Sur la pompe du pont Notre-Dame

Sur la pompe du pont Notre-Dame
Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 242-243).

LXXVI

Sur la pompe du pont Notre-Dame.
Traduction par Pierre Corneille.

Cette pièce et la suivante sont des traductions de deux des inscriptions latines composées par Santeul pour les fontaines de Paris. Elles ont été plusieurs fois imprimées en feuilles volantes in-4o et en in-12, ordinairement sans date ; mais l’édition des Œuvres de Santeul publiée en 1729 rapporte à l’année 1670 les variantes latines, empruntées probablement au texte primitif. Nous reproduisons à la suite des vers de Corneille les inscriptions latines, et trois imitations françaises de la première des deux, qui sont imprimées, après le texte latin, au tome III de l’édition de Santeul (p. 35 et 36) que nous venons de mentionner.


Que le dieu de la Seine a d’amour pour Paris !
Dès qu’il en peut baiser les rivages chéris,
De ses flots suspendus la descente plus douce
Laisse douter aux yeux s’il avance ou rebrousse :
Lui-même à son canal il dérobe ses eaux, 5
Qu’il y fait rejaillir par de secrètes veines,
Et le plaisir qu’il prend à voir des lieux si beaux,
De grand fleuve qu’il est, le[1] transforme en fontaines.


In Sequanæ fontes ex ipso fluvio eductos.

Sequana cum primum reginæ[2] allabitur urbi,
Tardat præcipites ambitiosus aquas.

Captus amore loci, cursum obliviscitur, anceps
Quo fluat, et dulces nectit in urbe moras.
Hinc varios implens fluctu subeunte canales,
Fons fieri gaudet, qui modo flumen erat.


Traduction par du Périer.

Éprise d’un lieu si charmant
Je coule bien plus lentement ;
Je m’arrête partout, et mon onde incertaine
Semble même oublier son cours :
Ainsi ces longs canaux, où je coule sans peine,
Font qu’après mille détours,
De fleuve que j’étois, je me change en fontaine.


Autre par Charpentier de l’Académie françoise.

Aussitôt que la Seine en sa course tranquille
Joint les superbes murs de la royale ville,
Pour ces lieux fortunés elle brûle d’amour :
Elle arrête ses flots, elle avance avec peine,
Et par mille canaux se transforme en fontaine,
Pour ne sortir jamais d’un si charmant séjour.


Autre.

Aussitôt que la Seine, après ses longs détours,
Baigne enfin de Paris le superbe rivage,
Fière du beau séjour qui lui tombe en partage,
De son onde rapide elle suspend le cours :
L’éclat du lieu l’enchante et la rend incertaine
Où pour n’en point sortir doivent couler ses eaux ;
Enfin s’ouvrant le sein de cent vastes canaux,
Elle y coule, et de fleuve elle devient fontaine.


  1. Dans l’édition de Santeul il y a, par une erreur évidente, se, au lieu de le.
  2. Dans l’édition de 1670 : parisinæ, qui est plus conforme à la traduction de Corneille, tandis que reginæ l’est davantage à celle de Charpentier.