Saint-Just (Lenéru)/Avant-propos

Grasset (p. 17-18).

AVANT-PROPOS


Saint-Just ne fut, ne sera guère étudié que politiquement. Cependant quelque chose vaut plus d’intérêt que son rêve politique — il n’était pas très savant et paraîtrait aujourd’hui bien enfantin — vaut plus d’intérêt que son action même de révolutionnaire, c’est la personne de Saint-Just. Nous voudrions, en l’isolant pour la première fois d’un milieu trop célèbre, rechercher en lui cette prédestination au pouvoir et ces perfections de prince selon Machiavel qui en firent un maître si précoce que, désormais, toute carrière ambitieuse est gâtée aux jeunes gens futurs.

Cette étude n’en apporte pas moins une information plus complète que les précédentes, due aux révélations, la plupart de tout premier ordre, des cinquante dernières années, parmi lesquelles on eut la surprise d’un dossier de la Préfecture de Police dont nous avons signalé l’étrange disparition. Nous avons tout lieu de croire cette documentation définitive, quelle que soit la valeur plus ou moins secondaire des pièces errantes ou négligées, dont on puisse encore faire usage. Nous avons cru, en outre, que l’intérêt d’une monographie de ce genre était par-dessus tout critique et dans l’application désintéressée à suivre, « sans parti-pris social, ni moral », le développement d’un cas tel que les circonstances n’en produiront pas de second.

Les faits de la Révolution ont leur place ailleurs et, même si nous nous inquiétons peu des idées révolutionnaires, peut-être en cette étude exclusivement bornée à la personnalité d’un jeune homme, aurons-nous fait une œuvre d’intérêt historique si, comme Taine nous en donna l’assurance, « il n’y a d’histoire que de l’âme humaine ».