Quelques poèmes français de Louisa Paulin/Roses

Quelques poèmes français de Louisa Paulin (p. 18-20).

Roses

I


Ce poison lent que tu composes,
rose,
ce parfum, silence et délice
qui se glisse,
caresse et froisse,
jusqu’à l’angoisse,
vers quelle lointaine Arabie,
vers quelle volupté meurtrie
entraîne-t-il mon désir nu
et mon âme triste qui tremble
au bord d’un printemps inconnu ?

II


Quelque part fleurit une rose
enclose dans l’azur
d’un jour de mai si pur !
Quelque part un signe d’amour
magiquement l’appelle à la lumière
et délivre, aimantée, son âme prisonnière,
ce parfum, le chant de sa vie,
lisse et baigné de l’harmonie
d’un souverain bonheur…
Quelque part une âme espère, rose,
et lentement se meurt.

III


Étrange ami d’un jour
ton amour
s’est posé sur ma vie
comme l’aile de l’oiseau migrateur
qui se repose une heure
et repart.

Je te donne, au départ,
la rose épanouie
dans la coupe du jour goutte à goutte épuisée,
cette rose attentive à son divin secret,
son rêve qui t’effleure
et sa lente agonie.

IV


Une rose ronde et serrée
prise au jardin de Dulcinée
avec sa goutte de rosée
— ô jeunesse du monde ! —
une rose secrète et ronde.
Et Sancho l’a mise à sa bouche
— elle avait fleuri pour ton cœur
ô don Quichotte !
La vie se trompe chaque jour
las ! mon triste Seigneur
— et notre amour. —

V


Et c’est toujours la même rose
qui n’est plus.
Ma mère me l’avait donnée
un jour de mai
déjà fanée à peine éclose,
rose mauve de gris ourlée,
et ce parfum
aucune rose
jamais ne l’eut
et le rosier n’est plus…


26-2-1938.