Poésies de Benserade/L’ambassadeur de Suède à la Reine de Natolie

Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. 56-58).



L’Ambassadeur de Suède à la Reine de Natolie.

SALUT.


Reine du plus doux des climats,
L’Ambassadeur vers les frimats
Recevra, devant qu’il s’éloigne,
Vos ordres pour Suède et Pologne ;
Et prendra congé du fauxbourg
Devant qu’il passe par Hambourg,
Puisque chez vous on se dispose
À le charger de quelque chose.
Son équipage, et ses mulets,
Sont déjà partis pour Calais,
Où doit l’attendre son navire ;
Et dés l’heure qu’on entend dire :
C’est le train de l’ambassadeur,
Partout se fait grande rumeur ;
Les gens courent à la fenêtre :
Mais quand il ne vient à paroître,
Qu’un peigne dedans un chausson,

Ils pestent d’étrange façon ;
Et disent, voyant ce cortège :
Foin de l’ambassadeur de neige,
Il nous a bien attrapez là.
Que pourroit-on faire à cela ?
Pauvreté, dit-on, n’est pas vice ;
Dieu sçait, si c’est par avarice
Que je marche à si peu de frais,
Et fais de si légers apprêts :
Comme je vois qu’on ne me prête,
Pour mes bardes, nulle charette,
Est-ce pas bien fait d’en charger
Un des chevaux du messager,
Qui gémit sous ce poids extrême,
Et m’a pensé porter moi-même,
N’étoit qu’il est rude au galop,
Et que j’ai crû que c’étoit trop
D’être ambassadeur grave et sage
Tout-ensemble, et coq de bagage.
Pourtant, si vous voulez qu’enfin
Je porte jusqu’à my chemin
Ce que vous n’envoyez qu’à peine
Au gros mary de vôtre reine,
J’en viendrai bravement à bout :

Et je me chargerai de tout,
Sans qu’il me soit fait nul reproche,
Pourvû que tout puisse en ma poche :
Car Bias, portant tout sur soi,
N’étoit pas plus Bias que moi.
J’ai linge, ustancille, dépêche,
J’ai mainte nipe qui m’empêche ;
Tous mes habits sont sur ma peau,
Bref, je suis mon porte-manteau.



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