans toutes les questions principales de la théorie des probabilités.

Les équations analytiques, ignorées des anciens géomètres, que Descartes a introduites le premier dans l’étude des courbes et des surfaces, ne sont pas restreintes aux propriétés des figures, et à celles qui sont l’objet de la mécanique rationnelle ; elles s’étendent à tous les phénomènes généraux. Il ne peut y avoir de langage plus universel et plus simple, plus exempt d’erreurs et d’obscurités, c’est-à-dire plus digne d’exprimer les rapports invariables des êtres naturels.

Considérée sous ce point de vue, l’analyse mathématique est aussi étendue que la nature elle-même ; elle définit tous les rapports sensibles, mesure les temps, les espaces, les forces, les températures ; cette science difficile se forme avec lenteur, mais elle conserve tous les principes qu’elle a une fois acquis ; elle s’accroît et s’affermit sans cesse au milieu de tant de variations et d’erreurs de l’esprit humain.

Son attribut principal est la clarté ; elle n’a point de signes pour exprimer les notions confuses. Elle rapproche les phénomènes les plus divers, et découvre les analogies secrètes qui les unissent. Si la matière nous échappe comme celle de l’air et de la lumière par son extrême ténuité, si les corps sont placés loin de nous, dans l’immensité de l’espace, si l’homme veut connaître le spectacle des cieux pour des époques successives que sépare un grand nombre de siècles, si les actions de la gravité et de la chaleur s’exercent dans l’intérieur du globe solide à des profondeurs qui seront toujours inaccessibles, l’analyse mathématique peut encore saisir les lois de ces phénomènes. Elle nous les rend présents et mesurables, et semble être une faculté de la raison humaine destinée à suppléer à la brièveté de la vie et à l’imperfection des sens ; et ce qui est plus remarquable encore, elle suit la même marche dans l’étude de tous les phénomènes ; elle les interprète par le même langage, comme pour attester l’unité et la simplicité du plan de l’univers, et rendre encore plus manifeste cet ordre immuable qui préside à toutes les causes naturelles.

Les questions de la théorie de la chaleur offrent autant d’exemples de ces dispositions simples et constantes qui naissent des lois générales de la nature ; et si l’ordre qui s’établit dans ces phénomènes pouvait être saisi par nos sens, ils nous causeraient une impression comparable à celles des résonances harmoniques.

Les formes des corps sont variées à l’infini ; la distribution de la chaleur qui les pénètre peut être arbitraire et confuse ; mais toutes les inégalités s’effacent rapidement et disparaissent à mesure que le temps s’écoule. La marche du phénomène devenue plus régulière et plus simple, demeure enfin assujettie à une loi déterminée qui est la même pour tous les cas, et qui ne porte plus aucune empreinte sensible de la disposition initiale.

Toutes les observations confirment ces conséquences. L’analyse dont elles dérivent sépare et exprime clairement, 1o les conditions générales, c’est-à-dire celles qui résultent des propriétés naturelles de la chaleur ; 2o l’effet accidentel, mais subsistant, de la figure ou de l’état des surfaces ; 3o l’effet non durable de la distribution primitive.

Nous avons démontré dans cet ouvrage tous les principes de la théorie de la chaleur, et résolu toutes les questions fondamentales. On aurait pu les exposer sous une forme plus concise, omettre les questions simples, et présenter d’abord les conséquences les plus générales ; mais on a voulu montrer l’origine même de la théorie et ses progrès successifs. Lorsque cette connaissance est acquise, et que les principes sont entièrement fixés, il est préférable d’employer immédiatement les méthodes analytiques les plus étendues, comme nous l’avons fait dans les recherches ultérieures. C’est aussi la marche que nous suivrons désormais dans les mémoires qui seront joints à cet ouvrage, et qui en forment en quelque sorte le complément, et par là nous aurons concilié, autant qu’il peut dépendre de nous, le développement nécessaire des principes avec la précision qui convient aux applications de l’analyse.

Ces mémoires auront pour objet la théorie de la chaleur rayonnante, la question des températures terrestres, celle de la température des habitations, la comparaison des résultats théoriques avec ceux que nous avons observés dans diverses expériences, enfin la démonstration des équations différentielles du mouvement de la chaleur dans les fluides.

L’ouvrage que nous publions aujourd’hui a été écrit depuis long-temps ; diverses circonstances en ont retardé et souvent interrompu l’impression. Dans cet intervalle, la science s’est enrichie d’observations importantes ; les principes de notre analyse, que l’on n’avait pas saisis d’abord, ont été mieux connus ; on a discuté et confirmé les résultats que nous en avions déduits. Nous avons appliqué nous-mêmes ces principes à des questions nouvelles, et changé la forme de quelques démonstrations. Les retards de la publication auront contribué à rendre l’ouvrage plus clair et plus complet.

Nos premières recherches analytiques sur la communication de la chaleur, ont eu pour objet la distribution entre des masses disjointes ; on les a conservées dans la section II du chapitre iii. Les questions relatives aux corps continus, qui forment la théorie proprement dite, ont été résolues plusieurs années après ; cette théorie a été exposée pour la première fois dans un ouvrage manuscrit remis à l’Institut de France à la fin de l’année 1807, et dont il a été publié un extrait dans le bulletin des Sciences (Société philomatique, année 1808, page 112). Nous avons joint à ce mémoire, et remis successivement des notes assez étendues, concernant la convergence des séries, la diffusion de la chaleur dans un prisme infini, son émission dans les espaces vides d’air, les constructions propres à rendre sensibles les théorèmes principaux, et l’analyse du mouvement périodique à la surface du globe terrestre. Notre second mémoire, sur la propagation de la chaleur, a été déposé aux archives de l’Institut, le 28 septembre 1811. Il est formé du précédent et des notes déjà remises ; on y a omis des constructions géométriques, et des détails d’analyse qui n’avaient pas un rapport nécessaire avec la question physique, et l’on a ajouté l’équation générale qui exprime l’état de la surface. Ce second ouvrage a été livré à l’impression dans le cours de 1821, pour être inséré dans la collection de l’Académie des Sciences. Il est imprimé sans aucun changement ni addition ; le texte est littéralement conforme au manuscrit déposé, qui fait partie des archives de l’Institut.

On pourra trouver dans ce mémoire, et dans les écrits qui l’ont précédé un premier exposé des applications que ne contient pas notre ouvrage actuel ; elles seront traitées dans les mémoires subséquens, avec plus d’étendue, et, s’il nous est possible, avec plus de clarté. Les résultats de notre travail concernant ces mêmes questions, sont aussi indiqués dans divers articles déja rendus publics. L’extrait inséré dans les Annales de chimie et de physique fait connaître l’ensemble de nos recherches, (tom. III, pag. 350, ann. 1816). Nous avons publié dans ces annales deux notes séparées, concernant la chaleur rayonnante, (tom. IV, pag. 128, ann. 1817 et tom. VI, pag. 259, ann. 1817).

Divers autres articles du même recueil présentent les résultats les plus constants de la théorie et des observations ; l’utilité et l’étendue des connaissances thermologiques ne pouvaient être mieux appréciées que par les célèbres rédacteurs de ces annales.

On trouvera dans le bulletin des Sciences, (Soc. philomat., ann. 1818, pag. 1 et ann. 1820, pag. 60) l’extrait d’un mémoire sur la température constante ou variable des habitations, et l’exposé des principales conséquences de notre analyse des températures terrestres.

M. Alexandre de Humboldt, dont les recherches embrassent toutes les grandes questions de la philosophie naturelle, a considéré sous un point de vue nouveau et très-important, les observations des températures propres aux divers climats. (Mémoire sur les lignes isothermes. Société d’Arcueil, tom. III, pag. 462) ; (Mémoire sur la limite inférieure des neiges perpétuelles, Annales de Chimie et de Physique, tom. V, pag. 102, ann. 1817).

Quand aux équations différentielles du mouvement de la chaleur dans les liquides, il en a été fait mention dans l’histoire annuelle de l’Académie des Sciences. Cet extrait de notre mémoire en montre clairement l’objet et le principe. (Analyse des travaux de l’Académie des Sciences, par M. De Lambre, année 1820).

L’examen des forces répulsives que la chaleur produit, et qui déterminent les propriétés statiques des gaz, n’appartient pas au sujet analytique que nous avons considéré. Cette question liée à la théorie de la chaleur rayonnante vient d’être traitée par l’illustre auteur de la Mécanique céleste à qui toutes les branches principales de l’analyse mathématique doivent des découvertes importantes. (Connaissance des temps, pour les années 1824 et 1825).

Les théories nouvelles, expliquées dans notre ouvrage sont réunies pour toujours aux sciences mathématiques, et reposent comme elles sur des fondements invariables ; elles conserveront tous les éléments qu’elles possèdent aujourd’hui, et elles acquerront continuellement plus d’étendue. On perfectionnera les instruments et l’on multipliera les expériences. L’analyse que nous avons formée sera déduite de méthodes plus générales, c’est-à-dire plus simples et plus fécondes, communes à plusieurs classes de phénomènes. On déterminera pour les substances solides ou liquides, pour les vapeurs et pour les gaz permanents, toutes les qualités spécifiques relatives à la chaleur, et les variations des coëfficients qui les expriment. On observera, dans les divers lieux du globe, les températures du sol à diverses profondeurs, l’intensité de la chaleur solaire, et ses effets, ou constants ou variables, dans l’atmosphère, dans l’Océan et les lacs ; et l’on connaîtra cette température constante du Ciel, qui est propre aux régions planétaires. La théorie elle-même dirigera toutes ces mesures, et en assignera la précision. Elle ne peut faire désormais aucun progrès considérable qui ne soit fondé sur ces expériences ; car l’analyse mathématique peut déduire des phénomènes généraux et simples l’expression des lois de la nature ; mais l’application spéciale de ces lois à des effets très-composés exige une longue suite d’observations exactes.


Séparateur