Poésies de Benserade/À Madame de Hautefort pour le Roy

Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. 132-135).



À Madame de Hautefort, pour le Roy

STANCES.


Objet aimable et vertueux,
Comme un amant respectueux,
Je mets à vos pieds mon empire ;
Puisque rien ne vous le défend,
Permettez qu’un enfant soupire
Et se plaigne à vous d’un enfant.

Vous possédez mon jeune cœur,
Et déjà vôtre éclat vainqueur
Impérieusement le brave ;
Mes fers sont nez avecque moy,
Et vos yeux m’ont fait leur esclave,
Quand les Dieux m’ont fait vôtre Roy.

Mon père eut le même transport,
Et m’a laissé, quand il est mort,
Cette belle flâme en partage :
Je l’ay trouvée entre ses biens,
Et j’en préfère l’héritage
À tous les sceptres que je tiens.

Ce monarque si redouté,
Qui vous donna sa liberté,
M’inspira le soin de vous plaire
En me communiquant le jour,
Car ce n’est point de par ma mère,
Que je suis sujet à l’amour.

Il eût fait dans sa passion.
Des leçons de discrétion,
Pour les âmes les mieux éprises ;
Et moy, brûlant de même ardeur,
Vous sçavez si mes entreprises
Effarouchent vôtre pudeur.

De la reine et de vous j’apprends
Des préceptes bien différens,
Qu’il ne faut pas que je dédaigne :

Elle, se faisant obéir,
M’instruit comme il faut que je règne ;
Et vous m’apprenez à servir.

J’auray sujet d’être insolent,
Et seray le plus opulent
De tous les Princes qu’on révère,
Si quelque jour vous me livrez
Ce que vous deviez à mon père
Et tout ce que vous me devrez.

Jusqu’icy mes maux me sont doux.
Aussi m’accorderiez-vous
Une très-inutile grâce :
Mais qu’un jour je seray content
Si vôtre cruauté se passe,
Et si vôtre beauté m’attend !

Gardez vôtre cœur pour le mien,
On peut faire trop tôt du bien,
Comme trop tard on en peut faire ;
Et vous avez encor du tems
À méditer sur le salaire
Qu’on doit à des feux si constans.

Ainsi parloit à des beaux yeux,
Un Roy pour qui les siècles vieux
Porteront jalousie au nôtre,
Un enfant qui nous sert d’appuy,
Blessé dans le cœur par un autre,
Moins aimable et moins beau que luy.

Pour flatter le mal qui l’a pris,
À la honte des beaux esprits,
Il n’a choisi que ma personne ;
J’explique ses premiers désirs
Et suis cause que Boisset donne
De l’air à ses premiers soupirs.

Je m’estime un peu malheureux,
De faire des vers amoureux,
Contre un vœu dont il me dispense ;
Mais quoique je sois combattu,
J’en feray tant que l’Innocence
Fera l’amour à la Vertu.



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