Théophile Berquet, Libraire (p. 107-110).

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À Madame de Maintenon.

Toi dont la piété, la vertu, la sagesse,
Sont les fruits d’un esprit et d’un cœur sans faiblesse,
Que sans étonnement on ne peut regarder ;
Toi que le ciel conduit et traite en favorite,
Maintenon, pour qui vient de se raccommoder
La fortune avec le mérite ;
Daigne par tes divins regards
Rassurer mon âme éperdue.

La carrière où je cours ne présente à ma vue
Que des périls de toutes parts.
Combien de beaux-esprits entendons-nous se plaindre
De n’avoir encor pu, malgré tout leur savoir,
Arriver à ce but où je voudrais atteindre ?
Mais cependant qu’aurais-je à craindre
Si tu soutenais mon espoir ?
N’es-tu pas en ces lieux l’arbitre souveraine
De la gloire où nous aspirons ?
Hélas ! sans ton aveu follement nous courons
Après cette chimère vaine.
Aussi Rome vit autrefois
Un de ses citoyens sorti du sang des rois,
Sous un prince moins grand, moins aimé, moins habile
Que le héros dont nous suivons les lois,
Décider des chansons d’Horace et de Virgile.
Mais tandis que Mécène était leur ferme appui,
Son esprit vaste et fort, à tout pouvant suffire,
N’en soutenait pas moins le fardeau de l’empire :
Il partageait d’Auguste et la joie et l’ennui.
Encor que le ciel t’ait fait naître
D’un sexe moins parfait peut-être,
Il t’a fait un destin plus beau, plus grand qu’à lui.
La plus entière confiance,
Louis ne l’a-t-il pas en toi ?

Par ce qu’il commet à ta foi,
N’a-t-il pas raccourci l’effroyable distance
Que met la suprême puissance
Entre une sujette et son roi ?
Mais, par le vif éclat des vertus les plus pures,
Tu brilles plus encor que par tant de grandeurs ;
Et tu n’as point ces fiertés dures
Qui font aux malheureux sentir tous leurs malheurs.
Tes soins ont prévenu les tristes aventures
Où l’extrême besoin jette les jeunes cœurs.
Ah ! que ces soins pieux chez les races futures
T’attireront d’adorateurs ?
Contre la cruauté des fières destinées
Ils donnent, ces soins généreux,
Un asyle sacré, vaste, durable, heureux,
À d’illustres infortunées.
Quelle gloire pour toi, modeste Maintenon,
Dans un si beau dessein d’avoir servi de guide
À ce grand roi qui vient d’éterniser son nom
Par une piété solide !
Souvent cette vertu n’est pas avec ses sœurs :
Elle fuit de la cour la pompe et les douceurs :
Mais son fameux exemple aujourd’hui l’y rappelle ;
La naissance, l’esprit et la valeur, sans elle,
Ne conduisent plus aux honneurs.

Maintenon, dans ces vers c’est mon cœur qui s’explique ;
À tes grands destins j’applaudis.
Loin de savoir flatter, apprends que je me pique
De cette candeur héroïque
Qu’au nombre des vertus on recevait jadis.
Triste jouet du sort, mais désintéressée,
Par un solide espoir je ne suis point poussée ;
Et je t’admire enfin puisque je te le dis.
Non, depuis que des dieux je parle le langage,
Je n’ai point, on le sait, prodigué mon encens.
Je n’avais avant toi jamais rendu d’hommage
Qu’à Louis seul, pour qui je sens
Toute la tendresse où s’engage
Un cœur respectueux et sage
Qui s’est mis au-dessus du commerce des sens.
Goûte donc un plaisir que ne connaît personne,
Hors le héros que je chéris.
Les louanges sont d’un grand prix
Lorsque c’est le cœur qui les donne.