Poésies (Amélie Gex)/Vilanelle

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 22-23).

VILLANELLE



Voilà le temps où les vignes fleuries
D’âcres senteurs parfument les coteaux ;
Voilà le temps où, le long des prairies,
Les faneurs vont promenant leurs râteaux
Sur les pommiers la bavarde cigale,
À tous les vents récite une oraison ;
L’oiseau redit sa chanson joviale, —
En juin l’amour est encor de saison !

Un sylphe blond, en secouant son aile,
Courbe en passant l’épi trop frêle encor ;
Le papillon, dont la robe étincelle,
Va se bercer sur les beaux colzas d’or.
Dans les sentiers, la fleurette s’étale ;
Le lézard gris rêve dans le gazon ;
Des bois touffus un encens pur s’exhale, —
En juin l’amour est encor de saison !

L’été rieur arrive les mains pleines ;
À son festin, pour se rassasier,
Les oiselets boivent l’eau des fontaines
Et l’enfant grimpe au tronc du cerisier.

La terre livre, en mère libérale,
À tous ses fils sa riche floraison ;
Et Dieu bénit la douce pastorale ! —
En juin l’amour est encor de saison…

Jeanne, buvons à la coupe remplie,
Buvons l’espoir, ce vin des amoureux ;
Le rire est bon, aimer n’est point folie,
Vidons nos parts du nectar généreux !
Plus tard viendra la froidure automnale,
Soleil fuira le seuil de la maison ;
La vie est belle à l’aube matinale,
Jeanne, l’amour est encor de saison !