Suite de Joseph Delorme/« Par un ciel étoilé, sur ce beau pont des Arts »

XI

SONNET


Par un ciel étoilé, sur ce beau pont des Arts[1],
Revenant tard et seul de la cité qui gronde,

J’ai mille fois songé que l’Éden en ce monde
Serait de mener là mon Ange aux doux regards ;

De fuir boue et passants, les cris, le vice épars ;
De lui montrer le ciel, la lune éclairant l’onde,
Les constellations dans leur courbe profonde
Planant sur ce vain bruit des hommes et des chars.

J’ai rêvé lui donner un bouquet au passage ;
À la rampe accoudé, ne voir que son visage,
Ou l’asseoir sur ces bancs, d’un mol éclat blanchis ;

Et, quand son âme est pleine et sa voix oppressée,
L’entendre désirer de gagner le logis,
Suspendant à mon bras sa marche un peu lassée.


  1. Ce joli pont, quand on en parlait ainsi, n’était pas encore tombé en roture et en délabrement.