Suite de Joseph Delorme/« Printemps qui sitôt rachète »

XVII


..........
Printemps qui sitôt rachète
Les mois perdus et les ans !
Fraîcheur facile et parfaite
Au sortir des maux pesants !
Germes que la terre enfante,
Désirs dont l’âme s’enchante,
Après d’amères rigueurs !
Prompt oubli dans la vallée,
Source en nous renouvelée,
Rajeunissement des cœurs !

Hier la grêle et la tempête
Sur nous roulaient en éclats ;

Aujourd’hui nous avons fête
Dans la plaine des lilas[1].
La sève, un temps endormie,
Partout monte, ô mon Amie,
Et va féconder l’été.
Tes pleurs coulent, même signe ;
Comme les pleurs de la vigne,
Ce n’est que luxe et beauté.

Combien tient-il de jeunesses
Dans un seul cœur de mortel ?
Combien de fois les promesses
Nous font-elles arc-en-ciel ?
Jusqu’à ce que l’ombre règne
Et que la vieillesse éteigne
Ces flambeaux qu’Amour ornait ;
Jusqu’à ce que le mystère
De la tombe nous enserre
Sous le gazon qui renaît !


  1. Probablement Romainville. Il y avait encore un Romainville en ce temps-là.