Librairie des sciences psychologiques (p. 5-8).


I

DEVOIR ET LIBERTÉ


Quel homme, aux heures de silence et de recueillement, n’a jamais interrogé la nature et son propre cœur, leur demandant le secret des choses, le pourquoi de la vie, la raison d’être de l’univers ? Où est celui qui n’a jamais cherché à connaître ses destinées, à soulever le voile de la mort, à savoir si Dieu est une fiction ou une réalité ? Il n’est pas d’être humain, si insouciant soit-il, qui n’ait envisagé quelquefois ces redoutables problèmes. La difficulté de les résoudre, l’incohérence et la multiplicité des théories qu’ils ont fait naître, les déplorables conséquences qui découlent de la plupart des systèmes répandus, tout cet ensemble confus, en fatiguant l’esprit humain, l’a rejeté dans l’indifférence et le scepticisme.

Pourtant, l’homme a besoin de savoir ; il a besoin du rayon qui éclaire, de l’espoir qui console, de la certitude qui guide et qui soutient. Et il a aussi le moyen de connaître, la possibilité de voir la vérité se dégager des ténèbres et l’inonder de sa bienfaisante lumière. Pour cela, il doit se détacher des systèmes préconçus, descendre au fond de lui-même, écouter cette voix intérieure qui parle à tous, et que les sophismes ne peuvent tromper : la voix de la raison, la voix de la conscience.

Ainsi j’ai fait. Longtemps j’ai réfléchi ; j’ai médité sur les problèmes de la vie et de la mort ; avec persévérance j’ai sondé ces profonds abîmes. J’ai adressé à l’Éternelle Sagesse un ardent appel, et Elle m’a répondu, comme Elle répond à tout esprit animé de l’amour du bien. Des preuves évidentes, des faits d’observation directe sont venus confirmer les déductions de ma pensée, offrir à mes convictions une base solide, inébranlable. Après avoir douté, j’ai cru ; après avoir nié, j’ai vu. Et la paix, la confiance, la force morale sont descendues en moi. Ce sont ces biens que, dans la sincérité de mon cœur, désireux d’être utile à mes semblables, je viens offrir à ceux qui souffrent et qui désespèrent.

Jamais le besoin de lumière ne s’est fait sentir d’une manière plus impérieuse. Une immense transformation s’opère au sein des sociétés. Après avoir été soumis pendant une longue suite de siècles aux principes d’autorité, l’homme aspire de plus en plus à secouer toute entrave, à se diriger lui-même. En même temps que les institutions politiques et sociales se modifiaient, les croyances religieuses, la foi aux dogmes se sont affaiblies. C’est encore là une des conséquences de la liberté dans son application aux choses de la pensée et de la conscience. La liberté, dans tous les domaines, tend à se substituer à la contrainte et à l’autorité, à guider les nations vers des horizons nouveaux. Le droit de quelques-uns est devenu le droit de tous ; mais, pour que ce droit souverain soit conforme à la justice et porte ses fruits, il faut que la connaissance des lois morales en vienne régler l’exercice. Pour que la liberté soit féconde, pour qu’elle offre aux œuvres humaines une base sûre et durable, elle doit être complétée par la lumière, la sagesse, la vérité. La liberté, pour des hommes ignorants et vicieux, n’est-elle pas comme une arme puissante entre des mains d’enfant ? L’arme, dans ce cas, se retourne souvent contre celui qui la porte et le blesse.