Réglemens de la Société de 1789/Avertissement

Réglemens de la Société de 1789 et liste de ses membres
Texte établi par Société de 1789, Lejay fils (p. 2-11).


AVERTISSEMENT.


La Société de 1789, en publiant ses réglemens particuliers, croit devoir rappeler les principes et le vrai but de son institution ; c’est pour cela qu’elle a jugé convenable de faire précéder ces réglemens par le prospectus de son journal, où ces objets fondamentaux sont suffisamment indiqués.



Il est, pour les individus, un art d’assurer et d’augmenter leur bonheur : il a consisté jusqu’ici dans la philosophie morale, que les anciens portèrent à une sorte de perfection.

Il doit exister aussi, pour les nations, un art de maintenir et d’étendre leur félicité : c’est ce qu’on a nommé l’art social.

Cette science, pour laquelle travaillent toutes les autres, ne paroît pas avoir été encore étudiée dans son ensemble. L’art de cultiver, l’art de commercer, l’art de gouverner, l’art de raisonner même, ne sont que des parties de cette science ; elles ont pris chacune à part une sorte d’accroissement ; mais, sans doute, ces membres isolés ne parviendront à leur développement complet que lorsqu’ils auront été rapprochés, et qu’ils formeront un corps bien organisé.

Réunir tant de matériaux épars et inconsistans, rechercher dans les sciences économiques leurs rapports mutuels, et surtout la liaison commune qu’elles peuvent avoir avec la science générale de la civilisation, tel est l’objet de l’art social.

Ce n’est ni un, ni plusieurs hommes, ni même une seule nation, c’est le concert des peuples qui peut assurer à cet art des progrès efficaces ; mais ces progrès seront moins lents, dès que tous les esprits suivront partout un ordre de travail constant et uniforme.

Il faut donc créer cette méthode commune. Or, avant qu’elle soit fixée, perfectionnée et généralement adoptée, il étoit naturel que les bases en fussent posées par une association, qui, communiquant à d’autres sociétés semblables, les principes et l’esprit qui l’animent, pût, ainsi qu’elles, rallier à des systèmes pareils les divers travaux de tous les hommes éclairés, en quelque lieu qu’ils existent, et qu’ils veillent pour le bien de l’humanité.

Tel est le plan sur lequel s’est formée la Société de 1789.

Elle a pensé qu’on avoit jusqu’à présent retiré trop peu d’avantages de ces instrumens de communication, par lesquels nous pouvons nous rendre si supérieurs aux anciens, et qui doivent étendre le commerce de la pensée comme celui de toutes les autres richesses du globe. Elle a donc voulu multiplier entre les nations les échanges réciproques des connoissances humaines.

C’est pour cela qu’une partie essentielle de son institution est une correspondance suivie avec toutes les sociétés et tous les individus, tant nationaux qu’étrangers, qui voudront coopérer à une si noble entreprise.

Ainsi, la Société de 1789 doit être considérée comme un centre de correspondance pour tous les principes généraux, et non pas comme un foyer de coalition pour des opinions particulières. Ce n’est ni une secte ni un parti, mais une compagnie d’amis des hommes, et, pour ainsi dire, d’agens du commerce des vérités sociales.

Développer et répandre les principes d’une constitution libre, est sans doute le premier devoir d’une institution qui datte de l’époque de la liberté françoise : la société de 1789 sera fidelle à ce devoir. En même tems que ses travaux se dirigeront vers son principal but, qui est la recherche des principes et des moyens de perfectionnement, de l’art social, elle consacrera aussi ses veilles à faire une heureuse application de ces principes à la constitution et à la félicité nationale.

Pour remplir ces différentes vues, le premier moyen devoit être la publication d’un journal, qui ne fut point une collection de nouvelles, de faits et de pièces, mis au jour sans choix et sans liaison, à mesure qu’ils se présentent ; mais plutôt un recueil de mémoires sur les diverses parties, et surtout l’ensemble de l’économie sociale, ou même d’observations sur les événemens qui intéressent les principes et les progrès de cette science, aussi nouvelle qu’elle est étendue.

Le journal de la Société de 1789 a été conçu dans cette idée. Il sera divisé en cinq chapitres, dont les titres différens indiquent les divers objets.


Chapitre premier.

Art social.

Ce chapitre contiendra des dissertations, des mémoires, des remarques sur les principes des constitutions, des corps législatifs, des gouvernemens, des administrations, sur l’agriculture, le commerce, les finances, l’enseignement public, sur les loix et les tribunaux ; enfin sur tous les élémens du système social, et sur leur accord avec le vœu de la nature et le bonheur des hommes.


Chapitre II.

Correspondance nationale.

On y rendra-compte des travaux des différences sociétés patriotiques, ainsi que des établissemens publics qui se formeront dans tous les départemens du royaume. Les difficultés qui se présenteront dans l’exécution des loix qui vont régir la France ; soit relativement à l’organisation actuelle du royaume, ou sous tout autre rapport, y seront exposées, discutées, et on essaiera de les résoudre, d’après les principes constitutifs du nouveau droit public françois, et surtout d’après les règles invariables puisées dans la nature des choses et dans les droits des citoyens.


Chapitre III.

Correspondance étrangère.

Les principaux événemens politiques qui intéressent les deux hémisphères, les traités, les forces respectives et les vues présumées des puissances ; la situation actuelle, tant intérieure qu’extérieure, des différentes nations, surtout leur avancement dans l’art social ; l’utilité et les dangers de leurs institutions particulières y seront présentés, en considérant les intérêts des gouvernemens, sur-tout dans leur rapport avec l’intérêt des gouvernés, et les relations des cabinets dans leur influence sur le bonheur ou le malheur des peuples.


Chapitre IV.

Assemblée nationale.

Sans s’astreindre à la marche de ses travaux, on en donnera les résultats les plus importans, on en développera les principes, soit en présentant, par une analyse rapide, le tableau de la discussion contradictoire, soit en expliquant l’esprit des décrets par de nouvelles considérations.


Chapitre V.

Variétés.

Une notice des ouvrages utiles dans toutes les langues, les encouragemens à donner aux arts et aux talens, en France et chez l’étranger, la description et le dessin des machines et des découvertes les plus remarquables ; enfin différens morceaux de morale ou de philosophie, où le précepte sera revêtu des formes et des couleurs de l’imagination, entreront dans ce chapitre. On y proposera aussi quelquefois des questions sur divers points de législation et d’économie politique : on publiera, soit en détail, soit par analyse, les diverses opinions propres à répandre la lumière sur ces questions.