Poésies lyriquesAuguste Decq (p. i-iv).


PRÉFACE.


La publication des Poésies contenues dans ce Recueil exige deux mots d’explication.

Composées à des époques séparées quelquefois par de longs intervalles, et sous l’empire d’impressions différentes, elles ne se rattachent, ni pour le fond, ni pour la forme, à aucun système exclusif, et n’offrent pas ce caractère d’unité que quelques poëtes modernes se sont efforcés d’imprimer à leurs œuvres.

Qu’on n’y cherche donc pas la pensée de faire prédominer, dans nos temps de trouble et d’incertitude, une théorie quelconque, littéraire, philosophique ou sociale. Qu’on n’y cherche pas l’intention d’imposer une doctrine positive, au milieu des luttes ardentes de tant d’écoles rivales qui se disputent la direction des esprits.

Nous sommes entrés dans une ère nouvelle. Tous les grands penseurs cherchent un remède aux maux sans nombre qui affligent la société, et dont l’excès pourrait amener la dissolution des derniers liens de l’ordre. Le trouveront-ils ? Je l’espère et je le crois. L’œuvre qu’ils ont entreprise est divine. J’honore le courage et j’applaudis aux efforts de quelques-uns de ces hommes éminents, sans partager toutes leurs idées, et sans vouloir soumettre à l’analyse d’une raison trop sévère les généreux principes dont ils se sont proclamés les défenseurs.

Je chante, je ne discute pas.

Ne suivant que ma libre fantaisie, n’écrivant que sous le coup d’une émotion réelle, je ne me suis pas même demandé si ma pensée de la veille était toujours conforme à celle du lendemain. La face des choses change et se transforme chaque jour, et la nature de nos sensations change et se transforme avec elle. Je n’ai pas eu la prétention de combattre cette loi de rénovation perpétuelle, et je me suis laissé dériver au gré du courant qui m’entraînait, sur la foi du seul guide dont je reconnaisse l’autorité : ma conscience. Rien de ce qui est humain ne m’a paru étranger. Tantôt triste et désolée, tantôt confiante et heureuse, ma poésie s’abandonne à tous les rêves, sombres ou rayonnants, qui agitent le cœur de l’homme à l’époque orageuse où nous vivons.

Plusieurs morceaux de poésie, rassemblés ici pour la première fois, ont déjà été publiés séparément ; mais la plupart d’entre eux ont subi, sous le rapport de la forme, des corrections qui les rendront plus dignes de l’attention du public. L’accueil bienveillant qu’ils ont reçu de tous ceux qui s’intéressent au progrès des lettres, malgré leurs imperfections et leurs défauts, m’autorise à espérer que les productions nouvelles qui les accompagnent rencontreront auprès d’eux la même sympathie.

Si ce vœu était exaucé, je me féliciterais d’avoir contribué, pour ma part, à préparer les fondements de notre nationalité littéraire, destinée à compléter, plus tard, l’édifice de notre indépendance politique.


Th. Weustenraad.


Bruxelles, le 31 décembre 1848.