Imprimerie franciscaine missionnaire (p. 161-170).

LA PRÉFECTURE APOSTOLIQUE
DE SAPPORO


La préfecture apostolique de Sapporo est une division du diocèse de Hakodate, dont le titulaire est S. G. Mgr Berlioz, des Missions Étrangères. Elle a été érigée canoniquement sur la demande officielle de Sa Grandeur elle-même, par un décret de la Sacrée Congrégation de la Propagande, en date du 2 février 1915. Elle appartient aux Franciscains allemands de la province de Fulda, et dans sa circonscription, elle comprend le Hokkaido, moins la province de Hakodate, puis la partie méridionnale de Karafuto (Saghalien), île située au nord du Hokkaido, le long de la côte de Tartarie, et les îles Kouriles qui font la chaîne entre le Hokkaido et la presqu’île de Kamtchatka.

Un coup d’œil seulement sur la fondation de cette préfecture et sur son état actuel.

La gloire de sa fondation revient en partie aux Pères des Missions Étrangères et en partie aux Franciscains.

Depuis la rentrée des missionnaires au Japon, ces Pères des Missions Étrangères furent les premiers pionniers de Hokkaido. Déjà avant l’arrivée des Franciscains, ils y avaient fondé, sans compter celui de Hakodate, quatre autres postes : Sapporo, Muroran, Otaru, Asahigawa.

Établis à Hakodate, depuis 1859, ils s’étaient vus forcés d’attendre plusieurs années avant de pouvoir pénétrer librement à l’intérieur. Durant cette période, le gouvernement japonais, qui, peu de temps auparavant, venait de persécuter les chrétiens, resta encore très défiant à l’égard des étrangers ; il ne leur concédait entrée libre que dans certains ports comme Nagasaki, Yokohama, Niigata, et Hakodate. Pour circuler à l’intérieur du pays, il fallait obtenir du gouvernement un passeport ; et encore, on ne l’accordait que pour un temps restreint et un parcours déterminé. Enfin, en 1891, cette mesure asservissante pour les missionnaires fut abolie. Aussitôt le P. Faurie, déjà chargé de faire la randonnée apostolique à travers l’île, à la recherche des chrétiens, fit, à l’automne de la même année, l’achat d’un terrain à Sapporo, et le printemps suivant, y construisit une chapelle provisoire.

Sapporo était une ville nouvelle. Elle avait été fondée en 1870, sur l’emplacement d’une forêt vierge, et tracée sur le vaste plan des villes américaines. Elle s’est développée si vite qu’en 1891 elle comptait déjà 15 000 habitants, et le gouvernement jugeait bon de la désigner comme capitale du Hokkaido.

Le choix du P. Faurie était donc très judicieux. Plus tard, on acheta un terrain plus étendu et on y construisit une autre chapelle qui resta en usage jusqu’en 1915, époque à laquelle fut élevée l’église actuelle. Au P. Faurie succéda le P. Lafon, homme de prudence consommée autant que de zèle ardent ; c’est à ses efforts qu’est due la formation de la chrétienté actuelle de Sapporo (Kita 1 jô nord, 1ère rue).

À Muroran, il y eut une première fondation en 1903. On acheta alors un terrain et l’année suivante on construisit maison et chapelle. Muroran est un port à l’entrée de la Baie des volcans, au sud du Hokkaido. C’est aussi un entrepôt de charbon très important. Or la population y était alors très nomade. De plus, l’intérêt du commerce et la passion du gain captivant toute l’activité de ce peuple, l’accès auprès des âmes y parut si difficile que cette tentative y rencontra un insuccès momentané. Le poste fut abandonné. En 1909, Mgr Berlioz voulut tenter en cet endroit un nouvel effort ; il demanda aux Franciscains de s’y établir. Ceux-ci construisirent alors une nouvelle maison avec une petite chapelle. Cette fois ce ne fut pas en vain : un succès, quoique modeste, couronna l’entreprise.

Le poste d’Otaru est également un sol très ingrat. Otaru est aussi un port de mer, mais sur la côte nord de l’île. Là encore la population n’a guère qu’un esprit mercantile et peu accessible aux idées nobles et reposantes de la religion. Le poste y a été fondé par le P. Cornier. Le terrain fut acheté en 1903, et la maison avec chapelle intérieure construite l’année suivante ; enfin, en 1911, on éleva la chapelle actuelle.

La construction d’une maison avec chapelle provisoire à Asahigawa date de 1904. Quant à la chapelle actuelle, elle a été bâtie en 1909. Le fondateur en fut le P. Hutt qui y forma aussi une chrétienté florissante et l’administra jusqu’en 1915. Asahigawa, qui compte à peine trente ans d’existence, s’est développée avec une rapidité prodigieuse. Sa situation géographique, à peu près au centre de tout le Hokkaido, déjà souverainement favorable à la stratégie militaire à cause des montagnes environnantes, est sans doute appelée à faire de ce point, l’entrepôt commercial et industriel de toute la partie est de l’île. Son développement n’est donc pas près de se ralentir. Il faut souhaiter que le mouvement des conversions ne se ralentisse pas non plus.

À ces différents postes, dont l’origine est due au zèle entreprenant et courageux des Pères des Missions Étrangères, il faut joindre celui d’Ywamizawa. Il fut fondé par un prêtre séculier, M. l’abbé Bulteau, qui, venu de France, son pays, voulut bien joindre ses efforts à ceux des Pères des Missions Étrangères dans leur apostolat auprès des infidèles. Il vint résider à Ywamizawa en 1909, y bâtit, l’année suivante, une maison avec chapelle intérieure et demeura jusqu’en 1913. À partir de cette date, le poste fut desservi par les Franciscains.

Les commencements furent très difficiles à Ywamizawa. Cette ville est aussi un centre très important pour le chemin de fer. De là partent plusieurs lignes qui font réseau dans ce district. Une partie de la population est donc employée aux travaux du chemin de fer. De plus, ces travaux ne laissant que bien peu de répit, cette ville est aussi, comme Muroran et Otaru, une ville très affairée et très bruyante. Or c’est là une condition bien peu favorable à l’expansion chrétienne, car il est bien difficile de faire comprendre à des païens qu’il ne suffit pas de s’occuper de religion à temps perdu seulement. Les débuts furent donc peu consolants. Cependant, la grâce finit par gagner certaines âmes bien disposées, et il se forma ainsi peu à peu un nombre respectable de chrétiens.

Sur ces cinq postes, les Franciscains n’avaient donc encore reçu, avant 1915, que ceux de Muroran et d’Ywanizawa. Mais déjà ils en avaient fondé ou occupé plusieurs eux-mêmes : ceux de Sapporo, Kaméda, Kutchan, Shiraoi, Hiroshima et Toyohara.

Les deux premiers Franciscains venus au Japon depuis le renouveau de vie catholique en ce pays, furent les RR. PP. Wenceslas Kinold et Maurice Bertin. Le premier, allemand, avait été dans sa province, la province de Fulda, successivement lecteur, maître des novices et gardien.

Le P. Maurice, ancien enseigne de vaisseau, était venu une première fois au Japon, à bord du croiseur français, l’Isly, chargé de protéger les intérêts de la France en Extrême Orient, durant la guerre entre la Chine et le Japon. Or, durant les escales dans le port de Nagasaki, le jeune officier allait souvent prier dans l’église de N.-D. des Martyrs, bâtie non loin de la montagne où, en 1597, furent crucifiés les premiers Franciscains venus au Japon. C’est là, dans cette église, qu’il se sentit appelé à la vie franciscaine et qu’il résolut de revenir en ce pays comme missionnaire. De retour en France, il entra chez les Frères-Mineurs. Après son sacerdoce, il fut deux fois gardien : une fois en France et une fois au Canada. Enfin, en 1906, il réalisait son désir le plus cher : il partait pour le Japon.

Les deux nouveaux missionnaires arrivèrent à Sapporo en janvier 1907 ; après être demeurés un an dans une maison provisoire, vers le centre de la ville, ils commencèrent, au printemps 1908, sur la limite du quartier nord-est, la construction d’une résidence et d’une chapelle qui furent terminées pour l’automne.

En 1909, le P. Maurice partit pour Kaméda, un faubourg de Hakodate, et il y bâtit, la même année, une résidence. Trois ans plus tard, il y construisit aussi une jolie chapelle dont il élabora lui-même le plan. Depuis 1915, ce poste n’appartient plus aux Franciscains, n’ayant point été compris dans la circonscription déterminée par le Saint-Siège. Le P. Maurice lui-même dut quitter le Japon en 1914, il avait reçu de Rome une obédience pour le Maroc. Mais ce changement n’allait que raffermir son invincible attrait pour le Japon : on a pu le voir, en juillet 1920, revenir, après six années d’absence, sur ce sol où, depuis longtemps, son âme d’apôtre était pour ainsi dire rivée.

1911 voit paraître deux nouveaux postes : l’un à Kutchan, l’autre à Shiraoi. Ce dernier était destiné à la conversion des Aïnos, indigènes du Hokkaido et du Karefuto, dont la race et la langue diffèrent totalement de celles des Japonais. Mais cette tentative devait aboutir à un insuccès. Abruti par l’ivrognerie depuis nombre d’années, ce peuple semble presque inaccessible aux idées généreuses du catholicisme. Ce poste fut abandonné en 1915.

Le poste de Hiroshima est situé dans un village de campagne, non loin de Sapporo. Jusqu’en 1913, il possédait une chapelle provisoire, mais non pas un missionnaire résidant. C’est à partir de cette date qu’un Franciscain alla s’y établir. La petite chapelle de ce poste a été construite aux frais des chrétiens, qui sont là une centaine.

La mission de Toyohara date aussi de 1913. Toyohara est la capitale de la colonie japonaise, qui couvre la partie méridionale de l’île de Karafuto, l’ancien Saghalien. La mission de cette île compte aussi une autre chapelle provisoire à Odomari, port situé au nord, dans la baie d’Aniwa.

Un mot maintenant sur l’état actuel de la préfecture, je veux dire, sur son personnel et sur ses œuvres.

Le personnel des missionnaires compte 13 Pères : Mgr Wenceslas Kinold, préfet apostolique ; les RR. PP. Maurice Bertin, François Vergott, Alexis Kipp, Hilaire Schmelz, Eusèbe Breitung, Calixte Gélinas, Agnellus Kowarz, David Miebach, Wolfgang Lang, Timothée Ruppel, Urbain-Marie, Sauer et Joseph Barthélemé ; quinze religieuses Franciscaines Missionnaires de Marie et trois autres religieuses venues dernièrement d’Allemagne et appelées Franciscaines de Saint Georges.

Quant aux chrétiens, leur nombre actuel est de 1 258. Durant l’année dernière, c’est-à-dire, à partir du 1er  septembre 1919 jusqu’au 15 août 1920, il y eut 52 baptêmes d’adultes, 45 d’enfants nés de parents chrétiens et 231 conférés à l’article de la mort. De plus, si l’on rapproche le nombre actuel des chrétiens de cette préfecture de celui que l’on comptait lors de la date d’érection, c’est-à-dire en janvier 1915, on constate avec plaisir que ce nombre s’est augmenté du tiers au cours de ces dernières années.

En général, ces chrétiens sont fervents. Un bon nombre s’approchent très souvent des sacrements : durant le cours de l’année dernière on a compté 8 027 confessions de dévotion et 31 718 communions également de dévotion. Assurément ils donnent un bel exemple de piété et de courage au milieu de l’atmosphère d’indifférence religieuse qui règne en ce pays. Et c’est là un grand sujet de consolation pour les missionnaires.

Parmi les œuvres de la préfecture, la principale est évidemment la desserte des postes ou plutôt des districts confiés au zèle des missionnaires.

Ceux-ci, en effet, n’ont pas seulement à exercer le saint ministère dans la ville où est établie leur résidence ; ils doivent encore, à époques fixes, durant l’année, parcourir la circonscription qui leur est assignée et porter les secours de la religion aux chrétiens qui y sont dispersés.

L’instruction des catéchumènes est aussi une des occupations ordinaires du missionnaire. Un autre moyen dont il essaie de profiter pour atteindre son but apostolique, c’est l’enseignement des langues. Beaucoup de Japonais, en effet, viennent lui demander des leçons de langues. Alors, peu à peu, il essaye d’acheminer ses élèves vers les idées religieuses, et, lorsque la grâce a fait en eux son œuvre, il parvient à les faire entrer dans le bercail de la sainte Église.

À côté de ces œuvres qui sont le partage de chaque missionnaire, la mission en possède aussi d’autres établies à Sapporo seulement ; ce sont : l’hôpital, le séminaire et une revue hebdomadaire.

L’Hôpital a été construit en 1911. Il est dirigé par les Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie, arrivées à Sapporo en 1908. Il compte constamment un assez bon nombre de malades, avec deux médecins, dont un, catholique. Déjà sa réputation dans la ville et les environs à grandi beaucoup, si bien que, dernièrement, on a reproché publiquement au plus grand hôpital de Sapporo, hôpital païen, de ne pas soigner ses malades avec autant de tendresse et d’assiduité qu’on le fait à l’hôpital des Sœurs Franciscaines. Tant il est vrai que le vrai dévouement ne se trouve que dans la religion chrétienne !

Cet hôpital n’est pas non plus sans résultat pour le salut des âmes. La plupart des malades qui entrent dans cette maison y trouvent l’occasion d’ouvrir les yeux à la lumière de la vraie foi, et le nombre des baptêmes, qu’on y administre, in articulo mortis, croît d’année en année.

Le petit séminaire est naturellement une œuvre de recrutement et de formation pour notre clergé indigène. Il a été ouvert par le P. Maurice, à Kaméda, en 1912. Mais il en est encore à ses pénibles débuts. Jusqu’ici, il n’a rapporté aucun fruit mûr. Beaucoup de jeunes gens se sont présentés, mais ils n’ont pas persévéré : il n’y a plus actuellement que sept élèves à Sapporo, où le collège a été transporté. Les chrétiens du Hokkaido, étant à peu près tous des nouveaux convertis, ont encore l’insconstance incroyable du païen ; ils sont incapables de se déterminer à quoi que ce soit et de poursuivre jusqu’au bout un but déterminé.

Enfin, la préfecture de Sapporo publie une petite feuille hebdomadaire. Son nom est Kômyô : Lumière resplendissante, et sa devise : « Ego sum lux mundi. » Elle traite de sujets catéchistiques, apoléogétiques, hagiographiques avec les nouvelles les plus saillantes du monde catholique. Elle est assez bien accueillie, non seulement des chrétiens, mais aussi de quelques païens, qui la reçoivent et la lisent volontiers. Elle compte même des abonnés parmi les Japonais de la Californie, de la Colombie Anglaise et du Brésil.

Mais, sans aucun doute, elle serait mieux accueillie encore, si elle était plus attrayante dans sa forme extérieure. Or celle-ci vraiment laisse fort à désirer : huit pages seulement, sans couverture spéciale, papier rugueux et médiocre, aucune gravure. La raison, on la soupçonne : c’est le manque de ressources. Les abonnements ne suffisent pas à payer le tiers des dépenses nécessitées par cette publication, et, chaque année, la préfecture doit verser une somme de plus de 3 000 yen pour combler le déficit.

Pour la même raison, on ne peut publier certains livres de propagande, d’apologétique et de catéchèse, écrits par quelques-uns de nos Pères et tout prêts à être livrés à l’impression. Tant il est vrai qu’en pays infidèle surtout, le dévouement et le zèle, si généreux soient-ils, ne suffisent pas, s’ils ne sont appuyés des aumônes des pays catholiques !

À tout prendre, cependant, nous devons rendre grâces à Dieu des succès obtenus : réellement, la préfecture de Sapporo a fait un progrès considérable depuis sa fondation. Mais c’est peu, hélas ! en comparaison de ce qui reste à faire. La population du Hokkaido augmente très rapidement, à cause de l’immigration constante venant du sud du Japon ; des villes se fondent, des villages surgissent, des industries se multiplient, de nouveaux champs se défrichent et se cultivent ; en un mot, le progrès s’étend partout avec une rapidité étonnante. Il est donc à souhaiter que le progrès de la religion catholique suive de près celui des développements matériels, en attendant qu’il puisse obtenir au pays son légitime triomphe.